Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)
Par : Conan
Genre : Action , Réaliste
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 20
Publié le 23/03/14 à 21:17:58 par Conan
La grisaille urbaine au milieu de laquelle la troupe progresse lentement semble abandonnée des hommes comme des cieux. Pourtant, un sentiment s'est emparé de chacun des membres de la troupe, un sentiment qui ne les quitte plus, qui leur prend les tripes et les fait frissonner : ils ne sont pas seuls. Quelqu'un, ou quelque chose, les regarde progresser dans ces rues désertes où le vent balaye quelques vieux papiers de journaux et autres feuilles mortes. Mais tant que rien ne les attaque, ni même ne se manifeste, mieux vaut continuer à avancer.
Sur leur passage, la route est crevassée, et de ces trous sortent des mauvaises herbes, parfois de petits buissons fragiles et timides, et même, à certains endroits, des pousses d'arbres.
''La nature reprend toujours ses droits.'' Tonne un soldat dans la cohorte.
Les façades des habitations et des commerces situés dans les petites rues sombres sont recouverts d'écritures et de dessins inquiétants. Écrits pour le plus souvent au marqueur ou à la peinture rouge, les messages sont alarmistes et désespérés. Ainsi, des ''Morts aux Bolcheviques, l'Europe vaincra'' côtoient des ''Fuyez, tant qu'il est encore temps'' et autres ''A bas l’État, le peuple se révoltera''. D'autres inscriptions se veulent plus humoristiques ou cyniques : ''Engagez-vous, qu'ils disaient'', ''Merde à celui qui lit ça''. Les hommes sont tellement absorbés par ces inscriptions qu'ils ne se rendent pas compte qu'à une centaine de mètres face à eux, une ombre vient de traverser la route.
Des voitures antiques et recouvertes de poussière jalonnent leur avancée, et au fur et à mesure qu'ils découvrent la ville, les soldats se prennent pour des archéologues, des aventuriers découvrant une civilisation perdue et dont les traces de vie ont laissé des trésors ne demandant qu'à être explorés. Hélas, les stigmates des affrontements et des mouvements de foule laissés par les autochtones d'alors leurs rappellent bien qu'il s'agit de leur propre passé dont ils découvrent les ruines. Ici, ce qui était une boulangerie a entièrement brûlé. Là, c'est une brasserie qui a été saccagée. Ou encore cette rangée de véhicules noircis par les flammes. Rien ne semble pourtant avoir bougé depuis les quinze années qui séparent ces jeunes personnes de ces décombres. Comme si toute la population de la région avait subitement disparu, du jour au lendemain, après une nuit de panique et de folie.
Soudainement, devant-eux, le cri strident d'une alarme de voiture les fait sursauter, et les rappelle à leur condition d'hommes à la merci de cette immense cité et de ses mystères. Ceux qui sont en tête pointent leurs fusils en direction du bruit, tandis que les militaires à l'arrière se déploient sur la largeur de la rue qu'ils occupent, se postant aux coins des murs ou derrière les véhicules.
Le capitaine, qui a lui aussi dégainé son arme, fait un signe du bras en direction d'un de ses groupes de combat, afin qu'il poursuive son avancée. Les soldat aux aguets remontent la rue, appuyés par leurs camarades. D'autres lèvent leurs armes vers les étages des bâtiments qui les entourent, et la compagnie se transforme en un hérisson dont les épines sont des canons de fusil.
Les hommes progressent lentement et précautionneusement alors que l'alarme arrête de sonner. Louis, le pouce appuyé sur le marteau de son revolver, suit la section de tête au plus près afin de pouvoir donner ses ordres au plus vite. Quelque chose a bougé, mais quoi ?
Un volet de fenêtre claque au dessus d'eux, et instantanément, cinq soldats se retournent et mettent en joue l'homme qui vient d’apparaître. Barbu, hirsute, et visiblement tout aussi surpris que les hommes qui le visent, il lève les mains sans dire un seul mot.
-Ne tirez pas ! S'écrie Louis, sentant que la pression et la lourdeur de l'atmosphère pourraient donner un geste malheureux à l'un de ses hommes.
-Des soldats ? Ça faisait un bail qu'on n'en avait pas vu. Laisse échapper le type. Son pull de laine à carreaux gonflé par sa panse remue au rythme de sa respiration saccadée.
-Qui êtes vous ? Qu'est-ce que vous faites ici ? Lui demande énergiquement Berger en baissant son revolver.
-Marcel Meurice. J'vis là depuis toujours ! On fait rien de mal ici !
Louis se tourne vers l'un de ses lieutenants, Guilet, qui a un haussement d'épaule lorsque son capitaine le questionne du regard. Berger se tourne à nouveau vers la fenêtre, et demande à l'homme au premier étage :
-Vous êtes seul ici ?
