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Les Fervents


Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Statut : En cours



Chapitre 2 : Lente plongée


Publié le 07/07/2017 à 13:21:51 par Loiseau

J’ouvre difficilement un œil, puis l’autre, à moitié. Une douleur abominable me vrille la tête, comme si un nabot s’était installé dans mon crâne et essayait de l’élargir de l’intérieur en poussant de toutes ses forces contre les parois. Je suis étalé sur le sol inondé de pisse, l’espèce de sensation de brûlure généralisée dans tout mon corps indique que je dois être pas mal contusionné, et c’est rien à côté de ma fierté. Je viens de me faire molester et humilier par trois bouseux incestueux pas foutus de différencier leur mère de leur sœur quand ils veulent tirer un coup. C’est dégradant.

Tant bien que mal, j’essaie de me relever. Je dérape dans mon propre sang et manque de me fracasser le crane contre la cuvette. J’aurais presque envie de pleurer si la situation exigeait pas un maximum de contenance. Deuxième tentative, plus précautionneuse, et j’arrive enfin à me remettre debout, bien que chancelant. La nausée m’envahit soudain et je salope un peu plus ces gogues sordides. Tout en m’appuyant au mur, je glisse tel une larve vers le lavabo et tente d’observer mon reflet dans le miroir crépi de tâches variées, souvent graisseuses. Je ne ressemble plus à rien. J’ai le visage gonflé, un œil comme un pruneau, la lèvre inférieure éclatée… et je suis souillé d’urine de plouc. Le lavabo fait un bruit grinçant et assez sinistre quand je fais couler l’eau sur mes mains bleuie comme si on avait marché dessus. Tremblant, je m’asperge le visage d’eau glacée et lâche un cri de douleur pitoyable. En serrant les dents, je fais du mieux que je peux pour me débarrasser du fluide infamant et du sang sur ma face, pour le reste je verrais plus tard. Une fois que c’est fait, je m’adosse au mur un instant pour réfléchir à la situation.

Orange-man a prouvé qu’il est plus fort, plus dangereux et plus riche que moi – les deux premiers points découlant du dernier – et si je refuse son prétendu travail, je risque juste de finir abandonné aux coyotes avec une balle entre les deux yeux. Ou livré en pâture à mes trois copains rednecks. Si j’accepte, il va sûrement m’envoyer faire quelque chose de très dangereux qui garantira ma mort. D’un autre côté, si j’accepte, je pourrais toujours réfléchir à un plan pour me tirer très loin d’ici. En Europe, pourquoi pas ? Je suis largement assez blanc pour qu’ils veuillent bien de moi sur leur territoire.
Alors que je médite sur mes options, la porte rouge s’ouvre en grand et Gros Lapin apparaît dans l’embrasure. Il a un sourire idiot sur les lèvres et ses yeux mesquins me matent avec amusement.


- T’es réveillé, la fillette ?


Sa voix est étrangement étouffée et tremblante, comme s’il agonisait. Ça le rend encore plus débile.


- Va te faire foutre, l’inceste.


C’est sorti spontanément, j’ai pas tout à fait réfléchi aux conséquences d’une insulte directe. Résultat, Gros Lapin le prend mal, s’engouffre dans la pièce et revient me coller une mandale que je n’ai pas le réflexe d’éviter. Une fois de plus, la douleur me scie en deux et je m’effondre. L’énorme paluche de Gros Lapin m’attrape par le col et je me fais traîner sans ménagement dans la salle du diner. Là, Sale Goret prend le relais de son frangin et m’assoit de force en face d’Orange-Man qui est passé au dessert en mon absence. Groggy, je pose les yeux sur l’énorme sundae qui fait face à mon bourreau. Une foutue montagne de crème glacée, couronnée d’un palais de chantilly et de tous les topping possibles. Un cornet caramélisé a été planté au sommet. La simple vue de cet iceberg de sucre et de graisses pourrait signer la mort d’un diabétique. Et pourtant Orange-Man le dévore sans discontinuer, ni montrer le moindre signe d’écœurement, il ne m’accorde même pas un regard. Je constate que sa « femme » a plutôt choisi de passer directement à l’alcool. Ses yeux caves se sont rougis et sa main est crispée sur un verre rempli à ras bord de whisky bas de gamme. Vu de près, elle est carrément flippante. Son visage est squelettique, ses lèvres refaites affichent une moue de dégoût permanente et le maquillage qu’elle se tartine sur la gueule ne parvient pas à la faire paraître vivante. Un vrai putain de zombi, camé jusqu’à l’os et dépourvu de toute volonté, probablement prostitué depuis l’adolescence, habitué aux sévices divers… C’est ça la vraie magie noire, parvenir à transformer un être humain en une créature estropiée dans son âme. Sûrement parce que j’ai l’esprit embrumé par les coups, je me prends à ressentir de la peine pour cette chose mourante. Je me concentre de nouveau sur Orange-Man qui en est déjà à la moitié de sa glace. Il s’autorise une pause et s’adosse bien droit sur sa chaise avant de lâcher un rot puissant. Puis il se met à me fixer en léchant sa canine droite, celle en or, où semble s’être coincée une cacahuète. Subrepticement je jette un œil sur le comptoir et remarque avec horreur que le bol que l’Obèse m’avait filé est vide. Soit un des frérots l’a bouffé, soit il a servi de topping pour le sundae de Monsieur. Les deux perspectives me consolent maigrement. Si seulement ça pouvait l’empoisonner.


