L'annonce était sobre. "Recherche vendeur motivé pour magasin de peur. Contacter le journal pour plus d'informations." Je n'avais jamais eu peur de rien. A cette époque, j'étais un beau jeune homme d'une vingtaine d'années. Frank Sinatra berçait mon adolescence, et j'allais bientôt être papa. J'étais heureux, mais pas très riche. Et il me fallait un job pour subvenir aux besoins d'Alex et du gosse. J'avais déjà postulé dans pas mal d'entreprises et de boutiques, mais j'avais toujours reçu une lettre d'escuse officielle m'annonçant que je n'avais pas la carrure de l'emploie ou que mon CV ne comportait pas assez de lignes. La crise des années 30 restait gravée dans le portefeuille des employeurs. L'air n'était pas au recrutement. Et voilà que cette annonce proposait un boulot pénard dans une boutique. Un marchand de peur... J'ai pris mon courage à deux mains, et appellé le journal. On me donna une adresse et un numéro. J'appellais le matin même, et on me mis en relation avec le vendeur. Celui-ci se nommait Al Oween. J'avais tout de suite remarqué le jeu de mot.

"J'appelle pour l'annonce.
-Vous êtes interressé ? Vous savez, monsieur, ce qu'est un vendeur de peur ?
-Je n'ai aucun diplome en la matière, mais j'apprends vite.
-Etes-vous prêt ?
-Prêt à quoi ?
-A découvrir le monde terrifiant et alléchant de la peur ? A repousser les limites de l'imagination dans le maximum de l'épouvantable ? De glacer le sang des plus gentils clients ? Bref de vendre de la peur ?
-Je crois que oui. J'ai besoin d'argent.
-Vous savez monsieur, ce travail n'est pas très bien rémunéré.
-Oui mais j'ai absolument besoin d'un travail.
-Très bien. Demain, lorque huit heures sonneront, je vous attendrai, monsieur. Au revoir monsieur."

Il raccrocha avant que je ne puisse le remercier.
Le lendemain, huit heures, je sonnais à la boutique, et découvrais le monde étrange que vous connaissez déjà dans le récit d'un autre homme.