Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)
Par : Conan
Genre : Action , Réaliste
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 27
Publié le 06/07/14 à 17:26:48 par Conan
Franchement exténués, c'est les épaules affaissées par le poids de leurs sacs, les genoux fléchis et le pas traînant que les soldats arrivent enfin à destination après avoir traversé la France entière. Ce pourquoi ils marchent depuis des jours, laissant derrière eux plusieurs de leurs camarades et leur innocence à jamais souillée.
Deux gardes républicains en faction dans leur belle tenue se portent à la hauteur du capitaine et font claquer les talons de leurs bottes lustrées et scintillantes, et Berger réalise alors dans quel état déplorable sont ses godillots salis par la terre et abîmés par les kilomètres de marche forcée.
-Capitaine Berger, commandant d'unité de la première compagnie du cent-dix-septième régiment d'infanterie. Dit-il à leur encontre.
-Mon capitaine ! Vous voilà enfin ! Répondent les deux hommes de chœur, les yeux rivés vers Louis, sans porter attention aux regards de haine du reste de la troupe.
Sans attendre leur invitation, Louis passe devant les gardes et pénètre sous la grande arcade de pierre qui forme le hall d'entrée du bâtiment. Suivi de ses hommes, il continue de marcher jusqu'à la grande cour pavée, qui représente le cœur de l'édifice. Tout autours d'eux se dresse l'imposant immeuble, autrefois préfecture de police, et qui abrite aujourd'hui le gouvernement de l’État Français.
Le bruit d'un claquement de pas sur les pavés attire l'attention de Louis, et il aperçoit, sortant d'un bâtiment, un général d'armée en tenue de gala et couvert un képi, accompagné de son chef de corps, le colonel de la Jatte.
Louis se met au garde-à-vous, et dans un cri sec, ordonne à sa troupe :
-A vos rangs, fixe !
Tous les hommes se figent dans la même position que leur chef. Le général rend son salut à Berger puis les met rapidement au repos.
-Bonsoir mon capitaine. Je suis le général d'armée Massy. J'ai entendu dire que vous aviez rencontré beaucoup d'encombres lors de votre voyage.
-Capitaine Louis Berger. Affirmatif mon général, mais nous sommes finalement arrivés à bon port. Répond Louis en serrant la main que lui tend le général.
-Hé bien, je vous laisse aux soins de votre chef de corps, nous avons préparé une petite réception pour votre arrivée, et je dois voir où en est la préparation. Vous savez comment sont les domestiques. Conclut le général avant de tourner les talons et de s'en retourner vers la porte aussi vite qu'il en est sorti.
Berger et de la Jatte se fixent, un peu gênés peut-être.
-Mon colonel.
-Mon capitaine. Ça n'a pas été une partie de plaisir. J'ai appris que vous aviez eu un mort.
-Oui. Le soldat Bouvier. Son corps n'a pas pu être récupéré.
Le vieux militaire baisse les yeux en signe de tristesse. Il connaissait Bouvier, le radiotélégraphiste de l'unité. Sa mort a du porter un impact au moral de ses amis.
-Il faut que je vous parle, seul-à-seul. Accompagnez-moi dans mes quartiers, ça ne sera pas long. Vous pouvez laisser vos hommes ici.
-Bien mon colonel. Louis se tourne vers ses hommes et annonce : repos sur place !
Un grand souffle de soulagement se propage hors du rang, et les soldats peuvent enfin se débarasser de leurs armes et de leur barda. Certains s'allument une cigarette qu'ils partagent avec leurs amis : le ravitaillement commence à manquer. D'autres s'assoient sur le sol ou s'appuient contre des lampadaires. La compagnie se divise en petit groupe qui se déploient lentement dans la cour. Des éclats de voix résonnent entre les bâtiments, causant la curiosité des occupants des lieux qui regardent le manège en train de défiler sous leurs fenêtres.
-Putain de bourgeois de merde. Dit Nolet en finissant de rouler une cigarette.
