Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Conjuring Book #1


Par : MrBlackOrigami
Genre : Action, Fantastique
Statut : Terminée



Chapitre 3 : LE MANOIR


Publié le 03/07/2012 à 04:09:13 par MrBlackOrigami

CHAPITRE 3 : LE MANOIR


L’être de givre et de sang qui me faisait face tourna la tête, de manière presque imperceptible, seuls ses yeux trahissaient son changement d’humeur. Des yeux qui semblaient saigner, comme des rubis tranchés par une lame noire en leur milieu. L’angoisse me gagnait peu à peu : cette fille me semblait de moins en moins humaine, elle m’évoquait trop de choses angoissantes malgré son masque fait de beauté et de sympathie, comme si un cadavre me faisait face. Un superbe cadavre qui jouait à imiter les vivants. Elle me rappelait ceux que j’avais vu dehors, dans les bas-quartiers de la ville durant les hivers, égorgés par le froid qui les avait assassiné en silence. Elle me rappelait mon corps étendu dans la neige teintée de pourpre. Elle me rappelait celui que j’avais vu entre l’Enfer et le Paradis, celui qu’elle connaissait, celui qui m’avait demandé de la saluer. Elle s’était levé soudainement, sans que je m’en aperçoive et se rapprochait de moi comme si… comme si elle voulait me protéger. La porte s’ouvrit à la volée. Une porte en bois, massive, qui devait peser plusieurs dizaines de kilos, s’écrasa contre le mur. Un tintement de clochettes accompagna ironiquement ce fracas de mauvais augure :

- « Kan’ ? s'étonna la jeune femme.
- Et merde, je me disais bien que tous ces trucs ne servaient pas à le soigner ! fulminait l'homme qui venait de faire irruption.
- Tu veux dire… qu’ils sont au courant ? continua Ana qui ne semblait nullement inquiétée par l'agitaion autour d'elle.
- Moi qui pensais régler tout ça de manière discrète et sans emmerdes, c’est raté !
- Discrètement ? Tu plaisantes ?
- Oh Ana’, épargne-moi ce genre de remarques…
- Tu me feras toujours rire Kan’. sourit la jeune femme dont les yeux semblaient comme paralysés.
- La vie en communauté, connerie ! Qu’est-ce que je ne ferais pas pour retrouver ma moto et mon désert où le soleil tuait tout ce qui bougeait sur des centaines de kilomètres…

L’homme à l’harmonica s’approcha de mon lit et arracha la moitié des fils qui me reliaient à toutes ces machines envahissants la pièce. Elles n’étaient donc pas destinées à me soigner ? Pourquoi étaient-elles là dans ce cas ? Les bruits de pas recommencèrent, les couloirs résonnèrent à nouveau. Le regard d’Anastasia était de nouveau perdu dans le lointain, comme si elle réfléchissait trop vite pour que ses yeux suivent ses pensées. Ils continuaient de débrancher les multiples appareils me maintenant en vie, du moins, c’était ce que je croyais jusqu’à présent. Les pas atteignirent la chambre et une voix voilée par un masque à gaz retentit :

- Éloignez-vous de lui !

Trois gardes armés de fusils-arbalètes se tenaient à l’entrée, l’armure marquée par des armoires dont je n’avais plus souvenir. Je n’avais jamais voulu me souvenir de quoique que ce soit concernant la noblesse, hormis la haine que je lui vouais. Des soldats de la garde rapprochée d’une des familles royales anglaises me faisaient face une nouvelle fois. Un sentiment étrange me submergea. J’étais toujours aussi impuissant face à eux et pourtant, j’avais l’impression qu’ils ne pouvaient plus m’atteindre désormais. Je connaissais à présent ce qu’ils m’avaient interdit de connaître. La philosophie. Et s’ils faisaient l’erreur de m’en laisser le temps, je la maîtriserai, et j’irai leur faire payer ce qu’ils ont fait. J’irai les tuer un par un de mes propres mains si il le faut. J’irai répandre leurs cendres et les cendres de cette ville en enfer. Ils firent coulisser les longues armatures de métal destinées à chauffer à blanc leurs carreaux d'argent et armèrent leurs armes, impression de déjà-vu saisissante.

