Violette
Par : Loadren
Genre : Réaliste
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 3
Fantasmes
Publié le 19/02/17 à 18:41:18 par Loadren
C’était une nuit agitée, je n’avais pas vraiment pu dormir. Peut-être une heure ou deux, tout au plus. Cette phrase me revenait sans cesse à l’esprit. Violette était invisible aux yeux des autres, en tout cas c’est ce que j’avais cru jusqu’à aujourd’hui. Et mon inquiétude semblait atteindre mon amie, qui me le faisait remarquer toutes les dix minutes. Elle voyait Violette, et je ne savais pas comment expliquer ou interpréter cette phrase autrement que ça. Durant toute mon enfance, tout avait l’air d’être comme un rêve. Avoir une amie rien qu’à soi, quelqu’un à qui on peut se confier sans retenue… Tout ça s’était envolé quand elle avait prononcé ces quelques mots.
Même mon petit train-train quotidien en était affecté. J’étais silencieux sur le chemin pour aller en cours, et Violette ne semblait pas vouloir prendre la parole. Elle savait ce que je pensais, elle n’avait pas besoin de discuter pour se douter que quelque chose n’allait pas. Ses cheveux semblaient être en bataille, et ses yeux étaient rougis à cause de la fatigue. Je ne comprenais pas pourquoi elle était dans cet état, mais le sourire innocent qu’elle affichait comme à son habitude me réconforta quelque peu. J’avais plus envie d’esquiver ce club maintenant, plutôt que d’y retourner et de poser un millier de questions, simplement parce que je n’étais pas curieux. Du moins, c’est ce que j’essayais de ne pas être. Le problème de la curiosité, c’est qu’elle vous empêche de suivre une routine particulière.
S’asseoir sur une chaise, lire un roman, se faire interrompre par un professeur, donner une bonne réponse, puis retourner à sa lecture. Tout cela semblait si facile à faire, et ce satané club d’écrivain sortait du lot. Amélia, elle, sortait du lot, et pas dans le bon sens. J’avais presque abandonné l’idée de lire la suite de l’Étude en Rouge, mais ce bon vieux Sherlock savait que « Rache » voulait dire vengeance, en allemand. Mon attention fut détournée des énigmatiques inscriptions au tableau pour se tourner vers le récit captivant. En tout cas, pour les premières pages, car la cloche annonçant la fin des cours n’attendit pas bien plus longtemps que la huitième page, quatorzième ligne pour sonner.
Sur le chemin pour quitter l’établissement, je passais devant le club d’écriture. Mon attention, encore une fois animée par la curiosité que j’essayais de refouler, s’attachait à un petit détail, très subtil. Amélia n’était pas là aujourd’hui. C’est donc en soupirant que j’entrais dans la salle remplie de bouquins, accompagné de ma fidèle fantôme. Ce fut Klaus qui prit la parole le premier pour m’en informer.
-Amélia n’est pas là à cause d’une réunion du bureau des élèves.
Information fort utile, j’en pris note rapidement dans un coin de ma tête. Il y avait des réunions, donc elle était absente certains jours. Cela m’arrangeait quelque peu. Penchant la tête sur le travail du garçon, je le voyais tapoter sur son ordinateur à une vitesse ahurissante, comme si les mots qu’il écrivait lui venaient si rapidement que ses doigts n’arrivaient pas à suivre la cadence. Quelques fois, il se reprenait sur certaines tournures de phrases, mais il appartenait bel et bien au club des écrivains, sans un seul doute. M’installait dans le fauteuil que j’avais pris pour mien dès mon arrivée dans le club, ma lecture se poursuivit pendant une bonne heure, laissant à Sherlock le temps de déceler quelques autres indices quant au meurtrier présumé de la femme, avant que la réunion, hélas, se termine et que la jeune fille nous rejoigne dans la salle principale.
Un haut-le-cœur me prit, je ne savais pas quoi dire sur le coup, comme si tous mes muscles ne répondaient plus aux impulsions électriques envoyées par mon cerveau. Ce fut lorsqu’elle demanda à me voir dehors que je me levai lentement et que je l’y rejoignis, Violette toujours à ma gauche. Nous n’avions pas vraiment discuté aujourd’hui, mais elle savait tout sur mes ressentis de la journée. J’aurai peut-être besoin d’elle maintenant.
-Tu n’es pas vivante, lança simplement Amélia en croisant les bras.
-…Pardon ? Ai-je répondu sans vraiment comprendre, tout de suite.
-Je ne te parle pas à toi, mais à la jeune fille blonde aux yeux verts à tes côtés.
