Dead Space: L'artefact d'origine
Par : Spyko
Genre : Action , Science-Fiction
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 37
Publié le 21/02/12 à 19:34:33 par Spyko
Deux hommes. Deux hommes atteints d'un mal incurable. Deux hommes sur le point de devenir ce qu'ils combattent. Tout un trajet pour arriver devant une simple structure torsadée, prête à embarquer à bord d'une navette. Et une armée de nécromorphs sur les bras. Ça, plus une gigantesque créature qui arpente les environs. Contre deux hommes. Rien de plus.
De ce point de vue, ça pouvait, ça nous paraissait impossible.
Et pourtant...
Le monolithe avait beau être en face de nous, il était clair que ce n'était pas terminé. Les quelques dernières dizaines de mètres pouvaient nous coûter la vie, si la chance ne tournait pas en notre faveur. Nous l'avions entendu dans le tunnel. Tous les nécromorphs de la base avait semblé hurler au même moment, comme s'ils avaient eu vent de notre position et se dirigeaient vers nous. Et, même si ceci n'était qu'une simple impression, il restait malgré tout notre gigantesque amie, qui pourrait nous écraser dès qu'elle nous verrait. Tout cela me donnait l'impression que ça ne se terminerait pas comme je l'espérais.
Une main plaquée contre l'estomac et l'autre contre mes lèvres ensanglantées, je me mis à courir d'une démarche un peu bancale, Dave sur les talons. Petit à petit, la crise diminua, ramenant la douleur à un niveau très faible. Nous pûmes nous redresser et franchir l'espace de vingt mètres entre les deux citernes de carburant qui nous faisait face. Une trentaine de mètres devant, la plate-forme de décollage s'élevait au-dessus du sol, une structure noire glissant sur un rail en-dessous pour atteindre une sorte de grue miniature.
Sur le côté, se trouvait un petit bunker ouvert, à l'intérieur duquel on apercevait une console de commande. Je m'y précipitai, dans l'espoir de pouvoir stopper l'avancée de la structure. Arrivé devant le panneau de contrôle, je ne vis que quelque manettes et un écran, tandis que le monolithe continuait à glisser et se trouvait désormais sous la plate-forme, dans laquelle une trappe s'ouvrit, juste sous le vaisseau.
En désespoir de cause, j'activai l'une des commande. Des quatre extrémités du carré formé par les citernes, un faisceau bleu jaillit de quatre antenne différentes et s'éleva dans le ciel. Arrivé à quelques mètres au-dessus des cylindres géants, ils se rejoignirent en formant une croix, l'intersection se trouvant exactement au centre du carré. Enfin, de ce point de croisement, une vague d'énergie traversa chacun des faisceaux, et toute cette cage se colora d'une couleur bleutée.
« Ouah! m'exclamais-je sans pouvoir me contenir. Ils ont carrément prévu un champ de protection pour protéger les citernes! »
« C'est génial, ça pourrait peut-être nous protéger de toutes ces saloperies. »
« Ou les enfermer à l'intérieur..., murmurais-je, prenant conscience d'un tout nouveau plan. »
« Hein? T'as parlé? »
« Euh, non, c'est rien. Dis-moi Dave, tu crois qu'une explosion à l'intérieur du champ serait contenue? »
« Ça m'étonnerait, dès que la déflagration aurait atteint la console de contrôle ou les générateurs, il disparaitrait... Pourquoi? »
« Pour rien, je me disais juste qu'on aurait pu détruire le monolithe sans être atteint... »
Pas réellement, bien sur. Une idée venait de germer dans mon cerveau. Si on pouvait piéger la créature géante dans le bouclier, à l'épicentre de l'explosion, on pourrait être sur qu'elle ne résisterait pas à la déflagration. Et si en plus, le bouclier n'empêchait pas la destruction de la base.... C'était parfait.
J'abaissai une autre manette au hasard, toujours en espérant arrêter l'avancée inexorable du monolithe.. A mon grand étonnement, deux branches surgirent du sol à côté du vaisseau et commencèrent à tourner autour, suivis d'une voix qui sortit de la console.
« Scan de l'appareil en cours. Patientez. »
« C'est quoi ce truc? »
« Aucune idée... »
Sur l'écran apparut une image en trois dimensions de la navette, et plusieurs chiffres s'affichèrent à la suite, formant une sorte de numéro d'identification. Enfin, les branches se retirèrent et l'écran s'éteignit, suivit une nouvelle fois de la voix métallique.
« Scan terminé. Autorisation accordée. »
« Attends Matt, je crois que j'ai compris. Ça doit être une identification pour permettre au vaisseau de traverser le bouclier.... »
Nous fûmes interrompus par une rafale de tir qui s'écrasa derrière nous. Je jetai un regard interloqué autour de nous, avant de comprendre.
« Merde, le pilote! Il doit savoir qu'on est là, vu qu'on a activé le champ... »
Plusieurs autres lasers heurtèrent la paroi métallique et ricochèrent avant de se perdre à l'extérieur. Seule bonne nouvelle, notre agresseur avait stoppé le chargement du monolithe. A trente mètres de distance, et en plus planqué derrière le vaisseau, le pilote n'était pas très simple à abattre, surtout si l'on comptait les tirs irréguliers qu'il faisaient. Nous dûmes donc recourir à une technique traditionnelle.
