<h1>Noelfic</h1>

Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)


Par : Conan

Genre : Action , Réaliste

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 22

Publié le 01/05/14 à 23:53:21 par Conan

Les cris et la colère passés, le silence morbide auquel tous avaient commencé à s'habituer leur revient en pleine figure et les démoralise encore un peu plus. Bussy pose ses doigts squelettiques et blancs sur la musette de Nolet qui marche devant lui pour l'interpeller.
-Hé vieux, t'as vu les macchabées qu'ils étaient en train d'enterrer ?
-Ouais. Bah quoi ? Répond sèchement l’intéressé qui ne semble pas vouloir parler.
-T'as vu dans quel état ils étaient ?
-J'en ai rien à foutre.
-Non mais, la taille de leurs têtes ? Et leurs mains ?
Nolet se retourne vivement, stoppant la progression au sein de la colonne.
-Et alors ? Qu'est-ce que tu veux que j'en ait à foutre de ces conneries ? Me prends pas la tête avec tes histoires.
Bien qu'ils fassent la même taille, Nolet est bien plus costaud que Bussy. Son nez empâté de boxeur laisse deviner le nombre de coups qu'il a reçu, et ses mains de paysan se ferment pour former un poing aux métacarpes écrasées par les coups donnés. En face, son camarade ne fait pas le poids, n'ayant guère connu autre chose que les bancs du lycée.
-Calme-toi, je voulais pas t'énerver ! Prévient Bussy en présentant la paume de ses mains à celui qui s'avance vers lui d'une manière menaçante, tandis que ses yeux bleus s'arrondissent.
-Tu vas arrêter de me faire chier avec tes questions, monsieur l'intello, sinon j'vais vite te calmer.

Mais Nolet, aussi costaud qu'il soit, n'est pas plus brutal que le caporal de son escouade qui le saisit vivement par l'épaule et le secoue comme un prunier.
-C'est quoi ce bordel ! Qu'est-ce que vous branlez ! Hurle-t-il en direction de ses deux subordonnés.
-C'est rien caporal ! S'exclame la forte tête d'un ton protestataire. Il n'a pour seule réponse qu'une grande gifle sur le crâne de la part de son supérieur.
-Tu vas fermer ta gueule toi ! Le jour où t'auras sorti la tête de ton trou tu pourras me parler, en attendant vous la moulez tous les deux, et vous reprenez la marche !
-Oui caporal ! Lancent les deux soldats de première classe en cœur.
Une autre exclamation se fait entendre, à l'exact opposé de leur emplacement, en tête de colonne. Ils reconnaissent la voix du capitaine.
-Silence ! Dispositif sur trois-cent soixante degrés !
Sans se faire prier, les soldats se saisissent de leurs fusils et se postent, un genou au sol ou à plat ventre, et prennent en visée toutes les directions autours d'eux.

Le capitaine Berger, ses quatre lieutenants, ainsi que Bernac qui se trouve non loin d'eux, sont les seuls à rester encore debout. Ils font face à une clôture, dont un vieil écriteau accroché au grillage indique qu'elle est électrifiée. Pourtant, les fils de fer son déchirés en de nombreux endroits, voir arrachés, certains des poteaux qui les liaient sont abattus, et des câbles reposent sur le sol comme si une foule entière avait violé cette frontière et était passée à travers la grille. De l'autre côté de cette cloison, il n'y a qu'un terrain vague recouvert de déchets en tous genres, et plus loin encore s'élève une cité HLM et ses hautes tours à l'allure sordide.
-Vous avez une idée de ce que c'est, mon capitaine ? Questionne le lieutenant Guilet.
-J'ai une idée... Mais j'espère sincèrement me tromper.
L'un des lieutenants avance alors son pied sur les fils métalliques et les foule.
-Y'a longtemps que c'est plus électrifié si vous voulez tout savoir.
-Mon capitaine ! Tonne la voix de Paul au même instant. Les officiers se retournent, et trouvent le paysan accroupi au-dessus du sol, tenant entre ses mains un panneau.
-Ça traînait par terre... Vous devriez voir ça.
Ils s’approchent alors, pour inspecter la vieille pancarte de bois jaune, aux caractères imprimés en noir brut, et ornée d'un dessin de tête de mort ainsi d'une croix symbolisant un danger chimique.
''Danger, zone d'infection, ne dépassez pas cette zone.'' Dit Berger à haute voix en lisant.
-Vous... Vous croyez que c'est eux qui ont détruit la clôture, et qu'ils ont quitté leur zone? Demande Guilet, en proie à une soudaine sudation.

