Meurtre parmi les roseraies
Par : PoulpeDeNoel
Genre : Polar
Status : Terminée
Note :
Chapitre 5
Publié le 01/11/16 à 21:44:17 par PoulpeDeNoel
Tandis que le déjeuner se déroulait dans la bonne humeur, Gérard sentait monter chez lui une certaine anxiété à voir tous ces visages, tous souriant, blaguant, riant, qui ne laissaient paraître aucune trace de culpabilité. L'inspecteur avait trop longtemps été resté cloîtré dans son bureau ; la présence d'un criminel dont il ne connaissait pas l'identité le mettait mal à l'aise. Son regard s'était arrêté sur le visage d'Alicia : elle seule ne se prêtait pas aux joies de la table et présentait une mine austère. Melvin, attablé à côté d'elle, montra, hilare, une photo sur son téléphone à Éléonore, assise à sa gauche. Alicia jeta un regard de coin au téléphone puis roula des yeux, l'air exaspéré.
Une fois le repas clos, la Tourbière fit sonner Victor. Celui-ci apparut, avec son éternelle mine adolescente qui s'essaye à des airs adultes. La Tourbière échangea quelques mots avec le nouvel arrivant, puis tapa des mains pour capter l'attention de la table. Elle annonça, d'une voix vive et et inconstante :
– Mes amis ! Le terrain pour notre partie de croquet et fin prête !
– Excellent, s'exclama Mme Creuzot.
Dehors, Gérard qui suivait le groupe à l'arrière partit interroger M. Creuzot :
– Salut, ça va ?
– Tranquillement, par ce beau temps...
Alors, votre femme m'a dit que vous étiez un sportif ?
M. Creuzot ria, puis répondit :
– J'aime bien courir une ou deux fois par semaine et aller à la salle de fitness, mais voilà quoi. Et vous ?
– Ouais je suis assez sportif : j'aime bien regarder le foot, tout ça, quoi...
– Ah mais alors, vous aussi vous êtes un aficionado du ballon rond ?
Gérard, qui ne comprenait pas le terme « aficionado », répondit dans un rire :
– On peut dire ça comme ça, ouais.
Après un court silence, Gérard se souvint pourquoi il avait lancé son interlocuteur sur le thème du sport, puis lui demanda l'air un peu inquiet s'il pouvait lui expliquer les règles du croquet. M. Creuzot lui expliqua, avec de grands gestes et à haute-voix comme pour mieux se faire comprendre. Les dames se retournèrent vers les deux hommes et laissèrent échapper de petits rires. Gérard devint rouge et M. Creuzot s'excusa.
– C'est rien. Au fait, se souvint Gérard pour alimenter la discussion, votre femme m'a laissé entendre des choses dont vous seriez au courant vis-à-vis du fils de Mme Destouches...
Le visage de M. Creuzot se rembrunit, puis il avança :
– J'imagine que vous faites allusion à certaines magouilles ?
M. Creuzot se gratta le menton, et sans attendre la réponse de l'inspecteur expliqua :
– Ma position personnelle est impliquée dans cette histoire, et j'espère pouvoir vous faire confiance...
– Oui.
– Je suis trader. Je joue à la bourse pour des clients fortunés ou des entreprises. Je m'y suis mis tout jeune pour pouvoir me payer la BMW de mes rêves, vous voyez ?
Gérard repensa à la voiture dans laquelle il était rentré dans le pare-choc la veille.
