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Les Fervents


Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Statut : En cours



Chapitre 3 : Échec


Publié le 20/10/2017 à 23:40:36 par Loiseau

… tueur en série et cri…. uerre, Rad… esela aurait tenté de s’évader d… ateau… l’emmenait vers l’Aust...ie. Heureusement, l’équipage du Templier a… le forcené et le navire est à nou… en route vers le bagne….
Et maintenant la météo… alors que les intemp… le long de la côte Est… d’importantes préci… de nombreuses habitations de la côte…


Les grésillements atroces de la radio me tirent du semi-coma qui m’avait englouti. Mon corps est une plaie douloureuse et palpitante, chaque respiration envoie des décharges de souffrance dans tout mon système nerveux. Je croise mon reflet dans le rétroviseur et lâche un gémissement. Mon visage est complètement boursouflé du côté gauche et mon œil a triplé de volume, mes mains sont toujours aussi bleues et il m’est presque impossible de plier les doigts, quant à mes côtes, pas besoin de les voir pour deviner que plusieurs sont en morceaux. Ils ont vraiment mis de la mauvaise volonté à ne pas me tuer.

...des tempêtes de sable à prévoir… Las Vegas mais aussi sur la route de Tannaseh… conseille aux routiers de… l’abri le plus proche.

Un frisson d’horreur me traverse l’échine, réveillant de nouvelles douleurs. Une quoi ? Une tempête de sable ? Maintenant ? Et j’imagine que le seul putain d’abri à dix kilomètres à la ronde c’est le diner. Je tente de me prendre la tête dans les mains pour marquer mon affliction, mais les tiraillements dans tous mes membres m’en empêchent.

...le message du Saint-Père du jour est… ton prochain comme… tue celui qui… et vainc… pour la Gloire du… Très bonne soirée à tous nos auditeurs sur Old School. Une page de…

Avec d’immenses précautions, j’ouvre la boite à gants et chope la bouteille d’eau à l’intérieur. Elle est encore à peu près fraîche, première bonne nouvelle de la journée. Je la descends rapidement, mais en savourant chaque gouttelette dans ma gorge desséchée, j’ai l’impression d’être une plante qu’a pas bu depuis des semaines et qui reprend doucement vie à l’arrivée de la flotte. Une putain de bénédiction. Si seulement ça pouvait me donner la force de continuer jusqu’à la capitale. L’ennui c’est que je suis à encore cinq heures de route, minimum. Autant dire que j’ai le temps de caner avant même d’avoir atteint la moitié du trajet. Ma seule chance, là tout de suite, c’est d’attendre qu’un gars me prenne en stop, j’appellerai une dépanneuse pour la voiture et tant pis pour les frais. J’ouvre difficilement la portière sous les babillements épileptiques d’une pub pour moto :

Entrevoyez le futur, avec la nouvelle… 500km/h min… vitesse de croisière fabuleuse… choper de la pucelle! UNE OPPORTUNITÉ POUR TA BI..

