(tentative_pitoyable_numero_deux_de_pondre_une_suite_a_AE_)
Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 2
Publié le 19/08/13 à 01:15:40 par Pseudo supprimé
- Gregor.
L’ouverture des canaux visuels se confondait en un rêve éphémère de couleurs, où le visage de mon maître se mélangeait à une symphonie ésotérique de transcriptions binaires, de lignes de codages et de tâches infrarouges éblouissantes.
- Gregor, je sais que vous m’entendez.
Une voix brute, assurée, qui dévoilait dans le même temps une jeunesse insolente. Un aplomb qui me guidait dans ce retour au monde des vivants, me montrant chaque pas, chaque mouvement de l’esprit au rythme cadencé des bioprocess et des impératifs divers s’échouant, vague douce et tiède, sur mon système de régulation robotique.
- Oui. Oui, mon Regalium.
Le sang qui avait coulé ne signifiait qu’une chose. En acceptant ma mission, j’avais encore davantage abandonné mon humanité apparente. La dernière mise à jour du terminal biologique indiquait que toute la partie supérieur droite de mon visage, mon menton, mon système cœur-poumon est une infime partie de mon lobe frontal avaient été substitué par des implants. Malgré l’irréversibilité du processus, ces dernières modifications constituaient un nouvel avantage pour la vie que je menais. Vie qui me rapprochait de la perfection incarnée par l’Esprit de la Machine, et que je ne pouvais qu’effleurer du bout des doigts.
- Gregor … Je ne vous remercierais jamais assez.
Le cliquetis d’une des pinces du jeune dignitaire échoua sur mon épaule. Je détournais mon regard. Je percevais la mécanique froide de son esprit se briser dans sa voix.
- je suis condamné, n’est-ce-pas, mon Regalium ?
Un sourire triste ternissait ses nobles traits. Le plissement douloureux du front au dessus de son unique œil organique, le tiraillement de son beau visage à la barbe blonde, la pâleur de ses lèvres, tout en lui semblait avoir vieilli prématurément, en une seule seconde.
Seul son corps conservait un aplomb sûr, expression brutale d’une force vive colossale. Souligné par la ligne épurée d’une pelisse grise, la lourde musculature du fils impérial, faite d’airain, de verre, de carbone ne cessait d’impressionner les rares personnes à le côtoyer de près. Les plus précieux symboles de son pouvoir temporel et spirituel sur la nation cybernétique demeuraient les lourdes et effrayantes pinces qui terminaient les courbures de ses bras.
- Un éclat de carbone s’est planté sur le commutateur des sorties de votre réacteur, commença-t-il. Le réinjecteur est hors-service, et on ne peut pas le déconnecter sans risquer de mettre les fonctions vitales robotique hors tensions.
- Et l’alimentation secondaire ?
- L’instabilité de l’éclat provoquerait un court-circuit. Et cela vous tuerait à coup sûr.
Je soupirais lourdement, fermait mon regard et détournait la tête dans la direction opposée au Regalium. La parole devenait inutile, complètement superflu, tandis que le vague sentiment de sérénité qui m’avait jusqu’alors porté se retirait doucement.
Je sentais qu’Odarrick voulait me rassurer, me dire qu’il resterait là, le temps que je rejoigne le Grand Esprit. Mais rien ne changeait. Pas un mot ne viendrait rassurer le funèbre diagnostique qui s’étalait sur les systèmes de régulation de mes terminaux cybernétiques.
- En réalité, Gregor, c’est un peu plus complexe qu’une simple question de vie ou de mort.
- Je ne comprends pas, mon Regalium.
Il soupira.
- Votre corps de cyborg, celui de métal, est de toutes façons condamné. Mais pas votre esprit.
Une lueur s’allumait dans son regard.
- Si nous transférons votre conscience dans un serveur le temps de remettre en état tout ce qui a été endommagé, alors nous pourrons vous sauver.
- J’imagine que cela n’est pas sans risque, mon Regalium ?