-Ben, il y a moi, ma femme, et mes deux filles. Mais elles sont parties au marché ce matin, elles reviendront pas avant plusieurs heures.
Louis se pose des questions. Un marché ? Comment diable peut-il y avoir un marché dans une zone pareille, et pire encore, qui peut bien vivre ici ? Il observe attentivement l'homme. Il semble sain, peut-être un peu crasseux, mais clairement, ce n'est pas un paria.
-Qu'est-ce que vous êtes venus faire ici, vous et votre armada ? Interroge l'habitant.
-Nous ne faisons que passer. Où se trouve votre marché ? Je pensais qu'il n'y avait que des parias dans ce secteur.
-Là-haut, plus au nord... Les parias ne viennent pas souvent ici. Vous... Vous permettez que je baisse les bras ? Je commence à fatiguer.
Le capitaine fait baisser ses armes à ses hommes, et demande au type de descendre de chez lui. L'homme accepte, qu'il le veuille ou non, et disparaît après avoir fermé sa fenêtre.
-C'est quoi se foutoir ? Se demande Nolet en maintenant le bout de la rue dans sa ligne de mire.
-Apparemment, des gens vivent encore ici. Répond Paul, tranquille, debout à coté de lui, son fusil à la main.
-C'était une question théorique.
-Rhétorique ! Rétorque la voix fluette de Bussy qui est à genoux derrière eux.
-Vous allez pas fermer vos gueules ?! S’énerve le caporal hirsute, posté à coté du jeune Bussy.
L'homme réapparaît au pied de l'immeuble dont il sort. Deux soldats maintiennent leurs carabines pointées dans sa direction, mais il n'est pas armé et ne porte rien d'autre que son pull de laine, un jeans et des pantoufles.
-Baissez vos armes. Dit Berger tandis qu'il fait signe à l'homme de s'approcher.
-Vous êtes pas venus pour nous faire du mal, pas vrai ? Demande Meurice, crédule.
-Pourquoi est-ce qu'on vous ferait du mal ?
-La plupart des militaires pensent que nous sommes des parias. Mais beaucoup de gens normaux vivent encore ici. Vous êtes fous d'être venus vous aventurer dans ce coin sans rien n'y connaître.
-Vous vous moquez de moi ? Vous vivez ici avec votre famille, totalement coupés du reste du monde, et vous prétendez me faire des leçons de morale ?
-Désolé, monsieur le soldat, mais c'est la vérité : vous avez eu de la veine de n'être pas tombés ailleurs qu'ici. Je connais la cité comme ma poche, et certains coins sont vraiment à éviter.
Sur leur passage, la route est crevassée, et de ces trous sortent des mauvaises herbes, parfois de petits buissons fragiles et timides, et même, à certains endroits, des pousses d'arbres.
''La nature reprend toujours ses droits.'' Tonne un soldat dans la cohorte.
Les façades des habitations et des commerces situés dans les petites rues sombres sont recouverts d'écritures et de dessins inquiétants. Écrits pour le plus souvent au marqueur ou à la peinture rouge, les messages sont alarmistes et désespérés. Ainsi, des ''Morts aux Bolcheviques, l'Europe vaincra'' côtoient des ''Fuyez, tant qu'il est encore temps'' et autres ''A bas l’État, le peuple se révoltera''. D'autres inscriptions se veulent plus humoristiques ou cyniques : ''Engagez-vous, qu'ils disaient'', ''Merde à celui qui lit ça''. Les hommes sont tellement absorbés par ces inscriptions qu'ils ne se rendent pas compte qu'à une centaine de mètres face à eux, une ombre vient de traverser la route.
Des voitures antiques et recouvertes de poussière jalonnent leur avancée, et au fur et à mesure qu'ils découvrent la ville, les soldats se prennent pour des archéologues, des aventuriers découvrant une civilisation perdue et dont les traces de vie ont laissé des trésors ne demandant qu'à être explorés. Hélas, les stigmates des affrontements et des mouvements de foule laissés par les autochtones d'alors leurs rappellent bien qu'il s'agit de leur propre passé dont ils découvrent les ruines. Ici, ce qui était une boulangerie a entièrement brûlé. Là, c'est une brasserie qui a été saccagée. Ou encore cette rangée de véhicules noircis par les flammes. Rien ne semble pourtant avoir bougé depuis les quinze années qui séparent ces jeunes personnes de ces décombres. Comme si toute la population de la région avait subitement disparu, du jour au lendemain, après une nuit de panique et de folie.
