Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique , Horreur
Status : Terminée
Note :
Chapitre 5
Le Refus (suite)
Publié le 29/06/10 à 19:28:38 par SyndroMantic
Cette inscription me glaça le sang. Que cela pouvait-il dire ? Où donc avait-il pu aller ? Je craignis qu'il n'ait fait une horrible erreur. Il comptait plus que tout pour moi. Nous avions partagé tellement de choses. Il m'avait toujours laissée voir que son moral faiblissait, de jour en nuit. J'avais toujours su que son esprit recelait des maux inavoués. Il semblait souvent torturé intérieurement. J'étais pertinemment au courant qu'il n'avait pas toujours été bien intégré, parmi les siens. Mais ces quelques mots qui m'apparaissaient alors me firent craindre le pire. Il m'avait dit que certaines douleurs auto-infligées pouvaient aller jusqu'à la mort. Toutefois, cette pratique n'était pas moins employée par certaines personnes lorsqu'elles n'avaient pas d'autres ressources. Prise d'angoisse, je m'élançai à travers les feuillages, l'appelant de plus belle.
« Zohaaaaak ! »
Je couru à travers la jungle. C'était comme poursuivre ma propre vie. Si je pouvais empêcher qu'une telle catastrophe n'arrive, je n'aurais pas hésité ne serait-ce qu'une seconde. Les feuilles me fouettaient les joues. Des insectes me rentraient dans les yeux. Je me pris la cheville dans une racine, m'étalant lourdement. Mais je me relevais aussitôt, pourchassant cet unique but : retrouver mon ami.
Treize minutes plus tard, je sortais enfin de la forêt obscure. J'étais de nouveau sur la plage, exténuée par ma course. Le soir commençait à tomber. Le soleil se cachait peu à peu, derrière les nuages. La mer était agitée. Le vent salé ébouriffait ma tignasse noire. J'avais un peu froid, maintenant que mon adrénaline chutait. Je transpirais de partout. Boitant à cause de mon point de coté, je longeais la plage, le souffle haletant. Je croisai alors la souche sur laquelle Jehak m'avait faite asseoir, quelques heures plus tôt, et au pied de laquelle j?avais eu cette étrange vision. Au loin, j'entendis alors les jurons d'un homme révolté.
Folle de joie, j'accourais vers mon compagnon.
« Zohak ! Oh, Zohak ! Tu es vivant !...
Le grand homme baissa le poing qu'il tendait vers le ciel. Pendant que j?arrivais,
il se retourna vers moi.
- J'ai eu trop peur que tu...
Je fus stoppée dans mon élan. Quelque chose n'allait pas, dans le comportement du zervaniste. Son expression était hallucinée. Il était blanc. J'eus l'impression qu'il avait devant lui sa Mort en personne. Après avoir balbutié quelques mots incompréhensibles, il m'annonça, dans un cri étouffé :
- Ils sont partis... ! Ils m'ont laissé... ! Ils m'ont lâchement abandonné... ! Les ordures... !
- Quoi ? Comment ça ! Pourquoi ils ne sont plus là ? Où sont passés les zervanistes !
Où est le bateau !
- Ils sont partis ! Gémit-il à plein poumon.
Le silence suivit ses paroles. Sa toge de pourpre s'agitait dans le vent. Sur le moment, j'avais du mal à réaliser ce qu'il s'était vraiment passé. Le matin même, je m'étais levée sans rien qui me perturbe spécialement. Zohak m'avait enjointe à une distraction. Comme on propose un jeu. Nous avions fait escale sur cette plage, dans un but inconnu. Le zervaniste me fit plus tard comprendre que je ne devais pas mettre mon nez dans leurs affaires, et tenta d'aller guérir mon ennui. Maintenant, en retour, nous étions abandonnés ici. Lui et moi. Les maudits prêtres avaient fini par nous trahir. Je regardai l'océan, de mes yeux plaintifs. Il n'y avait plus l'ombre d'un vaisseau. Les vagues étaient de plus en plus violentes. Cette étendue liquide me faisait peur, à présent. Je n'avais aucune idée du moyen par lequel nous pourrions nous sortir de ce mauvais pas. Mais je faisais confiance à Zohak. Lui saurait sûrement quoi faire.
Pourtant, à ma grande surprise, il se contenta de pester, le regard énervé, dirigé sur le sable. Il donna un grand coup de pied dans le sol, de dépit. Un nuage ocre se souleva. L'espace d'un instant, j'eus l'impression d'y voir le reflet d'un monstre, devant mon ami. Puis l'image se dispersa dans le vent. De mon coté, j'essayais de comprendre la raison de ce drame. Bien que je les aie observés depuis longtemps, je n'arrivais pas à saisir comment les zervanistes avaient pu nous infliger pareil châtiment. Qu'avions-nous fait pour mériter cela ? Mon regard se hasarda vers les dénivelés sur lesquels ils s'étaient longtemps intéressés. Zohak remarqua mon intérêt pour cette zone. Lorsque je fis un premier pas dans cette direction, il me rattrapa hâtivement par le col.