Je sortis du bunker, laissant David placer son arbalète sur la console pour être le plus stable possible. A peine avais-je mis le nez dehors qu'une grêle de laser s'abattit sur moi, me faisant faire marche arrière. Dave tourna lentement son viseur vers l'endroit d'où ils étaient venus. Je me penchai une nouvelle fois pour tirer quelques décharges vers mon opposant, déclenchant dans le même temps une autre pluie accueillante.
Une bonne vieille diversion.
Alors que le pilote tirait une troisième fois sur moi, le projectile électrique jaillit du bunker, et son impact fut suivi d'un atroce cri de douleur. Je regardai David sortir tranquillement, son arbalète sur le dos.
« Ben là... Chapeau... »
L'homme mort, nous nous remîmes en route vers la plate-forme au pas de course. Le sol commença à trembler, ce qui présageait des ennuis. La silhouette sombre du nécromorph se détachait derrière la muraille transparente du bouclier énergétique. Je fis quelques pas pour m'approcher de la structure noire, tandis que Dave gravissait les marches pour vérifier que le pilote avait bel et bien succombé. Ce bloc de pierre torsadé laissait échapper une aura de puissance que je sentis sans difficulté. J'approchai une main tremblante de sa surface, sans savoir réellement ce que je faisais.
A son contact, un flash aveuglant inonda ma vision, transformant ce que je voyais en un hideux décor jaunâtre. Des formes sombres s'approchèrent de moi, et, à force, je pus distinguer les silhouette translucides de plusieurs personnes. Une jeune femme avec un casque de pilote, un technicien, deux soldats, dont un avec une cicatrice, une fillette de 12 ans... Ne supportant pas le regard fixe de leurs yeux morts, je levait une main devant le mien, et poussai un cri horrifié en voyant une monstrueuse lame à la place de mon bras. Je reculai instinctivement, et le contact se rompit.
J'étais toujours debout, face au monolithe, une main tendue devant moi, et l'autre abritant mon visage.
« Matt, ça va? s'inquiéta le jeune homme. »
« Ouais... J'ai... Une hallucination, c'est tout... »
« Ok, je charge le monolithe. »
« Quoi!? »
Qu'est-ce qu'il faisait!? Il fallait laisser le monolithe ici et détruire les citernes, pas l'emmener ailleurs! Évidemment, je ne lui avait pas dit ce que j'avais l'intention de faire, sachant qu'il me prendrait pour un dingue, mais il ne pouvait pas partir avec la structure! Je m'élançai vers les escaliers, que je grimpai quatre à quatre. Le monolithe était déjà à moitié à l'intérieur, et David attendait devant la porte du vaisseau.
« Attends Dave, tu peux pas faire ça! »
« Comment ça? s'étonna t-il. »
« On peux pas l'emmener avec nous. Écoutes.... »
« Non, toi écoutes moi, coupa t-il d'un ton brusque. »
Je m'arrêtai sur l'avant-dernière, presque choqué par le ton qu'il venait de prendre.
« Dave... »
« Écoutes Matt, je crois avoir bien compris ce que tu as l'intention de faire avec cette navette. Ça se voit dans ton attitude et à ce que tu dit. Que tu veuilles jeter cette carcasse sur les citernes pour nous tuer et détruire tout ce qu'il y a autour, c'est une chose. »
Je restai bouche bée devant cette révélation. Je n'aurais pas pensé être aussi explicite dans mon comportement.
« Mais apparemment, t'as zappé quelques détails dans ton plan. Si je me souviens bien, c'est toi leur cible. Donc si tu décolle d'ici, même si c'est pour revenir juste après, cette bestiole n'aura plus de raison d'y être et va se tirer. Ça fera déjà une partie de ton plan foutu en l'air. »
« Tu veux dire que... »
« Ouais. Un de nous deux doit rester pour les garder bien au chaud dans les environs pendant que l'autre ira au casse-pipe dans son cercueil volant. Et peu importe qui monte, on y passe tous les deux. »
C'était logique. Je ne voulais pas y croire, mais c'était logique. Et je ne voulais pas rester ici. C'était hors de question, même si je ne savais pas vraiment pourquoi. Une infime partie de moi ne faisais pas confiance à David et je me mis à me détester pour ça.
« Pourquoi c'est moi qui doit rester ici? »
« Déjà, t'as plus d'armes que moi, ensuite, t'as prouvé que t'étais quand même plus malin et que moi, et enfin, c'est toi qu'ils veulent, donc si tu reste ici, eux aussi. »
« Non! »
La créature donna un coup surpuissant à un bâtiment, qui s'effondra sous le choc. Ce mouvement me fit détourner la tête l'espace d'une seconde.
Il n'en fallut pas plus.
Quand je pivotai à nouveau, ce fut pour voir la semelle d'une botte envahir mon champ de vision. Le pied me heurta le front, envoyant ma tête puis tout mon corps en arrière. Je basculai dans les escaliers avant de m'étaler en bas, le corps douloureux. Le temps que je relève la tête, les réacteurs du vaisseau étaient déjà en route, et celui-ci s'élevait lentement dans les airs.
