2044
Par : Garyu
Genre : Polar , Science-Fiction
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 8
Un dialogue tendu.
Publié le 23/03/17 à 21:29:48 par Garyu
Chapitre 6 : 03/03/2044 ; ??? : Un dialogue tendu.
Victor ouvrit les yeux. Il était allongé par terre, les mains et les pieds ligotés. Il entendait le vent souffler dehors et devant lui la pluie battait fortement contre la vitre. Il balaya la pièce dans laquelle il se trouvait du regard et remua autant qu’il le pouvait pour regarder autour de lui. A en juger par la luminosité, il devait être la fin de l’après-midi. Malgré la pénombre, il avait l’impression de se trouver dans un appartement basique. Cependant, tout était nu : les murs n’étaient pas peints, il n’y avait pas de parquet mais juste du béton et la pièce ne comportait pas le moindre meuble.
- Enfin réveillé, l’interpella une voix dans son dos.
Le policier entendit quelqu’un se lever et s’approcher. Un homme entra dans son champ de vision. Il vint s’adosser contre le mur où se trouvait la fenêtre. Il resta silencieux un instant, observant l’extérieur. Deckan avait la gorge sèche mais il articula :
- Où suis-je ?
- Sur un chantier au bord de la Seine. Des logements en construction destinés à la population des bidonvilles parisiens. Des appartements destinés aux plus démunis d’entre nous, aux frais du gouvernement, répondit-il.
Il tourna la tête vers le capitaine de police et celui-ci pût enfin le voir. Il portait un bonnet gris duquel dépassaient des mèches de cheveux brunes. Il arborait une barbe courte élégamment taillé qui tranchait avec l’aspect miteux de ses habits : un long manteau sale recouvrant un pull troué. Il arborait un jean brut et des rangers couvertes de terre. Il fixa Victor avec un regard noir et tourna la tête de gauche à droite, mécontent.
- C’était l’idée il y a dix ans. L’argent a été détourné puis les travaux abandonnés. Et on est resté dehors, finit-il, amer.
Victor garda le silence quelques minutes, ne sachant que dire. Il laissa son regard pensif sur la fenêtre par laquelle continuait de regarder l’individu. Celui-ci reporta son regard vers Victor qu’il vit en train d’observer à travers la vitre. Il s’avança alors vers lui et le souleva par le col avant de lui coller la tête contre le verre.
- Observe les bienfaits de la politique sociale française qui n’est plus que l’ombre d’elle-même, dit-il avec mépris en lâchant Victor.
De l’autre côté de la Seine agitée, il y avait un bâtiment semblable à celui dans lequel ils se trouvaient. La façade était partiellement assemblée si bien que Deckan pouvait apercevoir la structure métallique de l’immeuble là où elle était à nue. Alors, Victor remarqua : une partie de la construction s’était effondrée là où les appartements avaient commencé à être assemblés. Plusieurs étages étaient venus se fracasser dans le fleuve d’où pointaient des bouts de l’édifice. Victor se rappela alors de ce qui avait fait la une des journaux il y a quelques années :
- Attendez, se souvint-il, Si les travaux ont été arrêtés c’est parce que la population s’y opposait. Il y a même eut un référendum sur Paris.
L’homme ricana, l’air dépité. Puis, il retourna s’affaler sur un fauteuil miteux qui trônait à côté de la porte d’entrée. Là, il prit une pomme dans un sac posé près du meuble et croqua dedans.
- Vous allez tellement désenchanter, mon gars, dit-il la bouche pleine.
Soudainement, on frappa à la porte à côté de lui. L’homme au bonnet sursauta et fut pris d’une quinte de toux : il avait avalé de travers. Tout en continuant à tousser, il se leva et vint frapper à la porte à son tour. Une voix dont les intonations étaient familières à Victor répondit derrière la plaque de bois :
- Et maintenant ?
- Ouais, il est réveillé, dit simplement le barbu en croquant à nouveau dans sa pomme, sa toux calmée.
