J'ouvris pour la seconde fois mes yeux, mais ce que je vis était beaucoup moins beau que la première fois.
Un mur de pierre noircie avait remplacé l'horizon, un plafond couvert de toiles et d'autres déchets s'était substitué au ciel, et un dur sol de roche m'avait fait réalisé à quel point le sable était doux.
J'étais donc dans une pièce fermée, étroite et salle, dont une porte semblait se dresser sur un des quatre murs. Où était passée cette femme-lézard, qui m'avait sauvé? Et encore une fois, où étais-je? Apparemment je n'avais pas fini de voir des endroits qui m'étaient inconnus.

Alors que j'étais en pleine observation du milieu dans lequel je me trouvais, j'aperçus une forme sombre dans un coin de la salle. En m'approchant de quelques centimètres, je pût distinguer un corps, qui semblait cette fois humain. Je posai ma main sur l'épaule de cet individu, qui se retourna presque aussi tôt en criant :

- Laissez-moi! Ne me touchez pas!

Cette créature était une petite fille, d'environ 12 ans, dont les cheveux blonds arrivaient jusqu'à la poitrine. Elle était vêtue d'une courte robe sale et déchirée par endroit, laissant voir son épaule droite.
Je croyais avoir trouvé une humaine, mais en regardant de plus près, certains détails me prouvèrent qu'elle ne l'était pas tout à fait.
Ses yeux dorés brillaient presque dans l'obscurité qui régnait dans la pièce, et par dessus ses cheveux blonds se trouvaient... Deux cornes, de part et d'autre de sa tête. Des cornes de bélier, qui s'enroulaient sur elles-même. Elle n'était pas vraiment humaine.

- Euh... Excusez-moi de vous déranger mais... Qui êtes-vous? Me demanda-t-elle d'un voix douce et fluette, pas étonnante pour une petite fille.

- Eh bien... Je suis...

En réalité je ne savais pas qui j'étais. Mais il fallait un nom, et à ce moment-là, je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir.

- Je m'appelle Seth, répondis-je d'un ton incertain.

La jeune fille semblait déjà m'avoir examiné, et j'avais l'impression qu'elle était vexée.

- Ça vous prend souvent de regarder les femmes avec un regard pervers? Vous n'êtes vraiment qu'un obsédé! Elle criait presque à présent. Vous êtes...

- Hé, je ne vous ai jamais regardé comme ça! La coupais-je. J'étais seulement intrigué par vos... Vos...

Je faisais un signe des mains pour indiquer les cornes de la jeune fille.

- Ça? Vous n'avez jamais vu un Hircan ou quoi? Me demanda-t-elle avec étonnement.

- Un quoi?

- Un Hircan. Et oui, je suis une Hircanne, et je suis fière de l'être!

Un sourire orgueilleux recouvrait maintenant son visage.

- Ah d'accord, oui, un Hircan... Ça ne me surprend pas, je le savais... Fit-je gêné. Et sinon... Où est-ce qu'on est?

- On est dans la citadelle de Shiba. Enfin, dans les prisons de cette citadelle.

- Euh... Et pourquoi on est là?

- On va sûrement être exécuté dans pas très longtemps, répondit-elle de manière naturelle et décontractée.

Alors je vais être exécuté? Mais qu'ai-je fait pour en arriver là? Comment c'est possible et surtout...

- Pourquoi on va être exécutés?

- Parce qu'on a été capturé par les Shöts.

Alors là, ça me semblait presque du délire. Je ne comprenais pas un mot de ce qu'elle disait. J'allais peut-être paraître lourd avec mes questions, mais j'avais besoin d'être éclairci.

- Les Shöts? C'est quoi?

- Pas quoi, mais qui, répondit-elle avec assurance. J'ai vraiment l'impression de parler avec un enfant, ria-t-elle. Les Shöts sont un peuples de créature mi-reptiles, mi-humaines, qui ont bâti leur ville, Shiba, sur les terres sulfureuses. C'est là où on se trouve actuellement, tu me suis?

- À peu près...

- Et on va être exécuté parce qu'on était sur leur chemin.

- Juste pour ça? Il n'y a pas de lois contre la peine de mort, on va être exécuté sans raison?

- C'est une raison valable, pour eux.

- En tout cas t'as l'air détendue pour quelqu'un qui va mourir... Dis-je.

- Je ne compte pas mourir, finit-elle dans un sourire et un regard espiègle. Je suis une Hircanne, et jamais je ne les laisserais m'avoir aussi facilement!

À ce moment-là, la lourde porte métallique qui était placé sur le mur en face de nous s'ouvrit dans un grincement lourd.
Un de ces fameux hommes-lézard, habillé de vêtements en cuir et tenant une lance dans sa main droite, entra dans la cellule. Il saisit la fille par les cheveux, ce qui lui fit pousser un petit cri de douleur. Elle se leva et sortit de la salle, toujours tenue par le Shöt, qui me fit signe de venir aussi.
Il attacha mes mains et celles de la jeune Hircanne, à qui j'avais oublié de demander le nom, et nous emmena jusqu'à une ouverture menant à l'extérieur dans un mur.

De là, je pus distinguer la grandeur de l'endroit où j'étais. Une énorme vallée de terre rouge se dressait devant moi, et je voyais à quel point cette citadelle était haute. Je voyais aussi la profondeur de la chute que j'allais faire, lorsque notre bourreau nous fit avancer vers le bord de la citadelle. J'allais tomber dans le vide et mourir sans raison. Je jetais un dernier à la petite fille se trouvant à mes côtés, qui me répondit par un sourire. Et je me sentis violemment poussé par une grande main écailleuse, et je tombai dans le vide.

Je ressentis un déluge de sensation dans mon corps. De la peur, de l'excitation, et surtout du regret. Je ne savais rien, et j'allais mourir ignorant. J'entendis cependant un dernier son, une sorte de sifflement aigu et je me sentis tout à coup comme sur un matelas. Je tremblais de peur lorsque je réalisai ce qu'il venait de m'arriver. J'essayais de reprendre mes esprit, et m'aperçus que je me trouvais à présent dans un lit dont les couvertures étaient roses, avec cette jeune fille à corne à mes côtés, qui dormait paisiblement.
Tout devenais de moins en moins compréhensible dans ma tête.