Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique , Horreur
Status : Terminée
Note :
Chapitre 8
La Fuite
Publié le 10/07/10 à 20:54:10 par SyndroMantic
[Désolé pour la musique rock, anachronique, "pré-pubère" peut-être, et surtout le passage rap (auquel je sais que certains sont allergiques),... mais voila, si j'étais à sa place, c'est la musique que je mettrais Dans Le Mp3 de Kaileena (et en plus, comme ça je supporte mon album préféré ) ]
http://www.deezer.com/listen-677172
La Fuite
Dès que j'eus traversé le mur d'eau qui barrait l'antre de la caverne, mes yeux ne purent rien voir à plus de quelques mètres. J'étais rincée de partout, glacée par la frayeur. Depuis que nous nous étions mis à l'abri, l'averse était devenue encore plus abondante et la luminosité encore plus faible. Ni le soleil ni la lune ne daignaient annoncer le soir. C'était comme être coincée entre deux heures. Aveugle dans le déluge, et pourtant capable de percevoir une jungle, un rocher par-ci, un buisson là-bas. Toutes ces formes étaient vagues. Un éclair passager les dessinait plus clairement certaines fois. Mais ces silhouettes brunes duraient trop peu de battements de paupières pour réussir à m'orienter. Tant pis. Je m'en moquais. L'ombre alentour ne me retiendrait pas de prendre mes jambes à mon cou et fuir ce lieu malsain. Qu'importe la destination. Je devais sortir de ce cauchemar. Il me fallait trouver une échappatoire coûte que coûte. Vite, ma course prit la direction inverse à celle de notre premier chemin, en plein dans l'inconnu. Derrière moi, le meurtrier criait, dans le vacarme de la pluie.
« Kaileenaaaaa ! »
Cet appel ne fit que presser mon allure. Je me sentais emportée par ce son, loin, toujours plus loin et toujours plus rapidement loin de son auteur, avant de disparaître au sein des éléments. La jungle me semblait pour cela suffisamment retorse, le temps que mon poursuivant n'abandonne. J'allais bientôt passer les premières végétations. Mais pourtant l'averse n'arrêtait pas de me faire douter que j'y parvienne jamais, vrillant mon crâne de ses impacts. C'était comme un filet chimérique que les nuages me lançaient non pas dans le but de me capturer mais celui de me faire croire que je pouvais m'enfuir... ou que je pouvais être écrasée de la même manière. Lui échapper était impossible. Même les oiseaux n'y étaient pas arrivés. Près de la bordure de la jungle, je sautai à partir d'un caillou pour atterrir de façon bancale sur un sol que j'avais du mal à reconnaître. Mou. Visqueux. Lorsque je levai mes pieds afin de partir au creux des végétaux, ma peau retint la terre et toutes ses saletés. Mes pas suivants ne furent meilleurs. Chaque fois la boue s'y agglutinait. Chaque fois des flaques éclaboussaient mes jambes et mes vêtements. Et chaque fois, le harcèlement de l'eau me faisait monter des larmes, aussi désagréables à sentir. Et pourtant, ces larmes, j'aurais aimé les verser, elles, si seulement les gouttes de pluie n'avaient pas déjà envahi mes joues. Ainsi, les deux ruissellements se confondaient et personne n'aurait pu lire sur mon visage la profonde peine que j'éprouvais alors. J'avais beau sangloter, j'avais beau pleurer ou grimacer de tristesse, j'avais constamment cette impression de ne jamais pouvoir l'exprimer dans mon organisme. C'était ma sensibilité véritable, que la tempête noyait dans ses flots…
Mon talon glissa dans la boue et je tombai sur les mains. Mes cheveux giclèrent devant moi. Un frisson me parcourut. J'avais extrêmement froid. De mes lèvres émanait un souffle que la température palissait au contact de l'air. Loin derrière, les vives enjambées de l'assassin à ma recherche se firent entendre. Je me relevai à toute vitesse et m'éclipsai entre les feuillages. Accroupie sous des buissons exotiques, je m'éloignai à quatre pattes, semblable à celle que j'avais été autrefois (car cette époque me paraissait déjà lointaine, à présent). Cette pauvre petite aussi perdue qu'à son plus jeune âge, tâtonnant la route incertaine de ses mains innocentes. La tenue que je portais n'était pas la mieux adaptée pour un tel parcours. Elle se faisait régulièrement accrocher par des épines, qui ne manquaient pas de me griffer au passage. Des coins de ma robe se déchiraient parfois, tellement certaines se montraient insistantes. Voilà au moins quelque chose que je ne regrettais pas, ayant longtemps rêvé de le faire moi-même par énervement. Toutefois, les déchirures ne se faisaient pas sans bruit et je redoutais qu'il n'alerte mon satané poursuivant.
