Le réveil n’a toujours pas sonné et pourtant je suis déjà réveillé. Je n’ai pas vérifié mais il doit surement être 5 heures et quelques, dehors la pluie goutte abondement sur le toit, j’adore ce bruit.
En temps normal je resterai au lit mais aujourd'hui je me sens particulièrement enthousiaste, comme si une force étrange me pousser de l’avant.
Ainsi, je prends la direction de la salle de bain et scrute mon reflet dans le miroir. Il est loin le temps où mes cheveux étaient courts, désormais de longues mèches tombent le long de mon visage.
Etant en avance sur mon horaire habituel je file sous la douche et en sors plus motivé que jamais.

Ma montre affiche 6 heures 10, j'attrape donc ma guitare pour composer un peu mais je suis bien vite rattraper par la sonnerie de mon portable.

-Ouais? 

-Thomas c’est Jimmy. 

-Ca va mec ? Tu m’appelles tôt dis donc!

-Oui ça va pas trop là... dit-il d’une voix à la limite de céder.

-Qu'est ce qui se passe? demandé-je inquiet.

-Ma grand-mère, il sanglote, elle est décédée.

Un silence qui me paraît incroyablement long s’installe.
Je connais Jimmy depuis qu'il est né, il a 2 ans de moins que moi. Ce n’est pas seulement un ami, c’est un membre de la famille, mon petit frère.

En guise de réponse je ne trouve rien de mieux que de lui dire:

-On se retrouve au parc au plus vite.

-D’accord... répond t-il.

J’enfile une veste et attrape vivement un parapluie, dehors je suis accueilli par une douce bruine.
Immédiatement, je cours en direction de notre parc. Je ne sais pas encore ce que je vais dire ou faire pour Jimmy, et la seule pensée de ce dernier me fait accélérer le pas.
Arrivé là bas je trouve mon ami assis sur une balançoire, j’ouvre mon parapluie et fonce vers lui.

-Tu es là? me demande t-il.

-Bien sûr.

-C’est pas juste Thomas! lâche t-il avec colère.

-Ca ne l’est jamais, je suis désolé... Sincèrement, je pose ma main sur son épaule, on y va mec...

Sans un mot j’aide mon ami à se lever, silencieusement nous marchons sous la pluie, cigarette à la bouche.
Peu à peu je distingue les portes du lycée dans un léger brouillard, l’établissement imposant ressemble par ce temps à un immense pénitencier.

Jimmy s’essuie les yeux à l’aide d’un mouchoir, ses cheveux trempés laissent perler de fines gouttent sur ses joues, mélange de larmes et de pluie.

-Ca va aller. tente t-il courageusement.

-Je suis là, je te lâche pas. 

-Je sais... opine t-il.

Nous pénétrons dans les vastes couloirs de notre bahut, peints de blanc et d’un atroce bleu.
Je marche à côté de Jimmy, nous saluons nos camarades et je finis par le laisser devant sa classe.

-J’vais devoir aller en cours aussi...

-Je sais...

-Tu m’écris okey? Et si besoin est on part d’accord?

-Ca va aller, t’inquiètes pas... On a déjà assez séché comme ça... rétorque t-il.

-T’as pas à supporter ça seul tu le sais? Je suis là.

-Merci. lâche t-il avant de disparaître en direction de sa table.

Je l’observe quelques secondes, la porte n’est toujours pas fermée. J’aimerai prendre tout le mal qu'il porte pour l’en débarrasser. Tiens le coup...

A mon tour je pars en direction de ma classe afin d’assister à mon cours de mathématiques.
Mais, à mon arrivée la porte est déjà fermée, je toque et entends une légère approbation, je pénètre dans la classe avec la ferme intention de m’excuser de mon retard toutefois mon professeur ne m’en laisse pas le temps.

-Alors Monsieur Tamys encore en retard?

-Excusez moi j’étais...

-Ce n’est pas la première fois dans le trimestre, ajoutons à cela vos absences répétées, voilà un élève qui semble préparer assidûment son baccalauréat.

-Veuillez m’excusez j’étais auprès d’un ami...