- Non,effectivement. Ce transfert va faire émerger toute une série de souvenirs. Nous ne savons pas encore pourquoi ce processus s’opère, étant donné le faible nombre de nos Hommes l‘ayant expérimente.
Je demeurais perplexe. Risquer de me replonger dans ma vie passée me causait une nausée que je n’avais plus ressenti depuis ma conversion, voilà deux ans. Je ne souhaitais pas revivre la vie décousue qui m’avait finalement préparé à sauver le Regalium, fils du Très Saint Magister Kris. Et à mon sens, unique espoir pour cette planète de voir la guerre fratricide cesser pour de bon.
- Vous êtes prêts ?
Je ne savais plus comment j’avais atterri dans la tente des cybernautes confédérés. Simplement leurs visages plongés dans l’indifférence, tandis que leur mouvement secs me connectaient à un lourd terminal aux moyens de câbles en nombre conséquent.
- Oui, major.
Ma vision cessa. Le silence se fit. Brutalement, je retombais vers mon passé.
Je n’avais pas le loisir de compter les heures.
Assis dans un antique canapé aux cuirs usés, je me revoyais étudier consciencieusement. Mes mains moites tachant les feuillets du dernier rapport reçu, je les essuyai pour la seconde fois sur mon pantalon.
La chaleur m’étouffais depuis plusieurs semaines déjà, et malgré tous mes efforts, je ne parvenais pas à l’ignorer, l’oublier et faire sans.
Mes nerfs restaient à vifs. Je tentas de rester concentré, mais n’y arrivais pas. Après tout, le manque de sommeil, la déshydratation, la poussière du désert, et puis quelques morts sur la conscience n’y étaient surement pas étrangers. Quelques morts sur la conscience … Pas des civils, encore moins des ennemis. Non. Juste les hommes qui avaient évolués avec moi, explosés en vol. Une chance insolente me préservait jusqu’à présent, et je le savais. C’était très simple de faire semblant, jusque dans le miroir de la salle de bain minable, tandis que je fixais sans y prêter mon visage creusé de fatigue. L’apparence guindé du jeune et fringuant jeune homme au regard noisette et aux cheveux roux bien coupés avait disparu. Tout ce qui m’apparaissait ce jour-là, ce fût les traits tirés d’une vieillesse prématurée, une barbe rousse mal taillé et enduite de poussière.
Je faisais comme tout le monde. J’essayais de maintenir la tête hors de l’eau.
Jusqu’à présent, Je masquais parfaitement ma peur sous couvert d’ironie et d’un humour décapant. Mais plus les mois passaient, plus ma confiance se fissurait. Je ne voulais pas y rester, mais je sentais que cela risquait bien de se terminer d’une façon tragique à mesure que je demeurais attaché à cette base kazakhe.
Je ne jouais plus à vivre et à mourir, et obéir aux ordres de mes supérieurs me coutait de plus en plus. A vrai dire, j’espérais une mutation rapide compte tenu de mes états de services. Oui, je venais de présenter ma démission dans la veille, tout en sachant pertinemment qu’elle me serait refusée et qu’on me proposerait probablement une mutation vers Gorgan-Khomeiny ou Bakou31, les deux dernières bases aériennes de la Caspienne.
Je revis la conjoncture du moment. Oui, quoique délicate, la situation des Alliés restait stable. Il n’y avait plus que quelques accrochages depuis six mois, aucun des deux participants ne tentant de coup d’éclat périlleux. La Confédération, qui jusqu’alors n’avait cessé d’avancer, venait de marquer le pas. Les Alliés tentaient donc de renforcer la ligne de front qui s’étendait désormais de Vorkouta à Karachi, en marquant une large boucle par la mer Caspienne et L’Iran.
Je me résignais bon gré mal gré à cette situation. De toute façon, personne ne m’avait laissé le choix.