Louis relève la tête, tout en portant la main à son revolver.
-Ils sont là. Murmure-t-il. Un immense frisson de terreur parcourt la compagnie. Les soldats se crispent sur la détente de leurs fusils et de leurs mitraillettes.
Imité par ses officiers, le capitaine dégaine son arme, et se remet lentement en marche.
-On va reprendre la route. Gardez les yeux ouverts, et ne paniquez pas.
Les hommes avancent doucement, angoissés, parfois apeurés. Des gouttes de sueur roulent sur leur front et leurs joues. Le danger peut survenir à n'importe quel instant. Ils passent sur un trottoir couvert d'une énorme traînée de sang, et tous foulent l'hémoglobine sombre et caillée en retenant leur souffle. Chaque bruit les fait sursauter, chaque mouvement entraîne une effroyable stupeur. Les détentes sont fébriles, les esprits n'ont jamais été aussi vifs et les regards jamais autant à l'affût.

Mais ce n'est que lorsqu'une forme vaguement humaine leur apparaît, à peut-être cent ou cent-cinquante mètres de la tête de la colonne, que la peur les saisit réellement. Une dizaine de canons se pointent sur cette ombre bringuebalante et courbée qui avance vers eux à tâtons.
-Ne tirez pas ! Prévient le capitaine, en armant tout de même son revolver.
-Putain, mais c'est quoi ce truc ? Chuchote Nolet en tenant son pistolet-mitrailleur contre son torse, moins pour obtenir une réponse qu'il sait au fond de lui que personne n'a, que pour se rassurer, confirmer qu'il reste bel et bien encore des humains autours de lui.

L'espèce de primate qui s'avance vers eux semble être une femme, vêtue uniquement d'une sorte de tunique tellement sale que sa couleur d'origine est indéfinissable. Ses longs cheveux noirs lui cachent une grande partie du visage. Elle va pieds-nus, ne se souciant pas des débris et des saletés qui jonchent le sol. Berger se détache du groupe, et tente de capter son attention. Elle lève le visage vers la troupe, et Louis réalise alors qu'elle ne les avait pas vus : ses yeux ne sont rien d'autre que deux énorme billes rouges bardées de vaisseaux sanguins et grouillant comme des insectes. Néanmoins, elle a senti la présence des hommes, et commence, elle aussi à paniquer.
Tombant en arrière, elle se réceptionne tant bien que mal sur ses mains et recule en reniflant et en couinant, puis elle commence à pousser des cris stridents, plus assourdissants que ceux d'un animal pris au piège. En face, les soldats perdent leur calme, et certains ajustent leur visée sur sa tête afin de la faire taire.
-On dirait qu'elle appelle les autres ! Il faut la tuer ! S'écrie Guilet.
-Non ! Hurle Louis, gardant la tête froide, personne ne tire !
La créature se relève, et part en courant dans la direction d'où elle venait, puis disparaît derrière la façade d'un immeuble sans laisser la moindre trace de son passage.
Les hommes reprennent la marche, rapidement cette fois. Mais à peine quelques secondes après être repartis, ils font à nouveau la rencontre d'un autre individu, totalement nu cette fois.
Sortant de la vitrine brisée d'un magasin, il semble encore plus hideux et informe que sa congénère. Sa peau flasque pendouille de tous les cotés de son corps, si bien que son sexe n'est même pas visible. Son visage est totalement défiguré et sans aucun sens, sa grosse langue bleue pendouille hors d'une énorme cavité dentelée qui semble être sa mâchoire, et ses deux yeux noirs comme des billes n'ayant aucune lueur de conscience ni même de vie les fixent. Ses longs bras pendent le long de son corps atrophié, et ses jambes squelettiques se terminent sur les deux énormes blocs de chair qui lui font office de pieds. Il avance sur la droite de la troupe en boitant, poussant un léger gémissement rauque tout en marchant, et les hommes terrifiés reculent vivement lorsqu'ils le voient arriver sur eux.
Paul lève les yeux vers l'immeuble qui servait de planque à cette abomination, et sursaute en remarquant une paire de têtes tout aussi laides sortir d'une fenêtre pour fixer à leur tour ces visiteurs.
-Bordel, il en sort de partout ! Crie un soldat.