-Donc tu la vois vraiment…
D’accord, ce n’était pas une mauvaise interprétation de la phrase, c’était bel et bien cela, elle voyait Violette. Ma volonté ne laissait pas à pas place à ma curiosité dévorante. Des milliers de questions se bousculaient dans ma tête avant que ce soit mon amie qui pose la plus importante.
-Qu’est-ce que je suis ? Demanda Violette, comme si elle avait lu dans mes pensées.
En fait, elle avait effectivement lu dans mes pensées. C’est la question qui revenait le plus. Qu’est-ce que pouvait être mon amie d’enfance, si ce n’était pas une illusion ?
-Je n’en ai absolument aucune idée, mais tu n’es pas la seule qui existe. Il y en a d’autres comme toi. Navré de te le dire, mais tu n’as pas de conscience propre. Tout te vient de l’esprit étriqué du Holmes que nous avons en face de nous. Ce qui veut dire que cette discussion avec toi ne sert à rien et que je dois simplement m’adresser à toi, Holmes.
-Je m’appelle Thomas.
-Alors, Thomas. Cette… Chose à tes côtés n’est que le fruit de ton imagination, quelque chose qui n’a aucune conscience. Tu lui donnes des ordres, tu lui dis comment agir, même inconsciemment, tout vient de toi. J’ai déjà eu affaire à ces cas-là, mais tu n’es absolument pas quelqu’un de « différent ». Et le problème de ces sortes d’hallucinations, c’est qu’elles sont si fortement ancré dans ton esprit qu’elles t’empêchent toutes relations sociales d’aucune sorte. Avoir un ami parfait, c’est mieux que tous les amis du monde, non ?
Je tournais ma tête vers Violette et la regardait dans les yeux. Il fallait vérifier cela d’une façon ou d’une autre. Il y avait-il un moyen de savoir si oui ou non Amélia disait vrai ? Quelques secondes à réfléchir, puis une idée me vint en tête. Donner des ordres contradictoires.
-Violette, si tu as ta propre conscience, ne dis rien. Sinon… Dis mon prénom.
Je fermais les yeux, essayant de rester neutre. Celle que je pensais être mon amie d’enfance n’était qu’une espèce d’hallucination, alors ? Même si c’était vrai, cela n’empêchait pas que cette hallucination m’aidait dans la vie de tous les jours, et…
Non, ce n’était pas une hallucination. Déjà, parce que Violette n’avait rien dit pendant les dix dernières secondes, mais aussi pour l’histoire du journal intime. Elle m’avait donné l’emplacement exact du journal, comment était-ce possible autrement ? Et l’histoire du concierge, c’était exactement la même chose. Je ne suis pas une sorte de Holmes, juste une personne qui se sert d’une amie pour paraître cool.
-Tu tiens tellement à ce qu’elle soit réelle que tu l’empêche inconsciemment d’obéir à ton propre ordre, c’est… fascinant.
-Tu veux m’étudier en laboratoire, c’est ça ?
-Arrêtez de parler un instant, vous deux, interrompit Violette. Primo, je suis bien réelle, et ce n’est pas une fille que je ne connais pas qui me dirait ça, et secundo, comme l’a pensé Thomas, l’histoire du journal intime n’est pas possible sans que je sois consciente. Pas vrai ?
-Je n’en ai aucune idée, sûrement une prouesse de notre Holmes. Ta déduction était juste, sans information extérieure, c’est tout ! Sourit Amélia, comme si de rien n’était.
-Je ne suis pas Holmes, répétai-je encore une fois.
-Très bien, plan B, reprit Amélia. Les hallucinations dans le genre de ta petite blonde supportent mal ça.
-Mal quoi ?
Elle se pencha vers moi et colla ses lèvres contre les miennes. Je la repoussai après quelques secondes à comprendre ce qui arrivait. A l’extérieur, j’étais parfaitement normal et serein, je ne montrais aucune faille quelconque et je l’empêchais simplement de continuer à me tourner en ridicule, mais à l’intérieur, j’avouais avoir quelques doutes quant à ce qui venait de se passer.
-Regarde ta petite protégée, me dit Amélia en s’essuyant les lèvres avant de montrer d’un hochement de tête Violette.
Violette s’était assise, soupirant longuement, fermant les yeux comme pour se reposer.
-Preuve est que c’est un fantasme amoureux, rien de plus, reprit-elle. Tu veux bien me croire, maintenant ?