Enfin, il pris de la vitesse et traversa le champ de force. Un tentacule gigantesque s'éleva pour tenter de l'attraper, mais il passa à côté. Je cru un instant que quelques chose se décrochait de la carlingue, mais il n'y avait rien. Déjà, le véhicule n'était plus qu'un point dans le ciel.
Le gravier gris devant moi. Les marches métalliques de l'escalier. C'est à peu près tout ce que je pouvais regarder sans me mettre à trembler. Dès l'instant où mon regard tombait le rideau bleu du bouclier, mes pensées commençaient à vagabonder, et finissaient par se focaliser sur ce qui venait de se passer. Et à ce moment, les tremblements recommençaient.
Un crissement retentit à une de mes oreilles. Il me fallu un instant pour comprendre qu'il s'agissait de mon transmetteur.
« … Matt? »
« Dave....? »
« Désolé mon vieux. J'ai pas l'intention de te tuer. »
Cette remarque me fit me redresser malgré moi.
« Quoi? »
« Je suis en route vers l'Atlantique. Pour coller ce truc sous l'eau, que personne le retrouve. »
« Tu te fout de moi? Tu seras mort avant d'atteindre l'océan... »
« Je sais. Mais le pilote automatique existe. De toute façon, je sais à peine piloter cet engin. »
« David, tu peux pas faire ça. Et la base? Les nécromorph? Ils vont survivre! »
Je fus sur le point d'ajouter «Et moi?», mais je retins mes paroles.
« Attends..., s'interrompit-il. Merde, c'est quoi ce truc? »
« Dave? »
« Putain, non! Cette saloperie m'a arraché la moitié des réacteurs... »
« Tu pourras pas atteindre ta destination... Dave, je t'en prie... Reviens. »
« Écoutes Matt, je peux pas me résoudre à te tuer. Pas après tout ce qu'on a fait. »
« Épargnes moi ton discours héroïque et fais-le, merde! »
« ... »
« David! »
« Bon... Je... Je vais te laisser une petite chance. J'ai... de quoi tenir une vingtaine de minute en vol avant que les moteurs restant ne surchauffent. Pars. »
« A quoi bon, je vais crever, me transformer et tuer des gens! »
« Ose me dire que tu as réellement envie de mourir. »
Encore une fois, je gardais la bouche close. Il avait raison. J'avais eu ce plan en tête, bien déterminé à le remplir jusqu'au bout, mais maintenant.... Lâche. Voilà le mot qui résonna dans mon esprit. Et il me fit plus de mal que tout, malgré le fait que je puisse pas m'y soustraire. C'était la pure et simple vérité. Et mon silence était révélateur.
« Vingt minutes Matt. Je compte sur toi pour remplir la dernière partie de ton plan. »
La communication se stoppa. La dernière partie? C'est alors que je m'aperçus que j'avais marché pendant la conversation. A deux mètres sur ma gauche se trouvait le bunker avec la console du bouclier. Et à l'extérieur du rideau coloré, la créature continuait à marteler furieusement les bâtiments. C'est ainsi que je me retrouvai à remonter la manette. Le flux d'énergie cessa et le bouclier se dissipa presque instantanément.
Le nécromorph ne perdit pas de temps. A peine la protection avait-elle disparue que ses pas résonnaient déjà près des citernes géantes. Curieusement, aucun autre compagnon de jeu ne profita de l'évènement pour rappliquer. Tant mieux.
Je n'eus que le temps de faire quelques pas avant que le plafond ne s'enfonce sur deux mètres. Le monstre avait visiblement déterminé le lieu où je me trouvais, et commencé le même manège qu'avec les autre bâtiments. Cela signifiait également qu'il avait pénétré dans le carré des citernes. Sans réfléchir, je me jetai sur la manette du bouclier, au moment où l'arrière du bunker s'enfonçait jusqu'à toucher le sol.
A nouveau, les antennes envoyèrent les faisceaux d'énergie. Tout en sachant que je n'avais plus beaucoup de temps pour franchir la limite, je fonçai à l'extérieur, sprintant comme jamais auparavant. Alors que je pensais y arriver, une patte griffue s'écrasa juste derrière moi, me projetant au sol par la même occasion. Je vis alors le champ de force se refermer, me coupant la route.
Je roulai sur le dos, en proie à une panique affreuse. La gueule remplie de dents étaient suspendue au-dessus de moi, de la bave coulant à flot. Je tournai frénétiquement la tête pour trouver une issue, mais rien n'y fit. Dans un dernier espoir, je me relevai et passai entre les pattes de la créature. Elle se retourna, et sa queue enfonça l'une des citernes. Dans ma course effrénée, une lueur d'espoir apparut devant moi.
L'un des bâtiments s'était écroulé en travers du champ énergétique avant que celui-ci ne soit abaissé. Le rideau s'arrêtait ainsi au niveau de la ruine, laissant un espace de trois ou quatre mètres de hauteur sans protection. Une porte de sortie. La dernière.
