<h1>Noelfic</h1>

133B


Par : KRASHFLAM

Genre : Action

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 4

Se relever.

Publié le 20/06/12 à 14:08:03 par KRASHFLAM

Scène 1 : Un plan infaillible

Il n'était que quinze heures, et pourtant je ne me sentais pas prêt à passer à l'attaque. À vrai dire, je n'avais pas imaginé que William projetait notre exode le jour-même. Il en avait en fait préparé les plans depuis près de deux semaines, et ne nous en avait pas parlé de peur qu'il n'y ait une mutinerie.
Maintenant, il pouvait avoir confiance, car un mutin n'aurait eu pas assez de temps pour mener notre projet à sa perte. Il nous réunit tous dans la grande salle après notre pause, pendant laquelle nous avions pu réfléchir. Personnellement, je ne me sentais pas opposé à son projet, mais je n'avais pas le sentiment d'être prêt, d'être assez fort. J'avais peur.
Notre chef nous réunit dans la salle commune, dans laquelle nous passions de plus en plus de temps, car nous cherchions une compagnie. On devait rester soudés, car la perte du père Nîvey nous avait rendus vulnérables. Même les ex-miliciens, qui étaient désormais tout à fait intégrés dans notre micro-société, manquaient de cette présence alors qu'ils n'avaient jamais connu le père Nîvey.
Ce prêtre, lui qui m'avait sauvé juste avant de s'en aller, de s'évaporer comme si nous n'avions pas besoin de lui. Dans quatre jours, cela allait faire un mois qu'il était arrivé dans ma vie. Il en était parti si vite !
Mes pensées noires furent interrompues en même temps que le brouhaha produit par les discussions entre les autres locataires lorsque William prit la parole sur la grande estrade, qui se situait à droite de l'escalier sur lequel un agent du Triangle était mort quelque temps avant.
– Mes amis ! Nous partons à l'attaque tout à l'heure. Nous profiterons du calme du soir pour rester inaperçus.
Personne dans la salle, à part lui-même, ne connaissait le plan de William. Je pris soudain peur : celui qui avait toujours tout contrôlé depuis le départ du prêtre ne pouvait pas être assez bête pour penser que le Régime n'avait pas anticipé qu'il pouvait y avoir des attaques dans la soirée. Il perdait forcément la raison : les rues devaient encore être infestées de gardiens armés dix fois plus redoutablement que nous. Comment comptait-il s'y prendre ?
– Vous devez vous demander comment nous pourrons faire, pour rester discrets ? Et bien, j'ai tout prévu ! Nous passerons par les mines de Nègre.
Mon cœur s'arrêta soudain et j'eus du mal à respirer. Les mines de Nègre. Je n'en avais jamais vues mais ce qu'on m'en avait dit à l'Instruction ainsi que depuis mon arrivée ici ne m'avaient pas du tout donné envie. Ces caves souterraines où les travailleurs passaient leur vie entière, plongés dans l'obscurité, semblaient sordides et aussi noires que leurs occupants. Ces gens là n'avaient jamais vu le soleil. Comme moi, qui n'étais pas sorti de ce sous-sol depuis un mois. Un mois. Ce projet me parut au moins aussi fou que je l'avais cru au départ. De plus, ces mines d'uranium étaient forcément gardées, ce qui n'arrangeait pas le problème.
– Nous tenterons d'attirer les mineurs vers notre cause. Nous créerons une armée ! Nous les aiderons à fuir, et ils nous aideront à accomplir notre but ultime.
Notre but ultime. Quel était-il, au juste ? Je me sentais totalement perdu, sans savoir si c'était l'angoisse ou une impression justifiée qui me faisait douter de la fiabilité de ce projet. Nous étions des petits, nous ne pouvions rien contre le Triangle.
– Camarades ! Ensemble nous viendrons à bout du Triangle ! Nous prendrons l'auditorium !
Ces mots retentirent dans la pièce comme un coup violent. L'écho répéta « auditorium » si longtemps que j'ai cru que ça n'allait jamais s'arrêter. J'étais là, pris malgré moi au sein d'un projet fou, voué à l'échec.
La ville de Trigoniapolis contait un milliard d'habitants. Elle était immense. Il y avait un auditorium pour chaque district d'environ dix mille personnes. Dix mille personnes ! Nous ne pouvions gagner, quand bien même dix pauvres nègres affamés et faibles se seraient joint à notre maigre corps. Cinquante personnes, même dans la meilleure condition, ne pouvaient en vaincre dix mille. Et nous n'étions pas dans les meilleures conditions.
J'avais peur, vraiment peur. Je craignais pour ma vie. Je ne pouvais plus reculer. J'avais signé un contrat de sang, en venant ici un mois avant : je devais mourir pour la Liberté, si j'en recevais l'ordre. Je devais le faire. Le sort du monde pouvait en dépendre, et bien que je n'avais pas la moindre confiance en ce plan, je pris la résolution de le soutenir et d'obéir strictement aux ordres de William. Il parlait si bien, et il semblait savoir ce qu'il faisait.
J'avais le sentiment écœurant et démotivant de me diriger inévitablement vers la mort, mais, après tout, je n'avais plus aucune raison de survivre... Il ne fallait pourtant pas que je baisse les bras ! Je devais vivre. Pour ma sœur, pour la Liberté. Je compris alors que je ne vivais pas pour moi. Je vivais pour les autres, pour le Triangle. En effet, le Triangle était désormais et comme toujours depuis ma naissance mon unique raison de vivre. Si on parvenait à le détruire, je n'aurais à nouveau plus aucun but. Et pourtant, je devais encore retrouver ma sœur.
Tous s'activaient tandis que je pensais, assis sur mon lit dans ma modeste chambre, la chambre 133B. J'allais partir, peut-être que je n'allais jamais la revoir, cette chambre. Comme ma sœur.

