Depuis mon habitacle de pierre grise, je restais interdit. Matthieu était notre meilleur espoir, sa mort condamnait Termina. Le pire dans tout cela est que je survivrais. Je vivrais dans l'ombre d'un monde autrefois riche et beau. Je ne pourrais rien faire pour le venger. C'en était bientôt fini des anges, du Triers, et d'Hyder. En effet, les Âmes possédaient un fort potentiel caché, et surtout, destructeur. Cependant, elle ne pourraient rien faire face à Skull Kid. Je n'avais plus qu'à profiter de la fin de cette bataille, au moins, il y aurait du spectacle. Si besoin j'aiderais à tuer Hyder, il ne doit pas savoir comment le désert à été créé. Alors que mes pensées s'égaraient, le rituel commença : les silhouettes encapuchonnées devinrent rouge vif, et éclairèrent le ciel de leur haine infinie. C'était le moment.

L'air était lourd comme avant un orage. Tous attendaient ce qui allait bouleverser Termina. Cela mériterait sûrement que l'on écrive un livre. Dans l'état de colère présent des Âmes, toute une armée aurait pu être exterminée en un clin d'œil. Néanmoins, elles aussi connaissaient le secret du désert de Panple, plus que tout, elles avaient participé à sa création. Leur rage s'arrêta donc à un stade plus élevé encore. Un cri inhumain, déchira l'air ambiant. La force des ondes sonores souleva le sable, qui entra en contact avec les morts. La flamme que chacun d'entre eux tenaient fusionna avec leurs corps, puis ils lâchèrent leurs faux, leur laissant les mains libres. Les grains sablonneux se figèrent, puis, il fut littéralement absorbé par les Âmes, qui retrouvèrent ainsi l'usage de la magie, perdue à leur mort.

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Cela faisait bien une dizaine de minutes que j'étais coincé, moitié dans l'estomac et moitié dans l'intestin grêle. C'était étroit, visqueux, malodorant.

Lorsque j'avais sauté dans la gueule du Triers, évitant de justesse les crocs mortels, j'espérais pouvoir trouver une solution une fois à l'intérieur. Malheureusement pour moi, je ne pouvais faire aucun mouvement. Maintenant que j'étais bloqué, je me rappelais ce que Siwan m'avait caché : la magie bleue, celle que Yuro utilisait pour me soigner. Peut-être existait-il un autre type de magie ? Après maints efforts, je parvins à enlever, un gant, et à apposer ma main sur l'une des parois de ma prison. Me concentrant intensément, je réussis à trouver la part de mon esprit où étais caché le sable de magie, puis tentais de l'activer. Petit à petit, une lueur rouge émana du Triers et l'estomac se dilata. J'essayai d'étendre mon pouvoir sur la totalité du monstre et sus que j'avais réussi lorsque des cris me parvinrent de l'extérieur. Cinq petites minutes plus tard, le Triers gonflé comme un ballon, éclata.

Prenant une grande inspiration, je portais mon regard vers les cieux, et quelle ne fut pas ma surprise quand je vis des dizaines de points rouges filer vers moi à toute vitesse.

« -Hey, c'est quoi ce bordel ? On est pas censés avoir gagné ?
-Justement, ce sont tes petits copains qui se ramènent, m'avertit Hyder.
-Oh non !!! Ils vont encore me demander si je vais bien.
-Si puis me permettre, je n'ai pas encore déployé toutes mes troupes, et la moitié des Ultrats sont encore vivants. »

En effet, tout autour de moi, les rongeurs géants semblaient prêts à passer à l'attaque. Je devais l'admettre : j'avais gravement sous-estimé les moyens d'Hyder.

« -Cependant, les Ultrats sont faibles, et j'ai décidé de faire appel à quelqu'un de plus compétent.
-Qui ça ?
-Panple ! Le monstre qui dort en ce moment sous tes pieds. Car si c'est pour mourir, je préfère mourir victorieux. »

Sur ce, un gigantesque tentacule surgit du sol. Sa coloration bleue se confondait avec le ciel, pourtant, même camouflé il était visible : une aura verte l'entourait, on aurait dit qu'il voulait à tout prix signaler sa présence. Telle une ronce, il était pourvu d'épines sur toute sa longueur. Hyder l'avait bien dit, il allait mourir, Panple ne semblait pas faire la différence entre amis et ennemis : le bras colossal s'enroula autour d'un Ultrat et l'attira sous le sable, sûrement pour le manger. Un autre membre épineux, aussi long qu'imposant, sortit des profondeurs du sol souillé, et réitéra l'attaque. Petit à petit, ce fut au tour d'Hyder, qui se rendit sans résistance.
« -On se retrouve là-bas, hein ? »

J'avais encore une fois un obstacle à surmonter, comme si il n'y en avait déjà pas assez comme ça. J'expliquais donc le plan aux Âmes.
« -Bah c'est facile, il faut couper les tentacules. C'est la seule solution. »

J'eus à peine le temps de finir ma phrase que dix d'entre eux surgirent de nulle part, fouettant l'air dans un ballet menaçant. Ils happèrent alors mes compagnons qui n'eurent pas le loisir de réagir à cette attaque. Le monstre était trop rapide.