-Vous avez vu l'allure de ces types qui montaient la garde à l'entrée ? Demande Bussy les yeux encore plein d'émerveillement.
-La garde républicaine. C'est leur boulot. Gardes et parades à longueur de journée. Dit Paul Bernac en arrangeant la sangle de son mousqueton.
-Des planqués, ouais ! Ces gaillards peuvent tout aussi bien faire la même chose que nous. Rajoute Nolet en allumant sa clope.
-En tout cas, j'me demande bien ce qu'ils nous ont réservé. Questionne Bussy. Le colonel avait pas l'air dans son assiette. Presque gêné.
-Ouais, pis surtout j'me demande bien ce qu'on fait là. Pourquoi le gouvernement voudrait nous voir, nous ? On est rien de plus ou de moins que des bidasses qu'on envoie au front, ils vont pas s'amuser a faire venir ici tous les mecs qui vont et viennent entre l'Alsace et le régiment.
-J'ai entendu parler d'une cérémonie demain, avec prise d'armes et tout le bazar. Dit le caporal mal rasé de leur escouade qui s'est greffé à la conversation, celui qui avait remis Nolet et Bussy à leur place lors de leur altercation un peu plus tôt. Rien n'est sûr, mais ils voudraient faire la répétition ce soir avant de nous laisser béqueter et nous lâcher la grappe.
-Comment le savez-vous ? Demande Bernac, intrigué.
-C'est le sergent Jourdain qui en parlait tout à l'heure avec l'adjudant.
Bussy grimace, puis quitte le groupe pour aller s’asseoir un peu plus loin, contre le mur d'enceinte. Il défait les lacets et les boucles de ses rangers, puis les retire lentement en plissant les yeux de douleur.
Ses chaussettes, imbibées de sang, collent à la semelle de ses chaussures.
-Ouais, bah j'espère qu'elle va pas durer des plombes, leur cérémonie dit le jeune soldat en inspectant l'état de ses pieds.
Le capitaine ressort du bâtiment dans lequel il avait accompagné le colonel et fait rassembler ses troupes autours de lui.
-Bon, écoutez-moi tous. Je viens de prendre les ordres pour la durée de notre séjour. La compagnie sera logée ici-même, dans cet immeuble, au dernier étage, sous les fondations du toit. Normalement il y a assez de lits pour tout le monde. Nous resterons ici deux jours, nous ne prenons le train que après-demain en direction de Strasbourg, alors profitez-en pour vous reposer.
Un homme dans les rangs lève la main.
-Mon capitaine, est-ce que c'est vrai que l'on va devoir faire une cérémonie ?
-J’allais y venir. Effectivement, une cérémonie est bien prévue pour demain soir. Les répétitions doivent commencer dans une demi-heure.
Un souffle de colère parcourt les soldats.
''Ils sont pas au courant qu'on est crevés ?'', ''Faudrait qu'ils nous lâchent un peu la grappe'', ''En tout cas y'aura pas de commémo pour nos potes qui sont morts !''
-Silence ! Taisez-vous ! S'exclame l'adjudant d'unité, debout à la droite du capitaine.
-Je me suis entretenu de cette cérémonie avec le colonel. Reprend Louis. Il m'a dit qu'il n'y avait aucun moyen de l'annuler ou de la repousser, c'est une cérémonie en hommage aux grandes offensives de soixante-seize. Plusieurs ministres et des autorités militaires seront présents pour vous voir défiler.
Le mécontentement ne quitte pas pour autant les hommes. Louis marque un temps de pause, puis reprend :
-En revanche. Si la compagnie tombait malade. Si la santé des hommes était si faible qu'ils ne puissent se tenir au garde-à-vous sans s'évanouir. Si les soldats, exténués, ne rejoignaient le front déjà atteints. Alors cette cérémonie serait selon toute logique impossible à réaliser.