Scène 2 : La mine

Lorsque l'accès à la mine, une étroite sortie de secours située entre le couloir des chambres et la grande salle, fut dynamité, j'étais encore dans ma chambre. La secousse produite par la dynamite avait marqué le début de notre révolution. Nous ne pouvions plus retourner en arrière.
Alors que je quittais ma chambre et m'approchais de la sortie nouvellement ouverte, je songeais à ce que j'allais trouver derrière. Mon imagination me faisait voir un lieu noir et sombre, avec des noirs extrêmement maigres en train de donner sans grande conviction des coups de pioche dans des pierres, tout en recevant des coups de fouets de gardes sadiques, le sourire aux lèvres. Je me disais que la réalité ne pouvait être aussi sordide, et qu'il y aurait déjà eu un soulèvement, si les mines ressemblaient vraiment à l'idée que je m'en faisais.
J'arrivai devant le sas. Il s'agissait d'un petit couloir qui ne faisait pas partie de la mine. À mon grand étonnement, il était éclairé par de petites lampes qui avaient dû rester allumées bien longtemps sans éclairer personne. Il faisait bien plus froid dans ce couloir que le souterrain, et je regrettai très vite de ne pas avoir pris ma veste en y pénétrant. L'obscurité n'était pas très dérangeante et nous progressions durant le petit kilomètre qui nous séparait de la mine assez vite et confortablement.
Au fur et à mesure que nous descendions – car cet accès était en pente – l'humidité augmentait assez pour que nous le remarquâmes. La température, quant à elle, ne variait pas énormément, étant sans doute passée de seize à quatorze degrés au cours de notre progression. Des lampes étaient disposées environ tous les trois mètres sur le mur qui était à notre gauche.
Je me sentais bien. À vrai dire, j'avais craint de voir quelque chose d'abominable dès l'ouverture de l'accès. J'avais été rassuré par le sentiment de sûreté que m'inspirait ce couloir, bien que son dallage en pavés m’abîmait peu à peu les pieds, et que nous fîmes une pause au bout de sept cent mètres pour mieux nous préparer – d'un point de vue physique, mental ainsi que tactique – à notre arrivée dans les galeries.
Dans un monde où la technologie avait pris le dessus sur la vie de tous les habitants de la surface, je songeai alors que notre descente allait bientôt s'achever qu'il n'y allait avoir aucune trace d'évolution électronique dans ce sous-sol. Néanmoins, mes craintes avaient été apaisées et je ne redoutais plus tant la vue des mineurs et de leur ouvrage.
Et pourtant, lorsque j'arrivai à l'entrée de la mine, alors que la lourde porte en fer – que l'on ne pouvait ouvrir que depuis notre côté – s'ouvrait, j'eus une vision d'horreur qui me marqua à jamais. Je ne trouve, alors que je couche ces mots sur mon carnet, aucun mot qui puisse décrire l'intensité de l'émotion que j'ai alors ressentie.
Il s'agissait d'un énorme complexe souterrain qui semblait totalement délaissé par les progrès d'alors. On trouvait des cadavres au sol auxquels les travailleurs ne prêtaient plus attention, sûrement habitués à la mort et espérant secrètement rejoindre leurs camarades morts le plus vite possible.