Mon poursuivant semblait avoir surpris mes intentions, car il s'élança vers l'immeuble effondré. Luttant contre la douleur qui irradiait mes jambes, je poursuivis ma course. Je parvins à la hauteur du bâtiment au moment où le nécromorph assenait un puissant coup de queue dessus, le faisant céder sous le choc. Je vis l'espace diminuer à grande vitesse et, dans un dernier effort, je me jetai à travers l'ouverture.
Étendu sur le dos, le cœur battant la chamade, ma respiration sifflant désagréablement, je luttait contre la souffrance qui faisait crier mes muscles. Un véritable rugissement de dépit retentit derrière moi, émanant de la créature désormais condamnée. La douleur monta lentement jusqu'à mon estomac, puis dans ma poitrine, avant de m'embraser le cerveau. A travers cette souffrance, je compris sans mal que ce n'était pas la course qui en était la cause.
Il me fallut un effort surhumain pour me redresser et lutter contre l'infection. Les deux yeux de la taille d'une table luisaient d'un éclat rougeâtre et avec une intensité effroyable à travers le champ protecteur. Ignorant le regard meurtrier du monstre, je me mis à marcher droit devant moi, une main plaquée contre le ventre.
Le nécromorph avait fait des dégâts monstrueux. Toute cette partie de la base n'était que débris métalliques et rocheux, et le mur de la base avait été éventré. Mon avancée était particulièrement délicate, d'autant plus que la douleur augmentait de plus en plus, se faisant toujours plus aigüe. Toutes mes forces se consumaient au fil de mes pas et de mes efforts pour contenir cette vague insupportable.
Arrivé à la moitié du chemin, mon pied se pris dans un morceau de câble, et je trébuchai. A genoux, je restai là, écorché. Deux minutes après, je parvins à me redresser et à poursuivre mon avancée, plié en deux et suffoquant.
« Matt.... Je... Je vais bientôt.... Arriver... »
J'entendais clairement dans mon oreillette que sa respiration était affreusement sifflante et laborieuse. J'arrivais presque le voir, affalé sur le siège du pilote, de la sueur perlant sur son front.
« Je crois que... Les moteurs vont lâcher... dans peu de temps... »
« Merci Dave... »
J'étais à une cinquantaine de mètres du mur, et, à travers le voile rouge qui recouvrait légèrement ma vision, je pus voir un point lumineux au loin, dans le ciel. Le vaisseau de mon coéquipier, lancé tel un missile vers le dôme d'énergie. Les mouvements que je faisais étaient machinaux, raides. Bientôt, je ne pus progresser qu'en gardant à l'esprit une unique phrase, que je répétait indéfiniment.
« Continuer... Il faut... faut continuer... »
Comme un disque qui tournait en boucle, je ne prononçais que cela. Mais, arrivé à la brèche, la douleur gagna la bataille. Je tombai à nouveau à genoux, mais je n'eus cette fois pas la force de me relever. J'entrepris alors une lente avancée, à quatre pattes. Du sang coulait par mes lèvres ouvertes, dernier liquide circulant encore dans ma bouche asséchée. Loin dans mon dos, la créature se débattait dans le champ de force en poussant des hurlement de rage.
Le vaisseau passa au-dessus de moi, laissant échapper une fumée noirâtre qui sortait par trois des quatre réacteurs. Il entama alors une montée en chandelle, rendue difficile par les deux réacteurs encore en état de marche, dont l'un était aux limites de la surchauffe. A vingt mètres de la base, je m'écroulai.
Ramper. Avancer.
Deux mots qui résonnaient avec force dans mon crâne. Je les appliquai, autant que je le pouvait. Dans mon oreillette, David poussa un hurlement de douleur insupportable, tellement insupportable que j'arrachai mon transmetteur et le lançai à quelque décimètres. Quelques douloureux mètres plus loin, je me relâchai, et utilisai mes dernières réserves pour rouler sur le dos.
La souffrance avait de très loin dépassé la limite du supportable. Le point lumineux du vaisseau amorça une rapide descente. A une vitesse incroyable, il traversa le dôme d'énergie bleutée.
Et ce fut l'impact.
Je ne sais pas si le grondement de l'explosion fut plus bruyant que le hurlement que poussa le nécromorph prisonnier dans sa dernière seconde de vie. Une chose était sûre, c'était que le sol trembla comme lors d'un séisme. Une boule de feu gigantesque jaillit du centre de la base. Puis l'onde de choc et la déflagration entamèrent leur course ravageuse.
Le regard flou, je fixai cette vague orangée qui détruisait tout. Une douleur surpuissante me transperça l'abdomen, comme si ma peau et mes intestins venaient de se déchirer. Je ne parvins qu'à exprimer un gémissement. Je sentis mon œil s'ouvrir sous l'effet de l'effroi, probablement en voyant un appendice s'agiter sous les vêtements qui couvraient mon ventre. Je sentis également du sang couler, et recouvrir le sol d'une flaque rouge. Je sentis que mes membres étaient agités de spasmes, surement à cause de la douleur inimaginable que provoquait cet événement.
Je sentis enfin mon corps se glacer d'effroi en voyant le nuage de cendre incandescente foncer droit sur moi. Je sentis tout cela, car je ne subissais plus. L'infection était terminée. Mon corps ne m'appartenait plus. Un flou noir recouvrit peu à peu ma vision.