De grands sourires d'enfants illuminent le visage des soldats, qui étaient il y a quelques secondes encore fermés et bougons. C'est une magnifique perche que leur tend leur chef, et ils sauront la saisir. Quel que soit le moyen.
Deux gardes républicains en faction dans leur belle tenue se portent à la hauteur du capitaine et font claquer les talons de leurs bottes lustrées et scintillantes, et Berger réalise alors dans quel état déplorable sont ses godillots salis par la terre et abîmés par les kilomètres de marche forcée.
-Capitaine Berger, commandant d'unité de la première compagnie du cent-dix-septième régiment d'infanterie. Dit-il à leur encontre.
-Mon capitaine ! Vous voilà enfin ! Répondent les deux hommes de chœur, les yeux rivés vers Louis, sans porter attention aux regards de haine du reste de la troupe.
Sans attendre leur invitation, Louis passe devant les gardes et pénètre sous la grande arcade de pierre qui forme le hall d'entrée du bâtiment. Suivi de ses hommes, il continue de marcher jusqu'à la grande cour pavée, qui représente le cœur de l'édifice. Tout autours d'eux se dresse l'imposant immeuble, autrefois préfecture de police, et qui abrite aujourd'hui le gouvernement de l’État Français.
Le bruit d'un claquement de pas sur les pavés attire l'attention de Louis, et il aperçoit, sortant d'un bâtiment, un général d'armée en tenue de gala et couvert un képi, accompagné de son chef de corps, le colonel de la Jatte.
Louis se met au garde-à-vous, et dans un cri sec, ordonne à sa troupe :
-A vos rangs, fixe !
Tous les hommes se figent dans la même position que leur chef. Le général rend son salut à Berger puis les met rapidement au repos.
-Bonsoir mon capitaine. Je suis le général d'armée Massy. J'ai entendu dire que vous aviez rencontré beaucoup d'encombres lors de votre voyage.
-Capitaine Louis Berger. Affirmatif mon général, mais nous sommes finalement arrivés à bon port. Répond Louis en serrant la main que lui tend le général.
-Hé bien, je vous laisse aux soins de votre chef de corps, nous avons préparé une petite réception pour votre arrivée, et je dois voir où en est la préparation. Vous savez comment sont les domestiques. Conclut le général avant de tourner les talons et de s'en retourner vers la porte aussi vite qu'il en est sorti.
Berger et de la Jatte se fixent, un peu gênés peut-être.
-Mon colonel.
-Mon capitaine. Ça n'a pas été une partie de plaisir. J'ai appris que vous aviez eu un mort.
-Oui. Le soldat Bouvier. Son corps n'a pas pu être récupéré.
Le vieux militaire baisse les yeux en signe de tristesse. Il connaissait Bouvier, le radiotélégraphiste de l'unité. Sa mort a du porter un impact au moral de ses amis.
-Il faut que je vous parle, seul-à-seul. Accompagnez-moi dans mes quartiers, ça ne sera pas long. Vous pouvez laisser vos hommes ici.
-Bien mon colonel. Louis se tourne vers ses hommes et annonce : repos sur place !
Un grand souffle de soulagement se propage hors du rang, et les soldats peuvent enfin se débarasser de leurs armes et de leur barda. Certains s'allument une cigarette qu'ils partagent avec leurs amis : le ravitaillement commence à manquer. D'autres s'assoient sur le sol ou s'appuient contre des lampadaires. La compagnie se divise en petit groupe qui se déploient lentement dans la cour. Des éclats de voix résonnent entre les bâtiments, causant la curiosité des occupants des lieux qui regardent le manège en train de défiler sous leurs fenêtres.
-Putain de bourgeois de merde. Dit Nolet en finissant de rouler une cigarette.
-Vous avez vu l'allure de ces types qui montaient la garde à l'entrée ? Demande Bussy les yeux encore plein d'émerveillement.
-La garde républicaine. C'est leur boulot. Gardes et parades à longueur de journée. Dit Paul Bernac en arrangeant la sangle de son mousqueton.