La mine était énorme, vraiment. Elle semblait imposante et nul ne pouvait s'y trouver sans sentir une forme de petitesse face à ce que l'économie et le besoin toujours plus important d'argent et de productivité avait créé. C'était un monstre. L'uranium était transporté dans de grands ascenseurs en fer rouillés, qui restaient cependant la seule trace d’existence de l'énergie électrique dans cet énorme caverne. On avait l'impression, lorsqu'on le voyait, que cet endroit avait vécu indépendamment du reste du monde depuis deux millénaires. Et pourtant, il y avait bien un contact permanent entre nos deux mondes : lorsqu'il s'agissait de profit, on savait utiliser ces noirs. Il fallait bien que l'uranium remonte.
J'avais du mal à concevoir qu'à chaque fois que j'allumais mon téléviseur, qu'à chaque fois que mon radiateur m'apportait de la chaleur ou que j'écoutais la radio, c'était le sang des esclaves qui coulait dans les câbles. C'était le fruit d'un travail injuste et intensif qui me permettait de vivre une vie confortable en présence d'électricité. Moi qui prétendais ne pas craindre la mort du fait que je n'avais rien à perdre, je compris que ces gens là devaient la craindre bien moins que moi. J'étais complice de leur exploitation.
Puis je repensai à ce que William nous avait dit, quelques heures auparavant, les Égyptiens firent subir aux fils d'Israël un dur service. Et quel dur service ! Ces gens-là, qui ne s'étaient sans doute pas aperçu de notre arrivée tant ils étaient affaiblis par leur ouvrage, auraient eux aussi dû avoir leur part de reconnaissance dans ce monde. Dieu entendit leurs gémissements, et se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu regarda les enfants d'Israël, et il en eut compassion.
Ces esclaves n'étaient-ils pas autant les fils d'Adam que nous ? Bien sûr que si ! Et Dieu le savait ! Et notre Seigneur à tous allait nous mener au salut. Nous n'étions pas perdus, et eux non plus.
Je regardai Sylvain, qui semblait dérangé depuis le début de notre départ de l'abbaye. Il connaissait bien cet endroit. Il y avait souffert pendant trente ans, sans jamais voir sa mère ni son père, sans jamais toucher le moindre centime pour un esclavage ignoble qu'on lui faisait subir sans cesse. Ces noirs ne dormaient même pas ! Tout le monde se moquait qu'ils meurent ou qu'ils vivent, tant que l'uranium remontait dans l'ascenseur jusqu'à un entrepôt bien calme tenu par des blancs insouciants, ne se questionnant pas sur l'origine de leur provision. Sylvain pleurait.
Il versa une larme sur le sol, et je compris qu'il me restait beaucoup à apprendre de ce monde.

Scène 3 : Der Mensch wird gut !

Alors que je marchais, avançant malgré moi
Le cœur désespéré, pris d'un profond émoi
Ce que je voyais là ne m'intéressait plus
Je voulais retrouver la vie que j'avais eue.
Plus je voyais la mine, et plus je l'abhorrais.
Je ne pouvais plus voir ces lieux qui m'entouraient.
Pourquoi vivre d'ailleurs ? Dis moi, Dieu, pourquoi ?
Si je reste vivant, c'est pourtant grâce à toi.
Et pour ma sœur aussi, quand donc la reverrai-je ?
Elle était innocente, et blanche comme neige.