- Hey ! Où est-ce que tu vas !
- Je... je veux savoir ce qu'il y a là-bas !
Le souffle du grand homme s'accélérait.
- Je t'ai dit que ça ne te regardait pas !
- Mais...
- Viens là ! fit-il en me tirant en arrière.
- C'est pas grave ! Les zervanistes sont plus là.
- Je t'interdis de prétendre de telles choses ! Qu'est-ce que tu en sais ! ... Je... Nous allons les retrouver... ! »
Zohak se mit alors en marche, sur la plage, me maintenant à l'écart des mystérieux dénivelés. Il continuait d'espérer qu'il n'était pas perdu. Il voulait encore croire qu'une embarcation l'attendait, derrière la prochaine colline sablonneuse. Il ne pouvait admettre la gravité du moment. C'était la première fois que je constatais ce genre de faiblesses, chez lui.
Après avoir parcouru la plage de long en large, le prêtre fut obligé de se rendre à l'évidence : nous étions seuls, à présent. Le bruit du vent dans mes oreilles était assourdissant. J'avais les jambes engourdies d'avoir autant marché durant la journée. Les déplacements n'étaient pas ce qu'il y avait de plus exténuant, sur le bateau. Je n'avais pas l'habitude d'effectuer ce genre de randonnées. Malgré tout, Zohak, sensé être bien plus fort que moi, fut le premier à s'abattre sur le sable, tombant sur les genoux.
« C'est impossible... ! Comment ont-ils pu... Je suis un homme fichu... fichu... Pourquoi m'ont-ils puni de la sorte... ?
Depuis déjà un moment, je me rendais compte qu'il parlait constamment de lui, sans manquer de me stresser également. Je vins à ses cotés, dubitative.
- Eh ! T'es pas tout seul, à être triste ! Moi aussi, ça m'embête qu'il se soient en allés?
- Et alors ?
J'étais sidérée. Le souffle me manqua, de constater cet égoïsme.
- Et alors !... Ben tu pourrais arrêter de faire comme s'il y avait que toi, dans cette histoire !
Non mais !
Zohak ne répondit pas. Son regard était renfermé. Je soupirai d'exaspération.
- C'est tout ce que tu peux me dire ? Tu ne crois pas que moi aussi j'ai besoin de réconfort ? On est tous les deux dans la même galère ! Tu crois pas qu'on devrait se soutenir, au lieu de t'énerver pour rien ?
Zohak ferma les yeux, soufflant comme un taureau.
- Qu'est-ce qu'il y a, tu t'en moques ?
- Mais vas-tu te taire !
Zohak était au bord des larmes. Son visage était redevenu rouge. Ses veines sortaient de ses tempes. Il avait osé monter le ton sur moi. C'était la deuxième fois, en une journée. D'ordinaire, il avait toujours été si réconfortant, si paternel, si cajoleur et protecteur. Mais ce jour-là, c'était comme si les liens qui nous avaient uni autrefois n'avaient jamais existé.
J'étais profondément déçue.
- Quoi... ? Qu'est-ce qu'il te prend de me parler comme ça ? Comment est-ce que tu oses? ! Dire que je me suis fait du souci pour toi... ! J'étais terrorisée à l'idée que tu te sois... suicidé.
Zohak fronça les sourcils. Visiblement, il ne comprenait pas du tout comment j'avais pu m'imaginer cela. C'est à ce moment que j'ai réellement commencé à me poser des questions...
- Zohak... Ça... ça voulait dire quoi, ce qu'il y avait sur le tronc ?
Le regard qu'il me portait inspirait la tristesse d?un enfant appréhendant sa punition. J'attendais toujours sa réponse, mais comme auparavant, il ne me l'apporta pas. Il se contenta de s'asseoir sur son postérieur et se prit la tête dans les mains.
- Zohak... tu... tu es mon ami ? »
Il resta silencieux. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu'il était incapable de par-
ler : des sanglots saccadés le submergeaient. Mon silence faisait entendre ses pleurs. J'étais vraiment déconcertée. C'était également la première fois qu'un homme pleurait devant moi. Je les avais toujours crus dénués de la moindre sensibilité. Mais Zohak, lui, était en train de totalement se livrer, dans cet instant dramatique. Sa pudeur, que j?avais devinée chez de nombreuses personnes, avait disparu. C'en était presque désobligeant pour moi.