Mon oreillette grésilla, je soupirai. C’était l’heure, je ne pouvais plus faire demi-tour. Ordre de bombardement sur un carrefour suspect tenu par les Confédérés. Ces saletés de cyborgs ne m’ inspiraient qu’une indifférence haineuse, froide. Je ne pouvais pas les apprécier, eux qui avaient ruiné l’ordre mondial établi, mis à genoux des pays amis et fait de bien des soldats capturés des être hybride totalement soumis à la loi de ces mercenaires. Je trouvais en ces attaques une compensation minime, même si la plupart du temps il n’y avait au milieu des éclats de ses bombes que quelques civils malchanceux.
La vie demeurait sale et sans issue, et l’Homme, pourri jusqu’à la moelle.
Il fut facile pour moi de me cacher derrière le paravent ornementé d’une ironie crue et d’un langage fleuri. Tout ce que j’avais côtoyé de près ou de loin portait cette tache, ce trait vif et direct, indélébile.
Ma propre vie, d’abord, qui fut une ruine complète. Lorsque mon frère claqua la porte de la maison familiale, je n’avais que cinq ans. Mes chers parents ne s’en remirent jamais, et ne voulant pas revivre l’échec d’une éducation laxiste, préférèrent m’envoyer en formation militaire dès que j’eusse atteint l’âge de seize ans.
Mes amis, ensuite. La guerre sentait mauvais, elle n’était ni plus ni moins qu’une autre vision de la mort, brutale et destructrice. La guerre privait de tout, surtout de joie, et chaque rencontre n’en devenait dès lors qu’un potentiel futur déchirement. Je connaissais le danger à s’attacher à d’autres, dans ce contexte. Je savais, mais j’ étais demeuré impuissant quand les avions de chasses de mes camarades s’étaient écrasés ou avaient explosés en vol. Il fallait sauver les apparences, alors, je restais digne, bien droit dans mes bottes. Mais au fond de moi ne restait rien de plus qu’un désert noir et vide, aride et infini.
Puisque la guerre m’avait volé ma vie, Je ne pouvais plus vivre qu’avec elle. Je savais que je ne pourrais plus revenir à une vie civile normale. Même si, de toute façon, il n’y avait plus vraiment de vie normale.
J’embrasserais d’un seul regard le noble appareil, monstrueuse machine qui sème la mort. Les plaques d’aciers polis par les heures de vols, la pluie, les chocs thermiques et les pressions en tous genres que moi, son pilote, lui faisait subirent. J’en ferais le tour, passant la main gauche au flanc de l’avion de combat, rituel conjuratoire, avant de m’immiscer à l’intérieur. J'harnacherais mon corps dans un lourd treillis en fibre tressé, ajusterais mes outils de visées, refermerais le cockpit, enverrais un signal au contrôleur aérien. Les hommes de la piste s’activeraient alors pour dégager l’oiseau d’airain, qui, doucement, réchaufferait son cœur artificiel.
Je l’avais répété, cette routine, des centaines de fois. Le cockpit devenu mon seul véritable havre de paix mentale, j’en connaissais à présent chaque interstice, chaque boulon, chaque recoin. Pourquoi fallait-il que ma conscience me torture ainsi, une fois l’appareil cloué au sol ? Pourquoi fallait-il que cela arrive ?
« C’est ainsi », voilà ce que je me disais alors.
L’habitude m’avait rongé, bouffé. Je ne prenais qu’à demi-conscience des gestes machinales, des paroles échangées, mécanique, avec les rares hommes qui prenaient part à cette dangereuse aventure. J’en étais le pilier, le moteur principal. Erreur de jeunesse, je me moquais bien de cela.
C’était ce jour là que j’ai compris que je ne voulais plus voler.
J’avais choisi une bien douloureuse décision. A quoi bon continuer ? La chaleur étouffante de l’après-midi dans ce désert étranglait ma pensée, me confirmant sans que je ne le soupçonne alors, que je ne reviendrais pas.