– Eh bien, reprit M. Creuzot, lorsque j'étais encore tout jeune débutant, je travaillais pour une compagnie de la région. Pas très connue à l'époque, elle a aujourd'hui complètement disparu de la concurrence. J'étais astreint au moment des faits au devoir d'acheter des actions dans les entreprises du secteur du bâtiment dans la région. Et je travaillais pour le compte du... père d'Alicia. Enfin, le fils de Mme Destouches, si vous préférez tourner la chose ainsi. Tandis que je montais en grade au sein de la compagnie, le fils Destouches m'approcha, voyant en moi une étoile montante du trading sur lequel il pourrait appuyer ses ambitions. Le fils Destouches avait à l'époque un certain prestige dans le milieu de l'immobilier et de la construction. Il avait racheté plusieurs entreprises en faillite auxquelles il avait redressé la barre, en ne cessant de miser sur la croissance de la région. Son intuition ne l'avait pas trompé, et il participa lui aussi en faisant faire construire par ses connaissances pleins de bâtiments. Résolu, il plaçait alors son dévolu sur un terrain d'une petite bourgade... Montvincent, oui, voilà, ça me revient. Il voulait y construire un énorme magasin d'alimentation. Il était alors très ami avec les élus locaux, pour leur avoir fait construire leur logement à bas-prix. Ils lui rendirent la pareille, et lui offrirent les terrains pour qu'il y puisse bâtir. Ça n'a pas été trop dur pour les élus de justifier leur choix ; ils n'ont eu qu'à dire que les commerces désertaient la ville et que les terrains municipaux étaient inoccupés. Le seul petit couac, c'était un vieux qui avait toujours habité dans sa vieille baraque au milieu des dits terrains... Bon. Vous comprenez sûrement la suite : un vieux qui tombe des escaliers, ça casse pas trois pattes à un canard... J'ai pas de preuves formelles, vous voyez, mais quand on est dans ce milieu là...
– Je vois, merci pour votre aide.
– Le pire, répliqua M. Creuzot avec amertume, c'est que j'ai été viré après.
Gérard songea quelques instants à l'affaire, la famille Destouches et leur bien étrange comportement avant l'arrivée au terrain de jeu.
Au bout d'une dizaine de minutes de jeu, Gérard commença à se lasser. Il s'était attendu à quelque chose de plus palpitant que de tirer avec un maillet sur des boules pour les faire passer sous des arceaux. Ce fut au tour de Gérard de jouer, lorsqu'une dispute éclata. La Tourbière accusa Destouches d'un coup de pied dans sa boule. La Tourbière, qui faisait une tête de plus que celle qu'elle accusait la fixait avec des yeux remplis d'animosité.
– Oui bah c'est pas la peine de te défendre, t'avais déjà fait ça la dernière fois... Je te jure que je vais...
À ces mots, le bras de la Tourbière qui tenait son maillet se contracta. La Tourbière commença à trembler de tout son corps lorsque Gérard s'avança. Elle le vit avancer du coin de l’œil et se détendit d'un coup. Elle lâcha à Destouches :
– Je suis désolée. Mais arrête de tricher, ce n'est pas drôle, sinon, tu comprends ?
Destouches hocha la tête, puis se résolut à quitter la terrain une fois la partie terminée.
– Elle est toujours comme ça, tout le temps à vouloir tricher... C'est pareil quand on fait une partie de belote, vous voyez.
– C'est une tricheuse, oui, appuya Mme Creuzot.
– Parfois, se risqua la Tourbière, c'est à se demander si ce n'est pas elle qui a transmis ses problèmes de ciboulot à sa petite-fille.
– Et puis, ajouta-t-elle après un silence, à son âge, on a plus toute sa tête.
Après une nouvelle partie, Gérard pris congé des joueurs, évoquant son travail de policier à accomplir.
Retournant à la villa, il crut apercevoir entre des arbres fruitiers la silhouette de Destouches. Il la héla et partit à sa rencontre. Gérard se sentait pris de court pas ses récentes découvertes. Savant qu'un criminel se cachait parmi la maisonnée, ses doutes commençaient de plus en plus à s'incliner vers les Destouches. Il voulait voir comment réagirait-elle.
Gérard scruta le visage de Destouches : elle semblait avoir pleuré.
– Je vous dérange pas ? interrogea l'inspecteur.
– Pas du tout monsieur.
– Vous comprenez que j'ai des responsabilités policières et que je dois vous interroger.
– Certainement monsieur.
– C'est que, vous avez eu un drôle de comportement tout à l'heure, pourquoi avez-vous triché ?
Destouches inspira longuement. Elle raconta, à voix haute et rapide :
– Mais c'est elle, qui a triché ! Chaque fois, c'est la même chose ! Elle m'accuse pour qu'elle puisse replacer sa boule où ça lui convient !
Des larmes lui vinrent, puis elle ajouta comme avec rage :
– J'en ai assez, c'était pas comme ça du temps de madame la duchesse.
Elle serra les poings, impuissantes, puis Gérard, intrigué, demanda :
– Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
– Eh bien la vérité, je vais vous la dire, moi, mon bon monsieur ! Le truc, c'est que le mari de la Tourbière a mystérieusement disparu alors qu'il fréquentait secrètement la duchesse. Et ça, c'est un secret de polichinelle ici. Les rapports entre madame la duchesse et la Tourbière ont toujours été tendus, et j'ai toujours pris le parti de la duchesse... C'est pour ça qu'elle m'en veut. Et puis, puis... excusez-moi, je dois y aller.