-Des excuses, toujours des excuses...

J’ai le flair pour ce genre de personne, il n’attend qu'une chose: que je m’énerve. M’humilier ne lui suffit pas il veut plus encore.

-Cela ne se reproduira plus. dis-je en baissant les yeux.

-C’est certain, vous n’êtes plus admis à mon cours jusqu’à une durée déterminée.

-Pardon?

-Vous avez très bien entendu Monsieur Tamys. Vous êtes exclu de mon cours.

Je le regarde sans sourciller.

-Qu'attendez-vous pour partir? 

Soudain une voix intervient.

-Monsieur, Thomas a véritablement eu un soucis ce matin...

C’est Erwan qui tente de me sauver la mise.

-Merci de votre intervention Monsieur, veuillez vous rasseoir je vous prie.

Toute la classe me fixe, comme attendant une réaction particulière.

-Sortez maintenant. ordonne t-il.

-Non. affirmé-je en me dirigeant vers ma chaise.
Alors que je tire cette dernière je vois Erwan me faire un signe de tête qui semble vouloir dire "non, non, non ne fait pas ça!"

-Je vous ai demandé de sortir Monsieur Tamys!

-Monsieur!
Cette fois c’est Eleonore notre déléguée qui prend le relais, en vain.

-Mademoiselle Ouram je ne vous ai pas demandé votre avis!

A ces paroles le professeur se lève et frappe du plat de la main son bureau.

-Monsieur TAMYS sortez! 

Cette fois son ton à monté d’un niveau. Je sais que je suis le pot de terre face au pot de fer mais je ne peux pas faire marche arrière dorénavant.

-Vous avez quelque chose contre moi, ou c'est juste pour vous passer les nerfs?!

Je sais à cet instant que jamais je n’aurai du prononcer ces paroles, c’est exactement ce que ce vieux con souhaitait.

-Je ne peux pas saquer les petits fumistes dans votre genre! Toujours partisans du moindre effort!

-Très bien, dis-je en retirant de mon sac un trieur, voyez ce sont mes cours maths, maintenant voilà ce que j’en fais. 
Dans le même temps, je me dirige vers la poubelle et verse le tout dans cette dernière.

-J’aurai mon bac sans ça, pas de soucis!

Puis, sans prendre le temps de le regarder je sors de la salle et me dirige vers les passerelles extérieures.

-Vous allez regretter votre acte Monsieur Tamys!

-Ta gueule. chuchoté-je.

J’assène un coup de pied dans la porte afin de l’ouvrir, acte inutile par excellence. Et, alors que je descends quatre par quatre les escaliers je tombe nez à nez avec la sœur d’Erwan.

-Tiens Thomas!

-J’suis désolé Sophie mais j'ai vraiment pas le temps.

-T’as encore fait une connerie?
 
-Quoi encore?! Comme si c’était dans mes habitudes! hurlé-je.

-T’énerves pas, file va.

Je commence à partir puis marque une pause.

-Désolé... 

Mais, une lourde voix m’interrompt.

-Monsieur Tamys dans mon bureau tout de suite.

Le directeur se tient en haut des marches qui me surplombent, il est accompagné de mon professeur de mathématiques ainsi que du CPE.
Sophie me jette un regard plein de détresse, elle se retourne et me chuchote:

-Je préviens Erwan...

Je fais un léger signe de tête afin d’approuver.
Ce qui suit après est sans importance, une succession de reproches et observations quant à mon attitude. Je tente du mieux que je peux de plaider ma cause, le directeur m’écoute attentivement alors que mon professeur s’indigne au moindre de mes propos.
Au final le verdict tombe.

-Vous écoperez de 4 heures de colle. Toutefois, si jamais tel comportement venez à se répéter ce sera le conseil de disciplines.
Quoi qu'il en soit, vous continuerez à suivre les cours dans TOUTES les matières. Maintenant si vous le permettez je souhaiterai m’entretenir avec ce jeune homme, seul à seul.

J’observe mon professeur sortir visiblement déçu de la sentence rendue.