5 minutes plus tard, enfin, je me rendis compte que je l'avais semé. Mes oreilles n'entendaient rien à part le bruissement continuel de l'averse qui semblait s'être quelque peu adoucie, pendant ce temps. Elle était la seule, l'exclusive voix résonnante parmi les décors. Nulle autre, animale, végétale ou minérale, ne lui contestait cette suprématie. Leur âme était morte, à travers ce silence. La jungle entière était plongée dans le deuil. Et moi, je ne pouvais faire celui du crime que je venais de vivre dans cette grotte maudite. Peut-être était-ce d'avoir ressenti ce drame, que la nature expirait... Lorsque je fus certaine de ne plus courir de risque, je me tendis sur toute ma hauteur, sans cesser de marcher, afin de mieux surveiller les environs au cas où j'y aperçoive l'approche de Zohak. Mon regard ne trouvait personne, le zervaniste était bien loin maintenant. À mon grand soulagement, j'étais hors de portée, bien partie pour me cacher éternellement de l'humain sanguinaire. Mais, hélas, le confort de la solitude fut très tôt rattrapé par l'appréhension d'être perdue. Car je l'étais en effet. Je n'aurais d'ailleurs pas du en être surprise. Le cadre était totalement différent de celui que j'avais toujours côtoyé. De plus, j'avais couru si vite et si longtemps que j'aurais été incapable de me situer sur l'île. Secteur nord ? Sud ? Ces notions étaient encore abstraites pour moi. Tout projet de s'établir quelque part en sécurité paraissait dérisoire, sans compter que, si un tel endroit existait, malgré la tempête, le grand homme l'aurait sûrement déjà fait sien. Or, il n'était pas question que je retourne auprès de lui.
Pourtant, j'avais froid. Terriblement froid. Mes tremblements faisaient presque sauter des gouttes, sur mes épaules. Tout en me frottant les bras, je cherchais de quoi me réchauffer. Mes pieds aussi étaient gelés. Je claquais même des dents. La fraicheur de l'eau me faisait tout de même souffrir le corps, finalement. Cette fois-ci je parvins à délivrer mes larmes en toute tranquillité. Je me serais presque forcée tellement ce m'était libérateur. Au fur à mesure que la pluie diminuait, je sentais mes chaînes se rompre. Une à une : celle de l'implacable déluge, celle de la fausse amitié, celle de l'insensible nature, et celles de la tutelle zervaniste, de ma soumission à leurs règles, de la bienséance qu'on avait toujours attendue de ma part, des reproches contre mes plaintes et mon manque de force sentimentale,... Enfin débarrassée de toutes ces convenances humaines, j'étais libre de laisser éclater toutes ma souffrance, à coeur ouvert et indépendant. L'acte de pleurer renforçait ma conscience de ce qui le provoquait, tous ces responsables de ma peine intérieure que je n'avais jamais avouée. À mon âge, il n'y avait que cette langue des sanglots, pour exprimer ce qui me pesait, et ainsi m'en alléger. Une bonne fois pour toutes. Je dois dire que la vitesse à laquelle le reste de mes émotions s'enchaîna m'étonne encore, en dépit de mes capacités actuelles. L'envie de crier allait jusqu'à me rendre joyeuse, quoi que cela me fut interdit par la prudence. Ce n'était pas franchement une frustration, mais un vrai Désir de révolte. Je ne sais si c'était le trouble de ma peur, ou la simple vitalité que dégage l'adrénaline, mais cette situation me procurait une agréable impression de bonheur. Je devenais beaucoup plus enthousiaste à l'égard de cette nouvelle expérience qui se profilait, avec tous ses rebondissements et ses découvertes. Comme si j'avais franchi un stade. Que j'étais passée de l'autre coté de la barrière. Et cela déclenchait un engouement chez moi que je n'avais pu connaître nulle part ailleurs.