Il entendit quelqu’un déverrouiller la porte et celle-ci s’ouvrit dans un léger bip sonore. L’homme qui se présenta semblait familier à Victor dans sa façon de se tenir et dans ses vêtements, pourtant sa voix en elle-même ne lui disait rien. C’était un asiatique au crâne rasé et les yeux noirs. Ce qui sauta aux yeux de Victor c’est qu’il avait un bec de lièvre. Il s’approcha et sortit un cran d’arrêt avec lequel il s’attela à découper les liens qui entravaient le policier.
- Pas trop groggy, demanda-t-il alors que les cordes entourant les jambes de Deckan cédaient.
- Ça va, répondit simplement l’intéressé.
- Enzo vous a tiré dessus avec une dose mineure. Vous pouvez pas imaginer la galère que ça a été de vous emmener jusqu’ici, continua-t-il.
- Max, devina Deckan.
- Je suis presque étonné que vous vous souveniez de mon prénom après la froideur dont vous avez fait part, commenta simplement Max finissant de couper les liens autour des mains du policier.
La corde tomba par terre et Victor se massa les poignets. Il se souvint ne pas avoir serré sa main et répondit sur la défensive :
- Vous auriez fait pareil à ma place.
- Vous ne lui auriez pas tendu une main mais une matraque, intervint le barbu en balançant sa pomme dans un coin de la pièce.
Max lança un regard réprobateur vers l’individu au bonnet et fit signe à Victor de le suivre. C’est seulement en marchant sur le seuil métallique que Victor remarqua qu’il était pieds nus et qu’il ne portait plus son manteau ni son pull. Ces derniers trônaient sur une chaise au milieu du couloir dans lequel ils étaient à présent. Il y avait d’autres portes qui donnaient probablement sur le même type d’appartement duquel ils venaient de sortir. Le barbu passa à côté de lui et s’éloigna à l’autre bout du couloir.
- Ah oui, dit Max en se retournant vers Victor qui venait de frissonner au contact du métal froid. Rhabillez-vous. On a préféré les fouiller pour s’assurer qu’il n’y avait pas de mouchard ou de conneries du genre.
Victor se précipita vers la chaise et entreprit de remettre son pull puis ses chaussettes. Il tourna la tête et vit le barbu disparaître par une porte métallique avec un panneau « ESCALIERS DE SERVICE ». Max s’adossa à un mur en le regardant mettre ses vêtements.
- Je dois avouer que je vous aurai vu plus combatif, dit l’asiatique en croisant les bras.
- Je n’ai pas vraiment eu le choix. Vous m’avez braqué dès notre première rencontre, expliqua Victor, irrité par sa remarque.
- Simple mesure de précaution et on savait que les A.M arrivaient, justifia Max. Si vous voulez tout savoir, vous êtes bien trop coopératif à mon goût.
Victor se releva après avoir mis ses chaussures et enfila son manteau qui reposait sur le dossier de la chaise. L'homme commençait sérieusement à lui taper sur le système.
- Au moment où vous m’avez défait de mes liens j’aurai pu vous maîtriser et ne faire qu’une bouchée de votre petit copain, s’énerva Victor, piqué au vif en s’avançant vers Max qui recula légèrement.
- Allons Victor, commença-t-il en levant les mains devant lui. Je voulais pas forcément vous froisser. Comprenez-moi, j’ai passé ma vie à me méfier des flics, à les haïr.
- Et moi j’ai passé les dix dernières années à protéger les civils des terroristes comme vous, répliqua l’officier du tac au tac en lançant un regard noir à l’homme qui lui faisait face.
- Putain, si vous saviez à quel point vous vous tromper, cracha-t-il en rougissant, en serrant le poing et en passant une main dans son dos.
- Vous pouvez me dire ce qu’il se passe ici, intervint une voix.
Max et Victor se quittèrent des yeux et tournèrent le regard vers le fond du couloir, où était parti le dénommé Tristan. Amy s’avançait vers eux en toisant Max d’un regard plein de reproche. Tristan la suivait en réprimant avec peine un sourire narquois. L’asiatique plaça ses deux mains sur sa taille et regarda vers le sol, visiblement gêné par l’arrivée d’Amy et ce à quoi elle venait d’assister.
- Deckan. Venez avec moi, ordonna-t-elle. Et vous deux, commencez à paqueter.