J’exploserais, en vol peut-être. Je resterais là-haut, avec tous mes anciens camarades. Je leurs devais bien ça.
L’ouverture des canaux visuels se confondait en un rêve éphémère de couleurs, où le visage de mon maître se mélangeait à une symphonie ésotérique de transcriptions binaires, de lignes de codages et de tâches infrarouges éblouissantes.
- Gregor, je sais que vous m’entendez.
Une voix brute, assurée, qui dévoilait dans le même temps une jeunesse insolente. Un aplomb qui me guidait dans ce retour au monde des vivants, me montrant chaque pas, chaque mouvement de l’esprit au rythme cadencé des bioprocess et des impératifs divers s’échouant, vague douce et tiède, sur mon système de régulation robotique.
- Oui. Oui, mon Regalium.
Le sang qui avait coulé ne signifiait qu’une chose. En acceptant ma mission, j’avais encore davantage abandonné mon humanité apparente. La dernière mise à jour du terminal biologique indiquait que toute la partie supérieur droite de mon visage, mon menton, mon système cœur-poumon est une infime partie de mon lobe frontal avaient été substitué par des implants. Malgré l’irréversibilité du processus, ces dernières modifications constituaient un nouvel avantage pour la vie que je menais. Vie qui me rapprochait de la perfection incarnée par l’Esprit de la Machine, et que je ne pouvais qu’effleurer du bout des doigts.
- Gregor … Je ne vous remercierais jamais assez.
Le cliquetis d’une des pinces du jeune dignitaire échoua sur mon épaule. Je détournais mon regard. Je percevais la mécanique froide de son esprit se briser dans sa voix.
- je suis condamné, n’est-ce-pas, mon Regalium ?
Un sourire triste ternissait ses nobles traits. Le plissement douloureux du front au dessus de son unique œil organique, le tiraillement de son beau visage à la barbe blonde, la pâleur de ses lèvres, tout en lui semblait avoir vieilli prématurément, en une seule seconde.
Seul son corps conservait un aplomb sûr, expression brutale d’une force vive colossale. Souligné par la ligne épurée d’une pelisse grise, la lourde musculature du fils impérial, faite d’airain, de verre, de carbone ne cessait d’impressionner les rares personnes à le côtoyer de près. Les plus précieux symboles de son pouvoir temporel et spirituel sur la nation cybernétique demeuraient les lourdes et effrayantes pinces qui terminaient les courbures de ses bras.
- Un éclat de carbone s’est planté sur le commutateur des sorties de votre réacteur, commença-t-il. Le réinjecteur est hors-service, et on ne peut pas le déconnecter sans risquer de mettre les fonctions vitales robotique hors tensions.
- Et l’alimentation secondaire ?
- L’instabilité de l’éclat provoquerait un court-circuit. Et cela vous tuerait à coup sûr.
Je soupirais lourdement, fermait mon regard et détournait la tête dans la direction opposée au Regalium. La parole devenait inutile, complètement superflu, tandis que le vague sentiment de sérénité qui m’avait jusqu’alors porté se retirait doucement.
Je sentais qu’Odarrick voulait me rassurer, me dire qu’il resterait là, le temps que je rejoigne le Grand Esprit. Mais rien ne changeait. Pas un mot ne viendrait rassurer le funèbre diagnostique qui s’étalait sur les systèmes de régulation de mes terminaux cybernétiques.
- En réalité, Gregor, c’est un peu plus complexe qu’une simple question de vie ou de mort.
- Je ne comprends pas, mon Regalium.
Il soupira.
- Votre corps de cyborg, celui de métal, est de toutes façons condamné. Mais pas votre esprit.
Une lueur s’allumait dans son regard.
- Si nous transférons votre conscience dans un serveur le temps de remettre en état tout ce qui a été endommagé, alors nous pourrons vous sauver.
- J’imagine que cela n’est pas sans risque, mon Regalium ?
