Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)
Par : Conan
Genre : Action , Réaliste
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 21
Publié le 30/03/14 à 20:48:33 par Conan
Le capitaine se retourne, encore abasourdi par les nouvelles qu'il vient d'entendre : il y a donc des colonies de survivants au cœur de cette sinistre zone, réputée pour être le territoire des parias, des infectés, des irradiés de toutes sortes et de tous genres. D'un geste de la main, il fait venir à lui son radiotéléphoniste, qui porte sanglé à son dos le lourd émetteur-récepteur en plus du même sac que ses autres camarades.
-Mon capitaine ! Annonce le soldat en accourant devant son chef.
-Bouvier, prenez immédiatement contact avec l'état-major.
-Bien pris !
Le radio s'accroupit, pose son poste à même le sol, et tandis qu'il décroche le combiné en tournant la molette de sélection de la fréquence, le reste de la compagnie se détend peu à peu. Certains se dirigent même vers l'habitant afin d'engager la conversation avec lui.
-Bah dites-donc. Vous devez pas vous marrer tous les jours dans ce coin ! S'exclame Nolet en souriant.
Meurice a un haussement d'épaules.
-Bof, vous savez, une fois qu'on y est habitué...
-Les autre dégénérés vous font pas trop chier ? Demande un caporal à la barbe de trois jours.
-Ça dépend. En fait, c'est très instable. Parfois on va pas en entendre un pendant des jours, et à d'autres moments, ils vont s'exciter et nous attaquer des heures durant. Parait-il que ça aurait à voir avec la pleine lune, et ce genre de trucs.
-Oh, les gars, vous la moulez ! Tranche sèchement le lieutenant Guilet en direction du petit groupe entassé autours de celui qu'ils considèrent comme un Robison Crusoé. Penauds, les soldats se taisent en regardant le sol. Certains vérifient que leurs cartouchières ne soient pas ouvertes, d'autres réajustent leurs tenues. Nolet reste immobile, reluquant l'habitant de la tête aux pieds.
Louis avance en direction de Bouvier, et pose les poings sur ses hanches.
-Ça veut pas mon capitaine. La liaison a du mal à passer, c'est sans doute a cause de tous ces bâtiments. Dit le soldat, sentant la question venir. Je vais devoir passer en graphie, j'aurai plus de chances de les avoir.
-Bien. Dites-leur que nous sommes tombés sur un habitant, et que nous nous rendons au niveau de leur zone de vie afin de nous rendre compte de la situation. Dites aussi au commandant de la sixième compagnie de ne pas nous attendre et de continuer droit vers Paris. Nous les rattraperons.
-Bien, mon capitaine.
Sortant son marteau de manipulation d'une pochette située sur le coté du poste radio, Bouvier tape dessus de ses deux doigts afin de communiquer en signaux morse.
-Votre marché est-il loin d'ici? Demande Louis au civil, planté comme un piquet devant la troupe de soldats.
-Non, à deux pas, dans le centre-ville.
-Pouvez-vous nous y conduire ?
-Ça devrait pas poser de problème.
-Bien. Le capitaine se retourne vers sa compagnie, et effectue le signe de ralliement en faisant tournoyer sa main au dessus de sa tête.
-Rassemblement par sections ! Préparez-vous à repartir ! Dit-il énergiquement.
La cohorte grouillante d'uniformes verts s'exécute sans un mot, tandis que Bouvier retire son casque d'écoute et range son matériel dans sa musette.
-C'est bon mon capitaine, j'ai pu avoir l'état-major et la six !
-Qu'est-ce qu'ils ont dit ?
-Le colonel veut que nous soyons sur la capitale avant la nuit.
-Bien. Assez perdu de temps, remettons-nous en marche.
Dirigés par Marcel Meurice, les soldats continuent de découvrir le lieu de désolation. Vivre ici doit être un véritable calvaire, ou bien Meurice et les siens sont inconscients.
La compagnie emprunte une rue qui les fait sortir des quartiers d'habitation pour déboucher vers ce qui semble être une avenue commerçante. Bien que tous les magasins aient depuis été pillés, ravagés, barricadés ou incendiés, chacun peut s'imaginer à quoi ce centre-ville ressemblait il y a encore quelques années. Au bout de l'avenue, un halo de lumière attire leur attention.
-C'est là-bas. Sur la Grand'place. Annonce leur guide en la pointant du doigt.