Après cinq bonnes minutes de silence inconfortable, occasionnellement interrompu par un bruit de langue d’Orange-Man en pleine bataille contre sa cacahuète, je m’autorise un léger toussotement pour signifier que la situation commence à se faire tendue pour moi, qui ai la présence envahissante et malodorante de Sale Goret juste au dessus de ma tête. Ça et de véritables vagues de douleur dans tout le corps. Le narcopape conclu une courte trêve avec avec l’arachide, me fusille du regard, puis reprend de plus belle. Le zombi émet un très faible soupir avant de porter le verre à ses lèvres, Sale Goret se gratte le ventre, et l’ambiance descend encore d’un cran. J’essaie de me concentrer sur autre chose, comme un éventuel plan d’évasion ou un renfort inopiné. Finalement c’est le retour du propriétaire des lieux dans la pièce qui rompt le silence. Son énorme masse roule pesamment dans notre direction, il pose une tasse de café fumant et noyé de lait devant Orange-Man puis tend une bouteille de tequila à Sale Goret qui s’en empare gloutonnement. Il dévisse le bouchon avec l’habileté que confère l’habitude et s’envoie une grande goulée. Vieux Putois s’en saisit alors, colle une tarte au gros lard et se met à le sermonner avec une voix étonnamment… normale.


- Mais va chercher un verre, gros tas de merde. T’as pas appris les bonnes manières ? Tu vas tous nous filer la chtouille avec ta salive de cul-terreux !


J’admire la verve du gars. La réaction de Sale Goret est pathétique, il se recroqueville sur lui-même et va chercher des verres comme un chien qui a craint les coups. Ça doit être lui le plus attardé de la famille. Un bruit soudain et répugnant me fait me retourner. C’est tout simplement Orange-Man qui a repris sa croisade contre le sundae. Il a l’air bien parti pour réussir. Ce type est dangereux. A peine sa cuillère posée et sa dernière bouchée avalée, il gobe le café brûlant et pousse un rugissement de contentement. Complètement jeté, le gars. Le zombi sirote toujours son poison en fixant le vide. Moi, je commence à serrer pour de bon. Il va pas me proposer de travail, il va juste m’attacher à l’arrière de sa limo de fils de pute et me traîner jusqu’à Mégalopolis. Il restera plus rien de moi à l’arrivée. Et merde, je me lève d’un seul coup, prêt à décamper aussi vite que possible sous le regard médusé du narcopape… sauf que des vertiges me prennent sur l’instant et je retombe sans élégance sur ma chaise.


- Vous en avez pas eu assez ou quoi ? demande doucement Orange-Man


- Honnêtement, si.


Ma voix est chevrotante. Mon corps irradie de douleur et je me sens de plus en plus mal. Il me faudrait un doc’, d’urgence. Orange-Man a l’air de s’en foutre, il me domine de toute la hauteur de sa petite carcasse parfumée et son regard est impitoyable. Quand il recommence à me parler, sa voix est calme et sévère, comme celle d’un prof’ qui corrige un élève dissipé.


- C’est ce qu’il me semble aussi… Mais parlons du travail que j’ai à vous confier. De mon point de vue, vous n’êtes qu’une petite frappe mesquine qui cherche à voler leur travail à d’honnêtes ouvriers. J’imagine que vous n’êtes pas sans savoir que le commerce de stupéfiants est extrêmement réglementé en Sudamérique, et que le moindre vol dans une usine ou un champ peut coûter la vie au chapardeur.


Je hoche la tête faiblement. Oui, oui, je sais tout ça. Pour garder la monopole sur le commerce de came, les multinationales et les gouvernements infestés de narcotrafiquants de Sudamérique ont instauré des lois condamnant à mort toute personne tentant de se faire un peu de monnaie en détournant de la drogue. Le problème, c’est que j’avais pas la moindre idée que la coke dans ma bagnole provenait d’une plantation officielle, en fait j’étais persuadé que c’était de la « production maison » comme me l’a si bien répété ce cher Roberto. D’ailleurs, je me demande comment il a pu différencier « sa » drogue de la première poudre venue. Je lui fait la remarque du bout des lèvres et ses dents nacrées se dévoilent en un sourire d’alligator.