-Thomas ça fait plus de 6 ans maintenant que tu es dans cette établissement, tu n’as jamais eu de soucis particuliers. Contentes toi de te concentrer sur l’objectif qui t’attends à la fin de l’année, d’accord?

-Oui Monsieur. abdiqué-je.

-Retourne en classe maintenant, tu apporteras ton cahier de correspondance à la scolarité au plus vite.

-Oui Monsieur.

Toutefois au dernier moment je me retourne vers ce vieil homme aux cheveux grisonnants et lui demande.

-Monsieur?

-Oui?

-Concernant le concert de fin d’année... J’espère que mon attitude n’a rien compromis?

Il lève les yeux de ses papiers et me fixe un instant.

-Non, ne t’inquiètes pas.

Je soupire de soulagement et entreprends de le remercier avant de repartir en cours.
Cependant, la sonnerie indique qu’il est l’heure de la récrée, je me dirige alors rapidement vers la scolarité où je règle mon problème.
4 heures de colle, après tout je ne m’en sors pas si mal.

Le secrétariat se trouve au rez de chaussée de l’aile droite de mon établissement, une fois dehors j’entreprends d’appeler Jimmy qui répond aussitôt.

-Je suis sous le préau à côté du bureau du CPE…  Tu me rejoins?

-J’arrive de suite.

A peine raccroché que j’entends derrière moi des applaudissements qui semblent m’être destinés.

-Bravo monsieur Tamys.

Surpris je me retourne et découvre Erwan qui me sourit.

-Je sais, je sais... Mais peu importe, tu es au courant pour Jimmy? 

-Oui je lui ai envoyé un sms il m’a dit ça tout à l’heure...

-C’est vraiment une putain de journée de merde! laché-je.

-Tiens au fait regarde qui s’approche, indique t-il d’un signe de tête, ma sœur et ton coup de foudre.

-Hein? paniqué-je.

-Re bonjour Thomas, me sourit Sophie, Oh et voici Marion, Marion Thomas, Thomas Marion.

Je reste figé et fixe ses deux yeux bleus.

-On s’est déjà vu il me semble. lance cette dernière.

-Heu, possible... bafouillé-je.

-Certaine. enchaîne t-elle un sourire aux lèvres.

-Salut. nous coupe Jimmy.

Sophie en profite alors pour s’éclipser avec son amie en nous saluant d'un bref signe de main.

A cet instant, mon cerveau se met inconsciemment en pause. Tout n'est plus que succession d'images et résonances dans ma tête.
Je n'émerge que quelques heures plus tard, assis contre mon lit, lit sur lequel Jimmy est allongé. Erwan quant à lui choisit un vinyle dans ma bibliothèque.

-T'es vraiment trop fort Thomas tu sais? entame Jimmy.

Je redresse ma tête et le regarde interloqué.

-Pourquoi?

-C'est pas un beau jour et t'arrives quand même à me faire rire. sourit-il.

-Ce n'était pas franchement voulu mec...

-Peu importe, il n'y a qu'à toi qu'il arrive des trucs pareils...

Nous rigolons tous deux.

-Jimmy?

-Oui?

-Tu sais la fille dont je t'ai parlé après la soirée de vendredi dernier.

-Hum?

-C'est la fille que Sophie a dégoté pour moi.

-Et?

-Je sais pas, ça fait bizarre...

-Idiot, tu cherchais cette fille et elle te tombe dans les bras par miracle et toi tu trouves toujours le moyen de te plaindre.

-Après tout ce qui est arrivé avec Julie c'est pas si simple. murmuré-je.

-Fonce mec, oublie cette pétasse.

-T'as peut-être raison...

-Pour sûr que j'ai raison, il se redresse et envoie gentiment un coussin sur Erwan, ça vient ce disque gros?

-C'est bon petit impatient. Je la cherchais.

Erwan place le diamant sur l'une des pistes du 33 tours, laissant un léger crépitement s'évaporer des enceintes.
Il nous rejoint et tous trois nous mettons en cercle et allumons un joint chacun.

Bercés par le son de la pluie mêlé à la musique, en place passagers de la tourmente.