Journal_de_bord_bug_+145_
Par : Pseudo supprimé
Genre : Inconnu
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 9
Arrivée
Publié le 19/08/13 à 01:11:24 par Pseudo supprimé
Lisa m'avait réveillé quelques minutes avant notre entrée dans le camp d'accueil. Force était de constater qu'elle avait l'esprit vif et de la suite dans les idées.
Passé les effets collants de ce rêve cathartique et libérateur, mon cerveau, purifié par cette vidange inconsciente m'apparaissait étrangement opérationnel.
Un autre camion nous suivait et de la généreuse lumière de ses phares, mes yeux se repaissaient. Je fis un inventaire méthodique et complet des personnes assises à nos côtés. Beaucoup portaient sur leur visage des traces visibles de lutte. Gonflements, ecchymoses, plaies séchées par l'air de notre vitesse. J'essayais de mettre un type sur chaque passager, agressif, passif, perdu, calculateur... j'arrivai sur le visage de Lisa.
Elle était vraiment belle... contraste incompréhensible.
Etait-ce la déformation causée par mes propres sentiments naissants à son égard ? j'y voyais une ombre de réciprocité... je ne pouvais regarder autre chose. Mon regard était capturé et je dus faire de violents efforts pour m'en libérer et redonner à mon cerveau toute la puissance nécessaire à sa tâche : observer, analyser et prévoir.
Impression étrange, le dernier monté semblait avoir disparu. Lisa me le confirma.
Durant mon sommeil, le camion s'était arrêté pour une petite pause et l'homme avait prétexté retrouver des membres de sa famille qui devaient être dans le camion suivant et nous avait alors quitté.
Notre véhicule stoppa à quelques centaines de mètres des installations militaires de l'entrée du camp. Nous attendions l'ordre de descendre.
Le camp se laissait deviner devant nous.
Des dizaines de tentes étaient alignées sur plusieurs rangées et colonnes, par unités de 5 par 5 elles formaient des groupes séparés par des allées plus larges. Du personnel partout travaillait à la lueur des frontales et des éclairages de véhicules de terrassement du Génie militaire. Cette disposition me fit penser aux images de reconstitution d'antiques camps romains. A côté des unités médicales bien reconnaissables avec leurs croix rouges, des citernes géantes, des containers par dizaines, comme alignés au cordeau.
Des générateurs commençaient à ronronner et alimentaient maintenant des unités de lampadaires mobiles. Une fourmilière que je devinais camouflée adaptait avec efficacité le plateau à l'accueil des évacués. Il n'y avait pas de clôture mais un entonnoir, à l'entrée, divisait les arrivants suivant une logique pour le moment inconnue. Il y avait plusieurs sas d'importante longueur que je supposais être ceux de la décontamination. Au loin, il me semblait distinguer des blindés lourds, en lisière de la proche forêt. Des 4x4 armés allaient et venaient dans une chorégraphie poussiéreuse. Les radios crépitaient en suivant un code sec.
Devant nous seulement deux camions, le premier commençait à libérer ses passagers. Nous étions donc parmi les premiers arrivés.
L'attente allait commencer.
L'infrastructure militaire était malgré tout rassurante. Tous semblait pour le moment, vu de notre position, efficace et maîtrisé.
Un gradé s'approcha alors de nous et de sa lampe, balaya nos figures sans manières. "Qui a besoin de soins, d'affaires ?"
La lampe s'attarda sur moi, je ne compris pas pourquoi et hébété je n'arrivais pas à donner un sens aux paroles du militaire... et je pensais mon cerveau opérationnel...
Lisa me tira encore une fois de mon état second en me répétant les paroles du soldat : "Quand nous descendrons il faudra suivre cet homme, tu dois te faire soigner".
Je compris alors l'origine du mal de tête que je tenais depuis un moment déjà, j'avais une plaie derrière l'oreille et la tempe. Elle avait saigné et séché, me donnant un drôle d'aspect caparaçonné sur une moitié du crâne. Sous la lumière directe, Lisa me confirmait avoir besoin de soins, je devais y aller avant que les autres camions n'arrivent. Il y eu ensuite entre le chauffeur de notre camion et un officier, un long conciliabule. Par bonheur, notre point de ramassage en ville n'était pas en zone critique et nous dispensait de passer par les sas de décontamination. Nous évitions donc l'interminable procédure des douches et autres réjouissances...
Suite à la proposition du gradé, Lisa demanda si elle pouvait avoir de quoi se vêtir décemment afin de pouvoir me rendre ma veste vu la température assez froide de cette nuit surréaliste et mon seul t-shirt. Elle reçut un pull-over à col montant et une chaude veste coupe vent beige. Elle se changea rapidement sous la couverture qu'elle me demanda de tenir pour la soustraire aux regards des autres. Je devinais alors, dans la pénombre, des contours gourmands qui manifestement sans se montrer, de moi ne se cachaient pas pour autant.