- Disons que ma femme a le pif pour ça. Les crocs d’Orange-Man disparaissent rapidement, pas son sourire. « Si vous connaissez la loi vous comprenez aussi que je risque moi-même très gros si un inspecteur passe dans ma plantation et constate la disparition de plusieurs kilos de cocaïne. Il pourrait en avertir ses supérieurs et les miens. Et là… Fini pour ma pomme, je me retrouverai sur le premier bateau en partance pour l’Australie. Ou pendu en place publique, si j’ai de la chance. Hopiate ne fait pas dans la dentelle.


C’est quand il prononce le nom d’Hopiate que je réalise à quel point je suis dans la merde. Enfin… je le savais déjà. Mais la situation vient de prendre une nouvelle dimension avec cette info supplémentaire. La principale différence entre Hopiate et les autres distributeurs de paradis artificiels, c’est que ses dirigeants ne sont pas des politiques devenus narcotrafiquant, mais des narcotrafiquants devenus politiques. Et ça change tout. Ce sont des bourrins, qui non seulement se moquent de tuer leurs employés, mais prennent même un certain plaisir à le faire de manière spectaculaire. En affrétant un bateau pour l’Australie, par exemple. Je m’enfonce un peu plus profondément dans ma chaise et me lance dans la contemplation amorphe d’une tâche de chantilly sur la table en espérant très fort ne pas me retrouver entre les pattes des supérieurs de mon camarade au teint de safran.


- Du coup, pour éviter tout problème à mes employés et à moi-même, je vais bêtement vous embaucher comme mule.


Je hausse un sourcil étonné tandis que le trafiquant se saisit d’une mallette de cuir blanc posée à ses pieds. Il l’ouvre d’un geste pro, en sort une tablette dernière génération, pianote un instant sur l’écran tactile puis me la tend. Sur l’écran s’affiche un contrat en bonne et due forme qui n’attend que l’apposition de mon doigt à l’emplacement de la signature.


- Voilà. Vous signez, vous repartez avec le chargement, vous le déposez à l’adresse que je vous indiquerai et je considérerais votre dette comme remboursée. Le contrat prendra fin, je retournerai à mes affaires et vous… et bien, vous changerez de secteur, si vous avez deux sous de jugeote.


- Et les inspecteurs ?


Il hausse les épaules. Le zombi lève les yeux au ciel comme si ma question était la plus stupide jamais posée. Une réaction si marquée de la part d’un être si effacé me vexe profondément.


- Ce genre de contrat de dernière minute n’est pas rare dans mon métier. Je n’aurais qu’à dire que mon livreur habituel est tombé malade et que j’ai dû vous embaucher en catastrophe. De toutes façons, ce n’est pas tellement votre problème. Soit vous acceptez ma proposition, soit je vous massacre moi-même et je récupère ma marchandise. Reconnaissez que je vous fait une sacrée fleur.


Je me contente d’un hochement de tête. Je sens qu’il y a une douille quelque part, ça paraît trop facile pour être vrai. Personne ne s’en sort sans dommages face à ces mecs, la logique aurait plutôt voulu que je finisse mes jours en plusieurs morceaux dans le désert. Tant pis, je n’ai pas le choix.


- J’accepte.


- Bien sûr que vous acceptez. Posez le doigt.


- Et maintenant ?


- Vous allez boire un grand verre d’eau et on va causer un peu. Ensuite vous remonterez dans votre caisse pourrie et vous foncerez jusqu’à l’adresse indiquée. Vous aurez juste à déposer la came, rien de plus.


A peine l’Obèse pose le verre d’eau devant moi, j’en bois une grande gorgée avec précipitation. Elle est tiède et a un goût d’aluminium mais elle fait passer le goût atroce de sang et de pisse que j’ai dans la bouche, ça et la gorge sèche. Et merde aux amibes.


- A part vos petits deals minables, qu’est ce que vous faites dans la vie ?


Une question finement posée, sur un ton agréable en plus. Je lève un œil injecté de sang vers la trogne mandarine qui me fait face. Son sourire constant me stresse, il ressemble à un gros crocodile avec une moumoute et un costard immonde. Je n’ai pas envie de répondre à sa question, je n’ai pas envie de rester là. J’ai juste besoin de soins urgents et d’un bain chaud. Et de quelque chose de correct à bouffer, aussi. Un pet bruyant dans mon dos me rappelle la présence des trois sinistres. Je vais éviter l’arrogance, pour une fois. Pas besoin d’autres côtes cassées.