Les soldats s'y dirigent en colonne, étonnés de découvrir une série d'étals dressés tout autours de cette place. Les commerçants semblent s'y être organisés depuis belle lurette, et les hommes abasourdis découvrent des professions qu'ils pensaient éteintes depuis plusieurs décennies. Forgerons, cordonniers et autres tailleurs de pierre ou de bois sont installés les uns à coté des autres. Ici, on bricole et on rafistole. Là, on fait du troc. Des fusils à un seul coup, bricolés dans des tubes de PVC ou de ferraille, sont échangés contre des boites de conserve. Ces boites de conserves sont, elles, échangeables contre cinq ou sept cartouches de fusil, selon qu'elles contiennent de la viande ou uniquement des légumes. Des chats, des rats ou encore des pigeons sont embrochés au dessus d'un feu et cuisent lentement.
-C'était ça la lumière en fait, leur barbecue ! S'exclame Bussy.
-Putain, j'ai la dalle. Il te reste du pain de guerre ? Lui demande Nolet.
Des haricots, de l'eau, du métal, du bois, du plomb, du tissu, des grenades artisanales, des pistolets, des fusils, des bottes. Tout se vend, ou plutôt s'échange dans cette cour des miracles, et si en temps normal tous ces artefacts semblent usés et inutiles, chaque paire de chaussure ou chaque cartouche semble ici arborer une importance vitale, presque messianique. Plusieurs badauds, surpris de voir une troupe en arme débarquer, reculent à la vue de ces uniformes dont la couleur kaki est associée à la répression et à la guerre qui les a poussés à mener cette vie primitive. Deux types tenant des fusils de chasse entre leurs mains se dirigent vers Meurice sans même adresser un regard aux militaires.
-Dis-donc Marcel, c'est quoi ça ? Demande le plus vieux et le plus gros d'entre-eux.
-Des bidasses qui cherchaient leur chemin pour Paris.
-Tiens, leur splendide gouvernement n'a même plus les moyens de leur affréter des avions ou de les déposer en camion ?
Louis, accompagné de Paul, s'avance à la rencontre de ceux qu'il pense être des gardes.
-Bonjour, capitaine Berger. Je commande cette unité.
-Salut, capitaine. Qu'est-ce qui vous amène ?
Agacé par le ton sarcastique et autoritaire de son interlocuteur, Louis occulte sa question.
-Vous arrivez à survivre ainsi depuis quinze ans ?
-Seize, monsieur. Écoutez, je sais pas ce que vous êtes venus faire ici, et à vrai dire, j'men fous. Là, c'est notre territoire, alors soit vous avez quelque chose à échanger au marché, soit je vous souhaite bon vent.
-Vous ne voulez donc pas de l'aide de l'armée ? Peut-être préfèrez-vous la compagnie des parias.
Le chasseur arbore un sourire cynique.
-Mais mon p'tit monsieur, votre armée, à part nous tirer dessus, elle a pas fait grand chose pour nous. Les parias, on en fait notre affaire, et on la fait très bien seuls, si vous voulez savoir. Vos soldats, ils n'ont aucun pouvoir ici. Alors j'me répète, soit vous êtes ici pour acheter, soit vous pouvez repartir d'où vous êtes venus.
-Ouais, c'est bien vrai ça. L'armée on n'en veut pas ! S'écrie une bonne femme, un fichu sur la tête et un sac cabas à la main.
-Les soldats, ils nous on rien apporté d'autre que du malheur et de la guerre ! Grogne un homme maigre à l'aspect maladif, semblant avoir du mal à tenir debout s'il n'avait pas sa canne.
-Vous n'allez donc pas nous laisser en paix ? On vit comme on peut ici, mais on s'est toujours débrouillés sans votre aide ! Clame une autre femme, plus jeune, et assez jolie d'ailleurs, bien que son allure ne soit pas plus soignée que celle des autres habitants.
Devant la colère de la foule qui s'amasse autours d'eux, les militaires se voient obligés de rebrousser chemin, essuyant insultes et invectives.
-Décidément, je ne comprends vraiment plus rien. Confie le capitaine à Bernac.
-Y'a pas grand chose à comprendre. Ces gens sont malheureux. Ils veulent qu'on les laisse tranquilles. On ne pourra pas les forcer à vivre ailleurs.
-Mais pourquoi l'armée leur aurait-elle tiré dessus ? Quand ça ? Je ne savais même pas qu'il existait encore des personnes en vie ici. Cela ne rime à rien.
-Plus vite on aura quitté cette maudite banlieue, plus nous aurons de chances de survivre.
Tandis que la troupe s'en va, honteuse, sous les cris de la foule en colère, les hommes jettent un œil aux étals de marchandise. Et alors que les soldats s'éloignent du marché, une odeur fétide leur donne des hauts le cœur et coupe définitivement l'appétit de Nolet. En effet, à quelques mètres de la route a été creusée une immense fosse commune, dans laquelle deux hommes masqués et vêtus de tenues de protection plastifiées jettent pêle-mêle les cadavres des derniers parias abattus et des habitants tués lors de la dernière attaque.