Les deux hommes acquiescèrent et s’éloignèrent dans la direction opposée à la porte métallique. Victor regarda les deux hommes de dos et vit la crosse d’une arme dépasser du jean de Max. Il pinça les lèvres et se retourna vers Amy en ajustant son trench. Cette fois-ci, elle souriait largement.
- Vous me rappelez Christian, dit-elle simplement en lui faisant signe de la rejoindre.
Elle commença à repartir et Victor lui emboita le pas. Il ne répondit pas à sa remarque, perdu dans ses pensées. Il avait eu envie que Max le frappe car cela lui aurait donné une raison de le tabasser en retour. Oui, il était venu de lui-même jusqu’ici et il l’assumait pleinement. Mais que de la racaille lui fasse la morale et questionne son comportement c’en était trop pour Victor. De même, il sentait que les choses lui glissaient peu à peu des doigts. Il était venu pour obtenir des informations et il se retrouvait à présent entre les mains des terroristes. Pire, ces derniers semblaient penser qu’il allait coopérer avec eux. Néanmoins, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier Amy qui semblait avoir bien connu Christian. D’une certaine façon, ils étaient liés, que Victor le veuille ou non. De plus, il le réprimait mais, bien entendu, il était aussi attiré. Elle était moins belle que les femmes qu’avait connues le policier, moins dotée par la nature aussi cependant elle dégageait une telle puissance d’être et son regard brillait toujours de cette légère lueur de malice, d’intelligence que Victor avait toujours aperçue dans celui de Christian. Cela dit, il s’imposait de rester lucide quoi qu’il arrive : un terroriste, aussi charmant soit-il, restait un terroriste.
- Lui aussi avait eu beaucoup de mal avec Max, il est trop direct, continua-t-elle, arrachant Victor à ses doutes. Vous vous habituerez.
Elle s’arrêta devant la porte métallique et planta son regard dans celui du policier qui se stoppa à son niveau.
- Ne le jugez pas trop vite, il n’a pas eu les mêmes chances que vous, lui dit-elle. Tout comme vous n’avez pas eu les mêmes chances que lui en baignant dans le mensonge toute votre vie.
Pour Victor, les paroles d'Amy sonnaient creux. Il avait vécu dans une famille de classe moyenne et avait connu la montée des violences en Europe, car elles avaient rythmées sa jeunesse. Il se souvenait des premières actions du groupe terroriste Pureté. D’une certaine façon c’était grâce à eux qu’il avait voulu s’engager dans la police. Victor se souvenait : il avait 15 ans à l’époque et était monté sur Paris avec ses parents. Il voyait les images comme si cela s’était passé hier. Ils avaient débarqué hors de la bouche de métro et une déflagration avait levé un nuage de poussière autour d’eux. En quelques minutes, la place était devenue bondé d’hommes en uniformes et de camionnettes blindées. Un rempart face à la terreur, un bouclier pour les citoyens, les honnêtes gens. Oui, depuis ce jour, Victor avait foi en ces défenseurs de la justice. Il croyait à la nécessité de l’Etat policier qui avait démontré son bien-fondé plus d’une fois. Victor était persuadé d’être sur le bon chemin.
- Si moi aussi je crois vivre dans la réalité, alors comment savoir lequel d’entre nous a raison, questionna-t-il.
Amy sourit de nouveau et prit un bandeau qu’elle gardait à sa ceinture. Elle se glissa derrière Victor et passa ses mains autour son cou en ajustant le bandeau sur les yeux du policier. Puis elle le noua derrière son crâne. Le capitaine de police ne voyait plus rien mais il entendit Amy ouvrir la porte métallique. A ce moment, un brouhaha lointain lui vint aux oreilles, comme si des dizaines et des dizaines d’individus parlaient. Il sentit un souffle chaud au niveau de sa nuque.
- Ça, ce n’est pas à moi de vous le montrer, murmura-t-elle.
Victor sentit les fondations de ses plus profondes croyances se fissurer au son de la voix de la jeune femme qui était imprégnée de certitude. Elle n’avait aucun doute sur le fait que Victor ressortirait d’ici en tant qu’allié. Il sentit son cœur s’emballer, non pas à cause de l’intérêt qu’il avait pour Amy mais à cause de la peur. La peur d’avoir vécu toute sa vie dans l’illusion. La peur que celle-ci s’apprêtait à voler en éclat.