Bien sûr, le danger demeurait présent. Un barbare adulte me traquait dans la jungle, armé d'un poignard meurtrier. La sauvagerie des lieux n'était pas moins hostile, en fin de compte. Les fauves n'étaient pas aussi câlins que je l'avais pensé en arrivant. Et j'avais froid. Depuis ma naissance, je n'avais jamais manqué que d'affection. Tout ce qu'un organisme vivant pouvait demander, je l'avais reçu. Je n'avais jamais souffert de la faim, ni de la soif, ni du froid, ni de rien d'autre. Jehak m'avait souvent blâmée de mon ingratitude envers cela. Mais la prison dorée avait disparut. Désormais, mon monde était beaucoup moins hospitalier. Et je devais m'y faire, quelle que soit la difficulté des épreuves. Après tout, cela faisait déjà plusieurs heures que je savais mon ancienne vie éteinte à tout jamais. Mon enfance était derrière moi. Si je voulais continuer à vivre, il me faudrait grandir. Me prendre en charge. J'avais attendue cette autonomie depuis si longtemps...
La pluie s'était presque arrêtée, maintenant. Je fis une halte à coté d'un arbre, dont les larges feuilles piquantes me couvraient des rares gouttes d'eau obstinées. Même si ma chevelure, ma peau et mes habits étaient encore très humides, mon esprit, étanche au malheur, put s'atteler à prendre une décision quant à la direction de mon escapade inaboutie. Par où Zohak me cherchait-il ? Je me tournai sur moi-même. Je me rendis compte que c'était un peu idiot, car inutile : je n'avais aucun moyen de nous localiser, l'un comme l'autre. J'étais partout, il était nulle part. Cette jungle était un vraie labyrinthe. C'était un peu prétentieux, mais je me serais pourtant crue capable de plus. Au fond de moi, je pensais pouvoir défier la nature. Les obstacles qu'elle m'opposait me laissaient dubitative. J'avais le sentiment qu'il m'était parfois possible de deviner certaines choses, dans diverses situations. Il y avait des vérités proprement inaccessibles aux autres. Mais pas à moi. Ce n'était pas pour rien que j'avais toujours jugé les prêtres inférieurs à ma personne, du fait de leur ignorance, et qu'ils m'avaient toujours gardée à l'écart, de peur ou de jalousie. Même Zohak était intimidé par la clairvoyance de mes paroles, au cours de nos discussions. Le pire était généralement survenu quand je lui racontais mes rêves. Bien qu'aucun d'eux ne me l'ait jamais dit, leur comportement m'assurait tout le temps du pouvoir vers lequel mon esprit pouvait tendre... Mais malheureusement, par des lois qu'il me faudrait apprendre plus tard, celui-ci était absolument stérile face à de telles circonstances, et je restais dans le désarroi le plus complet.
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Dès que j'eus traversé le mur d'eau qui barrait l'antre de la caverne, mes yeux ne purent rien voir à plus de quelques mètres. J'étais rincée de partout, glacée par la frayeur. Depuis que nous nous étions mis à l'abri, l'averse était devenue encore plus abondante et la luminosité encore plus faible. Ni le soleil ni la lune ne daignaient annoncer le soir. C'était comme être coincée entre deux heures. Aveugle dans le déluge, et pourtant capable de percevoir une jungle, un rocher par-ci, un buisson là-bas. Toutes ces formes étaient vagues. Un éclair passager les dessinait plus clairement certaines fois. Mais ces silhouettes brunes duraient trop peu de battements de paupières pour réussir à m'orienter. Tant pis. Je m'en moquais. L'ombre alentour ne me retiendrait pas de prendre mes jambes à mon cou et fuir ce lieu malsain. Qu'importe la destination. Je devais sortir de ce cauchemar. Il me fallait trouver une échappatoire coûte que coûte. Vite, ma course prit la direction inverse à celle de notre premier chemin, en plein dans l'inconnu. Derrière moi, le meurtrier criait, dans le vacarme de la pluie.
