Erwan avance d'un pas pressé en direction de la gare. Cette dernière se trouve à moins de 500 mètres de notre établissement, pratique pour les étudiants qui souhaiteraient se suicider.

-Donc? lancé-je à son intention tout en le rattrapant.

-Surprise! répond t-il.

-Tu me casses les boules avec ta surprise. On est entrain de louper notre cours de maths! m'exclamé-je.

-Depuis quand tu t'occupes des cours toi?

-...

-Ah ah!

-Enfoiré... chuchoté-je, un indice peut-être?

-Que nenni mon ami, tu verras bien. enchaîne t-il en sautillant.

Je suis persuadé que ce salaud ne sait même pas où nous allons. Et alors que nous arrivons à destination ce dernier se dirige en direction des guichets.

-Attends... Tu comptes vraiment prendre un train?

-Tu croyais peut-être que nous venions faire un bowling? Aies confiance mon cher ami!

-Okey, je dis plus rien...

Alors que j'aperçois Jimmy pénétrer dans le hall d'entrée, Erwan s'adresse à la femme au guichet.

-Bonjour, bonjour je voudrais un billet pour moi même, ainsi que deux autres pour mes grogies ici présents!

-Trois billets? répond cette dernière interloquée.

-En effet.

-Une réduction? enchaîne t'elle.

-Celle qui vous plaira! clame t-il.

Je sers la main de Jimmy et lui demande:
-Tu sais si ce con a pris de la coke ce matin? Il est complètement à la ramasse là...

Ce dernier m'adresse un sourire en guise de réponse. Mes deux amis se saluent et filent sur le quai en vitesse.

-Bordel est-ce qu'on pourrait m'expliquer ce qui se passe?! dis-je énervé.

-It's gonna be legen... entame Jimmy en se retournant vers moi.

-Wait for it! le coupe Erwan.

-DARY! finissent-ils d'une seule et même voix.

-Bon... J'ai compris, et où allons nous? Si ce n'est pas trop vous demandez!

-Monte dans le train et tu verras bien!

Les haut-parleurs de la gare hurlent un charabia inaudible alors que nous nous dirigeons vers un train à l'allure douteuse.

-Vous avez loué un train ou quoi?! Je suis sûr que cette merde n'avance même pas!

Jimmy me fait un clin d'oeil.
-L'Essentiel Thomas c'est la destination qui nous attend... Et pour te donner du courage je te propos de jeter un oeil là dessus... Compagnons êtes vous prêts?!
Il dégaine alors de son sac une petite boite.
-Here come the sun guys.

Erwan et moi nous penchons au-dessus de cette dernière.
-Bastard... échappe-je

Nous restons tous trois émerveillés pendant quelques instants.

Jimmy se redresse et me regarde.
-Imagine cette après-midi: le sable, l'océan, le soleil et ça... Tu en dis quoi?

-Je dis oui mon frère.

-Alors grimpe mon grand!

Assis sur mon siège je regarde mes deux amis fiers de leur escapade, et je songe à Morrison et son équipe qui autrefois étaient allés dans le désert afin de trouver les portes du savoir.
Je sais très bien à quoi pense Jimmy en ayant prévu un coup pareil et bien que content je n'en demeure pas moins inquiet.

Qu'importe, petit à petit je m'endors, la route n'est pas longue mais la musique me berce et alors que le train s'arrête dans un bled paumé, un groupe de jeunes pénètre dans notre wagon.
Ils se posent deux rangées plus loin, et pour tout dire je n'y prête pas vraiment attention.
Mais, au bout de cinq minutes je sens que l'on m'observe et je prends alors le temps de les regarder.
A travers les sièges je distingue une fille carrément mignonne. Elle sourit, elle rit, un vrai rayon de soleil. Ah, elle a aussi un copain si j'en juge le connard à sa droite.

Réveillé, je décide de profiter du paysage mais j'aperçois son reflet dans la vitre.
Discrètement je regarde en sa direction, nos regards se croisent. Cela dure peut être quatre, cinq qui sait dix secondes. Je reste figé, elle me sourit, je lui rends son sourire. Mon coeur se noue, c'est un drôle de sentiment.

Puis un arrêt, brusque et brutale, elle et ses amis se lèvent, ils descendent là. Aussi vite qu'elle est apparue, elle disparaît, éphémère et d'autant plus belle.

Je la vois alors passer à côté de ma vitre au bras de son copain.
J'aimerai la rattraper et l'enlever à ce monde, un tas de trucs fous me passent par la tête...
Je suis entrain de réfléchir à ce qui irait le mieux avec ce moment. Quelle musique serait la plus appropriée? Que serai-je censé lui dire? Dois-je seulement me résoudre à accepter que jamais je ne pourrai la connaître?
Je crois que je réfléchis trop, peut être qu'il suffirait que je me lève et lui court après. Ce n'est pas que j'ai peur où quelque chose dans ce genre, mais ces choses là ne se font pas, du moins je ne sais pas les faire.

Et alors que nous ne sommes séparés que par deux centimètres de verre je la vois se tourner en ma direction, elle est un peu en retrait de son groupe, ses yeux se posent doucement sur les miens, elle me sourit. Je sais qu'elle s'adresse à moi, j'en suis certain, je le sens.
Cet instant vaut tous les baisers que j'ai pu avoir. Je ne la reverrais jamais, mais il me semble que cet instant me restera pour toujours.

Puis je la vois disparaître et le train reprend sa route. Je me sens incroyablement vide. Je jette un regard à mes deux amis qui somnolent dans leur coin et finis par me perdre dans le paysage qui défile inlassablement... L'être humain est décidément incroyablement bizarre.