Je pensais, tout en marchant, à ces vers qui me venaient à l'esprit comme un souffle. Je n'avais pas à réfléchir. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, disait jadis Boileau. Encore un mort, un chanceux : encore un qui n'aura pas eu à connaître la misère, la faim, l'oppression, le travail forcé, le manque de liberté. Encore un qui n'aura jamais vu le Triangle et ses conséquences.
Et pourtant, je vivais. J'étais entouré de la pire des horreurs que l'humanité avait conçues, et je n'étais malgré tout pas plus choqué que ça. J'avais été marqué, certes, mais rien ne pouvait plus me surprendre, ou du moins, c'est ce que je croyais.
William arriva à un endroit d'où il pouvait être vu par la majorité des nègres de ce filon-ci. Il prononça un bref discours auquel il ne pouvaient rien comprendre puis leva le poing. Son ton était agressif et j'étais certain que, bien que n'ayant pas compris le moindre mot du laïus de notre chef, les travailleurs avaient saisi son message.
Et ils y répondirent : une bonne vingtaine d'entre eux vinrent à nous, c'était sûrement les plus forts – ou plutôt les moins faibles. J'étais certain, dans mon âme et dans mon cœur, que les autres auraient directement accouru vers notre direction s'ils en avaient eu les forces. Il y avait au moins cinq cent esclaves, car ils n'étaient rien de plus que de pauvres esclaves, et pourtant seuls dix-neuf étaient encore assez confiants en la vie pour oser nous rejoindre et soutenir notre plan.
Nous étions désormais soixante-trois. Malgré tout, notre armée de la Libération avait pris de l'ampleur et s'était agrandie de plus de quarante pour cents. Il lui fallait un nom. William y songea et n'eut rien d'autre à nous proposer que « La Révolte ». Je reconnais que je n'appréciais pas du tout ce nom, qui nous faisait passer pour des combattants plutôt que pour des libérateurs, et qui désignait en fin de compte plus le moyen que l'objectif.
La venue des dix-neuf nègres avait suffi à William pour le remettre d'aplomb. J'avoue que j'étais, moi, encore très sceptique quant à la sagesse de son plan, qui me paraissait soit suicidaire soit inutile, mais en tout cas déraisonné. Mais, n'ayant pas de meilleur plan à proposer, je dus m'y faire. Ce n'était pas facile à accepter, mais bien que je ne crus pas en sa stratégie, je voyais toujours en William notre sauveur, et considérais donc que ses actions ne pouvaient qu'être le moyen qui allait nous conduire au salut que nous recherchions, à la fin du Triangle.
Les noirs nouvellement recrutés nous parurent très bien comprendre ce que nous attendions d'eux. Ils semblaient aussi motivés que nous, et comprenaient la situation autant que nous – voire plus. Ces gens qui avaient souffert, croyaient en notre mouvement pour les sauver, et les venger. Nous étions désormais leur seul espoir de libération. Ils attendaient encore plus de notre cause que nous. Ils ne pouvaient parler, mais j'étais certain que s'ils l'avaient pu, ils auraient été les premiers à prendre le contrôle de notre groupuscule et à nous mener vers la sortie de cet enfer minier.
Ils avaient tout de suite adhéré à notre projet, sans même chercher à le comprendre ni à savoir qui nous pouvions être. Ils devaient haïr le Triangle au moins autant que moi, pour se joindre aveuglément à une quelconque armée qui lui était hostile.
Nous votâmes sur place le nom de notre groupe. Trois grandes idées revenaient : « La Révolte », « les amis des Pardessins » et « les Sauveteurs ». Nul ne se mettait d'accord et nous nous querellions pour défendre notre choix, lorsque je proposai le nom qui allait devenir notre nom : « La Cause ».
La Cause, rien de plus, rien de moins. Un nom simple et flou qui suffisait à exprimer l'intensité de notre volonté libératrice. Avec ce déterminant, cet article défini qui marquait bien que notre mouvement était l'unique solution. C'était la Cause ou le Triangle. Soit l'un, soit l'autre. Et ces esclaves, ces dix-neuf hommes qui avaient tout connu et qui avaient décidé de nous aider, avaient fait leur choix.
Nous devions maintenant nous atteler plus sérieusement à notre but ultime, comme l'avait appelé William quelques heures avant. Nous devions préparer sérieusement notre plan d'attaque de l'amphithéâtre. Mais avant ça, nous étions chargés de se regrouper dans un endroit plus confortable. Non pas plus sûr, car un garde venait toutes les heures pour vérifier que de l'uranium était miné, ce qui nous aurait laissé assez de temps, mais nous ne pouvions réfléchir sereinement dans un endroit sombre, à cent mètres sous terre, entourés de cadavres.
La disparition des quelques noirs que nous emportions avec nous pour être plus nombreux et forts lors de l'assaut final ne serait relevée par personne : les gardes vérifiaient juste, lors de leur passage, que ceux qui étaient présents travaillaient. Il n'existait aucun compte des esclaves et nul ne s'en souciait. Peu importait combien de noirs pouvaient naître, mourir ou disparaître : il fallait juste que ça tourne, que l'uranium remonte jusqu'à la centrale où présidaient quelques capitalistes totalement indifférents du sort de ceux qui m'entouraient alors : de miséreux ouvriers, délaissés par un système qui les utilisait sans même les regarder.