Mais en vérité, il me faisait surtout de la peine. J'avais pitié de lui et de son malheur. Le voir dans cette posture me dérangeait. Me dérangeait beaucoup, même. Et il fallait y remédier. Il n'y avait pas âme qui vive, autour de nous. Je pris alors la responsabilité de me pencher vers lui, et de le prendre dans mes bras. Je n'avais même pas à m'accroupir pour cela. Je posai ma joue contre la peau de son crâne. Elle se mit à trembler. Après quelques secondes, Zohak se tourna progressivement vers moi. Il esquissa un sourire, sur ses joues inondées.
Puis il se leva et me prit par la main...
« Zohaaaaak ! »
Je couru à travers la jungle. C'était comme poursuivre ma propre vie. Si je pouvais empêcher qu'une telle catastrophe n'arrive, je n'aurais pas hésité ne serait-ce qu'une seconde. Les feuilles me fouettaient les joues. Des insectes me rentraient dans les yeux. Je me pris la cheville dans une racine, m'étalant lourdement. Mais je me relevais aussitôt, pourchassant cet unique but : retrouver mon ami.
Treize minutes plus tard, je sortais enfin de la forêt obscure. J'étais de nouveau sur la plage, exténuée par ma course. Le soir commençait à tomber. Le soleil se cachait peu à peu, derrière les nuages. La mer était agitée. Le vent salé ébouriffait ma tignasse noire. J'avais un peu froid, maintenant que mon adrénaline chutait. Je transpirais de partout. Boitant à cause de mon point de coté, je longeais la plage, le souffle haletant. Je croisai alors la souche sur laquelle Jehak m'avait faite asseoir, quelques heures plus tôt, et au pied de laquelle j?avais eu cette étrange vision. Au loin, j'entendis alors les jurons d'un homme révolté.
Folle de joie, j'accourais vers mon compagnon.
« Zohak ! Oh, Zohak ! Tu es vivant !...
Le grand homme baissa le poing qu'il tendait vers le ciel. Pendant que j?arrivais,
il se retourna vers moi.
- J'ai eu trop peur que tu...
Je fus stoppée dans mon élan. Quelque chose n'allait pas, dans le comportement du zervaniste. Son expression était hallucinée. Il était blanc. J'eus l'impression qu'il avait devant lui sa Mort en personne. Après avoir balbutié quelques mots incompréhensibles, il m'annonça, dans un cri étouffé :
- Ils sont partis... ! Ils m'ont laissé... ! Ils m'ont lâchement abandonné... ! Les ordures... !
- Quoi ? Comment ça ! Pourquoi ils ne sont plus là ? Où sont passés les zervanistes !
Où est le bateau !
- Ils sont partis ! Gémit-il à plein poumon.
Le silence suivit ses paroles. Sa toge de pourpre s'agitait dans le vent. Sur le moment, j'avais du mal à réaliser ce qu'il s'était vraiment passé. Le matin même, je m'étais levée sans rien qui me perturbe spécialement. Zohak m'avait enjointe à une distraction. Comme on propose un jeu. Nous avions fait escale sur cette plage, dans un but inconnu. Le zervaniste me fit plus tard comprendre que je ne devais pas mettre mon nez dans leurs affaires, et tenta d'aller guérir mon ennui. Maintenant, en retour, nous étions abandonnés ici. Lui et moi. Les maudits prêtres avaient fini par nous trahir. Je regardai l'océan, de mes yeux plaintifs. Il n'y avait plus l'ombre d'un vaisseau. Les vagues étaient de plus en plus violentes. Cette étendue liquide me faisait peur, à présent. Je n'avais aucune idée du moyen par lequel nous pourrions nous sortir de ce mauvais pas. Mais je faisais confiance à Zohak. Lui saurait sûrement quoi faire.
Pourtant, à ma grande surprise, il se contenta de pester, le regard énervé, dirigé sur le sable. Il donna un grand coup de pied dans le sol, de dépit. Un nuage ocre se souleva. L'espace d'un instant, j'eus l'impression d'y voir le reflet d'un monstre, devant mon ami. Puis l'image se dispersa dans le vent. De mon coté, j'essayais de comprendre la raison de ce drame. Bien que je les aie observés depuis longtemps, je n'arrivais pas à saisir comment les zervanistes avaient pu nous infliger pareil châtiment. Qu'avions-nous fait pour mériter cela ? Mon regard se hasarda vers les dénivelés sur lesquels ils s'étaient longtemps intéressés. Zohak remarqua mon intérêt pour cette zone. Lorsque je fis un premier pas dans cette direction, il me rattrapa hâtivement par le col.
- Hey ! Où est-ce que tu vas !
- Je... je veux savoir ce qu'il y a là-bas !
Le souffle du grand homme s'accélérait.
- Je t'ai dit que ça ne te regardait pas !
- Mais...