« Kaileenaaaaa ! »
Cet appel ne fit que presser mon allure. Je me sentais emportée par ce son, loin, toujours plus loin et toujours plus rapidement loin de son auteur, avant de disparaître au sein des éléments. La jungle me semblait pour cela suffisamment retorse, le temps que mon poursuivant n'abandonne. J'allais bientôt passer les premières végétations. Mais pourtant l'averse n'arrêtait pas de me faire douter que j'y parvienne jamais, vrillant mon crâne de ses impacts. C'était comme un filet chimérique que les nuages me lançaient non pas dans le but de me capturer mais celui de me faire croire que je pouvais m'enfuir... ou que je pouvais être écrasée de la même manière. Lui échapper était impossible. Même les oiseaux n'y étaient pas arrivés. Près de la bordure de la jungle, je sautai à partir d'un caillou pour atterrir de façon bancale sur un sol que j'avais du mal à reconnaître. Mou. Visqueux. Lorsque je levai mes pieds afin de partir au creux des végétaux, ma peau retint la terre et toutes ses saletés. Mes pas suivants ne furent meilleurs. Chaque fois la boue s'y agglutinait. Chaque fois des flaques éclaboussaient mes jambes et mes vêtements. Et chaque fois, le harcèlement de l'eau me faisait monter des larmes, aussi désagréables à sentir. Et pourtant, ces larmes, j'aurais aimé les verser, elles, si seulement les gouttes de pluie n'avaient pas déjà envahi mes joues. Ainsi, les deux ruissellements se confondaient et personne n'aurait pu lire sur mon visage la profonde peine que j'éprouvais alors. J'avais beau sangloter, j'avais beau pleurer ou grimacer de tristesse, j'avais constamment cette impression de ne jamais pouvoir l'exprimer dans mon organisme. C'était ma sensibilité véritable, que la tempête noyait dans ses flots…
Mon talon glissa dans la boue et je tombai sur les mains. Mes cheveux giclèrent devant moi. Un frisson me parcourut. J'avais extrêmement froid. De mes lèvres émanait un souffle que la température palissait au contact de l'air. Loin derrière, les vives enjambées de l'assassin à ma recherche se firent entendre. Je me relevai à toute vitesse et m'éclipsai entre les feuillages. Accroupie sous des buissons exotiques, je m'éloignai à quatre pattes, semblable à celle que j'avais été autrefois (car cette époque me paraissait déjà lointaine, à présent). Cette pauvre petite aussi perdue qu'à son plus jeune âge, tâtonnant la route incertaine de ses mains innocentes. La tenue que je portais n'était pas la mieux adaptée pour un tel parcours. Elle se faisait régulièrement accrocher par des épines, qui ne manquaient pas de me griffer au passage. Des coins de ma robe se déchiraient parfois, tellement certaines se montraient insistantes. Voilà au moins quelque chose que je ne regrettais pas, ayant longtemps rêvé de le faire moi-même par énervement. Toutefois, les déchirures ne se faisaient pas sans bruit et je redoutais qu'il n'alerte mon satané poursuivant.
5 minutes plus tard, enfin, je me rendis compte que je l'avais semé. Mes oreilles n'entendaient rien à part le bruissement continuel de l'averse qui semblait s'être quelque peu adoucie, pendant ce temps. Elle était la seule, l'exclusive voix résonnante parmi les décors. Nulle autre, animale, végétale ou minérale, ne lui contestait cette suprématie. Leur âme était morte, à travers ce silence. La jungle entière était plongée dans le deuil. Et moi, je ne pouvais faire celui du crime que je venais de vivre dans cette grotte maudite. Peut-être était-ce d'avoir ressenti ce drame, que la nature expirait... Lorsque je fus certaine de ne plus courir de risque, je me tendis sur toute ma hauteur, sans cesser de marcher, afin de mieux surveiller les environs au cas où j'y aperçoive l'approche de Zohak. Mon regard ne trouvait personne, le zervaniste était bien loin maintenant. À mon grand soulagement, j'étais hors de portée, bien partie pour me cacher éternellement de l'humain sanguinaire. Mais, hélas, le confort de la solitude fut très tôt rattrapé par l'appréhension d'être perdue. Car je l'étais en effet. Je n'aurais d'ailleurs pas du en être surprise. Le cadre était totalement différent de celui que j'avais toujours côtoyé. De plus, j'avais couru si vite et si longtemps que j'aurais été incapable de me situer sur l'île. Secteur nord ? Sud ? Ces notions étaient encore abstraites pour moi. Tout projet de s'établir quelque part en sécurité paraissait dérisoire, sans compter que, si un tel endroit existait, malgré la tempête, le grand homme l'aurait sûrement déjà fait sien. Or, il n'était pas question que je retourne auprès de lui.