- Je… Je bosse dans une agence de pubs. Enfin… Je m’occupe surtout de servir des cafés, transmettre les dossiers, tout ça…


C’est compliqué d’admettre devant un connard fini qu’il a une vie bien plus intéressante que la votre.


- Je vois. C’est très nul. Je comprends pourquoi vous essayez de vous en sortir avec la drogue. Ça combine un peu ce dont vous manquez. De l’argent, de l’excitation, de l’importance… peut-être même que vous vous sentez charismatique en faisant ça. Mais comprenez que le temps où les stupéfiants étaient un marché lucratif pour le premier neuneu venu est terminé, maintenant c’est légal, avec les inconvénients que ça comporte.

Il marque une pause.


- Remarquez, c’est surtout pour les petits poissons dans votre genre que c’est embêtant. Moi j’ai toujours été là-dedans, j’ai su m’adapter.


Je n'ai pas grand chose à lui répondre. Voyant que je ne poursuis pas la "discussion", il lâche un soupir ennuyé, sort sa carte bancaire de sa poche et fait un signe impérieux au patron, qui glisse mollement jusqu’à lui. Après avoir réglé sa consommation, Orange-Man se lève de sa chaise, imité par sa femme, et pousse un rot tonitruant en se frottant la panse. Sûrement une façon d’asseoir un peu plus son autorité. Sans un regard vers moi il se dirige vers la sortie sous le regard obséquieux des trois petits cochons locaux, le patron pousse le vice jusqu’à faire une brève courbette. Pitié… c’est qu’un dealer, pas un putain de Dirigeant. Au moment où les portes s’ouvrent, il marque néanmoins une pause.


- Honnêtement… vous êtes très mauvais pour avoir une discussion intéressante, j’espérais mieux de votre part. L’adresse est dans le bout de papier que je vous ai laissé sur la table. Vous y déposez la cargaison et vous partez. Je les appellerai pour qu’ils ne vous butent pas quand vous débarquerez de nulle part.


Et ainsi s’en va t-il, se pensant superbe et ne ressemblant pourtant qu’à un émeu suffisant. Je crache un discret mollard – teinté de sang – à la fin de sa phrase. Douloureusement, je récupère le papier et l’enfonce dans ma poche sans le lire. Je me relève en prenant appui sur ma chaise et traîne la patte en direction de la sortie à mon tour. Les quatre autres occupants des lieux ne pipent pas mot sur mon passage, mais dans leurs yeux c’est l’amusement et le mépris qui dominent. Jamais mon ego n’avait autant souffert. C’est une chose de se faire juger par ses semblables, c’en est une autre de l’être par de parfaits bouseux, inférieurs à moi en tout point. Au moment précis où les portes se referment derrière moi, j’entends le rire bête de Sale Goret exploser. Le même que quand il me pissait dessus. Mentalement, je prends note de prochainement venir foutre le feu à ce diner et à toutes les baraques dans un rayon de douze kilomètres. La limousine a déjà disparu, laissant d’épaisses traces de pneus sur le sable rouge. Je me demande qui conduisait. Ma voiture en revanche est toujours là, le coffre grand ouvert laissant apparaître les ballots de coke que je transporte. Je pousse une série à la fois inventive et passionnée de tous les jurons qui me passent par la tête et m’applique à tout ranger, emballer et dissimuler du mieux que je le peux la précieuse neige du paradis. Une fois que c’est fait, je monte dans l’habitacle, oscille un instant sur mon siège puis me met à vomir allègrement par la portière ouverte. Trop d’émotions, trop de stress, trop de douleurs dans tout le corps. Ma seule envie c’est de dormir, là tout de suite. Mais hors de question que je reste à proximité des cas sociaux qui errent dans ce taudis. Je démarre le moteur et commence à rouler. La radio se lance et m’envoie en pleine gueule une piste barbante où une cruche à la voix éthérée se lamente sur fond de guitares saturées et de synthés chialards. Ça date au moins du siècle dernier mais je n’ai pas la force de changer de station. Je me met même à chantonner avec la fille. Mon cœur retrouve un rythme normal et je sens mes muscles se détendre. Je sais aussi que la douleur va affluer violemment très bientôt. Il faut que je m’arrête et que je dorme. Autour de moi, toujours le désert. Je quitte la route, m’aventurant sur le sable brûlant. La fille continue de chanter, accompagnée d’une voix masculine tout aussi fantomatique. J’ai le crâne qui bourdonne sous le soleil. Un gros rocher m’apparaît alors, comme une oasis fantasmée. Je me gare dans son ombre, rabat la capote de la voiture et sans plus chercher de pseudo-confort, m’enfonce dans mon siège, puis dans un profond sommeil. Dans ma tête résonne en boucle le refrain de la chanson, finalement assez jolie…


Son of Sheba
I saw him drown
Son of yellow
I saw him down
It's all I need yeah


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