-Mon capitaine ! Annonce le soldat en accourant devant son chef.
-Bouvier, prenez immédiatement contact avec l'état-major.
-Bien pris !
Le radio s'accroupit, pose son poste à même le sol, et tandis qu'il décroche le combiné en tournant la molette de sélection de la fréquence, le reste de la compagnie se détend peu à peu. Certains se dirigent même vers l'habitant afin d'engager la conversation avec lui.
-Bah dites-donc. Vous devez pas vous marrer tous les jours dans ce coin ! S'exclame Nolet en souriant.
Meurice a un haussement d'épaules.
-Bof, vous savez, une fois qu'on y est habitué...
-Les autre dégénérés vous font pas trop chier ? Demande un caporal à la barbe de trois jours.
-Ça dépend. En fait, c'est très instable. Parfois on va pas en entendre un pendant des jours, et à d'autres moments, ils vont s'exciter et nous attaquer des heures durant. Parait-il que ça aurait à voir avec la pleine lune, et ce genre de trucs.
-Oh, les gars, vous la moulez ! Tranche sèchement le lieutenant Guilet en direction du petit groupe entassé autours de celui qu'ils considèrent comme un Robison Crusoé. Penauds, les soldats se taisent en regardant le sol. Certains vérifient que leurs cartouchières ne soient pas ouvertes, d'autres réajustent leurs tenues. Nolet reste immobile, reluquant l'habitant de la tête aux pieds.
Louis avance en direction de Bouvier, et pose les poings sur ses hanches.
-Ça veut pas mon capitaine. La liaison a du mal à passer, c'est sans doute a cause de tous ces bâtiments. Dit le soldat, sentant la question venir. Je vais devoir passer en graphie, j'aurai plus de chances de les avoir.
-Bien. Dites-leur que nous sommes tombés sur un habitant, et que nous nous rendons au niveau de leur zone de vie afin de nous rendre compte de la situation. Dites aussi au commandant de la sixième compagnie de ne pas nous attendre et de continuer droit vers Paris. Nous les rattraperons.
-Bien, mon capitaine.
Sortant son marteau de manipulation d'une pochette située sur le coté du poste radio, Bouvier tape dessus de ses deux doigts afin de communiquer en signaux morse.
-Votre marché est-il loin d'ici? Demande Louis au civil, planté comme un piquet devant la troupe de soldats.
-Non, à deux pas, dans le centre-ville.
-Pouvez-vous nous y conduire ?
-Ça devrait pas poser de problème.
-Bien. Le capitaine se retourne vers sa compagnie, et effectue le signe de ralliement en faisant tournoyer sa main au dessus de sa tête.
-Rassemblement par sections ! Préparez-vous à repartir ! Dit-il énergiquement.
La cohorte grouillante d'uniformes verts s'exécute sans un mot, tandis que Bouvier retire son casque d'écoute et range son matériel dans sa musette.
-C'est bon mon capitaine, j'ai pu avoir l'état-major et la six !
-Qu'est-ce qu'ils ont dit ?
-Le colonel veut que nous soyons sur la capitale avant la nuit.
-Bien. Assez perdu de temps, remettons-nous en marche.
Dirigés par Marcel Meurice, les soldats continuent de découvrir le lieu de désolation. Vivre ici doit être un véritable calvaire, ou bien Meurice et les siens sont inconscients.
La compagnie emprunte une rue qui les fait sortir des quartiers d'habitation pour déboucher vers ce qui semble être une avenue commerçante. Bien que tous les magasins aient depuis été pillés, ravagés, barricadés ou incendiés, chacun peut s'imaginer à quoi ce centre-ville ressemblait il y a encore quelques années. Au bout de l'avenue, un halo de lumière attire leur attention.
-C'est là-bas. Sur la Grand'place. Annonce leur guide en la pointant du doigt.
Les soldats s'y dirigent en colonne, étonnés de découvrir une série d'étals dressés tout autours de cette place. Les commerçants semblent s'y être organisés depuis belle lurette, et les hommes abasourdis découvrent des professions qu'ils pensaient éteintes depuis plusieurs décennies. Forgerons, cordonniers et autres tailleurs de pierre ou de bois sont installés les uns à coté des autres. Ici, on bricole et on rafistole. Là, on fait du troc. Des fusils à un seul coup, bricolés dans des tubes de PVC ou de ferraille, sont échangés contre des boites de conserve. Ces boites de conserves sont, elles, échangeables contre cinq ou sept cartouches de fusil, selon qu'elles contiennent de la viande ou uniquement des légumes. Des chats, des rats ou encore des pigeons sont embrochés au dessus d'un feu et cuisent lentement.