En effet, en quelques secondes, sortant des bâtiments, des ruelles sombres et des caves et autres souterrains obscurs, plusieurs dizaines de parias les encerclent, les observent de leurs yeux morts et cruels, couinant et faisant de petits bruits aussi angoissants que stressants.

-Bouvier, contacte la sixième compagnie, dis-leur qu'on est tombés en plein dans un nid de parias ! Ordonne Berger à son radio.
-J'ai déjà essayé ! Crie le soldat en tenant le combiné contre son oreille, ça passe pas, j'entends rien. Je n'arrive à capter aucune fréquence, j'ai jamais vu ça !
-Mais merde, c'est quoi cet endroit à la con encore ! S’énerve un soldat.

L'une des créatures, différentes des autres au sens que sa forme se rapproche le plus de celle d'un humain, semble beaucoup plus vive et plus rapide que les autres. Il s'agit d'un homme, bien que ses organes génitaux ne soient réduits qu'à une petite langue de chair pendant de son entrejambe. Sa peau striée de grosses veines violettes est d'une pâleur cadavérique, et son expression est aussi hargneuse que les dents pointues qu'il exhibe dans la grimace qu'il dirige vers le capitaine, qui s'avance vers lui en levant les bras.
-Écoutez, si vous nous comprenez, nous ne vous voulons pas de mal. Vous comprenez?
L'humanoïde se courbe devant le capitaine, puis s'accroupit à la manière d'un chat en émettant un sifflement semblable à celui d'une vipère. Puis, dépliant ses jambes longues et musculeuses, il saute sur un lampadaire au-dessus de la compagnie, et s'y agrippe à l'aide de ses bras en poussant un cri strident.

-Pour la compagnie, baïonnette au canon ! Crie Louis, sentant que la situation lui échappe, et que l'affrontement avec cette foule ignoble et agressive sera inévitable.
Bussy, à peine s'exécute-t-il dans la précipitation la plus totale, est surpris par l'énorme poids qui vient de abattre sur lui, et le fait tomber au sol, sur le ventre : le paria suspendu au lampadaire vient de lui sauter dessus, et commence à le frapper de toutes ses forces au niveau de la tête!

Une série de coups de feu très rapprochés se fait entendre, et le corps sans vie de l'infecté s'écroule sur son dos en hoquetant un liquide noir et glaiseux qui semble être son sang. Nolet le chasse d'un coup de pied, tendant sa main gauche à Bussy tandis que sa main droite tient sa mitraillette dont le canon est encore fumant.
-Relève-toi mec, faut pas rester là !

De tous les cotés de la colonne, depuis sa tête jusqu'à sa queue, des coups de feu tonnent et recouvrent les cris des parias de plus en plus excités. Plusieurs tentent encore de charger les soldats. Les créatures ne reculent jamais, pire encore, a chacune d'entre-elle qui est abattue, trois ou quatre nouvelles réapparaissent et foncent sur la troupe.
Les soldats, ne cédant pas à la panique, essayent de garder leurs munitions. Mais rapidement, le corps à corps devient inévitable, et la première compagnie est submergée par ces hordes hurlantes et incontrôlables.
-Mon capitaine, nous sommes encerclés, il ne faut pas rester ici ! Crie le lieutenant Guilet.
A peine Louis se retourne-t-il qu'une des bêtes en profite pour lui foncer dessus, et il a seulement le temps de lui loger une balle en pleine tête avant que l'infecté ne lui arrache la carotide avec les dents.
-Vous avez raison, on doit continuer à avancer ! Restez groupés, n'en laissez surtout pas un derrière !

