Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Layla Wa Jeïel


Par : Warser
Genre : Action, Fantastique
Statut : C'est compliqué



Chapitre 13


Publié le 02/03/2013 à 12:25:22 par Warser

Erena se frottait nerveusement les mains, ses ongles griffant parfois la peau. Le fond de ses pupilles avait viré au rouge. Elle se mordait les lèvres, laissant échapper un petit filet de sang sur le bord de son menton.
Lorsqu'Eagal le remarqua, il fronça les sourcils et tourna bride. L'inquiétude se lisait sur son visage.
- Erena? Tu sens quelque chose ?
- Rien de dangereux. Pas de magie Wei, répondit la succube en suçant sa lèvre inférieure.
- Quoi, alors?
Les chevaux, à l'arrêt, hennissaient d'impatience. Ils tentaient vainement de chasser les moustiques qui les assaillaient de tout côté, à grand coups de queue et mouvements de têtes.
- Quelque chose de... Bizarre. Très désagréable Je ne suis pas sûre. Comme de la magie, mais pas de la magie démoniaque. Ni de la magie lumineuse. Quelque chose de plus... Vivant et sauvage.
La succube restait de marbre, mais Tsvao percevait dans sa voix un mélange de colère et d'incompréhension. De la douleur, peut-être aussi. Les démons étaient particulièrement sensibles à la magie. Lorsqu'ils percevaient une puissance qu'ils ne comprenaient pas, leur bête intérieure se réveillait. Tsvao avait déjà pu en constater les effets sur Erena. Son rang et sa finesse la préservait de la frénésie sanguinaire qui s'emparait des démons inférieurs, mais elle devenait plus sensible et agressive. Le jeune homme n'avait jamais vu ses instincts démoniaques prendre le dessus, et c'était sans doute pour le mieux.
Eagal mit pied à terre le jeune homme l'imita. Jetant un regard aux alentours, il posa la main sur la garde de son sabre. Le mélange hétéroclite de bruits et d'odeurs de la jungle l'oppressait. Tout arbre, tout bosquet, toute fleur démesurée, était une cachette parfaite pour d'éventuels adversaires embusqués. Et puis, impossible de voir, d'entendre, ou de sentir le danger. Les sens étaient occupés par ce kaléidoscopes d'informations inhabituelles que transmettait à chaque seconde cet environnement unique. Le jeune homme aurait préféré que le groupe reste en mouvement.
Eagal s'accroupit dans la boue du chemin, et ferma les yeux.
- Détection de magie, marmonna-t-il en guise d'explication.
- Tu trouveras rien, assura Erena. Je te dis que ce n'est pas de la magie connue. C'est peut être même pas de la magie du tout.
- Tais-toi.
Les yeux d'Eagal restèrent fermés un moment, puis se rouvrirent. Tsvao et Jeïel eurent un mouvement de recul devant le regard vide et hagard du mage. Au fond de la pupille terne, une flamme rouge brillait.
Cela ne dura que que quelques secondes. Un battement de paupières, et le mage retrouva ses yeux humains, un peu plus rêveurs que d'habitude. Toujours assis sur le sol, il respira profondément, comme pour s'imprégner de l'air de la forêt.
- C'est une magie primordiale. On l'appelle l'Essence de l'Un. Ou l'Une, tout simplement.
L'une des canines d'Erena s'enfonça profondément dans sa lèvre. L'agaçement de la succube était palpable.
- Pas besoin d'un cours, Eagal.
-. C'est pour ça que tu peux pas le sentir, poursuivit-il, imperturbable. L'Une précède la magie démoniaque et les démons, elle est le début de tout.
Voyant les griffes d'Erena grandir à vue d?½il, Tsvao interrompit la conversation.
- C'est dangereux? Il y a un mage pas loin?
- Non. Je ne crois pas qu'il existe encore des mages qui maîtrisent l'Une. Je ne sais même pas si ça a déjà existé. C'est une magie libre.
- Je préférerais avoir à faire à dix chevaliers wei plutôt que de marcher encore deux minutes dans cette jungle, murmura Erena.
Jeïel adressa au démon un regard compatissant.
- Peut être que vous avez besoin d'eau. Je ne vous ai pas vu boire depuis que nous sommes partis.
Erena lui rendit un grand sourire forcé.
- Non, merci. A moins que tu ne me laisses boire ton sang, mais ce serait de la gourmandise.
La suprise se dessina lentement sur le visage de Jeïel, alors que Tsvao jetait à Erena un regard chargé de reproches.
- Erena est... un démon. Une succube, pour être précis. C'est mon serviteur, compléta Eagal.

Erena reprit la parole sur un ton glacial, qui masquait sa colère avec peine.

- C'est vrai que nous n'avons pas été présentés comme il se doit, pour ne pas choquer votre sensibilité de jeune humaine. Erena Shai-Abalam. Deuxième fille de Kaï tan, princesse des enfers, tribun de la première légion de mon père, et, accessoirement et jusqu'à sa mort brutale ou tranquille, servante d'Eagal Sobresud.
Un moment de silence passa, et la jeune fille répondit d'une voix calme.
- Jeïel. Tout court. Humaine.
Une assurance inhabituelle se dégageait d'elle, droite sur la selle de son cheval gris.
La succube esquissa un sourire, amusée mais impressionnée.
- C'est la première fois que tu vois un démon?
Jeïel hocha la tête.
- Oui. Et honnêtement, ça n'a pas l'air d'être différent d'un homme. Orgueuilleux, attaché à la gloire et à la vie.
Tsvao esquissa un mouvement de surprise. La réponse l'avait pris de cours. Il remerciait ardemment Shay'la pour la présence du Sanctuaire, qui nimbait Jeïel d'un faible halo bleuté.
Il se maudissait lui même pour la chaleur rassurante qui avait envahi son corps lorsque le sanctuaire s'était activé. Un instinct de protection incontrôlable, intransigeant, l'avait submergé Malgré lui. Son code de l'honneur, sa naissance, lui intimait de protéger une jeune fille en danger. Mais quel honneur y avait-il à le faire sous l'influence d'une force extérieure?
- C'est vrai, remarqua Erena. Nous sommes plus proches de vous que les anges. Attention, tout de même, petite fille... Une autre créature moins noble que moi aurait réagi autrement.

La main de Tsvao se crispa sur son sabre. Il était prêt à se jeter entre les deux femmes. Il ne connaissait que trop bien la susceptibilité d'Erena en présence d'une puissance magique qui la dépassait. Derrière sa façade d'ironie et de cynisme, le jeune homme percevait la rage et l?orgueil d'une fière générale des enfers.

- Tout va bien, Tsvao, reprit-elle en souriant. J'admire le courage chez les humains.
- Pas de raison, répliqua laconiquement Jeïel. Je n'ai pas grand chose à perdre. A part ma pauvre existence sans souvenirs. Sans substance. Vous n'avez pas idée ce que c'est.
Un son soudain et rauque retentit. Eagal, adossé à un arbre, semblait s'être replongé dans une transe magique, plus violente que la première. Il tremblait de tous ses membres, et il en restait de ses yeux que de globes vides de pupilles, traversés de vaisseaux gonflés et rougis. Tsvao se précipita vers son ami et le prit par le épaules.
- Eh ! Qu'est ce qui t'arrive?
Les pupilles d'Eagal réapparurent, et Tsvao fut frappé par l'angoisse indescriptible qu'on y lisait. Elles brillaient d'une peur primitive, d'un instinct de conservation criant, la peur de la mort. Ses lèvres s'animèrent avec difficulté, déformant son visage de souffrance. Il articulait des mots incompréhensibles, dans des langues différentes.


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