Je m'appelle Eleanor
Par : Hold-em
Genre : Science-Fiction , Réaliste
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 10
Publié le 27/05/11 à 20:57:50 par Hold-em
Eté 1956, Rapture.
http://www.deezer.com/listen-6727184
Le métier de psychiatre, pensait Sofia, est quelque chose d’à la fois élémentaire, voire simple, mais aussi tellement compliqué.
Certes il y a des choses faciles à gérer, comme les dépressions que quelques séances réussissent à guérir plus ou moins bien, ou comme aider quelqu’un à s’affirmer…
Mais là, elle était face à un réel cas. Enfin, pour être précis, c’était un ensemble de cas, car jamais de sa vie Sofia Lamb n’avait entendu parler de «Sun blues». Jamais à la Surface elle n’avait entendu parler de pathologies mentales ou de trouble dû à un manque de soleil… Alors oui, il y avait eu des cas de décalcification osseuse par manque de Soleil en 1948 à Rapture (ce qui d’ailleurs fut résolu à la suite de plusieurs décès par des normes d’éclairage constant et permanent par lampes à ultraviolets), mais… Apparemment, le Soleil manquait aux habitants de Rapture.
Ce qui est troublant: Au-delà du besoin naturel de lumière, le Soleil n’a jamais représenté quoi que ce soit dans l’esprit humain, mis à part dans les cultures primitives sectaires.
Sofia recevait des patients tous les jours à son bureau de l’Allée des Sirènes, après qu’elle ait déserté les Appartements Mercure pour le bien de sa fille. Tout les jours, des hommes, des femmes, parfois accompagnés venait leur parler de cette sensation d’oppression qu’il ressentait face à l’Atlantique. Aucune lumière ne perçait de la Surface. A part les lumières de la ville, rien ne filtrait jusque là.
Sofia consulta aussi quelque prétendu scientifique rapturien, essayant de comprendre elle aussi ce qui se pouvait se passer. Quelque chose comme des hormones libérée par le Soleil, des substances anti-dépressive dépendante du Soleil, ou que savait-elle encore? Apparemment, aucun ne savait plus qu’elle.
Ce jour-là, Sofia recevait encore une fois une patiente. D’emblée, Sofia supposa qu’elle manquait de Soleil, elle aussi, et s’étonna même que ça ne soit pas ça.
Cette femme avait un problème. Un ensemble de problèmes venu de la même cause: sa pauvreté à Rapture. Elle lui expliqua qu’à la Surface, elle chantait dans les rues pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, et ça suffisait. Ses parents travaillaient à l’usine, elle, pour les aider, se plantait tous les jours dans la rue pour chanter en espérant quelques pièces.
En arrivant ici, tout changea. Dans son quartier, avant, on s’entraidait entre voisin, avec ses compagnons de misères, mais à Rapture… Ryan disait que tout le monde devait travailler pour soi, blâmant presque ceux qui aident les autres. Qu’étaient devenu les mentalités?
Elle lui raconta que du coup, elle avait été obligée de déménager au Point de Chute. Sofia entrouvrit la bouche d’étonnement. Elle était si pauvre que ça?
Le Point de Chute, pensa Sofia… C’est là-bas que vont les rebuts de la société, ceux qui à cause de Ryan ne peuvent tout simplement pas s’intégrer. Oui, Ryan proclame l’individualisme, la compétition et la gloire de l’égo, ignorant totalement les autres. Les autres? Ceux qui ne peuvent pas travailler, ceux qui ont du mal à se débrouiller seul soit par handicap soit par faiblesse, eux, vont au Point de Chute.
Sofia apprit par la suite que cette pauvre femme, en plus d’être pauvre au sens littéral, ne pouvait pas avoir la chance que la psychiatre avait: le simple fait d’avoir un enfant. En effet, cette femme était stérile et c’est pour ça qu’elle était venue.
Elle regarda par la fenêtre et expliqua que c’était un manque que jamais elle ne pourrait combler, quand bien même en adoptant. De toute façon, avec sa situation financières et sociale, elle ne pouvait se permettre ni d’adopter un enfant ni d’en avoir un naturellement. Elle disait que sa vie n’avait pas de réel but, pas vraiment de sens, comme si elle avançait mais dans aucune direction. Comme si elle ne pouvait pas avancer. Elle regarda Eleanor en souriant, qui jouait dans la pièce d’à côté, un sourire triste et en même temps si vivant…
Elle n’avait pas de famille ici, pas d’argent. Elle dit qu’elle croyait, et montra une croix jusqu’alors cachée sous son chemisier troué. Il ne lui restait plus que ça: tous les soirs, elle priait, et priait…
Sofia ressentait de la pitié pour cette elle. Elle savait aussi que n’importe qui est dans un sens offensé de recevoir de la pitié de la part de quelqu’un qui est dans une meilleure situation. Elle essayait de se convaincre que ce n’était pas cette pitié qu’elle ressentait, mais bien de la compassion.