D’une claque énervée j’éteins la radio, lâche un hurlement de douleur et m’extirpe tant bien que mal de la bagnole. Il fait une chaleur étouffante à l’extérieur, l’air est immobile et pas un son ne perce la couche de ouate invisible qui s’est abattue. Je dérouille sévère. Avec la grâce de l’alcoolique moyen à 3h du matin, je m’effondre sur la poignée de la porte arrière et saisit un sac de sport dans l’habitacle. Je le déleste des quelques kilos d’herbe et caleçons sales qu’il contient, me traîne jusqu’au coffre et commence à ranger la poudre dans le sac. Pas question que je laisse la cargaison ici. D’un geste brusque, je referme le coffre et sent quelque chose tomber par terre. Un ongle, putain. L’ongle de mon index gauche vient de se décrocher, fatigué d’être malmené et aspirant sûrement à une vie meilleure. A la vue de la chair dénudée, je sens comme une dépressurisation expresse dans mon ventre. C’est la souffrance de trop, je m’affale contre le capot et respire à fond. La chaleur du métal m’apaise légèrement. Je regarde autour de moi, le désert et ses crevasses rouge m’évoque une peau zébrée de coups de fouets. Pas un signe de vie, juste les cailloux, le sable et cette route de merde qu’en fini jamais. Le vent brasse juste l’air brûlant et le soleil semble décidé à cramer tout ce qui tombe sous ses rayons. Rien ne me plaît ici, à part le silence. Je ferme les yeux et respire. J’ai de la chance d’être encore vivant, premier bon point. J’ai pas perdu ma cargaison, deuxième bon point. Je suis intelligent et je vais m’en sortir. Troisième bon point. Je rouvre les yeux... J’ai toujours trouvé efficace cette technique de relaxation qui consiste à énumérer des choses positives. D’une pensée, je remercie la vieille brochure pourrie pour des cours de développement personnel que mon connard de voisin avait déposé sous ma porte. J’y ai jamais foutu les pieds, mais leur site m’a appris cette méthode. Un peu plus déterminé qu’il y a quelques minutes, je me redresse, le sac de sport sur l’épaule, et je marche en direction de la route. Le ciel a pris une teinte rosâtre cheloue et l’air a un goût de terre, j’me demande si c’est lié à la tempête annoncée. Je m’assois sur un caillou près de l’immense bande d’asphalte et, avec une prudence excessive, je commence à me rouler un joint. Amusant comme avec toutes les nouvelles façons de se droguer qui existent, le joint soit resté ancré dans les habitudes des gens. Tout en perdant une certaine quantité d’herbe dans le procédé, je finis par rouler un cône à peu près fumable bien que tâché de sang par endroits. Pour le moment, aucune voiture n’est passée. J’allume. Je fume. J’attends. Dans ma tête les images de mon passage à tabac repassent en boucle. Je m’imagine me relever, reprendre le dessus sur ces gros porcs et les humilier. Je m’imagine tirant un couteau de chasse germanique de ma ceinture et les poignardant dans la face. Je m’imagine en train de défoncer la tronche orange de l’autre enfoiré des cartels et de le balancer sur l’Obèse. Je m’imagine… je m’imagine tellement que je viens de louper une bagnole qui est passée en trombe sous mes yeux. Le gars n’a même pas ralenti. Je marmonne sans conviction une ou deux insultes sur sa mère et reporte mon attention sur la route. Je commence à transcender la douleur, je sens plus la moitié de mon visage et mes mains ont arrêté de me lancer, même si je peux quasiment plus plier les doigts. Je tente quelques ronds de fumée, avortés à la sortie de ma bouche. Un vent moite commence à souffler et je me souviens des grésillements de la radio annonçant la tempête de sable. Si personne me prend en stop avant le coucher du soleil, je suis bon pour avaler la moitié du désert en une seule fois. Je tire nerveusement sur mon brass’ et savoure le goût amer de l’herbe. L’urgence de la situation commence à sérieusement me remuer les tripes. Aucune voiture ne s’arrêtera jamais ici, pour un connard avec la gueule en sang. Je ressemble à un foutu cadavre. Décidant de plus attendre, je repars vers ma caisse. Tant pis pour les trois horreurs qui m’ont défiguré, il faut que je retourne au diner. Je démarre la bagnole sans lambiner, jetant le sac de coke sur le siège passager. Je roule tellement vite, et mal, qu’en tout juste dix minutes je me retrouve devant le bâtiment hideux, avec quelques cabossages sur le capot. Les néons de la devanture se sont déjà allumés alors que la nuit n’est pas tombée et émettent un bruit désagréable. « Le Cœur du Désert – Diner 7/7, 24/24 » clament les ampoules vertes et roses. Tu parles d’un nom pour cette merde… J’hésite un long moment avant de sortir. Par acquis de conscience j’allume la radio, un bruit blanc sinistre répond à ma question silencieuse : où en est la tempête ? Je soupire et quitte l’habitacle, dans ma poche je glisse un petit flingue que je planque habituellement sous mon siège. En cas d’emmerdes, je pourrais même pas m’en servir tellement j’ai les mains gonflées, mais c’est toujours sécurisant. Je franchis en boitillant les portes du diner et pénètre dans l’immonde salle, éclairée de néons blancs qui font ressortir les couleurs criardes et la crasse omniprésente du lieu.


- EH LES GARS, REGARDEZ QUI C’EST LA !


La voix de débile de Sale Goret résonne dans toute la pièce, de même que la claque sèche que lui envoie Gros Lapin derrière la tête.


- Crie pas, je l’ai vu aussi. Alors, la fiotte ? T’es revenu pour le second round ?


Je choisis purement et simplement de les ignorer. Ils se mettent à marmonner entre eux en me jetant des regards mauvais. Pendant ce temps, je m’approche du comptoir et m’assoit sur un des tabourets en essayant de paraître le moins meurtri possible. L’Obèse sort de la cuisine, l’air plus apaisé que tout à l’heure, et me dévisage avec surprise.


- Bah ça alors… J’pensais pas qu’tu reviendrais…

- Moi non plus, j’te l’assure. Mais puisque j’y suis, tu veux pas me servir un verre d’un truc bien fort ? Et m’emmener un truc contre le mal de crâne.

- Vodka et aspirine ?


Je le regarde d’un air mortellement sérieux sans rien dire, il hausse un sourcil qui va se paumer dans ses bourrelets frontaux. Il souffle par le nez, retourne dans sa cuisine en annonçant un fier :


- Tequila-benzène et codéine, ça marche.