Et, devant la terrible déflagration qui approchait à une vitesse effarante, la créature que j'étais devenu leva les bras devant son visage, dernier signe d'humanité.
De ce point de vue, ça pouvait, ça nous paraissait impossible.
Et pourtant...
Le monolithe avait beau être en face de nous, il était clair que ce n'était pas terminé. Les quelques dernières dizaines de mètres pouvaient nous coûter la vie, si la chance ne tournait pas en notre faveur. Nous l'avions entendu dans le tunnel. Tous les nécromorphs de la base avait semblé hurler au même moment, comme s'ils avaient eu vent de notre position et se dirigeaient vers nous. Et, même si ceci n'était qu'une simple impression, il restait malgré tout notre gigantesque amie, qui pourrait nous écraser dès qu'elle nous verrait. Tout cela me donnait l'impression que ça ne se terminerait pas comme je l'espérais.
Une main plaquée contre l'estomac et l'autre contre mes lèvres ensanglantées, je me mis à courir d'une démarche un peu bancale, Dave sur les talons. Petit à petit, la crise diminua, ramenant la douleur à un niveau très faible. Nous pûmes nous redresser et franchir l'espace de vingt mètres entre les deux citernes de carburant qui nous faisait face. Une trentaine de mètres devant, la plate-forme de décollage s'élevait au-dessus du sol, une structure noire glissant sur un rail en-dessous pour atteindre une sorte de grue miniature.
Sur le côté, se trouvait un petit bunker ouvert, à l'intérieur duquel on apercevait une console de commande. Je m'y précipitai, dans l'espoir de pouvoir stopper l'avancée de la structure. Arrivé devant le panneau de contrôle, je ne vis que quelque manettes et un écran, tandis que le monolithe continuait à glisser et se trouvait désormais sous la plate-forme, dans laquelle une trappe s'ouvrit, juste sous le vaisseau.
En désespoir de cause, j'activai l'une des commande. Des quatre extrémités du carré formé par les citernes, un faisceau bleu jaillit de quatre antenne différentes et s'éleva dans le ciel. Arrivé à quelques mètres au-dessus des cylindres géants, ils se rejoignirent en formant une croix, l'intersection se trouvant exactement au centre du carré. Enfin, de ce point de croisement, une vague d'énergie traversa chacun des faisceaux, et toute cette cage se colora d'une couleur bleutée.
« Ouah! m'exclamais-je sans pouvoir me contenir. Ils ont carrément prévu un champ de protection pour protéger les citernes! »
« C'est génial, ça pourrait peut-être nous protéger de toutes ces saloperies. »
« Ou les enfermer à l'intérieur..., murmurais-je, prenant conscience d'un tout nouveau plan. »
« Hein? T'as parlé? »
« Euh, non, c'est rien. Dis-moi Dave, tu crois qu'une explosion à l'intérieur du champ serait contenue? »
« Ça m'étonnerait, dès que la déflagration aurait atteint la console de contrôle ou les générateurs, il disparaitrait... Pourquoi? »
« Pour rien, je me disais juste qu'on aurait pu détruire le monolithe sans être atteint... »
Pas réellement, bien sur. Une idée venait de germer dans mon cerveau. Si on pouvait piéger la créature géante dans le bouclier, à l'épicentre de l'explosion, on pourrait être sur qu'elle ne résisterait pas à la déflagration. Et si en plus, le bouclier n'empêchait pas la destruction de la base.... C'était parfait.
J'abaissai une autre manette au hasard, toujours en espérant arrêter l'avancée inexorable du monolithe.. A mon grand étonnement, deux branches surgirent du sol à côté du vaisseau et commencèrent à tourner autour, suivis d'une voix qui sortit de la console.
« Scan de l'appareil en cours. Patientez. »
« C'est quoi ce truc? »
« Aucune idée... »
Sur l'écran apparut une image en trois dimensions de la navette, et plusieurs chiffres s'affichèrent à la suite, formant une sorte de numéro d'identification. Enfin, les branches se retirèrent et l'écran s'éteignit, suivit une nouvelle fois de la voix métallique.
« Scan terminé. Autorisation accordée. »
« Attends Matt, je crois que j'ai compris. Ça doit être une identification pour permettre au vaisseau de traverser le bouclier.... »
Nous fûmes interrompus par une rafale de tir qui s'écrasa derrière nous. Je jetai un regard interloqué autour de nous, avant de comprendre.
« Merde, le pilote! Il doit savoir qu'on est là, vu qu'on a activé le champ... »
Plusieurs autres lasers heurtèrent la paroi métallique et ricochèrent avant de se perdre à l'extérieur. Seule bonne nouvelle, notre agresseur avait stoppé le chargement du monolithe. A trente mètres de distance, et en plus planqué derrière le vaisseau, le pilote n'était pas très simple à abattre, surtout si l'on comptait les tirs irréguliers qu'il faisaient. Nous dûmes donc recourir à une technique traditionnelle.