Formant un bloc compact de corps et de fer, les soldats se regroupent et avancent en repoussant tant bien que mal les assauts des parias qui n'ont que faire de piétiner les cadavres flasques des leurs, et de répandre leur sang noir et gluant.
Paul prend sa visée, et abat d'un coup de mousqueton un infecté qui se ruait sur le flanc de Nolet, occupé quant à lui à tirer de courtes rafales sur ceux qui s'approchent de la troupe.
-Nolet, chargeur ! Crie ce dernier en ouvrant la pochette en toile contenant les magasins de son pistolet-mitrailleur. Un avorton se précipite alors sur lui, en tendant les deux énormes battoirs de viande qui lui servent de bras afin de le frapper. Il le repousse d'un chassé dans le ventre, mais l'être revient à la charge. C'est Bussy qui, d'un coup de baïonnette dans le cou, l'arrête dans sa course. Nolet recharge rapidement son arme, puis tire à nouveau rafale sur rafale.

Les coups de feu pleuvent maintenant, toute la horde se précipite sur eux avec une violence et une haine sans limite. De nombreux soldats sont contraints au corps à corps et donnent la mort à coups de couteau ou de crosse de fusil. Certains sont mordus jusqu'au sang, ou frappés jusqu'à l'étourdissement, et leurs camarades se voient obligés de les retenir avant qu'ils ne soient saisis par des dizaines de bras et massacrés par les bêtes qui les assaillent.

L'une d'entre-elles agrippe le poste radio fixé au dos de Bouvier, et sa force impressionnante arrache les sangles de cuir comme de vulgaires bouts de papiers. Le soldat se retourne alors, et tire sur son agresseur à plusieurs reprises. L'infecté s'écroule en hurlant, et Bouvier tente de récupérer son poste. Hélas, encore en vie, le paria l'attrape par la jambe, et lui arrache un énorme bout de mollet à l'aide de ses dents à travers son treillis. Bouvier tombe en hurlant, et avant que ses camarades n'aient le temps d'agir, une dizaine de monstres se précipitent sur lui dans le but de le massacrer aussi vite que possible, tels des fourmis sur une sauterelle prise au piège dans leur territoire. Ce n'est qu'après de longues secondes de lutte acharnée que la troupe parvient à libérer le soldat de l'emprise de ces ignominies. Quel n'est pas leur choc lorsqu'ils le retrouvent déjà couvert de sang. Son visage a été lacéré par leurs ongles, et ses mains sont crispées sur son ventre ouvert, duquel s'étendent sur le sol un flot de tripes et d'intestins. En quelques secondes, Bouvier a été tué et dévoré par ces bêtes abjectes.
-Ils ont eu Bouvier ! Ces fils de putes ont eu Bouvier !
-La ferme, il est pas mort ! S'écrie Nolet en l'attrapant par les bras pour le porter.
Son caporal lui frappe alors l'épaule :
-Arrête tes conneries Nolet, il est déjà mort !
-Je m'en fous ! Je leur laisse pas ! Ils vont s'acharner sur lui ! On n'a pas le droit de le laisser là ! S'emporte le soldat, les yeux rougis par la colère et la voix éraillée à force de hurler.
-Tu vas tous nous faire tuer Nolet ! Gronde Paul de sa voix puissante en rechargeant son fusil à verrou.
Sans un mot, Nolet lâche le cadavre de son ami et reprend son pistolet-mitrailleur, vidant son chargeur sur tous ceux qui s’approchent du corps ensanglanté de Bouvier dont il s'éloigne petit-à-petit.
Louis ouvre le barillet de son revolver et se rend compte qu'il a épuisé toutes ses munitions, tandis qu'en face, une nouvelle vague d'assaillants se dirige vers sa compagnie.
''On n'en réchappera pas'' pense-t-il en sortant sa dague de son fourreau.

Commentaires

Droran

02/05/14 à 03:26:56

Ce coup-ci, ou ils se font sauver in extremis, oe une poignée d'entre-eux arriveront à survivre (m'enfin si je me souviens bien, ils sont entre 50 et 100). C'est fort, c'est bien décrit, c'est franchement bien. J'ai adoré !

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