En quelques instants, j’avais passé le cap du doute et j’avais simplement poussé Amélia sur le côté pour soulever Violette. Quelque chose n’allait pas avec elle. Amélia avait peut-être raison, mais…
-Retourne au club. Je l’emmène à l’infirmerie.
-Pour que l’infirmière soigne un fantasme.
-Je le ferais moi-même.
Je n’attendis pas sa réponse pour me diriger vers l’infirmerie, tremblant presque de doute tellement toutes mes certitudes s’étaient effondrées en quelques minutes.
Même mon petit train-train quotidien en était affecté. J’étais silencieux sur le chemin pour aller en cours, et Violette ne semblait pas vouloir prendre la parole. Elle savait ce que je pensais, elle n’avait pas besoin de discuter pour se douter que quelque chose n’allait pas. Ses cheveux semblaient être en bataille, et ses yeux étaient rougis à cause de la fatigue. Je ne comprenais pas pourquoi elle était dans cet état, mais le sourire innocent qu’elle affichait comme à son habitude me réconforta quelque peu. J’avais plus envie d’esquiver ce club maintenant, plutôt que d’y retourner et de poser un millier de questions, simplement parce que je n’étais pas curieux. Du moins, c’est ce que j’essayais de ne pas être. Le problème de la curiosité, c’est qu’elle vous empêche de suivre une routine particulière.
S’asseoir sur une chaise, lire un roman, se faire interrompre par un professeur, donner une bonne réponse, puis retourner à sa lecture. Tout cela semblait si facile à faire, et ce satané club d’écrivain sortait du lot. Amélia, elle, sortait du lot, et pas dans le bon sens. J’avais presque abandonné l’idée de lire la suite de l’Étude en Rouge, mais ce bon vieux Sherlock savait que « Rache » voulait dire vengeance, en allemand. Mon attention fut détournée des énigmatiques inscriptions au tableau pour se tourner vers le récit captivant. En tout cas, pour les premières pages, car la cloche annonçant la fin des cours n’attendit pas bien plus longtemps que la huitième page, quatorzième ligne pour sonner.
Sur le chemin pour quitter l’établissement, je passais devant le club d’écriture. Mon attention, encore une fois animée par la curiosité que j’essayais de refouler, s’attachait à un petit détail, très subtil. Amélia n’était pas là aujourd’hui. C’est donc en soupirant que j’entrais dans la salle remplie de bouquins, accompagné de ma fidèle fantôme. Ce fut Klaus qui prit la parole le premier pour m’en informer.
-Amélia n’est pas là à cause d’une réunion du bureau des élèves.
Information fort utile, j’en pris note rapidement dans un coin de ma tête. Il y avait des réunions, donc elle était absente certains jours. Cela m’arrangeait quelque peu. Penchant la tête sur le travail du garçon, je le voyais tapoter sur son ordinateur à une vitesse ahurissante, comme si les mots qu’il écrivait lui venaient si rapidement que ses doigts n’arrivaient pas à suivre la cadence. Quelques fois, il se reprenait sur certaines tournures de phrases, mais il appartenait bel et bien au club des écrivains, sans un seul doute. M’installait dans le fauteuil que j’avais pris pour mien dès mon arrivée dans le club, ma lecture se poursuivit pendant une bonne heure, laissant à Sherlock le temps de déceler quelques autres indices quant au meurtrier présumé de la femme, avant que la réunion, hélas, se termine et que la jeune fille nous rejoigne dans la salle principale.
Un haut-le-cœur me prit, je ne savais pas quoi dire sur le coup, comme si tous mes muscles ne répondaient plus aux impulsions électriques envoyées par mon cerveau. Ce fut lorsqu’elle demanda à me voir dehors que je me levai lentement et que je l’y rejoignis, Violette toujours à ma gauche. Nous n’avions pas vraiment discuté aujourd’hui, mais elle savait tout sur mes ressentis de la journée. J’aurai peut-être besoin d’elle maintenant.
-Tu n’es pas vivante, lança simplement Amélia en croisant les bras.
-…Pardon ? Ai-je répondu sans vraiment comprendre, tout de suite.
-Je ne te parle pas à toi, mais à la jeune fille blonde aux yeux verts à tes côtés.
-Donc tu la vois vraiment…
D’accord, ce n’était pas une mauvaise interprétation de la phrase, c’était bel et bien cela, elle voyait Violette. Ma volonté ne laissait pas à pas place à ma curiosité dévorante. Des milliers de questions se bousculaient dans ma tête avant que ce soit mon amie qui pose la plus importante.
-Qu’est-ce que je suis ? Demanda Violette, comme si elle avait lu dans mes pensées.