Elle lui proposa d’entrer au Club des Dames. Un regroupement de femmes venant de presque tous les milieux de Rapture, bien qu’au fond elle doutait de trouver quelqu’un de son niveau. Elle accepta poliment, presque uniquement par politesse et pensait que de toute façon, l’honneur serait sauf.
A la fin de la séance, Sofia dressa sa main devant cette femme qui cherchait de quoi la payer dans son sac à main.
D’un côté, c’était clairement afficher la pitié que Sofia avait envers elle, mais d’un autre, n’était-ce pas lui rendre service?
Elle insista, insista, si bien que Sofia lui mentit sur le prix qu’elle devait payer. La pauvre femme lui tendit son chèque, avec un étrange sourire…
Sofia prit une seconde ou deux pour lire le nom, et annonça fièrement:
«A la prochaine réunion du Club, nous irons prendre un thé à la Closerie des Théiers, ce jeudi. Vous joindrez-vous à nous, Grace?»
Elle accepta, et repartit chez elle avec le même sourire indescriptible. Le monde lui sourirait-il enfin? Grace Holloway le saurait le jeudi prochain.
Après cet entretien autant instructif pour l’une que pour l’autre, Sofia alla pour la première fois depuis des années au Trésor de Neptune, avec sa fille. Elle n’avait pas réellement envie de l’emmener, au vu des gens assez peu fréquentables et des lieux assez inconvenants pour des enfants, mais encore moins de la laisser seul à la maison, et elle ne connaissait personne à qui elle faisait assez confiance pour garder sa fille.
Elle reprit encore une fois une Ryan’s Club, sa fille sur les genoux, et, en pensant à Grace, demanda à Bill McDonagh un autre entretien avec Ryan. Elle annonça d’emblée que c’était pour parler de religion. Après tout, qu’est-ce qui motivait réellement Ryan dans sa croisade contre la croyance? Pourquoi l’interdire à Rapture, le soi-disant paradis de la Liberté?
En espérant que ça vous a plu :)
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Le métier de psychiatre, pensait Sofia, est quelque chose d’à la fois élémentaire, voire simple, mais aussi tellement compliqué.
Certes il y a des choses faciles à gérer, comme les dépressions que quelques séances réussissent à guérir plus ou moins bien, ou comme aider quelqu’un à s’affirmer…
Mais là, elle était face à un réel cas. Enfin, pour être précis, c’était un ensemble de cas, car jamais de sa vie Sofia Lamb n’avait entendu parler de «Sun blues». Jamais à la Surface elle n’avait entendu parler de pathologies mentales ou de trouble dû à un manque de soleil… Alors oui, il y avait eu des cas de décalcification osseuse par manque de Soleil en 1948 à Rapture (ce qui d’ailleurs fut résolu à la suite de plusieurs décès par des normes d’éclairage constant et permanent par lampes à ultraviolets), mais… Apparemment, le Soleil manquait aux habitants de Rapture.
Ce qui est troublant: Au-delà du besoin naturel de lumière, le Soleil n’a jamais représenté quoi que ce soit dans l’esprit humain, mis à part dans les cultures primitives sectaires.
Sofia recevait des patients tous les jours à son bureau de l’Allée des Sirènes, après qu’elle ait déserté les Appartements Mercure pour le bien de sa fille. Tout les jours, des hommes, des femmes, parfois accompagnés venait leur parler de cette sensation d’oppression qu’il ressentait face à l’Atlantique. Aucune lumière ne perçait de la Surface. A part les lumières de la ville, rien ne filtrait jusque là.
Sofia consulta aussi quelque prétendu scientifique rapturien, essayant de comprendre elle aussi ce qui se pouvait se passer. Quelque chose comme des hormones libérée par le Soleil, des substances anti-dépressive dépendante du Soleil, ou que savait-elle encore? Apparemment, aucun ne savait plus qu’elle.
Ce jour-là, Sofia recevait encore une fois une patiente. D’emblée, Sofia supposa qu’elle manquait de Soleil, elle aussi, et s’étonna même que ça ne soit pas ça.