Peut-être pas si con que ça, finalement, le gros… J’essaie de jeter un œil à la table des mes bourreaux qui ne disent plus rien depuis un moment et j’ai la surprise de les voir jouer aux échecs. Gros Lapin affronte Vieux Putois dans ce qui semble être une partie tendue, malgré un apparent avantage de Gros Lapin. Sale Goret les regarde avec le front plissé tout en sirotant une pinte de bière. Assez choqué mais rassuré qu’ils m’aient oublié, je sors pour la première fois mon portable de ma poche. Il se déplie sur un simple contact de mon majeur et me salue d’un large sourire virtuel. Un message, treize appels manqués de Sonja. Je referme l’appareil sans vérifier le message. Sûrement un énième « T’es où ? ». Le cuistot revient avec une bouteille orange poussiéreuse, une boite de cachets et une assiette fumante remplie de purée et de viande. Il pose le tout devant moi et grommelle un « cadeau de la maison » nerveux avant de s’asseoir et de me dévisager. Ses yeux porcins dégoulinent de peur, d’inquiétude et de ce qui ressemble à de la honte. Je renifle l’assiette avec suspicion.


- Elle n’est pas empoisonnée voyons ! qu’il s’offusque.

- Ben franchement à voir ta tête on dirait que si. Tu sues du cul tellement t’es nerveux.


Il ouvre une bouche outrée, dévoilant sa dentition impressionnante. Derrière moi, une chaise grince et la voix de Vieux Putois s’élève.


- Eh, p’tit merdeux. On t’as pas appris à dire merci dans ta cité de tarlouzes cocaïnomanes ? L’patron te fait un cadeau et toi, sale enfant de putain, tu penses qu’il t’empoisonne ? T’as p’t’être envie qu’on te rouste encore, pervers sadien séropo’ que t’es !


Non, décidément, j’adore le style de ce type. J’aurais pu l’applaudir si ses insultes étaient pas directement dirigées contre moi. Le patron se lève et frappe de la paume sur le comptoir. Une veine bleue massive palpite sur son front luisant et ses arcades adipeuses sont froncées de rage. Même son poireau semble colérique.


- Personne rouste personne ici ! Fini les roustes ! Vous allez tous vous calmer avant que je vous vire de mon restaurant !


Sa voix a tonné, puissante, et nous a effectivement tous calmé. Sale Goret paraît même sur le point de pleurer à cause du choc. L’Obèse poursuit, la respiration lourde :


- Si ça vous amuse d’être les larbins d’un enculé de narco’, c’est votre souci, mais allez vous entre-tuer plus loin. Y’a encore jamais eu de mort dans mon restau’ et ça commencera pas ce soir. Toi, le citadin, tu peux bouffer et te requinquer tranquille, après je te dégage à coups de pieds au cul. Vous trois, finissez votre partie, vous avez besoin d’entraînement. Et surtout fermez bien tous vos gueules.


On obéit sans moufter. J’pensais pas que cet énorme tas de graisse pouvait en imposer autant. J’attrape la boite de codé’ et avale un des cachets. Le patron me pose un verre d’eau que j’avale aussitôt avant de me concentrer sur la bouteille poussiéreuse. Tequila-benzène, il a dit… C’est le nouveau nom du Melbourne, un cocktail souvent décrit comme "indécent". Je me sers un verre et me l’envoie cul-sec. Le goût est atroce, la sensation de brûlure est pire, mais au moins je sens presque en direct mes douleurs s’envoler. Je m’attaque alors à l’assiette de purée. C’est un délice. Enfin… c’est de la purée de synthèse avec de la viande bas-de-gamme, mais le simple fait de bouffer me procure plus de sensations que beaucoup de putes hors-de-prix de Mégalopolis. Je dévore tout, sans laisser une trace dans l’assiette, me ressers un verre et me laisse un peu aller. Les deux ploucs sont toujours concentrés sur leur partie. Sale Goret joue sur son portable sans plus faire attention à eux. Je me demande à quel point il est attardé. En les voyant comme ça, je sens l’envie de les buter qui me caresse l’intérieur du torse. Le poids de l’arme dans ma poche me murmure des conseils sadiques que l’alcool que j’ingère ne fait qu’appuyer. Si je vise bien, trois balles, pas plus. Dans la tête. Leur cervelle éclatée, répandue sur le sol et au gros lard de nettoyer… Ma main glisse très lentement vers le flingue sans que mes yeux quittent le trio haï. Putois et Lapin continuent de déplacer leurs pions dans un silence de mort. Le patron est retourné dans sa cuisine. Je prends plaisir à sentir mes sens s’embrumer et mon cœur battre de plus en plus fort dans ma poitrine. La tension ne fait qu’augmenter dans tout mon corps. Mes doigts se glissent dans ma poche comme dans une fente de femme et je saisis la crosse de l’arme. Je commence par lequel ? D’un geste brusque Vieux Putois abat sa dame sur l’échiquier et lâche un échec et mat sourd. Gros Lapin sourit, serre la main de son rival et se tourne vers moi. Je m’apprête à lui coller une balle entre les yeux quand il ouvre la bouche.

- Bon, gamin… On te dépose ?


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