Pourtant, j'avais froid. Terriblement froid. Mes tremblements faisaient presque sauter des gouttes, sur mes épaules. Tout en me frottant les bras, je cherchais de quoi me réchauffer. Mes pieds aussi étaient gelés. Je claquais même des dents. La fraicheur de l'eau me faisait tout de même souffrir le corps, finalement. Cette fois-ci je parvins à délivrer mes larmes en toute tranquillité. Je me serais presque forcée tellement ce m'était libérateur. Au fur à mesure que la pluie diminuait, je sentais mes chaînes se rompre. Une à une : celle de l'implacable déluge, celle de la fausse amitié, celle de l'insensible nature, et celles de la tutelle zervaniste, de ma soumission à leurs règles, de la bienséance qu'on avait toujours attendue de ma part, des reproches contre mes plaintes et mon manque de force sentimentale,... Enfin débarrassée de toutes ces convenances humaines, j'étais libre de laisser éclater toutes ma souffrance, à coeur ouvert et indépendant. L'acte de pleurer renforçait ma conscience de ce qui le provoquait, tous ces responsables de ma peine intérieure que je n'avais jamais avouée. À mon âge, il n'y avait que cette langue des sanglots, pour exprimer ce qui me pesait, et ainsi m'en alléger. Une bonne fois pour toutes. Je dois dire que la vitesse à laquelle le reste de mes émotions s'enchaîna m'étonne encore, en dépit de mes capacités actuelles. L'envie de crier allait jusqu'à me rendre joyeuse, quoi que cela me fut interdit par la prudence. Ce n'était pas franchement une frustration, mais un vrai Désir de révolte. Je ne sais si c'était le trouble de ma peur, ou la simple vitalité que dégage l'adrénaline, mais cette situation me procurait une agréable impression de bonheur. Je devenais beaucoup plus enthousiaste à l'égard de cette nouvelle expérience qui se profilait, avec tous ses rebondissements et ses découvertes. Comme si j'avais franchi un stade. Que j'étais passée de l'autre coté de la barrière. Et cela déclenchait un engouement chez moi que je n'avais pu connaître nulle part ailleurs.
Bien sûr, le danger demeurait présent. Un barbare adulte me traquait dans la jungle, armé d'un poignard meurtrier. La sauvagerie des lieux n'était pas moins hostile, en fin de compte. Les fauves n'étaient pas aussi câlins que je l'avais pensé en arrivant. Et j'avais froid. Depuis ma naissance, je n'avais jamais manqué que d'affection. Tout ce qu'un organisme vivant pouvait demander, je l'avais reçu. Je n'avais jamais souffert de la faim, ni de la soif, ni du froid, ni de rien d'autre. Jehak m'avait souvent blâmée de mon ingratitude envers cela. Mais la prison dorée avait disparut. Désormais, mon monde était beaucoup moins hospitalier. Et je devais m'y faire, quelle que soit la difficulté des épreuves. Après tout, cela faisait déjà plusieurs heures que je savais mon ancienne vie éteinte à tout jamais. Mon enfance était derrière moi. Si je voulais continuer à vivre, il me faudrait grandir. Me prendre en charge. J'avais attendue cette autonomie depuis si longtemps...
La pluie s'était presque arrêtée, maintenant. Je fis une halte à coté d'un arbre, dont les larges feuilles piquantes me couvraient des rares gouttes d'eau obstinées. Même si ma chevelure, ma peau et mes habits étaient encore très humides, mon esprit, étanche au malheur, put s'atteler à prendre une décision quant à la direction de mon escapade inaboutie. Par où Zohak me cherchait-il ? Je me tournai sur moi-même. Je me rendis compte que c'était un peu idiot, car inutile : je n'avais aucun moyen de nous localiser, l'un comme l'autre. J'étais partout, il était nulle part. Cette jungle était un vraie labyrinthe. C'était un peu prétentieux, mais je me serais pourtant crue capable de plus. Au fond de moi, je pensais pouvoir défier la nature. Les obstacles qu'elle m'opposait me laissaient dubitative. J'avais le sentiment qu'il m'était parfois possible de deviner certaines choses, dans diverses situations. Il y avait des vérités proprement inaccessibles aux autres. Mais pas à moi. Ce n'était pas pour rien que j'avais toujours jugé les prêtres inférieurs à ma personne, du fait de leur ignorance, et qu'ils m'avaient toujours gardée à l'écart, de peur ou de jalousie. Même Zohak était intimidé par la clairvoyance de mes paroles, au cours de nos discussions. Le pire était généralement survenu quand je lui racontais mes rêves. Bien qu'aucun d'eux ne me l'ait jamais dit, leur comportement m'assurait tout le temps du pouvoir vers lequel mon esprit pouvait tendre... Mais malheureusement, par des lois qu'il me faudrait apprendre plus tard, celui-ci était absolument stérile face à de telles circonstances, et je restais dans le désarroi le plus complet.
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