- Viens là ! fit-il en me tirant en arrière.
- C'est pas grave ! Les zervanistes sont plus là.
- Je t'interdis de prétendre de telles choses ! Qu'est-ce que tu en sais ! ... Je... Nous allons les retrouver... ! »
Zohak se mit alors en marche, sur la plage, me maintenant à l'écart des mystérieux dénivelés. Il continuait d'espérer qu'il n'était pas perdu. Il voulait encore croire qu'une embarcation l'attendait, derrière la prochaine colline sablonneuse. Il ne pouvait admettre la gravité du moment. C'était la première fois que je constatais ce genre de faiblesses, chez lui.
Après avoir parcouru la plage de long en large, le prêtre fut obligé de se rendre à l'évidence : nous étions seuls, à présent. Le bruit du vent dans mes oreilles était assourdissant. J'avais les jambes engourdies d'avoir autant marché durant la journée. Les déplacements n'étaient pas ce qu'il y avait de plus exténuant, sur le bateau. Je n'avais pas l'habitude d'effectuer ce genre de randonnées. Malgré tout, Zohak, sensé être bien plus fort que moi, fut le premier à s'abattre sur le sable, tombant sur les genoux.
« C'est impossible... ! Comment ont-ils pu... Je suis un homme fichu... fichu... Pourquoi m'ont-ils puni de la sorte... ?
Depuis déjà un moment, je me rendais compte qu'il parlait constamment de lui, sans manquer de me stresser également. Je vins à ses cotés, dubitative.
- Eh ! T'es pas tout seul, à être triste ! Moi aussi, ça m'embête qu'il se soient en allés?
- Et alors ?
J'étais sidérée. Le souffle me manqua, de constater cet égoïsme.
- Et alors !... Ben tu pourrais arrêter de faire comme s'il y avait que toi, dans cette histoire !
Non mais !
Zohak ne répondit pas. Son regard était renfermé. Je soupirai d'exaspération.
- C'est tout ce que tu peux me dire ? Tu ne crois pas que moi aussi j'ai besoin de réconfort ? On est tous les deux dans la même galère ! Tu crois pas qu'on devrait se soutenir, au lieu de t'énerver pour rien ?
Zohak ferma les yeux, soufflant comme un taureau.
- Qu'est-ce qu'il y a, tu t'en moques ?
- Mais vas-tu te taire !
Zohak était au bord des larmes. Son visage était redevenu rouge. Ses veines sortaient de ses tempes. Il avait osé monter le ton sur moi. C'était la deuxième fois, en une journée. D'ordinaire, il avait toujours été si réconfortant, si paternel, si cajoleur et protecteur. Mais ce jour-là, c'était comme si les liens qui nous avaient uni autrefois n'avaient jamais existé.
J'étais profondément déçue.
- Quoi... ? Qu'est-ce qu'il te prend de me parler comme ça ? Comment est-ce que tu oses? ! Dire que je me suis fait du souci pour toi... ! J'étais terrorisée à l'idée que tu te sois... suicidé.
Zohak fronça les sourcils. Visiblement, il ne comprenait pas du tout comment j'avais pu m'imaginer cela. C'est à ce moment que j'ai réellement commencé à me poser des questions...
- Zohak... Ça... ça voulait dire quoi, ce qu'il y avait sur le tronc ?
Le regard qu'il me portait inspirait la tristesse d?un enfant appréhendant sa punition. J'attendais toujours sa réponse, mais comme auparavant, il ne me l'apporta pas. Il se contenta de s'asseoir sur son postérieur et se prit la tête dans les mains.
- Zohak... tu... tu es mon ami ? »
Il resta silencieux. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu'il était incapable de par-
ler : des sanglots saccadés le submergeaient. Mon silence faisait entendre ses pleurs. J'étais vraiment déconcertée. C'était également la première fois qu'un homme pleurait devant moi. Je les avais toujours crus dénués de la moindre sensibilité. Mais Zohak, lui, était en train de totalement se livrer, dans cet instant dramatique. Sa pudeur, que j?avais devinée chez de nombreuses personnes, avait disparu. C'en était presque désobligeant pour moi.
Mais en vérité, il me faisait surtout de la peine. J'avais pitié de lui et de son malheur. Le voir dans cette posture me dérangeait. Me dérangeait beaucoup, même. Et il fallait y remédier. Il n'y avait pas âme qui vive, autour de nous. Je pris alors la responsabilité de me pencher vers lui, et de le prendre dans mes bras. Je n'avais même pas à m'accroupir pour cela. Je posai ma joue contre la peau de son crâne. Elle se mit à trembler. Après quelques secondes, Zohak se tourna progressivement vers moi. Il esquissa un sourire, sur ses joues inondées.
Puis il se leva et me prit par la main...
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