Cette femme avait un problème. Un ensemble de problèmes venu de la même cause: sa pauvreté à Rapture. Elle lui expliqua qu’à la Surface, elle chantait dans les rues pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, et ça suffisait. Ses parents travaillaient à l’usine, elle, pour les aider, se plantait tous les jours dans la rue pour chanter en espérant quelques pièces.
En arrivant ici, tout changea. Dans son quartier, avant, on s’entraidait entre voisin, avec ses compagnons de misères, mais à Rapture… Ryan disait que tout le monde devait travailler pour soi, blâmant presque ceux qui aident les autres. Qu’étaient devenu les mentalités?
Elle lui raconta que du coup, elle avait été obligée de déménager au Point de Chute. Sofia entrouvrit la bouche d’étonnement. Elle était si pauvre que ça?
Le Point de Chute, pensa Sofia… C’est là-bas que vont les rebuts de la société, ceux qui à cause de Ryan ne peuvent tout simplement pas s’intégrer. Oui, Ryan proclame l’individualisme, la compétition et la gloire de l’égo, ignorant totalement les autres. Les autres? Ceux qui ne peuvent pas travailler, ceux qui ont du mal à se débrouiller seul soit par handicap soit par faiblesse, eux, vont au Point de Chute.
Sofia apprit par la suite que cette pauvre femme, en plus d’être pauvre au sens littéral, ne pouvait pas avoir la chance que la psychiatre avait: le simple fait d’avoir un enfant. En effet, cette femme était stérile et c’est pour ça qu’elle était venue.
Elle regarda par la fenêtre et expliqua que c’était un manque que jamais elle ne pourrait combler, quand bien même en adoptant. De toute façon, avec sa situation financières et sociale, elle ne pouvait se permettre ni d’adopter un enfant ni d’en avoir un naturellement. Elle disait que sa vie n’avait pas de réel but, pas vraiment de sens, comme si elle avançait mais dans aucune direction. Comme si elle ne pouvait pas avancer. Elle regarda Eleanor en souriant, qui jouait dans la pièce d’à côté, un sourire triste et en même temps si vivant…
Elle n’avait pas de famille ici, pas d’argent. Elle dit qu’elle croyait, et montra une croix jusqu’alors cachée sous son chemisier troué. Il ne lui restait plus que ça: tous les soirs, elle priait, et priait…
Sofia ressentait de la pitié pour cette elle. Elle savait aussi que n’importe qui est dans un sens offensé de recevoir de la pitié de la part de quelqu’un qui est dans une meilleure situation. Elle essayait de se convaincre que ce n’était pas cette pitié qu’elle ressentait, mais bien de la compassion.
Elle lui proposa d’entrer au Club des Dames. Un regroupement de femmes venant de presque tous les milieux de Rapture, bien qu’au fond elle doutait de trouver quelqu’un de son niveau. Elle accepta poliment, presque uniquement par politesse et pensait que de toute façon, l’honneur serait sauf.
A la fin de la séance, Sofia dressa sa main devant cette femme qui cherchait de quoi la payer dans son sac à main.
D’un côté, c’était clairement afficher la pitié que Sofia avait envers elle, mais d’un autre, n’était-ce pas lui rendre service?
Elle insista, insista, si bien que Sofia lui mentit sur le prix qu’elle devait payer. La pauvre femme lui tendit son chèque, avec un étrange sourire…
Sofia prit une seconde ou deux pour lire le nom, et annonça fièrement:
«A la prochaine réunion du Club, nous irons prendre un thé à la Closerie des Théiers, ce jeudi. Vous joindrez-vous à nous, Grace?»
Elle accepta, et repartit chez elle avec le même sourire indescriptible. Le monde lui sourirait-il enfin? Grace Holloway le saurait le jeudi prochain.
Après cet entretien autant instructif pour l’une que pour l’autre, Sofia alla pour la première fois depuis des années au Trésor de Neptune, avec sa fille. Elle n’avait pas réellement envie de l’emmener, au vu des gens assez peu fréquentables et des lieux assez inconvenants pour des enfants, mais encore moins de la laisser seul à la maison, et elle ne connaissait personne à qui elle faisait assez confiance pour garder sa fille.
Elle reprit encore une fois une Ryan’s Club, sa fille sur les genoux, et, en pensant à Grace, demanda à Bill McDonagh un autre entretien avec Ryan. Elle annonça d’emblée que c’était pour parler de religion. Après tout, qu’est-ce qui motivait réellement Ryan dans sa croisade contre la croyance? Pourquoi l’interdire à Rapture, le soi-disant paradis de la Liberté?
En espérant que ça vous a plu :)
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