Je posais un pied puis l’autre sur le rebord de béton et m’accrocha lentement à la deuxième échelle. Ma main effleura l’acier humide des barreaux. Je continuai mon ascension, regardant de temps à autres l’avenue bien fréquentée sous mes pieds. De la hauteur à laquelle je me trouvais, mes yeux pouvaient percevoir la lumineuse statue de Liberty Island. Il fallait que je me dépêche sinon je ne pourrais pas voir le spectacle dans toute sa splendeur. Ma main rencontra enfin l’encornure de la minuscule plateforme métallique. Je me hissais rapidement puis m’assis, les jambes ballantes dans le vide de plusieurs centaines de mètres qui me séparait du goudron poussiéreux. Je mis mon sac sur mes genoux et en sortis un gros cigare et une petite fiole de whisky. Mes plus beaux cadeaux de Noël. L’air gelé qui me passait sur le visage me donnait des frissons, faisant apparaître des grimaces comiques sur ma figure rosâtre. J’allumai mon premier cadeau et débouchonnai le deuxième.

Les haut-parleurs de la ville diffusaient toujours la même musique en continus depuis plusieurs minutes. La sirène mélodieuse rebondissait entre les mastodontes de verres et d’aciers. Le vent portait encore jusqu’à mes oreilles le bruissement des arbres de Central Park et les pas précipités des personnes retardataires. Le feu d’artifice allait certainement commencé. La sirène se tut, les lumières des grands buildings s’éteignirent et plus aucun bruit ne chatouilla mes tympans. Un silence de béatitude se prolongeait sur la ville. Bien calé dans mon fauteuil improvisé, j’attendis le premier coup. Ça y est ! Le voilà ! Le halo sombre qui tournait autour de cet engin lui donnait un air chaleureux et fantomatique. Je laissai échapper un cri de joie du haut de l’Empire State Building. Un cri sombre et puissant se répandit dans les rues vidées et je n’eux qu’en réponse ma propre voix ténébreuse. La fusée fit une chute libre au-dessus de Ground Zero et je pus voir l’arbre de Noël le plus magnifique de toute ma vie. Le ciel s’embrasa, laissant étinceler les ramures. Le flash lumineux me traversa les pupilles. Le champignon atomique venait de réduire l’une des plus grandes villes de la petite humanité.