<h1>Noelfic</h1>

Le Poids Des Mots


Par : MassiveDynamic

Genre : Science-Fiction

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 7

Les Alléas

Publié le 06/08/11 à 21:16:00 par MassiveDynamic

Et je levais la tête. On me fit des signes au laser, cela venait d'un immeuble à une vingtaine de mètres. Je ne sais pas si je pris la bonne décision à ce moment précis, mais je décidai de rentrer chez moi, ignorant la lettre et l'inconnu. Il était déjà assez tard, et j'oubliais bien vite cette lettre anonyme posée sur le pas de ma porte. Je passais près de mon salon, l'esprit vide, voyant au passage mon père vautré devant la télévision. S'il y avait bien une chose qui n'avait pas changé depuis que la richesse nous avait trouvé, c'était ma relation avec mes parents. Elle était inexistante. Ou presque, du moins. Nos brefs échanges se limitaient à quelques directives de mes parents ou bien les questions usuelles quotidiennes. Jamais je n'avais discuté avec eux de la moindre chose. Jamais ils n'avaient pris le temps de me raconter, je ne sais pas, leur rencontre, par exemple. Je ne savais rien de tout cela. Et je dois dire que cela me rendait un peu triste de savoir que peut-être je perdrais tout contacte avec eux, quand viendra le temps de partir faire ma vie ailleurs. Je montais dans ma chambre avec un léger mal de tête.

Un vent glacial traversait toute la pièce. Ma fenêtre était restée ouverte. Je l'approchai pour la fermer, quand je vis un point lumineux venir d'un immeuble situé à quelques pâtés de maisons. Le point vert pointait mon bras. J'essayais tant bien que mal de percevoir une forme au loin, mais il faisait tellement sombre là-dehors qu'il m'était impossible de voir quoi que ce soit.
Autant dire que cela ne me faisait plus rire du tout. Entre la lettre anonyme et ça, je commençais vraiment à me demander s'il n'y avait pas un fou qui rôdait dans mes rues. Mes pensées s’interrompirent lorsque mon portable se mit à vibrer. C'était Simon. Il souhaitait me parler demain. De par le ton qu'il employait, cela semblait important. Je ne lui fis pas la remarque qu'il était déjà très tard, et répondis par l'affirmative. Lorsque mes yeux se posèrent à nouveau vers l'horizon, il n'y avait plus rien. Alors je m'allongeais dans mon lit, songeur, repensant à Cécile. Je ne saurais pas expliquer ce sentiment, mais quelque chose en elle m'attirait. Ca n'était pas de l'amour, loin de là, peut-être une forme de désir, mais c'était autre chose que le désir sexuel, et c'était également différent du désir de possession. Il s'agissait de quelque chose de bien particulier. Un sentiment profond, enfoui en moi, un sentiment étrange de béatitude, comme quand vous vous remémorez un rêve qui vous parait si lointain. C'était difficile à expliquer. Et puis, elle avait bon goût, et avait tout pour elle. Je ne devais pas la perdre de vue. Et nous étions dans le même lycée... Je m'en veux vraiment de ne pas l'avoir remarquée plus tôt. La tête dans le creux de mon bras, je continuais de laisser mes pensées vagabonder, répondant au passage à divers sms de connaissances à qui j'attachais peu d'intérêt. Et quand mes paupières allèrent peser plusieurs kilos, je cédai et finis par m'écrouler sous le poids du sommeil.

Le jour suivant arriva. Le jour, et le soleil. Aujourd'hui, le monde était bleu, le monde était rayonnant. Je me livrai à mon rituel matinal habituel, puis, après dix minutes d’exercice, j'allais de l'avant pour une nouvelle journée. Mon départ pour la Norvège était proche.

Ma mère répétait encore et encore les mêmes tâches. Faire la cuisine, nettoyer, repasser, re-nettoyer... Nous étions assez riche pour embaucher tout un régiment de femmes de ménage, mais elle ne voulait pas, elle tenait à s'occuper elle-même de la maison. Et je soufflais à cause de son entêtement. Au delà du stade de maniaque, il y a l’aliénation.

J'avais rejoint Simon dans un parc, non loin de chez moi. Nous avions convenu d'y passer une bonne partie de la journée. Nous marchions tous deux sur les sentiers, au milieu de la flore locale.

"Alors, tu voulais me voir ? lui disais-je.

- Oui, c'est assez délicat à expliquer.

- Délicat ? Comment ça ? Qu'est ce qu'il se passe ?

- Mon grand-père est décédé, et on hérite de la maison familiale, me dit-il la voix imprégnée de tristesse.