Scène 4 : Retour à la réalité

En m'en allant de la mine, je fuyais ce que j'y avais vu. C'était un paysage d'horreur et de souffrance qui venait de traverser mon esprit. Nous prîmes la sortie principale des galeries pour remonter. Là non plus, pas un seul gardien n'était là pour s'assurer que les noirs ne fuyaient pas : ils se moquaient de la perte, embaucher un gardien de plus leur aurait coûté trop de sous. Ils savaient que les noirs restaient de toute façon, n'ayant aucune raison de sortir si ce n'est de se faire tuer sitôt sortis de la caverne de la terreur d'où nous revenions.
Le large couloir que nous traversions à présent n'avait rien à voir avec l'étroit passage que nous avions traversé à l'aller. La lumière y était abondante et c'était bien le seul endroit de ce souterrain duquel on pouvait dire ça. Et pourtant, les mineurs ne fuyaient pas. Ils restaient à la mine, se disant « Tant que je suis ici, je suis sûr de vivre. Si je sors, je vais peut-être mourir. ». Et pourtant, il leur valait mieux mourir, mais ils souffraient du même mal que moi, que nous : ils redoutaient la fin, croyant toujours aux lendemains heureux, aux utopies oniriques auxquelles j'avais cessé de croire jusqu'à mon adhésion à La Cause.
Nous avions marché quelque vingt mètres lorsque je regardai derrière moi. De là, on voyait l'intégralité de la mine. Elle était bien plus vivante que ce que j'en avais vu quelque minutes avant : des ascenseurs montaient et redescendaient, et on entendait le « Tac ! » régulier et synchronisé des pioches de milliers de noirs qui minaient, sans trop savoir pourquoi. Parce que c'était comme ça.
À chaque pas que nous faisions vers la surface, nous nous rapprochions du but. Nous nous rapprochions de notre fin, de notre mort, de la Liberté. Nous montions très lentement, ne voulant pas nous fatiguer au cas où un combat aurait eu à survenir pendant le cours laps de temps durant lequel nous allions être à l'extérieur, là où les miliciens rôdaient à la traque du moindre signe du vie humaine avant de annihiler sans aucun regret.
William, qui avait récemment trouvé un espoir nouveau dans La Cause, semblait grave, alors que nous continuions notre ascension vers la surface. Nous l'atteignîmes enfin. Une simple porte sans gardes nous séparait du sol que j'avais quitté un mois plus tôt pour ne jamais le revoir. Cela nous paraissait trop facile : nous étions armés, et aucun garde ne semblait présent. Peut-être nous avaient-ils repérés, et peut-être tentaient-ils de nous tendre un piège. Nous étions aux aguets et notre méfiance était à son comble lorsque j'ouvris la porte.
Et pourtant, personne ne nous attendait. Nous rejoignîmes prestement une petite maison simple qui était, comme les autres six mille maisons du district, abandonnée. Ses occupants l'avaient vraisemblablement délaissée au profit du colossal amphithéâtre qui se trouvait un kilomètre à l'Est et qui devait être abondamment chargé, comme la radio l'avait ordonné il y a de cela un peu moins de deux semaines.
William, qui avait durant nos déplacements beaucoup réfléchi à notre avenir, nous expliqua un plan complexe qu'il avait imaginé et qu'il vanta comme étant « génial » à ses yeux et que je n'écoutais qu'à moitié. Bien que je n'écoutais ni ne comprenais vraiment son discours abscons à mes yeux d'homme fatigué et peu disposé à réfléchir, je voyais en lui un grand homme, un sauveur dont le charisme égalait au moins celui de notre « bien-aimé » dirigeant O'Down, à l'importante différence qu'il se servait de son talent d'orateur pour faire le bien, semer la Liberté et répandre ses idées, et non pour manipuler et diriger injustement un peuple docile et inconscient.
À vrai dire, j'avais confiance en lui. Il avait tout d'un chef, et il l'était d'ailleurs. Mais il méritait mieux que la direction d'une minuscule armée de soixante hommes déprimés, il devait devenir, lorsque nos principes allaient s'étendre sur toute la Terre du Triangle, notre chef à tous. Lui, contrairement au tyran qui nous avait opprimés pendant les soixante-dix années qui avaient précédé ces événements, méritait de nous diriger, car il l'aurait fait justement et conformément aux principes de la Démocratie que j'avais découverts lors de mon arrivée ici, quand nous avions dû l'élire.
Je vous ai déjà dit que je ne croyais pas en ce plan, mais, en regardant William parler, en entendant sa voix charismatique et en repensant à tout ce que nous avions traversé jusqu'ici, je repris espoir. Sincèrement. Il était possible que nous renversions le Triangle ! Son commandement dépendait après tout d'uniquement une grosse trentaine de personnes, que nous pouvions renverser. Non pas que la tâche allait être facile, mais elle était faisable. Rien n'était impossible, je le compris alors que je voyais les noirs que nous venions de libérer. Quelques heures avant, ils n'avaient jamais vu la lumière du soleil. Aujourd'hui, ils étaient dans une maison confortable, à la surface, entourés de gens prêts à les soutenir s'ils avaient un problème. Au fond de leur prison, ils ne valaient rien. Ils auraient très bien pu y mourir, et personne ne s'en serait soucié. Ici, la moindre de leurs blessures leurs valait notre soutien et nos encouragements. Moi-même, j'avais été accueilli chaleureusement, et eux aussi le méritaient, bien plus que moi. Le fait qu'ils étaient maigres et fragiles, et qu'ils ne pouvaient parler, ne faisait qu'augmenter le soin avec lequel on les traitait. Pour la première fois de leur vie, ils étaient aimés. Eux aussi avaient trouvé une famille, comme je l'avais fait près d'un mois plus tôt.
Puis je pensai à ma sœur. Après tout, peut-être que j'allais la revoir, un jour.