- A votre place je ne ferai pas de bêtise ou vos têtes iront rouler à vos pieds. menaça une voix amusée.

En un instant, une veste sombre avait traversé la pièce tel un courant d’air glacé. Le rire narquois d’un harmonica retentit derrière le dos des gardes. Il était à côté de moi en train d’arracher mes perfusions et en à peine quelques secondes il s’était glissé derrière les trois soldats. Un gigantesque revolver, bien trop imposant pour être manipulé par un seul homme, décoré de reliefs étranges et gravé de signes occultes était collé contre la tempe du premier, un katana, fantôme nocturne, noir comme la plaque d’armure qu’il complétait rampait sous la gorge des deux autres. Anastasia s’assit sur mon lit et prononça ses mots d’une voix visiblement... agacée :

- Nos corps sont à l’épreuve des balles, l’auriez-vous oublié ?
- Cela n'était point une suggestion mais un ordre des centurions de la princesse Lyla De Mahleg, nous ferons feu si vous ne nous laissez pas passer sans opposer de résistance ! Ne comprenez-vous donc pas ce qu’il représente ? Si vous réfléchissiez ne serait-ce qu’une seule seconde vous comprendriez. Vous pensez tous avoir raison mais regardez le : il ne vit que pour la vengeance, et le voilà maintenant avec plus de puissance qu’il n’en faut pour accomplir ses desseins. Cet homme représente désormais une menace qu'il est impératif d'éliminer avant qu'elle n'échappe à notre contrôle.

Ils avaient lu en moi comme dans un livre ouvert, j’étais forcé de l’admettre pour une fois. Ses gardes m’intriguaient, comment savaient ils tout cela ? Pourquoi me connaissaient-ils tous ici ? Avais-je été amené en ce lieu dans un but qui m’était étranger ou simplement parce que l’on m’avait sauvé et soigné ? L’harmonica se tut.

- Comme je le pensais, la demoiselle a du mener son enquête et avec toutes les radios cérébrales que vous ont filé vos machines, vous ne deviez pas manquer de preuves… Les nouvelles vont plus vite que je ne pensais... soupira Kangitsar qui avait visiblement l'air contrarié.
- On ne fait pas rentrer n’importe qui au manoir des De Mähleg, surtout ceux qui connaissent l’existence de la philosophie. Nous autres gardes de son altesse ne le permettront pas.
- Vous ne savez pas ce qu’il en fera…
- Et nous ne prendrons pas le risque de le laisser choisir ce qu’il en fera lorsqu’il la maîtrisera.
- Lyla n’a pas cette vision des choses.
- Notre devoir est de la protéger et non la laisser exposer au danger. Sa première victime sera un noble, vous le savez aussi bien que nous. Maintenant je vous le répète une dernière fois : écartez-vous de lui !
- Nous deux contre vous trois, vous êtes suicidaires mes chers. Dit la jeune femme à côté de moi en souriant d’un air effrayant.
- Il me semble qu’un simple carreau entre vos deux yeux suffirait à vous faire taire, espèce de monstre.

Un silence tomba sur la pièce, une tension presque palpable se fit sentir. Anastasia semblait bouillir de rage : ses yeux ne furent plus que deux charbons incandescents. Ses doigts se resserrèrent sur le moniteur cardiaque situé juste à ma droite. Un craquement retentit. Elle broya lentement l’appareil au creux de sa paume avant de laisser tomber au sol un amas de fils et de métal tordus par une colère ardente.

- Tu n’as... pas osé... dire ça, non, j’espère que tu ne l’as pas dit, pas ça…

Kan, qui tenait toujours les trois gardes en respect à l’aide de son revolver et de son sabre, s’esclaffa :

- Je crois bien que sa langue a fourché. susurra t'il sadiquement.
- Je te jure, je te jure que si jamais il t’a entendu, tes membres et tes organes seront éparpillés aux quatre coins de la ville et qu… articulait Anastasia, incapable de maîtriser les sanglots qui s'emparaient d'elle.
- Qu’aurais-je du entendre ? tonna un orgue venu d'outre tombe.