- Merde, je suis vraiment désolé pour toi... "

Je ne savais pas quoi dire d'autre, je n'avais jamais été doué pour ce genre de chose.

"- Non, ça ne fait rien, je n'étais pas vraiment proche de lui. C'est ma mère qui ne s'en remet pas. Mais, bref, là n'est pas la question. On va déménager, Isaac. On déménage en dans le sud de la France.

- Quoi ? Mais c'est loin ! "

J'étais en colère. En colère, pas contre lui, mais contre le sort. Je venais à peine de renouer les liens brisés, et il allait s'en aller. Ce vieil ami d'enfance... Je n'y croyais pas.

"- Je sais que c'est loin. C'est bien pour ça que je te préviens. Nous partons la semaine prochaine, et avant ça, il y a beaucoup de choses que tu dois savoir. Sur toi, sur moi, bref, je veux profiter du peu de temps qu'il me reste pour faire table rase.

- Merde, Simon. T'étais enfin revenu vers moi, lui répondais-je, mollement.

-Hey, allez, toi et moi c'était avant. Maintenant, c'est fini tout ça. T'as des amis à ne plus pouvoir les choisir, tu vas vite m'oublier, me lança-t-il, presque souriant.

- Si tu pars, je n'aurai plus grand monde sur qui compter. Je me fiche pas mal d'avoir telle ou telle personne à mes côtés. Au fond, les gens fonctionnent tous de la même façon. C'est du faux-semblant, et les désintéressés se font rares.

- Quoi ? T'es pas sérieux là ? Et tu faisais comment, avant ? Hein ? Tu as fait comment, pour entretenir tes relations avec ton nouveau statut ? Ca t'a plutôt réussi non ? Les filles, le monde de la nuit, tout ça.

- Évidemment que ça m'a réussi, et bien sûr que j'aime cette nouvelle vie, mais tu m'as connu avant tout ça. Avant ce nouveau statut. Tu m'as connu tel que j'étais avant cet argent. Humble, et c'est ça que je revendique. Tu es l'une des rares personnes à m'avoir accompagné depuis mon enfance, quand on a failli être plusieurs fois expulsés, ta famille était là... Tu vois, ouvre les yeux, il s'agit de notre enfance, putain. Pourquoi tu pars maintenant ? Et pourquoi tu m'as laissé tomber dès que l'argent m'est tombé dessus ? Des amis, j'en ai, et je peux en avoir autant que je veux, mais le lien qu'on tisse tous les deux depuis notre enfance, je ne pense pas pouvoir en avoir un autre. "

J'avais extériorisé tout ce que j'avais sur le coeur. Je n'avais pas l'habitude d'être aussi franc, mais personne d'autre que lui et moi ne savait tout ce que l'on avait traversé. Et quand bien même le froid jeté sur notre relation, nous étions comme cul et chemise. Il mit un moment avant de réagir. Je pense qu'il avait parfaitement conscience de tout cela. Et même si son départ allait gommer notre hypothétique futur, et bien je vivrai avec mes souvenirs. Nous étions resté encore une bonne partie de l'après-midi à discuter dans le parc, à se remémorer nos souvenirs d'enfance en arrachant leur feuilles aux arbres. Et quand vint la nuit, il me fit la promesse de m'appeler le lendemain. Il avait des choses à m'avouer. Je le quittai le coeur lourd, et seul ceux ayant déjà perdu ou perdu de vue un ami d'enfance pouvaient me comprendre. Son annonce avait déclenché en moi une nostalgie inattendue. Je repensais à l'époque où tout allait mal, où les huissiers nous guettaient, où mon père s'acharnait à travailler au noir pour payer nos factures, et où ma mère, à moitié folle, parlait seule, pestant dans son coin, quand elle n'avait pas des crises de rage. Ces souvenirs paraissent si lointain maintenant. J'en ai parfois du mal à les ressortir de ma mémoire. Maintenant, aux yeux de tous, j'étais ce gosse de riche, bien habillé, bien éduqué, très fréquentable, et qui avait tout pour réussir. Qu'on se le dise, j'étais passé d'une catégorie à une autre, alors que ce que je ne voulais absolument pas, c'était d'être étiqueté.

Je relisais mes anciens sms, et je souriais parfois à certains d'entre eux. Mais mon expression changea radicalement en visionnant mes photos et mes vidéos. Je me voyais au sol, inconscient. Et, d'un coup, tout me revint. C'était comme si l'on offrait la vue à un aveugle. La maison, mon cadavre, ces gens étranges, la piqûre, les lettres anonymes... La vision de la vidéo, me voyant, le souffle haletant, en train de me filmer, paniqué, avait provoqué comme un choc. J'eus une énorme montée d'adrénaline. Tout était bien réel.

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