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BONUS SPÉCIAL POUR NOELFIC !

Vous voulez savoir comment j'écris ?
Voici le plan de ce chapitre exactement comme je l'avais conçu avant d'écrire :

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C3
3semaines 5jours après J0

S1 : min 900mots, il est 15h
Préparation de l'attaque (mines de nègre, création d'une armée, fuite, prise de l'amphithéâtre)
Je redoute, mais je dois le faire
Pour moi
Pourquoi survivre ?
Pour ma soeur
Pour la Liberté
Je ne vis pas pour moi
Je vis pour les autres
Je vis pour le Triangle...
Tous s'activèrent tandis que je pensais, dans la chambre 133B
Peut-être ne la reverrai-je jamais
comme ma soeur...

S2: min 900, 16h
IN MEDIAS RES -> Lorsque l'entrée fut dynamitée...
DESCRIPTION HORRIFIQUE DES MINES DE NÈGRES
Sylvain qui pleure -> Pensées très fortes

S3 : min 800, 16h30
Les nègres ne comprenaient pas ce que nous disions, mais ils avaient très bien saisi ce que nous voulions... +19 dans notre équipe
William reprend confiance.

S4: min 1000, 17h
Nous montions.
À chaque pas que nous faisions, nous nous rapprochions de notre mort
De notre liberté
[VERS LA SURFACE]
William semble grave
Nous étions réfugiés dans une maison abandonnée comme toutes les autres.
Le plan précis est donné
Je vois en William un grand homme
Un sauveur
Il avait le charisme de O'Down mais oeuvrait pour le bien
CONFIANCE CONFIANCE CONFIANCE
Espoir + pensées (soeur)
Peut-être reverrai je un jour ma soeur

Commentaires

Sheyne

22/06/12 à 12:21:11

ça gère ! Suite !!! :ok:

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