Gérard observa la vieille femme retourner en dandinant vers la villa. Il réfléchit un moment puis repensa aux hémorroïdes qu'avait évoqués madame Creuzot. Gérard ne put s'empêcher de lâcher un petit rire à ce souvenir.
Une fois le repas clos, la Tourbière fit sonner Victor. Celui-ci apparut, avec son éternelle mine adolescente qui s'essaye à des airs adultes. La Tourbière échangea quelques mots avec le nouvel arrivant, puis tapa des mains pour capter l'attention de la table. Elle annonça, d'une voix vive et et inconstante :
– Mes amis ! Le terrain pour notre partie de croquet et fin prête !
– Excellent, s'exclama Mme Creuzot.
Dehors, Gérard qui suivait le groupe à l'arrière partit interroger M. Creuzot :
– Salut, ça va ?
– Tranquillement, par ce beau temps...
Alors, votre femme m'a dit que vous étiez un sportif ?
M. Creuzot ria, puis répondit :
– J'aime bien courir une ou deux fois par semaine et aller à la salle de fitness, mais voilà quoi. Et vous ?
– Ouais je suis assez sportif : j'aime bien regarder le foot, tout ça, quoi...
– Ah mais alors, vous aussi vous êtes un aficionado du ballon rond ?
Gérard, qui ne comprenait pas le terme « aficionado », répondit dans un rire :
– On peut dire ça comme ça, ouais.
Après un court silence, Gérard se souvint pourquoi il avait lancé son interlocuteur sur le thème du sport, puis lui demanda l'air un peu inquiet s'il pouvait lui expliquer les règles du croquet. M. Creuzot lui expliqua, avec de grands gestes et à haute-voix comme pour mieux se faire comprendre. Les dames se retournèrent vers les deux hommes et laissèrent échapper de petits rires. Gérard devint rouge et M. Creuzot s'excusa.
– C'est rien. Au fait, se souvint Gérard pour alimenter la discussion, votre femme m'a laissé entendre des choses dont vous seriez au courant vis-à-vis du fils de Mme Destouches...
Le visage de M. Creuzot se rembrunit, puis il avança :
– J'imagine que vous faites allusion à certaines magouilles ?
M. Creuzot se gratta le menton, et sans attendre la réponse de l'inspecteur expliqua :
– Ma position personnelle est impliquée dans cette histoire, et j'espère pouvoir vous faire confiance...
– Oui.
– Je suis trader. Je joue à la bourse pour des clients fortunés ou des entreprises. Je m'y suis mis tout jeune pour pouvoir me payer la BMW de mes rêves, vous voyez ?
Gérard repensa à la voiture dans laquelle il était rentré dans le pare-choc la veille.
– Eh bien, reprit M. Creuzot, lorsque j'étais encore tout jeune débutant, je travaillais pour une compagnie de la région. Pas très connue à l'époque, elle a aujourd'hui complètement disparu de la concurrence. J'étais astreint au moment des faits au devoir d'acheter des actions dans les entreprises du secteur du bâtiment dans la région. Et je travaillais pour le compte du... père d'Alicia. Enfin, le fils de Mme Destouches, si vous préférez tourner la chose ainsi. Tandis que je montais en grade au sein de la compagnie, le fils Destouches m'approcha, voyant en moi une étoile montante du trading sur lequel il pourrait appuyer ses ambitions. Le fils Destouches avait à l'époque un certain prestige dans le milieu de l'immobilier et de la construction. Il avait racheté plusieurs entreprises en faillite auxquelles il avait redressé la barre, en ne cessant de miser sur la croissance de la région. Son intuition ne l'avait pas trompé, et il participa lui aussi en faisant faire construire par ses connaissances pleins de bâtiments. Résolu, il plaçait alors son dévolu sur un terrain d'une petite bourgade... Montvincent, oui, voilà, ça me revient. Il voulait y construire un énorme magasin d'alimentation. Il était alors très ami avec les élus locaux, pour leur avoir fait construire leur logement à bas-prix. Ils lui rendirent la pareille, et lui offrirent les terrains pour qu'il y puisse bâtir. Ça n'a pas été trop dur pour les élus de justifier leur choix ; ils n'ont eu qu'à dire que les commerces désertaient la ville et que les terrains municipaux étaient inoccupés. Le seul petit couac, c'était un vieux qui avait toujours habité dans sa vieille baraque au milieu des dits terrains... Bon. Vous comprenez sûrement la suite : un vieux qui tombe des escaliers, ça casse pas trois pattes à un canard... J'ai pas de preuves formelles, vous voyez, mais quand on est dans ce milieu là...