- Non,effectivement. Ce transfert va faire émerger toute une série de souvenirs. Nous ne savons pas encore pourquoi ce processus s’opère, étant donné le faible nombre de nos Hommes l‘ayant expérimente.
Je demeurais perplexe. Risquer de me replonger dans ma vie passée me causait une nausée que je n’avais plus ressenti depuis ma conversion, voilà deux ans. Je ne souhaitais pas revivre la vie décousue qui m’avait finalement préparé à sauver le Regalium, fils du Très Saint Magister Kris. Et à mon sens, unique espoir pour cette planète de voir la guerre fratricide cesser pour de bon.
- Vous êtes prêts ?
Je ne savais plus comment j’avais atterri dans la tente des cybernautes confédérés. Simplement leurs visages plongés dans l’indifférence, tandis que leur mouvement secs me connectaient à un lourd terminal aux moyens de câbles en nombre conséquent.
- Oui, major.
Ma vision cessa. Le silence se fit. Brutalement, je retombais vers mon passé.
Je n’avais pas le loisir de compter les heures.
Assis dans un antique canapé aux cuirs usés, je me revoyais étudier consciencieusement. Mes mains moites tachant les feuillets du dernier rapport reçu, je les essuyai pour la seconde fois sur mon pantalon.
La chaleur m’étouffais depuis plusieurs semaines déjà, et malgré tous mes efforts, je ne parvenais pas à l’ignorer, l’oublier et faire sans.
Mes nerfs restaient à vifs. Je tentas de rester concentré, mais n’y arrivais pas. Après tout, le manque de sommeil, la déshydratation, la poussière du désert, et puis quelques morts sur la conscience n’y étaient surement pas étrangers. Quelques morts sur la conscience … Pas des civils, encore moins des ennemis. Non. Juste les hommes qui avaient évolués avec moi, explosés en vol. Une chance insolente me préservait jusqu’à présent, et je le savais. C’était très simple de faire semblant, jusque dans le miroir de la salle de bain minable, tandis que je fixais sans y prêter mon visage creusé de fatigue. L’apparence guindé du jeune et fringuant jeune homme au regard noisette et aux cheveux roux bien coupés avait disparu. Tout ce qui m’apparaissait ce jour-là, ce fût les traits tirés d’une vieillesse prématurée, une barbe rousse mal taillé et enduite de poussière.
Je faisais comme tout le monde. J’essayais de maintenir la tête hors de l’eau.
Jusqu’à présent, Je masquais parfaitement ma peur sous couvert d’ironie et d’un humour décapant. Mais plus les mois passaient, plus ma confiance se fissurait. Je ne voulais pas y rester, mais je sentais que cela risquait bien de se terminer d’une façon tragique à mesure que je demeurais attaché à cette base kazakhe.
Je ne jouais plus à vivre et à mourir, et obéir aux ordres de mes supérieurs me coutait de plus en plus. A vrai dire, j’espérais une mutation rapide compte tenu de mes états de services. Oui, je venais de présenter ma démission dans la veille, tout en sachant pertinemment qu’elle me serait refusée et qu’on me proposerait probablement une mutation vers Gorgan-Khomeiny ou Bakou31, les deux dernières bases aériennes de la Caspienne.
Je revis la conjoncture du moment. Oui, quoique délicate, la situation des Alliés restait stable. Il n’y avait plus que quelques accrochages depuis six mois, aucun des deux participants ne tentant de coup d’éclat périlleux. La Confédération, qui jusqu’alors n’avait cessé d’avancer, venait de marquer le pas. Les Alliés tentaient donc de renforcer la ligne de front qui s’étendait désormais de Vorkouta à Karachi, en marquant une large boucle par la mer Caspienne et L’Iran.
Je me résignais bon gré mal gré à cette situation. De toute façon, personne ne m’avait laissé le choix.