Victor ouvrit les yeux. Il était allongé par terre, les mains et les pieds ligotés. Il entendait le vent souffler dehors et devant lui la pluie battait fortement contre la vitre. Il balaya la pièce dans laquelle il se trouvait du regard et remua autant qu’il le pouvait pour regarder autour de lui. A en juger par la luminosité, il devait être la fin de l’après-midi. Malgré la pénombre, il avait l’impression de se trouver dans un appartement basique. Cependant, tout était nu : les murs n’étaient pas peints, il n’y avait pas de parquet mais juste du béton et la pièce ne comportait pas le moindre meuble.
- Enfin réveillé, l’interpella une voix dans son dos.
Le policier entendit quelqu’un se lever et s’approcher. Un homme entra dans son champ de vision. Il vint s’adosser contre le mur où se trouvait la fenêtre. Il resta silencieux un instant, observant l’extérieur. Deckan avait la gorge sèche mais il articula :
- Où suis-je ?
- Sur un chantier au bord de la Seine. Des logements en construction destinés à la population des bidonvilles parisiens. Des appartements destinés aux plus démunis d’entre nous, aux frais du gouvernement, répondit-il.
Il tourna la tête vers le capitaine de police et celui-ci pût enfin le voir. Il portait un bonnet gris duquel dépassaient des mèches de cheveux brunes. Il arborait une barbe courte élégamment taillé qui tranchait avec l’aspect miteux de ses habits : un long manteau sale recouvrant un pull troué. Il arborait un jean brut et des rangers couvertes de terre. Il fixa Victor avec un regard noir et tourna la tête de gauche à droite, mécontent.
- C’était l’idée il y a dix ans. L’argent a été détourné puis les travaux abandonnés. Et on est resté dehors, finit-il, amer.
Victor garda le silence quelques minutes, ne sachant que dire. Il laissa son regard pensif sur la fenêtre par laquelle continuait de regarder l’individu. Celui-ci reporta son regard vers Victor qu’il vit en train d’observer à travers la vitre. Il s’avança alors vers lui et le souleva par le col avant de lui coller la tête contre le verre.
- Observe les bienfaits de la politique sociale française qui n’est plus que l’ombre d’elle-même, dit-il avec mépris en lâchant Victor.
De l’autre côté de la Seine agitée, il y avait un bâtiment semblable à celui dans lequel ils se trouvaient. La façade était partiellement assemblée si bien que Deckan pouvait apercevoir la structure métallique de l’immeuble là où elle était à nue. Alors, Victor remarqua : une partie de la construction s’était effondrée là où les appartements avaient commencé à être assemblés. Plusieurs étages étaient venus se fracasser dans le fleuve d’où pointaient des bouts de l’édifice. Victor se rappela alors de ce qui avait fait la une des journaux il y a quelques années :
- Attendez, se souvint-il, Si les travaux ont été arrêtés c’est parce que la population s’y opposait. Il y a même eut un référendum sur Paris.
L’homme ricana, l’air dépité. Puis, il retourna s’affaler sur un fauteuil miteux qui trônait à côté de la porte d’entrée. Là, il prit une pomme dans un sac posé près du meuble et croqua dedans.
- Vous allez tellement désenchanter, mon gars, dit-il la bouche pleine.
Soudainement, on frappa à la porte à côté de lui. L’homme au bonnet sursauta et fut pris d’une quinte de toux : il avait avalé de travers. Tout en continuant à tousser, il se leva et vint frapper à la porte à son tour. Une voix dont les intonations étaient familières à Victor répondit derrière la plaque de bois :
- Et maintenant ?
- Ouais, il est réveillé, dit simplement le barbu en croquant à nouveau dans sa pomme, sa toux calmée.
Il entendit quelqu’un déverrouiller la porte et celle-ci s’ouvrit dans un léger bip sonore. L’homme qui se présenta semblait familier à Victor dans sa façon de se tenir et dans ses vêtements, pourtant sa voix en elle-même ne lui disait rien. C’était un asiatique au crâne rasé et les yeux noirs. Ce qui sauta aux yeux de Victor c’est qu’il avait un bec de lièvre. Il s’approcha et sortit un cran d’arrêt avec lequel il s’attela à découper les liens qui entravaient le policier.