– Je vois, merci pour votre aide.
– Le pire, répliqua M. Creuzot avec amertume, c'est que j'ai été viré après.
Gérard songea quelques instants à l'affaire, la famille Destouches et leur bien étrange comportement avant l'arrivée au terrain de jeu.
Au bout d'une dizaine de minutes de jeu, Gérard commença à se lasser. Il s'était attendu à quelque chose de plus palpitant que de tirer avec un maillet sur des boules pour les faire passer sous des arceaux. Ce fut au tour de Gérard de jouer, lorsqu'une dispute éclata. La Tourbière accusa Destouches d'un coup de pied dans sa boule. La Tourbière, qui faisait une tête de plus que celle qu'elle accusait la fixait avec des yeux remplis d'animosité.
– Oui bah c'est pas la peine de te défendre, t'avais déjà fait ça la dernière fois... Je te jure que je vais...
À ces mots, le bras de la Tourbière qui tenait son maillet se contracta. La Tourbière commença à trembler de tout son corps lorsque Gérard s'avança. Elle le vit avancer du coin de l’œil et se détendit d'un coup. Elle lâcha à Destouches :
– Je suis désolée. Mais arrête de tricher, ce n'est pas drôle, sinon, tu comprends ?
Destouches hocha la tête, puis se résolut à quitter la terrain une fois la partie terminée.
– Elle est toujours comme ça, tout le temps à vouloir tricher... C'est pareil quand on fait une partie de belote, vous voyez.
– C'est une tricheuse, oui, appuya Mme Creuzot.
– Parfois, se risqua la Tourbière, c'est à se demander si ce n'est pas elle qui a transmis ses problèmes de ciboulot à sa petite-fille.
– Et puis, ajouta-t-elle après un silence, à son âge, on a plus toute sa tête.
Après une nouvelle partie, Gérard pris congé des joueurs, évoquant son travail de policier à accomplir.
Retournant à la villa, il crut apercevoir entre des arbres fruitiers la silhouette de Destouches. Il la héla et partit à sa rencontre. Gérard se sentait pris de court pas ses récentes découvertes. Savant qu'un criminel se cachait parmi la maisonnée, ses doutes commençaient de plus en plus à s'incliner vers les Destouches. Il voulait voir comment réagirait-elle.
Gérard scruta le visage de Destouches : elle semblait avoir pleuré.
– Je vous dérange pas ? interrogea l'inspecteur.
– Pas du tout monsieur.
– Vous comprenez que j'ai des responsabilités policières et que je dois vous interroger.
– Certainement monsieur.
– C'est que, vous avez eu un drôle de comportement tout à l'heure, pourquoi avez-vous triché ?
Destouches inspira longuement. Elle raconta, à voix haute et rapide :
– Mais c'est elle, qui a triché ! Chaque fois, c'est la même chose ! Elle m'accuse pour qu'elle puisse replacer sa boule où ça lui convient !
Des larmes lui vinrent, puis elle ajouta comme avec rage :
– J'en ai assez, c'était pas comme ça du temps de madame la duchesse.
Elle serra les poings, impuissantes, puis Gérard, intrigué, demanda :
– Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
– Eh bien la vérité, je vais vous la dire, moi, mon bon monsieur ! Le truc, c'est que le mari de la Tourbière a mystérieusement disparu alors qu'il fréquentait secrètement la duchesse. Et ça, c'est un secret de polichinelle ici. Les rapports entre madame la duchesse et la Tourbière ont toujours été tendus, et j'ai toujours pris le parti de la duchesse... C'est pour ça qu'elle m'en veut. Et puis, puis... excusez-moi, je dois y aller.
Gérard observa la vieille femme retourner en dandinant vers la villa. Il réfléchit un moment puis repensa aux hémorroïdes qu'avait évoqués madame Creuzot. Gérard ne put s'empêcher de lâcher un petit rire à ce souvenir.
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