En fait, elle avait effectivement lu dans mes pensées. C’est la question qui revenait le plus. Qu’est-ce que pouvait être mon amie d’enfance, si ce n’était pas une illusion ?
-Je n’en ai absolument aucune idée, mais tu n’es pas la seule qui existe. Il y en a d’autres comme toi. Navré de te le dire, mais tu n’as pas de conscience propre. Tout te vient de l’esprit étriqué du Holmes que nous avons en face de nous. Ce qui veut dire que cette discussion avec toi ne sert à rien et que je dois simplement m’adresser à toi, Holmes.
-Je m’appelle Thomas.
-Alors, Thomas. Cette… Chose à tes côtés n’est que le fruit de ton imagination, quelque chose qui n’a aucune conscience. Tu lui donnes des ordres, tu lui dis comment agir, même inconsciemment, tout vient de toi. J’ai déjà eu affaire à ces cas-là, mais tu n’es absolument pas quelqu’un de « différent ». Et le problème de ces sortes d’hallucinations, c’est qu’elles sont si fortement ancré dans ton esprit qu’elles t’empêchent toutes relations sociales d’aucune sorte. Avoir un ami parfait, c’est mieux que tous les amis du monde, non ?
Je tournais ma tête vers Violette et la regardait dans les yeux. Il fallait vérifier cela d’une façon ou d’une autre. Il y avait-il un moyen de savoir si oui ou non Amélia disait vrai ? Quelques secondes à réfléchir, puis une idée me vint en tête. Donner des ordres contradictoires.
-Violette, si tu as ta propre conscience, ne dis rien. Sinon… Dis mon prénom.
Je fermais les yeux, essayant de rester neutre. Celle que je pensais être mon amie d’enfance n’était qu’une espèce d’hallucination, alors ? Même si c’était vrai, cela n’empêchait pas que cette hallucination m’aidait dans la vie de tous les jours, et…
Non, ce n’était pas une hallucination. Déjà, parce que Violette n’avait rien dit pendant les dix dernières secondes, mais aussi pour l’histoire du journal intime. Elle m’avait donné l’emplacement exact du journal, comment était-ce possible autrement ? Et l’histoire du concierge, c’était exactement la même chose. Je ne suis pas une sorte de Holmes, juste une personne qui se sert d’une amie pour paraître cool.
-Tu tiens tellement à ce qu’elle soit réelle que tu l’empêche inconsciemment d’obéir à ton propre ordre, c’est… fascinant.
-Tu veux m’étudier en laboratoire, c’est ça ?
-Arrêtez de parler un instant, vous deux, interrompit Violette. Primo, je suis bien réelle, et ce n’est pas une fille que je ne connais pas qui me dirait ça, et secundo, comme l’a pensé Thomas, l’histoire du journal intime n’est pas possible sans que je sois consciente. Pas vrai ?
-Je n’en ai aucune idée, sûrement une prouesse de notre Holmes. Ta déduction était juste, sans information extérieure, c’est tout ! Sourit Amélia, comme si de rien n’était.
-Je ne suis pas Holmes, répétai-je encore une fois.
-Très bien, plan B, reprit Amélia. Les hallucinations dans le genre de ta petite blonde supportent mal ça.
-Mal quoi ?
Elle se pencha vers moi et colla ses lèvres contre les miennes. Je la repoussai après quelques secondes à comprendre ce qui arrivait. A l’extérieur, j’étais parfaitement normal et serein, je ne montrais aucune faille quelconque et je l’empêchais simplement de continuer à me tourner en ridicule, mais à l’intérieur, j’avouais avoir quelques doutes quant à ce qui venait de se passer.
-Regarde ta petite protégée, me dit Amélia en s’essuyant les lèvres avant de montrer d’un hochement de tête Violette.
Violette s’était assise, soupirant longuement, fermant les yeux comme pour se reposer.
-Preuve est que c’est un fantasme amoureux, rien de plus, reprit-elle. Tu veux bien me croire, maintenant ?
En quelques instants, j’avais passé le cap du doute et j’avais simplement poussé Amélia sur le côté pour soulever Violette. Quelque chose n’allait pas avec elle. Amélia avait peut-être raison, mais…
-Retourne au club. Je l’emmène à l’infirmerie.
-Pour que l’infirmière soigne un fantasme.
-Je le ferais moi-même.
Je n’attendis pas sa réponse pour me diriger vers l’infirmerie, tremblant presque de doute tellement toutes mes certitudes s’étaient effondrées en quelques minutes.
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