- Pas trop groggy, demanda-t-il alors que les cordes entourant les jambes de Deckan cédaient.
- Ça va, répondit simplement l’intéressé.
- Enzo vous a tiré dessus avec une dose mineure. Vous pouvez pas imaginer la galère que ça a été de vous emmener jusqu’ici, continua-t-il.
- Max, devina Deckan.
- Je suis presque étonné que vous vous souveniez de mon prénom après la froideur dont vous avez fait part, commenta simplement Max finissant de couper les liens autour des mains du policier.
La corde tomba par terre et Victor se massa les poignets. Il se souvint ne pas avoir serré sa main et répondit sur la défensive :
- Vous auriez fait pareil à ma place.
- Vous ne lui auriez pas tendu une main mais une matraque, intervint le barbu en balançant sa pomme dans un coin de la pièce.
Max lança un regard réprobateur vers l’individu au bonnet et fit signe à Victor de le suivre. C’est seulement en marchant sur le seuil métallique que Victor remarqua qu’il était pieds nus et qu’il ne portait plus son manteau ni son pull. Ces derniers trônaient sur une chaise au milieu du couloir dans lequel ils étaient à présent. Il y avait d’autres portes qui donnaient probablement sur le même type d’appartement duquel ils venaient de sortir. Le barbu passa à côté de lui et s’éloigna à l’autre bout du couloir.
- Ah oui, dit Max en se retournant vers Victor qui venait de frissonner au contact du métal froid. Rhabillez-vous. On a préféré les fouiller pour s’assurer qu’il n’y avait pas de mouchard ou de conneries du genre.
Victor se précipita vers la chaise et entreprit de remettre son pull puis ses chaussettes. Il tourna la tête et vit le barbu disparaître par une porte métallique avec un panneau « ESCALIERS DE SERVICE ». Max s’adossa à un mur en le regardant mettre ses vêtements.
- Je dois avouer que je vous aurai vu plus combatif, dit l’asiatique en croisant les bras.
- Je n’ai pas vraiment eu le choix. Vous m’avez braqué dès notre première rencontre, expliqua Victor, irrité par sa remarque.
- Simple mesure de précaution et on savait que les A.M arrivaient, justifia Max. Si vous voulez tout savoir, vous êtes bien trop coopératif à mon goût.
Victor se releva après avoir mis ses chaussures et enfila son manteau qui reposait sur le dossier de la chaise. L'homme commençait sérieusement à lui taper sur le système.
- Au moment où vous m’avez défait de mes liens j’aurai pu vous maîtriser et ne faire qu’une bouchée de votre petit copain, s’énerva Victor, piqué au vif en s’avançant vers Max qui recula légèrement.
- Allons Victor, commença-t-il en levant les mains devant lui. Je voulais pas forcément vous froisser. Comprenez-moi, j’ai passé ma vie à me méfier des flics, à les haïr.
- Et moi j’ai passé les dix dernières années à protéger les civils des terroristes comme vous, répliqua l’officier du tac au tac en lançant un regard noir à l’homme qui lui faisait face.
- Putain, si vous saviez à quel point vous vous tromper, cracha-t-il en rougissant, en serrant le poing et en passant une main dans son dos.
- Vous pouvez me dire ce qu’il se passe ici, intervint une voix.
Max et Victor se quittèrent des yeux et tournèrent le regard vers le fond du couloir, où était parti le dénommé Tristan. Amy s’avançait vers eux en toisant Max d’un regard plein de reproche. Tristan la suivait en réprimant avec peine un sourire narquois. L’asiatique plaça ses deux mains sur sa taille et regarda vers le sol, visiblement gêné par l’arrivée d’Amy et ce à quoi elle venait d’assister.
- Deckan. Venez avec moi, ordonna-t-elle. Et vous deux, commencez à paqueter.
Les deux hommes acquiescèrent et s’éloignèrent dans la direction opposée à la porte métallique. Victor regarda les deux hommes de dos et vit la crosse d’une arme dépasser du jean de Max. Il pinça les lèvres et se retourna vers Amy en ajustant son trench. Cette fois-ci, elle souriait largement.