Soudainement, devant-eux, le cri strident d'une alarme de voiture les fait sursauter, et les rappelle à leur condition d'hommes à la merci de cette immense cité et de ses mystères. Ceux qui sont en tête pointent leurs fusils en direction du bruit, tandis que les militaires à l'arrière se déploient sur la largeur de la rue qu'ils occupent, se postant aux coins des murs ou derrière les véhicules.
Le capitaine, qui a lui aussi dégainé son arme, fait un signe du bras en direction d'un de ses groupes de combat, afin qu'il poursuive son avancée. Les soldat aux aguets remontent la rue, appuyés par leurs camarades. D'autres lèvent leurs armes vers les étages des bâtiments qui les entourent, et la compagnie se transforme en un hérisson dont les épines sont des canons de fusil.
Les hommes progressent lentement et précautionneusement alors que l'alarme arrête de sonner. Louis, le pouce appuyé sur le marteau de son revolver, suit la section de tête au plus près afin de pouvoir donner ses ordres au plus vite. Quelque chose a bougé, mais quoi ?
Un volet de fenêtre claque au dessus d'eux, et instantanément, cinq soldats se retournent et mettent en joue l'homme qui vient d’apparaître. Barbu, hirsute, et visiblement tout aussi surpris que les hommes qui le visent, il lève les mains sans dire un seul mot.
-Ne tirez pas ! S'écrie Louis, sentant que la pression et la lourdeur de l'atmosphère pourraient donner un geste malheureux à l'un de ses hommes.
-Des soldats ? Ça faisait un bail qu'on n'en avait pas vu. Laisse échapper le type. Son pull de laine à carreaux gonflé par sa panse remue au rythme de sa respiration saccadée.
-Qui êtes vous ? Qu'est-ce que vous faites ici ? Lui demande énergiquement Berger en baissant son revolver.
-Marcel Meurice. J'vis là depuis toujours ! On fait rien de mal ici !
Louis se tourne vers l'un de ses lieutenants, Guilet, qui a un haussement d'épaule lorsque son capitaine le questionne du regard. Berger se tourne à nouveau vers la fenêtre, et demande à l'homme au premier étage :
-Vous êtes seul ici ?
-Ben, il y a moi, ma femme, et mes deux filles. Mais elles sont parties au marché ce matin, elles reviendront pas avant plusieurs heures.
Louis se pose des questions. Un marché ? Comment diable peut-il y avoir un marché dans une zone pareille, et pire encore, qui peut bien vivre ici ? Il observe attentivement l'homme. Il semble sain, peut-être un peu crasseux, mais clairement, ce n'est pas un paria.
-Qu'est-ce que vous êtes venus faire ici, vous et votre armada ? Interroge l'habitant.
-Nous ne faisons que passer. Où se trouve votre marché ? Je pensais qu'il n'y avait que des parias dans ce secteur.
-Là-haut, plus au nord... Les parias ne viennent pas souvent ici. Vous... Vous permettez que je baisse les bras ? Je commence à fatiguer.
Le capitaine fait baisser ses armes à ses hommes, et demande au type de descendre de chez lui. L'homme accepte, qu'il le veuille ou non, et disparaît après avoir fermé sa fenêtre.
-C'est quoi se foutoir ? Se demande Nolet en maintenant le bout de la rue dans sa ligne de mire.
-Apparemment, des gens vivent encore ici. Répond Paul, tranquille, debout à coté de lui, son fusil à la main.
-C'était une question théorique.
-Rhétorique ! Rétorque la voix fluette de Bussy qui est à genoux derrière eux.
-Vous allez pas fermer vos gueules ?! S’énerve le caporal hirsute, posté à coté du jeune Bussy.
L'homme réapparaît au pied de l'immeuble dont il sort. Deux soldats maintiennent leurs carabines pointées dans sa direction, mais il n'est pas armé et ne porte rien d'autre que son pull de laine, un jeans et des pantoufles.
-Baissez vos armes. Dit Berger tandis qu'il fait signe à l'homme de s'approcher.
-Vous êtes pas venus pour nous faire du mal, pas vrai ? Demande Meurice, crédule.
-Pourquoi est-ce qu'on vous ferait du mal ?
-La plupart des militaires pensent que nous sommes des parias. Mais beaucoup de gens normaux vivent encore ici. Vous êtes fous d'être venus vous aventurer dans ce coin sans rien n'y connaître.
-Vous vous moquez de moi ? Vous vivez ici avec votre famille, totalement coupés du reste du monde, et vous prétendez me faire des leçons de morale ?
-Désolé, monsieur le soldat, mais c'est la vérité : vous avez eu de la veine de n'être pas tombés ailleurs qu'ici. Je connais la cité comme ma poche, et certains coins sont vraiment à éviter.
28/03/14 à 09:42:44
Surprenant. Ça craint pour l'autre équipe...
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