« -Finalement on change de plan : on court ! »
Par malheur, le destin jouait contre moi : le sable se déroba sous mes pieds, découvrant une gueule terrifiante, armée d'un bec tranchant et effilé.

Si mes amis n'avaient pas étés là, je serais mort déchiqueté. Il en fut tout autrement, lorsque ceux-ci me rattrapèrent en vol, en me tenant les bras. Nous commençâmes alors à survoler la plaine dans une situation inconfortable, mais qui aurait pu être pire. Derrière nous, le Panple avait l'air de nager dans un océan assez insolite. De temps en temps, il sautait et fouettait l'air pour nous tuer, avant de retomber lourdement.

Petit à petit, l'ampleur du problème pénétra mon cerveau encore embrumé : s’il continuait à nous poursuivre jusqu'à Bourg-Clocher, ce serait la fin de la capitale. Toujours en l'air, j'expliquai la situation à mes guerriers.
« -L'heure est grave mes amis, si Panple nous suit, il va détruire par la même occasion la seule et unique ville de Bourg-Clocher. Yuro où es-tu ?
-Je suis là, que dois-je faire ?
-Tu vas me téléporter chez la marchande d'Âmes. Les autres, vous allez tout droit comme si de rien était, je m'occupe du reste. »

Me tournant vers mon adversaire, je lui dit au revoir : « Je reviendrais. »

La téléportation fut un peu longue à mon goût. Mais vu la distance, c'était à peu près normal. Il me restait donc dix minutes maximum pour faire ce qui devait être fait. Il fallait se dépêcher. Pas le temps d'ouvrir la porte, je tapai dedans, de toute façon, je n'aurais pas à la repayer. Autour de moi, des prisons de verre s'étalaient. Pas le temps non plus d'ouvrir tout les bocaux. Je renversai donc les présentoirs.

« -Préparez-vous, il va y avoir du grabuge.
-T'es qui toi ?
-Vôtre nouveau maître. Mais tu peux m'appeler Matth'-Senpai. Ça suffira. »

Au fond de la salle, la vieille sorcière n'avait pas encore dit mot. Sa potion était maintenant liquide et bleue. Elle était calme.

« -Hey, la vieille ! T'es devenue sourde ou muette ? Je suis désolé d'avoir à te casser ta baraque, mais après je vais te casser la gueule, et moi quand je fais quelque chose je le fais jusqu'au bout.
-9 minutes et 14 secondes.
-Oui, je sais qu'il faut faire vite. Je vais aller droit au but : soit tu me donnes ton somnifère ; soit tu meurs.
-Il faut tout faire soi-même dans ce monde. Je ne vais quand même pas attendre 8 minutes 58 secondes pour te voir crever. Non, ce serait une grosse perte de temps, je vais m'occuper de toi.
-Je suppose que tu ne coopère pas ?
-Non, jamais. »

Sur ce, elle se leva et opéra une très étrange mutation. D'abord, ses doigts s'allongèrent de dix centimètres, puis son nez se rétracta et forma un groin, enfin, ses yeux s'ouvrirent. Ils étaient d'un blanc laiteux, et au centre, on distinguait une petite croix rouge, elle représentait la pupille. Il semblait que c'était la fin, mais j'étais loin de la métamorphose finale. Sa peau, déjà pâle à l'origine, devint presque incolore. Ses cheveux bruns tombèrent, la rendant plus cadavérique qu'avant.

« -Et moi, je suppose que Siwan n'a pas encore jugé utile de t'apprendre les différents types de magie.
-Non, jamais. »

La magicienne leva sa main, et une aura noire en émana. J'entendis du bruit derrière moi, et j'eus le bon réflexe de me jeter à terre. Il était temps : les vitrines éclatèrent, et les nombreux morceaux se ruèrent sur la main, frôlant mon crâne.

« -À mon tour de te faire chialer, crachai-je hargneux. »
Mais ce n'était que le début d'une longue bataille, sauf si j'en finissais rapidement.