Une silhouette gigantesque enveloppée dans une immense cape dont la couleur évoquait les ténèbres se tenait au côté du joueur d’harmonica.

- Rengaine tes armes Kangitsar…

Ce dernier s’exécuta non sans pousser un grommellement bien audible. Son interlocuteur le dépassait d’une tête au moins et avait le visage caché par une large capuche. Il se pencha et s’adressa à l’un des gardes d’une voix suave et affamée:

- Vous avez bien de la chance que mon ouïe soit particulièrement déficiente aujourd’hui, Capitaine Rash…

Cette voix, c’était la même. Cette silhouette, ce manteau…

- Juste à temps Érèbe…

L’homme encapuchonné n’était pas venu seul : deux autres personnes
entrèrent à leur tour.

- Retient toi Érèbe, je ne t’ai pas autorisé à manger mes hommes à ce que je sache… gronda une voix dans son dos.
- Vos gardes sont si incompétents qu’ils ne mériteraient même pas que je goûte à leur chair putride.
- C’est le protocole ici, tu sais à quel point les choses sont compliqués maintenant… D’autant plus que si vous m’aviez prévenu avant, je n’aurais pas été obligé de leur ordonner d’enquêter sur cet invité surprise.
- Je ne pensais pas qu’en le ramenant ici je… commença l'homme au chapeau.
- Bien sûr que si tu savais ! Kangitsar, espèce d’idiot, à quoi est-ce que tu pensais ? Tu as tué ses gardes sans te demander pourquoi il en voulait à la vie de ce jeune homme ? Qu’as-tu en tête ? Je te rappelle que je t’ai accordé ma confiance alors tâche de ne pas me décevoir, s’il te plait.
- … Je vous prie de m’excuser.
- J’ai à m’entretenir avec ce nouveau venu, sortez. Sortez tous ! Vous me fatiguez. Me faire lever de si bon matin pour une histoire si agaçante... Et vous, espèces d’idiots, excusez-vous auprès de Mademoiselle Anastasia et de Mondamoiseau Kangitsar.

Anastasia se leva de mon lit, tremblante de la tête aux pieds, et vint se blottir contre Érèbe qui l’enveloppa dans son manteau.

- Avec tout le respect que je vous dois, Princesse, je n’ai jamais lavé de tels affronts qu’avec mon épée. siffla t'elle avec rage.
- Soit, nous en reparlerons… Sortez à présent. continua son interlocutrice qui ne semblait visiblement pas se rendre compte de la tension palpable qui régnait dans cette chambre.

Il ne resta dès lors plus que deux personnes avec moi : la première était celle qui avait ordonné aux autres de partir. Elle était assise dans un imposant fauteuil roulant, construit à partir de bois précieux et décoré de dorures somptueuses. Sa tenue était constituée d’une grande robe mauve semblable à une vague crépusculaire et de divers bijoux au milieu desquels trônait une montre dorée lovée dans le creux de sa gorge témoignant de sa richesse infinie. Un voile noir cachait son visage et ses cheveux flamboyants cascadaient sur ses épaules. Une princesse. La propriétaire de la demeure où je me trouvais actuellement sans doute. Un homme d’une trentaine d’année poussait son fauteuil. Il était vêtu à peu près comme les autres si ce n’est que son manteau et ses gants étaient d’une couleur qui oscillait entre le blanc et le beige contrairement aux teintes sombres habituelles. Il portait un bonnet de laine blanc ornée d’une plume noire, des cadenettes de cheveux blonds lui tombaient dans le dos. Ses yeux étaient totalement blancs, comme si ses pupilles avaient disparus. Il semblait me fixer intensément avec ce regard vide. J’avais l’impression que le néant me contemplait.

- Je m’appelle Lyla De Mähleg, quatrième princesse de la cour royale d'Angleterre. L’endroit où tu te trouves actuellement est mon manoir situé dans le premier district, Daniel.


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