-Des planqués, ouais ! Ces gaillards peuvent tout aussi bien faire la même chose que nous. Rajoute Nolet en allumant sa clope.
-En tout cas, j'me demande bien ce qu'ils nous ont réservé. Questionne Bussy. Le colonel avait pas l'air dans son assiette. Presque gêné.
-Ouais, pis surtout j'me demande bien ce qu'on fait là. Pourquoi le gouvernement voudrait nous voir, nous ? On est rien de plus ou de moins que des bidasses qu'on envoie au front, ils vont pas s'amuser a faire venir ici tous les mecs qui vont et viennent entre l'Alsace et le régiment.
-J'ai entendu parler d'une cérémonie demain, avec prise d'armes et tout le bazar. Dit le caporal mal rasé de leur escouade qui s'est greffé à la conversation, celui qui avait remis Nolet et Bussy à leur place lors de leur altercation un peu plus tôt. Rien n'est sûr, mais ils voudraient faire la répétition ce soir avant de nous laisser béqueter et nous lâcher la grappe.
-Comment le savez-vous ? Demande Bernac, intrigué.
-C'est le sergent Jourdain qui en parlait tout à l'heure avec l'adjudant.
Bussy grimace, puis quitte le groupe pour aller s’asseoir un peu plus loin, contre le mur d'enceinte. Il défait les lacets et les boucles de ses rangers, puis les retire lentement en plissant les yeux de douleur.
Ses chaussettes, imbibées de sang, collent à la semelle de ses chaussures.
-Ouais, bah j'espère qu'elle va pas durer des plombes, leur cérémonie dit le jeune soldat en inspectant l'état de ses pieds.
Le capitaine ressort du bâtiment dans lequel il avait accompagné le colonel et fait rassembler ses troupes autours de lui.
-Bon, écoutez-moi tous. Je viens de prendre les ordres pour la durée de notre séjour. La compagnie sera logée ici-même, dans cet immeuble, au dernier étage, sous les fondations du toit. Normalement il y a assez de lits pour tout le monde. Nous resterons ici deux jours, nous ne prenons le train que après-demain en direction de Strasbourg, alors profitez-en pour vous reposer.
Un homme dans les rangs lève la main.
-Mon capitaine, est-ce que c'est vrai que l'on va devoir faire une cérémonie ?
-J’allais y venir. Effectivement, une cérémonie est bien prévue pour demain soir. Les répétitions doivent commencer dans une demi-heure.
Un souffle de colère parcourt les soldats.
''Ils sont pas au courant qu'on est crevés ?'', ''Faudrait qu'ils nous lâchent un peu la grappe'', ''En tout cas y'aura pas de commémo pour nos potes qui sont morts !''
-Silence ! Taisez-vous ! S'exclame l'adjudant d'unité, debout à la droite du capitaine.
-Je me suis entretenu de cette cérémonie avec le colonel. Reprend Louis. Il m'a dit qu'il n'y avait aucun moyen de l'annuler ou de la repousser, c'est une cérémonie en hommage aux grandes offensives de soixante-seize. Plusieurs ministres et des autorités militaires seront présents pour vous voir défiler.
Le mécontentement ne quitte pas pour autant les hommes. Louis marque un temps de pause, puis reprend :
-En revanche. Si la compagnie tombait malade. Si la santé des hommes était si faible qu'ils ne puissent se tenir au garde-à-vous sans s'évanouir. Si les soldats, exténués, ne rejoignaient le front déjà atteints. Alors cette cérémonie serait selon toute logique impossible à réaliser.
De grands sourires d'enfants illuminent le visage des soldats, qui étaient il y a quelques secondes encore fermés et bougons. C'est une magnifique perche que leur tend leur chef, et ils sauront la saisir. Quel que soit le moyen.
07/07/14 à 09:51:06
Un mot d'absence devrait suffire ! C'est amusant
Vivement la suite.
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