Je crois que Lisa s'était moqué de moi quand, ma veste rendue, je l'avais inconsciemment approchée de mon visage pour dans le reste de chaleur prisonnière des fibres chercher son parfum. Se hissant sur la pointe des pieds, elle m'avait alors doucement embrassé sur la joue avec un "merci pour ça aussi". J'étais très mal à l'aise, que je sois selon ses mots son "sauveur" j'acceptais sans réserves, mais je ne voulais pas être son ami, j'avais besoin de bien plus... et dans ce domaine l'ami tue l'amoureux possible sans pitié.
Au signe d'un des militaires du check-point d'entrée, nous descendîmes du camion et enfin, nos pieds engourdis foulèrent la terre fraîchement disciplinée du camp.
Ma veste comme à contre-cœur recouvrait à nouveau mes épaules et ce n'est qu'en passant sous le portique que je me rendis compte que depuis notre descente du camion Lisa me tenait fermement par la main.
Au loin de nombreuses lumières et un grondement croissant indiquaient l'arrivée maintenant imminente d'un important groupe de camions.
Emmené par un militaire je rentrais sous une tente médicale et la crampe au ventre laissais malgré moi Lisa dehors. A ce moment là, trop de pensées, trop d'émotions... seuls mes yeux durent parler en la regardant disparaître derrière la porte de toile car ma bouche encore une fois, ne le fit.
J'étais le premier à utiliser cette tente médicalisée. Le nettoyage de ma plaie était entrecoupé par des centaines de questions, et je dus par le menu raconter la soirée. Je voulais hâter les choses mais ma blessure était un peu profonde et son nettoyage douloureux. Je reçus aussi des piqures "en prévention". Le médecin ne voulait pas prendre le risque d'une complication quand le nombre des évacués rendrait le respect des règles d'hygiène difficile, voire impossible. Toute plaie était une infection en puissance me racontait-il. Il avait effectué des campagnes sanitaires et médicalisé des camps de réfugiés partout dans le monde. De son expérience africaine, il avait gardé amertume et frustration. Il avait sauvé cent vies et aurait pu en sauver mille s'il avait eu le temps, les moyens... Il savait ce qu'immanquablement devenaient les camps dans la durée, de la violence, des épidémies, de l'inéluctable pervertion. Il me regarda soudain, sachant avoir trop parlé... il rectifia le tir, parla de la maîtrise et de la sûreté des installations européennes, de l'absence de risque... je jouais le jeu pour abréger moi aussi ce moment qui trainait en longueur.
Les bruits du dehors traversaient maintenant la toile des tentes avec facilité. Les camions arrivaient et avec eux la cohorte des évacués. J'entendais des sifflets, des ordres, et l'horrible cacophonie de la foule qui se rapproche. Enfin libre, je me ruai dehors, regardais avec angoisse à droite, à gauche...personne.
Lisa avait disparu.
Passé les effets collants de ce rêve cathartique et libérateur, mon cerveau, purifié par cette vidange inconsciente m'apparaissait étrangement opérationnel.
Un autre camion nous suivait et de la généreuse lumière de ses phares, mes yeux se repaissaient. Je fis un inventaire méthodique et complet des personnes assises à nos côtés. Beaucoup portaient sur leur visage des traces visibles de lutte. Gonflements, ecchymoses, plaies séchées par l'air de notre vitesse. J'essayais de mettre un type sur chaque passager, agressif, passif, perdu, calculateur... j'arrivai sur le visage de Lisa.
Elle était vraiment belle... contraste incompréhensible.
Etait-ce la déformation causée par mes propres sentiments naissants à son égard ? j'y voyais une ombre de réciprocité... je ne pouvais regarder autre chose. Mon regard était capturé et je dus faire de violents efforts pour m'en libérer et redonner à mon cerveau toute la puissance nécessaire à sa tâche : observer, analyser et prévoir.
Impression étrange, le dernier monté semblait avoir disparu. Lisa me le confirma.
Durant mon sommeil, le camion s'était arrêté pour une petite pause et l'homme avait prétexté retrouver des membres de sa famille qui devaient être dans le camion suivant et nous avait alors quitté.
Notre véhicule stoppa à quelques centaines de mètres des installations militaires de l'entrée du camp. Nous attendions l'ordre de descendre.
Le camp se laissait deviner devant nous.
Des dizaines de tentes étaient alignées sur plusieurs rangées et colonnes, par unités de 5 par 5 elles formaient des groupes séparés par des allées plus larges. Du personnel partout travaillait à la lueur des frontales et des éclairages de véhicules de terrassement du Génie militaire. Cette disposition me fit penser aux images de reconstitution d'antiques camps romains. A côté des unités médicales bien reconnaissables avec leurs croix rouges, des citernes géantes, des containers par dizaines, comme alignés au cordeau.
Des générateurs commençaient à ronronner et alimentaient maintenant des unités de lampadaires mobiles. Une fourmilière que je devinais camouflée adaptait avec efficacité le plateau à l'accueil des évacués. Il n'y avait pas de clôture mais un entonnoir, à l'entrée, divisait les arrivants suivant une logique pour le moment inconnue. Il y avait plusieurs sas d'importante longueur que je supposais être ceux de la décontamination. Au loin, il me semblait distinguer des blindés lourds, en lisière de la proche forêt. Des 4x4 armés allaient et venaient dans une chorégraphie poussiéreuse. Les radios crépitaient en suivant un code sec.
