L'Apostolat des Oiseaux
Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 9
Dans les brumes
Publié le 26/12/13 à 01:57:01 par Loiseau
Dans les brumes
J’éteins mon téléphone et le jette sur le canapé le plus proche. Il émet un bruit étrangement satisfaisant en rebondissant contre le cuir du meuble. Je pousse un long bâillement, me gratte la tête et me résigne à aller faire un tour dans les Archives. Si un nouveau chargement de bouquins arrive, va falloir libérer un peu de place. Voire ranger, mais ça… c’est pas au programme.
Je traverse la pièce, une immense salle de réception médiévale toute en pierre avec pour seuls meubles une longue table en chêne et un imposant canapé de cuir. Un large âtre apporte de la chaleur à l’endroit. C’est parfois déprimant d’être seul ici. Mais j’ai choisi ma condition de solitaire. J’aurais pu, comme les autres, tenter de réunir des suiveurs. Ou une mini-armée, pourquoi pas ? Mais je n’en avais, et n’en ai toujours pas, envie.
Je m’engage dans les couloirs glacés du château. La plupart des pièces sont chauffées, mais les couloirs eux sont sans cesse parcourus de vents froids. J’enroule avec agacement ma cape autour de mon corps et fonce d’un pas décidé vers les escaliers en colimaçon qui mènent aux anciennes cryptes reconverties en archives pour l’Apostolat. L’Apostolat… Ma vie… Je sors nerveusement de ma poche une petite pipe de bois que je bourre d’opium séché. Une allumette se craque comme par magie et ma main la porte jusqu’au fourneau. Je tire quelques bouffées et laisse la drogue emplir mes poumons et mon cerveau. Un besoin pressant de m’allonger se fait sentir. Je me laisse tomber le long du mur et me plonge dans le passé, doux moment d’évasion. La fumée de l’opium flotte autour de moi, comme les brumes autour de mon château.
L’Apostolat des Oiseaux est né de la réunion de trois jeunes esprits révoltés contre le monde actuel. Tous trois issus de la très dominante classe moyenne de l’AEA. Trois représentations d’un sentiment ou d’une force. Le premier, vif d’esprit et bel orateur, représentait la curiosité et l’intellect. Le second, mélancolique comme le hurlement du loup, évoquait la tristesse résignée, le désespoir écorché. Le troisième, stoïque et fort, n’était qu’un immense pilier de volonté. Trois corps, trois âmes qui en unissant leurs forces compensèrent leurs faiblesses et purent donner naissance à des idées qui se concrétisèrent. Dans un monde où la pensée individuelle est progressivement réduite à néant par un savant mélange de désinformation et de conformisme bien-pensant ils surent résister, à leur échelle. Doucement, progressivement, ils apprirent à comprendre. Comprendre comment les Dirigeant règnent, comment ils ont su étendre leur pouvoir au monde entier, et pas seulement à l’AEA. Ils apprirent à résister, d’abord par le non-conformisme qui caractérise l’adolescent rebelle puis par la mise en place d’un credo et d’une volonté.
Et ils partirent. Quittant l’atmosphère aseptisée et monotone de Megalopolis ils rejoignirent les Montagnes Rocheuses, là-bas ils rencontrèrent les derniers Shamans. Ils apprirent à nouveau et l’Apostolat commença à germer. Il n’y eu pas d’initiations magiques ou de grandes paroles de sagesse proférées. Ils furent simplement confrontés à un choix. Se cacher ou lutter.
Des masques furent créés, au nombre de le vent souffle si fort dans les couloirs que j’en viens à me demander, à travers les brumes de la drogue, si une tempête ne se prépare pas…
Et ils repartirent avec les masques chargés de puissance. Eux-mêmes en portaient. L’intellectuel, cynique et curieux, hérita du masque du Vautour. Le désespéré se coiffa du Hibou. Le fort devint l'Aigle. Ils oublièrent les noms donnés par leurs parents et en prirent de nouveaux. Vellere, Duc et Aquila…
Que nous étions beaux en ce temps… Pétris d’idéaux, prêts à tout sacrifier pour atteindre les Dirigeants, nous avons réunis des comparses. Aucun ne méritait de masque, mais ils étaient dévoués à la cause. Ils moururent prématurément par notre faute. Par notre empressement et notre inexpérience. Ils furent tous tués lors d’une attaque risible contre le Palais du Princeps dont nous ne réchappâmes que par miracle. Nous apprîmes une fois de plus ce jour-là…
Nous, les trois premiers Oiseaux, choisîmes de nous séparer et de préparer nos forces chacun de notre côté.
Aquila, par nostalgie peut-être, choisi de retourner vers les Rocheuses. Ses pas le menèrent vers une tour. Un ancien observatoire. Le Perchoir parfait pour surveiller le monde. Il s’y retrancha et commença à monter sa petite équipe d’informateurs. Tel était le rôle qu’il s’était donné. Il nomma également quelques Apôtres, tels que Luscinia ou Lynot.
Vellere gagna les Territoires Berbères Fédérés à la recherche d’une base d’où il pourrait s’occuper de la contre-propagande. Il fit mieux. Lors de son voyage ses beaux discours, prononcés dans des caves lugubres où se réunissent ceux qui haïssent notre système, lui permirent de réunir autour de lui une petite armée qui le suivit. Il nomma lui aussi des Apôtres, comme Threskion ou Balearica.
Pour ma part, Hibou solitaire, je rejoignis dans un élan de folie les montagnes de la NER où je trouvais un château occupé par quelques soldats de la Neue Schutzstaffel : les nouveaux SS. Les tuer ne fût pas un problème majeur et je découvris dans les cryptes du château une immense bibliothèque, en partie vide, contenant de nombreuses archives d’une valeur inestimable pour l’Apostolat. J’en fis des reproductions et les envoyaient à Aquila. Je devins donc par défaut l’Archiviste de l’Apostolat. Je ne nommais qu’un seul Apôtre et ce fût lui qui me trouva : Pelecanus l’Estropié.
Ainsi naquit la plus grande organisation dite terroriste de notre époque. Au départ nous n’agissions qu’à couvert, mais le temps passant nos actions prirent de l’ampleur. Deux petits anarchistes ultraviolents nous rejoignirent et devinrent eux-aussi Apôtres : Corax et Corbin. Adeptes de l’action directe, ils furent ceux qui donnèrent à l’Apostolat une aura à la fois attrayante et terrifiante. Je ne sais pas s’ils nous sont bénéfiques… Mais c’est grâce à eux que l’on parle de nous…
Je sursaute brusquement, ramené à la réalité par un bruit inhabituel. Énervé et encore sous l’emprise du pavot somnifère je me relève et grommelle une malédiction à l’adresse de Balearica, du vent et de tout ce qui se trouve dans un périmètre de trois kilomètres autour de ce château.
Je ne sais même plus ce que je fous dans ce couloir glacé. Une voix intérieure me chuchote d’aller ranger les archives, mais je n’en ai pas envie. Je veux juste dormir et rêver.
Il n’y a pas de Dirigeants dans mes rêves.
23/01/14 à 11:12:48
Le désespéré se coiffa du Hibou
Juste epic
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