-C'était ça la lumière en fait, leur barbecue ! S'exclame Bussy.
-Putain, j'ai la dalle. Il te reste du pain de guerre ? Lui demande Nolet.
Des haricots, de l'eau, du métal, du bois, du plomb, du tissu, des grenades artisanales, des pistolets, des fusils, des bottes. Tout se vend, ou plutôt s'échange dans cette cour des miracles, et si en temps normal tous ces artefacts semblent usés et inutiles, chaque paire de chaussure ou chaque cartouche semble ici arborer une importance vitale, presque messianique. Plusieurs badauds, surpris de voir une troupe en arme débarquer, reculent à la vue de ces uniformes dont la couleur kaki est associée à la répression et à la guerre qui les a poussés à mener cette vie primitive. Deux types tenant des fusils de chasse entre leurs mains se dirigent vers Meurice sans même adresser un regard aux militaires.
-Dis-donc Marcel, c'est quoi ça ? Demande le plus vieux et le plus gros d'entre-eux.
-Des bidasses qui cherchaient leur chemin pour Paris.
-Tiens, leur splendide gouvernement n'a même plus les moyens de leur affréter des avions ou de les déposer en camion ?
Louis, accompagné de Paul, s'avance à la rencontre de ceux qu'il pense être des gardes.
-Bonjour, capitaine Berger. Je commande cette unité.
-Salut, capitaine. Qu'est-ce qui vous amène ?
Agacé par le ton sarcastique et autoritaire de son interlocuteur, Louis occulte sa question.
-Vous arrivez à survivre ainsi depuis quinze ans ?
-Seize, monsieur. Écoutez, je sais pas ce que vous êtes venus faire ici, et à vrai dire, j'men fous. Là, c'est notre territoire, alors soit vous avez quelque chose à échanger au marché, soit je vous souhaite bon vent.
-Vous ne voulez donc pas de l'aide de l'armée ? Peut-être préfèrez-vous la compagnie des parias.
Le chasseur arbore un sourire cynique.
-Mais mon p'tit monsieur, votre armée, à part nous tirer dessus, elle a pas fait grand chose pour nous. Les parias, on en fait notre affaire, et on la fait très bien seuls, si vous voulez savoir. Vos soldats, ils n'ont aucun pouvoir ici. Alors j'me répète, soit vous êtes ici pour acheter, soit vous pouvez repartir d'où vous êtes venus.
-Ouais, c'est bien vrai ça. L'armée on n'en veut pas ! S'écrie une bonne femme, un fichu sur la tête et un sac cabas à la main.
-Les soldats, ils nous on rien apporté d'autre que du malheur et de la guerre ! Grogne un homme maigre à l'aspect maladif, semblant avoir du mal à tenir debout s'il n'avait pas sa canne.
-Vous n'allez donc pas nous laisser en paix ? On vit comme on peut ici, mais on s'est toujours débrouillés sans votre aide ! Clame une autre femme, plus jeune, et assez jolie d'ailleurs, bien que son allure ne soit pas plus soignée que celle des autres habitants.
Devant la colère de la foule qui s'amasse autours d'eux, les militaires se voient obligés de rebrousser chemin, essuyant insultes et invectives.
-Décidément, je ne comprends vraiment plus rien. Confie le capitaine à Bernac.
-Y'a pas grand chose à comprendre. Ces gens sont malheureux. Ils veulent qu'on les laisse tranquilles. On ne pourra pas les forcer à vivre ailleurs.
-Mais pourquoi l'armée leur aurait-elle tiré dessus ? Quand ça ? Je ne savais même pas qu'il existait encore des personnes en vie ici. Cela ne rime à rien.
-Plus vite on aura quitté cette maudite banlieue, plus nous aurons de chances de survivre.
Tandis que la troupe s'en va, honteuse, sous les cris de la foule en colère, les hommes jettent un œil aux étals de marchandise. Et alors que les soldats s'éloignent du marché, une odeur fétide leur donne des hauts le cœur et coupe définitivement l'appétit de Nolet. En effet, à quelques mètres de la route a été creusée une immense fosse commune, dans laquelle deux hommes masqués et vêtus de tenues de protection plastifiées jettent pêle-mêle les cadavres des derniers parias abattus et des habitants tués lors de la dernière attaque.
28/04/14 à 22:21:31
La suite
15/04/14 à 23:37:11
Très prenant, vivement la suite :sweet:
Et j'adore ton nouvel avatar
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