- Vous me rappelez Christian, dit-elle simplement en lui faisant signe de la rejoindre.
Elle commença à repartir et Victor lui emboita le pas. Il ne répondit pas à sa remarque, perdu dans ses pensées. Il avait eu envie que Max le frappe car cela lui aurait donné une raison de le tabasser en retour. Oui, il était venu de lui-même jusqu’ici et il l’assumait pleinement. Mais que de la racaille lui fasse la morale et questionne son comportement c’en était trop pour Victor. De même, il sentait que les choses lui glissaient peu à peu des doigts. Il était venu pour obtenir des informations et il se retrouvait à présent entre les mains des terroristes. Pire, ces derniers semblaient penser qu’il allait coopérer avec eux. Néanmoins, il ne pouvait s’empêcher d’apprécier Amy qui semblait avoir bien connu Christian. D’une certaine façon, ils étaient liés, que Victor le veuille ou non. De plus, il le réprimait mais, bien entendu, il était aussi attiré. Elle était moins belle que les femmes qu’avait connues le policier, moins dotée par la nature aussi cependant elle dégageait une telle puissance d’être et son regard brillait toujours de cette légère lueur de malice, d’intelligence que Victor avait toujours aperçue dans celui de Christian. Cela dit, il s’imposait de rester lucide quoi qu’il arrive : un terroriste, aussi charmant soit-il, restait un terroriste.
- Lui aussi avait eu beaucoup de mal avec Max, il est trop direct, continua-t-elle, arrachant Victor à ses doutes. Vous vous habituerez.
Elle s’arrêta devant la porte métallique et planta son regard dans celui du policier qui se stoppa à son niveau.
- Ne le jugez pas trop vite, il n’a pas eu les mêmes chances que vous, lui dit-elle. Tout comme vous n’avez pas eu les mêmes chances que lui en baignant dans le mensonge toute votre vie.
Pour Victor, les paroles d'Amy sonnaient creux. Il avait vécu dans une famille de classe moyenne et avait connu la montée des violences en Europe, car elles avaient rythmées sa jeunesse. Il se souvenait des premières actions du groupe terroriste Pureté. D’une certaine façon c’était grâce à eux qu’il avait voulu s’engager dans la police. Victor se souvenait : il avait 15 ans à l’époque et était monté sur Paris avec ses parents. Il voyait les images comme si cela s’était passé hier. Ils avaient débarqué hors de la bouche de métro et une déflagration avait levé un nuage de poussière autour d’eux. En quelques minutes, la place était devenue bondé d’hommes en uniformes et de camionnettes blindées. Un rempart face à la terreur, un bouclier pour les citoyens, les honnêtes gens. Oui, depuis ce jour, Victor avait foi en ces défenseurs de la justice. Il croyait à la nécessité de l’Etat policier qui avait démontré son bien-fondé plus d’une fois. Victor était persuadé d’être sur le bon chemin.
- Si moi aussi je crois vivre dans la réalité, alors comment savoir lequel d’entre nous a raison, questionna-t-il.
Amy sourit de nouveau et prit un bandeau qu’elle gardait à sa ceinture. Elle se glissa derrière Victor et passa ses mains autour son cou en ajustant le bandeau sur les yeux du policier. Puis elle le noua derrière son crâne. Le capitaine de police ne voyait plus rien mais il entendit Amy ouvrir la porte métallique. A ce moment, un brouhaha lointain lui vint aux oreilles, comme si des dizaines et des dizaines d’individus parlaient. Il sentit un souffle chaud au niveau de sa nuque.
- Ça, ce n’est pas à moi de vous le montrer, murmura-t-elle.
Victor sentit les fondations de ses plus profondes croyances se fissurer au son de la voix de la jeune femme qui était imprégnée de certitude. Elle n’avait aucun doute sur le fait que Victor ressortirait d’ici en tant qu’allié. Il sentit son cœur s’emballer, non pas à cause de l’intérêt qu’il avait pour Amy mais à cause de la peur. La peur d’avoir vécu toute sa vie dans l’illusion. La peur que celle-ci s’apprêtait à voler en éclat.
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