Détail insolite, les bouts de verre étaient auréolés de blanc. Puis, la main et les fenêtres brisées permutèrent leurs couleurs. Je compris assez vite ce qui se passait. Les éclats, maintenant transformés en armes tranchantes allaient me foncer dessus. Je les évitai encore une fois de justesse, mais cette fois, d'un saut de côté.

« -C'est bien Matthieu, mais il en faudra plus, bien plus pour survivre.
-C'est pour cela que tu mourras. »

Je n'attendis pas que le tour de magie recommence, je cognai mon poing sur le bouclier miroir, enfermant une certaine quantité d'énergie dans la relique.

« -Un seul faux mouvement et je te fais sauter le crane. Si tu ne fais pas ce que je dis, je te fais sauter le crane.
-Dans ce cas tu vas aussi détruire le somnifère. C'est dommage, il était à base de plantes rares.
-Non, il y a là juste de quoi t'arracher la tête des épaules.
-Bon ben prends-le alors.
-C'est immédiat ?
-Le temps de l'avaler.
-Mets-le dans un flacon. Et n'oublies pas ce que j'ai dans la main. »

Elle obtempéra, toutefois, en prenant le plus de temps possible.
« -Yuro ! Prends la mixture !
-OK, Matth' ! »

Dès que ce fut fait, je tirai. Yuro se téléporta avec la boisson, tandis que le corps, maintenant sans tête, tombait.

« -Vite, sortons d'ici. On se retrouve à la porte est. »

Au moment où je passais par celle-ci, le gardien me repéra.
« -Hé toi ! Je t'ai vu sortir il y a trois heures, mais je ne t'ai pas vu rentrer. Que se passe-t-il ?
-Peut importe, fermez les portes derrière moi. »

30 secondes plus tard, Panple arrivait. Alors que les Âmes me retrouvaient, j'en désignais deux pour me tenir en l'air, au dessus de la vile créature. Une fois dans les cieux, j'essayais d'attirer l'attention du kraken.
« -Hey Pamplemousse ! Bouffes ça, criai-je en lançant le liquide bleuâtre. »

Tandis que les multiples bras arrêtaient de bouger, je me laissais tomber sur le bec aux bords tranchants et mortels.
« -Je suis désolé d'avoir à te casser les dents, mais tu me casses les pieds, et encore je suis poli. En tout cas, j'ai une bonne nouvelle : dans une heure t'es sous mes ordres. Content ? »

Sur ce, je frappai la mâchoire de « l'agrume » de mon gantelet encore valide. Le spectacle n'était pas vraiment sain, mais j'étais déjà habitué. De toute façon, ce serait encore pire après. Cette fois-ci, le conduit menant à l'estomac était gigantesque. Je n'eus donc pas à ramper. Une fois à l'intérieur des viscères, je vis Hyder, apparemment en vie. Cependant, il ne lui restait plus qu'une seule tête.
« -Salut Hyder ! Pourquoi les autres ne repoussent pas ?
-Le suc gastrique les en empêche.
-Bienvenue au club alors. Est-ce que tu sais où est le cœur en partant d'ici ?
-Pourquoi ? Il t’a pas bouffé ?
-Non, je suis entré de mon plein gré. Je veux tuer Pamplemousse pendant qu'il dort.
-C'est tout droit au nord.
-Au nord-est plutôt, non ?
-Si tu sais ne me demande pas. »

Je marchais donc vers la paroi qui était à gauche de l'entrée. Ne trouvant pas de poignée, je découpai une porte rectangulaire grâce à mon épée. Une fois cet obstacle passé, je me retrouvais devant un réseau veineux. Jackpot ! Il y avait là une artère. Je la coupai, et soufflai pour évacuer mon dégoût. Dès que je fus prêt, je sautai à l'intérieur pour une glissade en direction du cœur. Le liquide était chaud et fluide. Il m'emportait avec la force qui rendait les inondations tant redoutées. J'arriverais donc plus vite à destination. Je pensais fortement à une bonne douche quand je me souvînt que cela n'existait pas sur Termina. Au bout de quelques secondes, je fut projeté à l'intérieur d'un endroit difforme qui se dilatait régulièrement. Le liquide écarlate emplissait tout l'espace, et je ne pouvais pas respirer.

J'achevai alors ma mission de destruction et massacrant mon habitacle. Dans quelques minutes Panple sera rouge de la tête aux pieds. Maintenant il fallait sortir. Mais Hyder, je n'allais quand même pas le laisser là. Il était seul depuis peu et était donc facilement corruptible. De plus, il m'avait épargné lorsque Warui voulait m'amputer. D'un commun accord avec ma conscience, je repris le chemin en sens inverse, tranchant tout ce que je pouvais au passage. Quitte à faire des dégâts, autant en faire un maximum. Ainsi transporté dans ma boucherie, plus rien ne pouvait me résister. Les nerfs étaient tranchés, les tendons sectionnés, les muscles déchirés, les os broyés, et les veines arrachées.