Je sortis du bunker, laissant David placer son arbalète sur la console pour être le plus stable possible. A peine avais-je mis le nez dehors qu'une grêle de laser s'abattit sur moi, me faisant faire marche arrière. Dave tourna lentement son viseur vers l'endroit d'où ils étaient venus. Je me penchai une nouvelle fois pour tirer quelques décharges vers mon opposant, déclenchant dans le même temps une autre pluie accueillante.
Une bonne vieille diversion.
Alors que le pilote tirait une troisième fois sur moi, le projectile électrique jaillit du bunker, et son impact fut suivi d'un atroce cri de douleur. Je regardai David sortir tranquillement, son arbalète sur le dos.
« Ben là... Chapeau... »
L'homme mort, nous nous remîmes en route vers la plate-forme au pas de course. Le sol commença à trembler, ce qui présageait des ennuis. La silhouette sombre du nécromorph se détachait derrière la muraille transparente du bouclier énergétique. Je fis quelques pas pour m'approcher de la structure noire, tandis que Dave gravissait les marches pour vérifier que le pilote avait bel et bien succombé. Ce bloc de pierre torsadé laissait échapper une aura de puissance que je sentis sans difficulté. J'approchai une main tremblante de sa surface, sans savoir réellement ce que je faisais.
A son contact, un flash aveuglant inonda ma vision, transformant ce que je voyais en un hideux décor jaunâtre. Des formes sombres s'approchèrent de moi, et, à force, je pus distinguer les silhouette translucides de plusieurs personnes. Une jeune femme avec un casque de pilote, un technicien, deux soldats, dont un avec une cicatrice, une fillette de 12 ans... Ne supportant pas le regard fixe de leurs yeux morts, je levait une main devant le mien, et poussai un cri horrifié en voyant une monstrueuse lame à la place de mon bras. Je reculai instinctivement, et le contact se rompit.
J'étais toujours debout, face au monolithe, une main tendue devant moi, et l'autre abritant mon visage.
« Matt, ça va? s'inquiéta le jeune homme. »
« Ouais... J'ai... Une hallucination, c'est tout... »
« Ok, je charge le monolithe. »
« Quoi!? »
Qu'est-ce qu'il faisait!? Il fallait laisser le monolithe ici et détruire les citernes, pas l'emmener ailleurs! Évidemment, je ne lui avait pas dit ce que j'avais l'intention de faire, sachant qu'il me prendrait pour un dingue, mais il ne pouvait pas partir avec la structure! Je m'élançai vers les escaliers, que je grimpai quatre à quatre. Le monolithe était déjà à moitié à l'intérieur, et David attendait devant la porte du vaisseau.
« Attends Dave, tu peux pas faire ça! »
« Comment ça? s'étonna t-il. »
« On peux pas l'emmener avec nous. Écoutes.... »
« Non, toi écoutes moi, coupa t-il d'un ton brusque. »
Je m'arrêtai sur l'avant-dernière, presque choqué par le ton qu'il venait de prendre.
« Dave... »
« Écoutes Matt, je crois avoir bien compris ce que tu as l'intention de faire avec cette navette. Ça se voit dans ton attitude et à ce que tu dit. Que tu veuilles jeter cette carcasse sur les citernes pour nous tuer et détruire tout ce qu'il y a autour, c'est une chose. »
Je restai bouche bée devant cette révélation. Je n'aurais pas pensé être aussi explicite dans mon comportement.
« Mais apparemment, t'as zappé quelques détails dans ton plan. Si je me souviens bien, c'est toi leur cible. Donc si tu décolle d'ici, même si c'est pour revenir juste après, cette bestiole n'aura plus de raison d'y être et va se tirer. Ça fera déjà une partie de ton plan foutu en l'air. »
« Tu veux dire que... »
« Ouais. Un de nous deux doit rester pour les garder bien au chaud dans les environs pendant que l'autre ira au casse-pipe dans son cercueil volant. Et peu importe qui monte, on y passe tous les deux. »
C'était logique. Je ne voulais pas y croire, mais c'était logique. Et je ne voulais pas rester ici. C'était hors de question, même si je ne savais pas vraiment pourquoi. Une infime partie de moi ne faisais pas confiance à David et je me mis à me détester pour ça.
« Pourquoi c'est moi qui doit rester ici? »
« Déjà, t'as plus d'armes que moi, ensuite, t'as prouvé que t'étais quand même plus malin et que moi, et enfin, c'est toi qu'ils veulent, donc si tu reste ici, eux aussi. »
« Non! »
La créature donna un coup surpuissant à un bâtiment, qui s'effondra sous le choc. Ce mouvement me fit détourner la tête l'espace d'une seconde.
Il n'en fallut pas plus.
Quand je pivotai à nouveau, ce fut pour voir la semelle d'une botte envahir mon champ de vision. Le pied me heurta le front, envoyant ma tête puis tout mon corps en arrière. Je basculai dans les escaliers avant de m'étaler en bas, le corps douloureux. Le temps que je relève la tête, les réacteurs du vaisseau étaient déjà en route, et celui-ci s'élevait lentement dans les airs.
Enfin, il pris de la vitesse et traversa le champ de force. Un tentacule gigantesque s'éleva pour tenter de l'attraper, mais il passa à côté. Je cru un instant que quelques chose se décrochait de la carlingue, mais il n'y avait rien. Déjà, le véhicule n'était plus qu'un point dans le ciel.