Mon oreillette grésilla, je soupirai. C’était l’heure, je ne pouvais plus faire demi-tour. Ordre de bombardement sur un carrefour suspect tenu par les Confédérés. Ces saletés de cyborgs ne m’ inspiraient qu’une indifférence haineuse, froide. Je ne pouvais pas les apprécier, eux qui avaient ruiné l’ordre mondial établi, mis à genoux des pays amis et fait de bien des soldats capturés des être hybride totalement soumis à la loi de ces mercenaires. Je trouvais en ces attaques une compensation minime, même si la plupart du temps il n’y avait au milieu des éclats de ses bombes que quelques civils malchanceux.
La vie demeurait sale et sans issue, et l’Homme, pourri jusqu’à la moelle.
Il fut facile pour moi de me cacher derrière le paravent ornementé d’une ironie crue et d’un langage fleuri. Tout ce que j’avais côtoyé de près ou de loin portait cette tache, ce trait vif et direct, indélébile.
Ma propre vie, d’abord, qui fut une ruine complète. Lorsque mon frère claqua la porte de la maison familiale, je n’avais que cinq ans. Mes chers parents ne s’en remirent jamais, et ne voulant pas revivre l’échec d’une éducation laxiste, préférèrent m’envoyer en formation militaire dès que j’eusse atteint l’âge de seize ans.
Mes amis, ensuite. La guerre sentait mauvais, elle n’était ni plus ni moins qu’une autre vision de la mort, brutale et destructrice. La guerre privait de tout, surtout de joie, et chaque rencontre n’en devenait dès lors qu’un potentiel futur déchirement. Je connaissais le danger à s’attacher à d’autres, dans ce contexte. Je savais, mais j’ étais demeuré impuissant quand les avions de chasses de mes camarades s’étaient écrasés ou avaient explosés en vol. Il fallait sauver les apparences, alors, je restais digne, bien droit dans mes bottes. Mais au fond de moi ne restait rien de plus qu’un désert noir et vide, aride et infini.
Puisque la guerre m’avait volé ma vie, Je ne pouvais plus vivre qu’avec elle. Je savais que je ne pourrais plus revenir à une vie civile normale. Même si, de toute façon, il n’y avait plus vraiment de vie normale.
J’embrasserais d’un seul regard le noble appareil, monstrueuse machine qui sème la mort. Les plaques d’aciers polis par les heures de vols, la pluie, les chocs thermiques et les pressions en tous genres que moi, son pilote, lui faisait subirent. J’en ferais le tour, passant la main gauche au flanc de l’avion de combat, rituel conjuratoire, avant de m’immiscer à l’intérieur. J'harnacherais mon corps dans un lourd treillis en fibre tressé, ajusterais mes outils de visées, refermerais le cockpit, enverrais un signal au contrôleur aérien. Les hommes de la piste s’activeraient alors pour dégager l’oiseau d’airain, qui, doucement, réchaufferait son cœur artificiel.
Je l’avais répété, cette routine, des centaines de fois. Le cockpit devenu mon seul véritable havre de paix mentale, j’en connaissais à présent chaque interstice, chaque boulon, chaque recoin. Pourquoi fallait-il que ma conscience me torture ainsi, une fois l’appareil cloué au sol ? Pourquoi fallait-il que cela arrive ?
« C’est ainsi », voilà ce que je me disais alors.
L’habitude m’avait rongé, bouffé. Je ne prenais qu’à demi-conscience des gestes machinales, des paroles échangées, mécanique, avec les rares hommes qui prenaient part à cette dangereuse aventure. J’en étais le pilier, le moteur principal. Erreur de jeunesse, je me moquais bien de cela.
C’était ce jour là que j’ai compris que je ne voulais plus voler.
J’avais choisi une bien douloureuse décision. A quoi bon continuer ? La chaleur étouffante de l’après-midi dans ce désert étranglait ma pensée, me confirmant sans que je ne le soupçonne alors, que je ne reviendrais pas.
J’exploserais, en vol peut-être. Je resterais là-haut, avec tous mes anciens camarades. Je leurs devais bien ça.
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