De fil en aiguille, je parvins enfin à ma fameuse porte que j'empruntai.
« -Bon Hyder, il va falloir être rapide. Si Skull Kid me tue, il va te tuer aussi.
-Oui.
-Si tu restes ici tu vas mourir.
-Oui.
-Mais si je te sors d'ici tu vas vivre.
-Oui.
-Il est donc dans notre intérêt commun de s'allier.
-Mais je peux sortir tout seul et me cacher.
-Si tu sors sans coopérer je te tue. Si tu t'échappes, la lune va bientôt s'écraser sur Termina, et je la soupçonne fortement de contenir de la Solarite. Je te laisse imaginer la suite. Tuer c'est faire un choix. Mais cette fois, ce n'est pas moi qui vais le faire ce choix. C'est toi. Soit tu vis, soit tu meurs.
-Tu te fous de ma gueule là ?
-Un peu... beaucoup... passionnément... à la folie...
-J'accepte si tu arrêtes ça.
-Tu vois, c'est pas dur de faire le bon choix. »

Continuant mon chemin, j'ouvris une autre porte, puis une autre, et encore une autre, pour enfin déboucher à l'air libre. Derrière moi, le sang se déversait à flot. Il ne restait qu'un cadavre géant, qui se décomposerait petit à petit, effaçant toutes traces de cette lutte. Devant moi, les Âmes étaient furieuses contre Hyder.
« -Pourquoi cet air si sérieux ? J'ai réussi.
-Il doit mourir pour ce qu'il a fait, il a faillit vous tuer.
-Non, c'est le Triers qui a faillit me tuer. Hyder, lui, a sauvé mon bras. Il mérite une deuxième chance. »

Me retournant, je vis que le corps ensanglanté n'était pas encore transformé en sable, pourtant c'était une créature magique.
« -Hey, pourquoi le jus de Pamplemousse n'est-il pas décomposé ?
-Parce qu'il a retiré son esprit de son corps avant de mourir. L'esprit est vivant, donc la capacité magique de la bête n'est pas récupérable.
-Et où est l'esprit ?
-Dans un autre corps.
-Mais je ne vais pas tuer des innocents pour l'arrêter.
-Tu seras obligé.
-Comment savoir si le corps est contaminé ?
-Il réagira bizarrement.
-Dans ce cas, je sais où le trouver. Pouvez-vous redonner du pouvoir à ma Solarite ?
-Oui, je fais ça tout de suite.
-Merci. Hyder, tu viens avec moi, les autres vous vous reposez, c'est largement mérité. »

Une fois le dialogue terminé, Hyder et moi retournâmes dans le magasin d'Âmes, cassant les portes de la cité au passage. Quelle ne fut pas ma surprise quand je vis Siwan appuyé contre le mur du fond. Il semblait m'attendre, il semblait même impatient.

« -Oh non ! Pas Siwan ! Non ! C'est pas possible ! Il est à deux kilomètres d'ici !
-Eh ben si ! J'ai pris le corps de Siwan. Le vieux n'avait plus les forces nécessaires pour résister à une intrusion.
-Tu dois le tuer, dis Hyder, qui que ce soit. »

Passant à l'attaque, Siwan frappa le sol de son bâton, et une faille s'ouvrit sous mes pieds, révélant une lumière rouge. Par bonheur pour moi, Hyder me rattrapa dans ma chute, mordant le col de ma tunique. Revenant sur le plancher des vaches, j'enlevai le comptoir d'un geste, cela faciliterait mes mouvements. Suite à cela, je brandis Excalibur, j'étais prêt à passer à l'acte lorsque dans un éclair noirâtre, tout devint blanc autour de moi.

Ne sachant pas où blesser le nouveau corps, je lançai une attaque en face de moi.
« -Loupé, ricana Panple. »

Ce fut une grosse erreur de sa part, je connaissais maintenant sa cachette. L'illusion se brisa alors que je tranchai un bras à mon adversaire.
« -Arg ! Salaud !
-Concentres-toi, j'aime pas quand c'est trop facile.
-... »

Je me demandais bien combien d'énergie magique possédait encore mon ennemi : l'amputation avait déjà cicatrisée. Il fallait que je finisse vite. Augmentant ma vitesse et ma force, je lui assénai un magnifique coup de poing. Tout se passa alors très vite : un craquement se fit entendre ; un masque brisé tomba par terre ; une silhouette d'enfant décapité remplaça celle de Siwan ; elle se transforma en sable ; et je tombai à genoux.

« -Colin... murmurai-je. »