Le gravier gris devant moi. Les marches métalliques de l'escalier. C'est à peu près tout ce que je pouvais regarder sans me mettre à trembler. Dès l'instant où mon regard tombait le rideau bleu du bouclier, mes pensées commençaient à vagabonder, et finissaient par se focaliser sur ce qui venait de se passer. Et à ce moment, les tremblements recommençaient.
Un crissement retentit à une de mes oreilles. Il me fallu un instant pour comprendre qu'il s'agissait de mon transmetteur.
« … Matt? »
« Dave....? »
« Désolé mon vieux. J'ai pas l'intention de te tuer. »
Cette remarque me fit me redresser malgré moi.
« Quoi? »
« Je suis en route vers l'Atlantique. Pour coller ce truc sous l'eau, que personne le retrouve. »
« Tu te fout de moi? Tu seras mort avant d'atteindre l'océan... »
« Je sais. Mais le pilote automatique existe. De toute façon, je sais à peine piloter cet engin. »
« David, tu peux pas faire ça. Et la base? Les nécromorph? Ils vont survivre! »
Je fus sur le point d'ajouter «Et moi?», mais je retins mes paroles.
« Attends..., s'interrompit-il. Merde, c'est quoi ce truc? »
« Dave? »
« Putain, non! Cette saloperie m'a arraché la moitié des réacteurs... »
« Tu pourras pas atteindre ta destination... Dave, je t'en prie... Reviens. »
« Écoutes Matt, je peux pas me résoudre à te tuer. Pas après tout ce qu'on a fait. »
« Épargnes moi ton discours héroïque et fais-le, merde! »
« ... »
« David! »
« Bon... Je... Je vais te laisser une petite chance. J'ai... de quoi tenir une vingtaine de minute en vol avant que les moteurs restant ne surchauffent. Pars. »
« A quoi bon, je vais crever, me transformer et tuer des gens! »
« Ose me dire que tu as réellement envie de mourir. »
Encore une fois, je gardais la bouche close. Il avait raison. J'avais eu ce plan en tête, bien déterminé à le remplir jusqu'au bout, mais maintenant.... Lâche. Voilà le mot qui résonna dans mon esprit. Et il me fit plus de mal que tout, malgré le fait que je puisse pas m'y soustraire. C'était la pure et simple vérité. Et mon silence était révélateur.
« Vingt minutes Matt. Je compte sur toi pour remplir la dernière partie de ton plan. »
La communication se stoppa. La dernière partie? C'est alors que je m'aperçus que j'avais marché pendant la conversation. A deux mètres sur ma gauche se trouvait le bunker avec la console du bouclier. Et à l'extérieur du rideau coloré, la créature continuait à marteler furieusement les bâtiments. C'est ainsi que je me retrouvai à remonter la manette. Le flux d'énergie cessa et le bouclier se dissipa presque instantanément.
Le nécromorph ne perdit pas de temps. A peine la protection avait-elle disparue que ses pas résonnaient déjà près des citernes géantes. Curieusement, aucun autre compagnon de jeu ne profita de l'évènement pour rappliquer. Tant mieux.
Je n'eus que le temps de faire quelques pas avant que le plafond ne s'enfonce sur deux mètres. Le monstre avait visiblement déterminé le lieu où je me trouvais, et commencé le même manège qu'avec les autre bâtiments. Cela signifiait également qu'il avait pénétré dans le carré des citernes. Sans réfléchir, je me jetai sur la manette du bouclier, au moment où l'arrière du bunker s'enfonçait jusqu'à toucher le sol.
A nouveau, les antennes envoyèrent les faisceaux d'énergie. Tout en sachant que je n'avais plus beaucoup de temps pour franchir la limite, je fonçai à l'extérieur, sprintant comme jamais auparavant. Alors que je pensais y arriver, une patte griffue s'écrasa juste derrière moi, me projetant au sol par la même occasion. Je vis alors le champ de force se refermer, me coupant la route.
Je roulai sur le dos, en proie à une panique affreuse. La gueule remplie de dents étaient suspendue au-dessus de moi, de la bave coulant à flot. Je tournai frénétiquement la tête pour trouver une issue, mais rien n'y fit. Dans un dernier espoir, je me relevai et passai entre les pattes de la créature. Elle se retourna, et sa queue enfonça l'une des citernes. Dans ma course effrénée, une lueur d'espoir apparut devant moi.
L'un des bâtiments s'était écroulé en travers du champ énergétique avant que celui-ci ne soit abaissé. Le rideau s'arrêtait ainsi au niveau de la ruine, laissant un espace de trois ou quatre mètres de hauteur sans protection. Une porte de sortie. La dernière.
Mon poursuivant semblait avoir surpris mes intentions, car il s'élança vers l'immeuble effondré. Luttant contre la douleur qui irradiait mes jambes, je poursuivis ma course. Je parvins à la hauteur du bâtiment au moment où le nécromorph assenait un puissant coup de queue dessus, le faisant céder sous le choc. Je vis l'espace diminuer à grande vitesse et, dans un dernier effort, je me jetai à travers l'ouverture.