Devant nous seulement deux camions, le premier commençait à libérer ses passagers. Nous étions donc parmi les premiers arrivés.
L'attente allait commencer.
L'infrastructure militaire était malgré tout rassurante. Tous semblait pour le moment, vu de notre position, efficace et maîtrisé.
Un gradé s'approcha alors de nous et de sa lampe, balaya nos figures sans manières. "Qui a besoin de soins, d'affaires ?"
La lampe s'attarda sur moi, je ne compris pas pourquoi et hébété je n'arrivais pas à donner un sens aux paroles du militaire... et je pensais mon cerveau opérationnel...
Lisa me tira encore une fois de mon état second en me répétant les paroles du soldat : "Quand nous descendrons il faudra suivre cet homme, tu dois te faire soigner".
Je compris alors l'origine du mal de tête que je tenais depuis un moment déjà, j'avais une plaie derrière l'oreille et la tempe. Elle avait saigné et séché, me donnant un drôle d'aspect caparaçonné sur une moitié du crâne. Sous la lumière directe, Lisa me confirmait avoir besoin de soins, je devais y aller avant que les autres camions n'arrivent. Il y eu ensuite entre le chauffeur de notre camion et un officier, un long conciliabule. Par bonheur, notre point de ramassage en ville n'était pas en zone critique et nous dispensait de passer par les sas de décontamination. Nous évitions donc l'interminable procédure des douches et autres réjouissances...
Suite à la proposition du gradé, Lisa demanda si elle pouvait avoir de quoi se vêtir décemment afin de pouvoir me rendre ma veste vu la température assez froide de cette nuit surréaliste et mon seul t-shirt. Elle reçut un pull-over à col montant et une chaude veste coupe vent beige. Elle se changea rapidement sous la couverture qu'elle me demanda de tenir pour la soustraire aux regards des autres. Je devinais alors, dans la pénombre, des contours gourmands qui manifestement sans se montrer, de moi ne se cachaient pas pour autant.
Je crois que Lisa s'était moqué de moi quand, ma veste rendue, je l'avais inconsciemment approchée de mon visage pour dans le reste de chaleur prisonnière des fibres chercher son parfum. Se hissant sur la pointe des pieds, elle m'avait alors doucement embrassé sur la joue avec un "merci pour ça aussi". J'étais très mal à l'aise, que je sois selon ses mots son "sauveur" j'acceptais sans réserves, mais je ne voulais pas être son ami, j'avais besoin de bien plus... et dans ce domaine l'ami tue l'amoureux possible sans pitié.
Au signe d'un des militaires du check-point d'entrée, nous descendîmes du camion et enfin, nos pieds engourdis foulèrent la terre fraîchement disciplinée du camp.
Ma veste comme à contre-cœur recouvrait à nouveau mes épaules et ce n'est qu'en passant sous le portique que je me rendis compte que depuis notre descente du camion Lisa me tenait fermement par la main.
Au loin de nombreuses lumières et un grondement croissant indiquaient l'arrivée maintenant imminente d'un important groupe de camions.
Emmené par un militaire je rentrais sous une tente médicale et la crampe au ventre laissais malgré moi Lisa dehors. A ce moment là, trop de pensées, trop d'émotions... seuls mes yeux durent parler en la regardant disparaître derrière la porte de toile car ma bouche encore une fois, ne le fit.
J'étais le premier à utiliser cette tente médicalisée. Le nettoyage de ma plaie était entrecoupé par des centaines de questions, et je dus par le menu raconter la soirée. Je voulais hâter les choses mais ma blessure était un peu profonde et son nettoyage douloureux. Je reçus aussi des piqures "en prévention". Le médecin ne voulait pas prendre le risque d'une complication quand le nombre des évacués rendrait le respect des règles d'hygiène difficile, voire impossible. Toute plaie était une infection en puissance me racontait-il. Il avait effectué des campagnes sanitaires et médicalisé des camps de réfugiés partout dans le monde. De son expérience africaine, il avait gardé amertume et frustration. Il avait sauvé cent vies et aurait pu en sauver mille s'il avait eu le temps, les moyens... Il savait ce qu'immanquablement devenaient les camps dans la durée, de la violence, des épidémies, de l'inéluctable pervertion. Il me regarda soudain, sachant avoir trop parlé... il rectifia le tir, parla de la maîtrise et de la sûreté des installations européennes, de l'absence de risque... je jouais le jeu pour abréger moi aussi ce moment qui trainait en longueur.
Les bruits du dehors traversaient maintenant la toile des tentes avec facilité. Les camions arrivaient et avec eux la cohorte des évacués. J'entendais des sifflets, des ordres, et l'horrible cacophonie de la foule qui se rapproche. Enfin libre, je me ruai dehors, regardais avec angoisse à droite, à gauche...personne.
Lisa avait disparu.
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