Étendu sur le dos, le cœur battant la chamade, ma respiration sifflant désagréablement, je luttait contre la souffrance qui faisait crier mes muscles. Un véritable rugissement de dépit retentit derrière moi, émanant de la créature désormais condamnée. La douleur monta lentement jusqu'à mon estomac, puis dans ma poitrine, avant de m'embraser le cerveau. A travers cette souffrance, je compris sans mal que ce n'était pas la course qui en était la cause.
Il me fallut un effort surhumain pour me redresser et lutter contre l'infection. Les deux yeux de la taille d'une table luisaient d'un éclat rougeâtre et avec une intensité effroyable à travers le champ protecteur. Ignorant le regard meurtrier du monstre, je me mis à marcher droit devant moi, une main plaquée contre le ventre.
Le nécromorph avait fait des dégâts monstrueux. Toute cette partie de la base n'était que débris métalliques et rocheux, et le mur de la base avait été éventré. Mon avancée était particulièrement délicate, d'autant plus que la douleur augmentait de plus en plus, se faisant toujours plus aigüe. Toutes mes forces se consumaient au fil de mes pas et de mes efforts pour contenir cette vague insupportable.
Arrivé à la moitié du chemin, mon pied se pris dans un morceau de câble, et je trébuchai. A genoux, je restai là, écorché. Deux minutes après, je parvins à me redresser et à poursuivre mon avancée, plié en deux et suffoquant.
« Matt.... Je... Je vais bientôt.... Arriver... »
J'entendais clairement dans mon oreillette que sa respiration était affreusement sifflante et laborieuse. J'arrivais presque le voir, affalé sur le siège du pilote, de la sueur perlant sur son front.
« Je crois que... Les moteurs vont lâcher... dans peu de temps... »
« Merci Dave... »
J'étais à une cinquantaine de mètres du mur, et, à travers le voile rouge qui recouvrait légèrement ma vision, je pus voir un point lumineux au loin, dans le ciel. Le vaisseau de mon coéquipier, lancé tel un missile vers le dôme d'énergie. Les mouvements que je faisais étaient machinaux, raides. Bientôt, je ne pus progresser qu'en gardant à l'esprit une unique phrase, que je répétait indéfiniment.
« Continuer... Il faut... faut continuer... »
Comme un disque qui tournait en boucle, je ne prononçais que cela. Mais, arrivé à la brèche, la douleur gagna la bataille. Je tombai à nouveau à genoux, mais je n'eus cette fois pas la force de me relever. J'entrepris alors une lente avancée, à quatre pattes. Du sang coulait par mes lèvres ouvertes, dernier liquide circulant encore dans ma bouche asséchée. Loin dans mon dos, la créature se débattait dans le champ de force en poussant des hurlement de rage.
Le vaisseau passa au-dessus de moi, laissant échapper une fumée noirâtre qui sortait par trois des quatre réacteurs. Il entama alors une montée en chandelle, rendue difficile par les deux réacteurs encore en état de marche, dont l'un était aux limites de la surchauffe. A vingt mètres de la base, je m'écroulai.
Ramper. Avancer.
Deux mots qui résonnaient avec force dans mon crâne. Je les appliquai, autant que je le pouvait. Dans mon oreillette, David poussa un hurlement de douleur insupportable, tellement insupportable que j'arrachai mon transmetteur et le lançai à quelque décimètres. Quelques douloureux mètres plus loin, je me relâchai, et utilisai mes dernières réserves pour rouler sur le dos.
La souffrance avait de très loin dépassé la limite du supportable. Le point lumineux du vaisseau amorça une rapide descente. A une vitesse incroyable, il traversa le dôme d'énergie bleutée.
Et ce fut l'impact.
Je ne sais pas si le grondement de l'explosion fut plus bruyant que le hurlement que poussa le nécromorph prisonnier dans sa dernière seconde de vie. Une chose était sûre, c'était que le sol trembla comme lors d'un séisme. Une boule de feu gigantesque jaillit du centre de la base. Puis l'onde de choc et la déflagration entamèrent leur course ravageuse.
Le regard flou, je fixai cette vague orangée qui détruisait tout. Une douleur surpuissante me transperça l'abdomen, comme si ma peau et mes intestins venaient de se déchirer. Je ne parvins qu'à exprimer un gémissement. Je sentis mon œil s'ouvrir sous l'effet de l'effroi, probablement en voyant un appendice s'agiter sous les vêtements qui couvraient mon ventre. Je sentis également du sang couler, et recouvrir le sol d'une flaque rouge. Je sentis que mes membres étaient agités de spasmes, surement à cause de la douleur inimaginable que provoquait cet événement.
Je sentis enfin mon corps se glacer d'effroi en voyant le nuage de cendre incandescente foncer droit sur moi. Je sentis tout cela, car je ne subissais plus. L'infection était terminée. Mon corps ne m'appartenait plus. Un flou noir recouvrit peu à peu ma vision.
Et, devant la terrible déflagration qui approchait à une vitesse effarante, la créature que j'étais devenu leva les bras devant son visage, dernier signe d'humanité.
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