L'Apostolat des Oiseaux
Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 6
Pelecanus
Publié le 08/12/13 à 22:55:13 par Loiseau
Le moment où je me présente brièvement et vous parle plus longuement de nos ennemis
Je m’appelle Wilhem Von Landkastle, mais le monde actuel me connait mieux sous le nom de Pelecanus, leader du Cercle du Pélican, c’est-à-dire de la branche « maritime » du célèbre (du moins je l’espère) Apostolat des Oiseaux. Je ne sais pas qui vous êtes, vous qui me lisez. Probablement un archiviste ou un archéologue qui est tombé sur ce journal en fouillant près des côtes normandes.
Mon travail consiste en deux points principaux : transporter par bateau ce qui doit l’être, principalement des documents ou objets importants volés par Lynot ou Luscinia, et mettre au point de nouvelles armes pour lutter contre nos ennemis, ce que ma formation de biotechnicien facilite grandement.
Au moment où j’écris ceci, j’observe le résultat d’environ deux ans de recherches et de travaux intensifs. Un drone. Un simple drone, comme il en existe déjà des dizaines de millions à travers le monde et ce depuis longtemps. Inutile de vous demander ce que ce drone a de particulier, la réponse est simple : rien. Faute de moyens je suis parfaitement incapable d’innover en matière d’avancées technologiques, spécialement face à l’armée de techniciens des Dirigeants de l’Alliance. Eux ont les moyens, eux ont le temps et l’argent nécessaire au développement d’armes surpuissantes, basées sur les lasers, les champs magnétiques ou les atomes. Eux peuvent littéralement fabriquer ces sabres lasers qui relevaient encore du domaine de la fiction il y a deux cent ans, et du domaine de l’ultrasecret il y a cinquante ans. Eux peuvent changer le climat à grands coups d’ondes électromagnétiques, pouvant projeter le monde dans une nouvelle ère glaciaire en deux jours. Moi je peux fabriquer un drone en deux ans. Un pauvre drone avec un fusil laser, certes d’une précision infaillible mais à la portée limitée. Puis quand bien même sa portée serait quinze fois plus élevée, que peut-on faire avec un seul drone ?
C’est ainsi qu’est fait notre monde. D’un côté la puissance économique et militaire absolument aberrante des Dirigeants, de l’autre… le reste du monde.
Dans le cas improbable où ce journal serait l’un des seuls témoignages « fiables » de l’an 2184, je vais vous exposer la situation.
En 2100 naquit l’Alliance Euro-Américaine, qui se présentait au départ comme un simple traité économique visant à favoriser un peu plus les échanges entre les États-Unis et l’Union Européenne. Comment ? Tout simplement en unissant les deux puissances en un seul « Méga-État » (c’est ainsi que le projet fut présenté lors de la réunion de l’ONU du 14 décembre 2097). Les pays d’Europe de l’Ouest les plus importants, c’est-à-dire la France, l’Espagne, l’Angleterre et l’Italie, votèrent massivement en faveur de ce traité. D’autres pays moins puissants, comme la Grèce, la Belgique ou la Hollande suivirent sans grande conviction. En revanche l’Allemagne et les Pays Scandinaves se révoltèrent contre l’initiative et refusèrent fermement de prendre part à ce projet qu’ils qualifiaient de « dangereux pour l’intégrité de la culture européenne ». C’est à ce moment que se leva le parti politique qui allait diriger par la suite toute l’Europe de l’Est : le Mouvement du Renouveau Européen, connu aujourd’hui sous le nom de Renouveau Ásatrú. Un parti néonazi dissimulant ses idées extrémistes sous une couverture patriote. Le mouvement naquit simultanément en Allemagne et en Norvège et se propagea très rapidement dans tous les pays de l’Est, jusqu’aux frontières russes qui avaient déjà commencées à se fermer. L’Europe se scinda donc en deux, au mépris de tous les anciens accords et traités et se formèrent les deux plus grandes nations à l’heure actuelle : l’Alliance Euro-Américaine (AEA ou tout simplement « Nation des Dirigeants ») et le Neues Europäisches Reich (NER ou Nouvel Empire Européen).
Vous vous demandez sans doute comment toute l’Europe de l’Est a-t-elle pût se transformer en un empire nazi. Je répondrai simplement qu’une des réactions légitimes à l’oppression et l’humiliation, c’est la violence. Et les pays de l’Est, si l’on exclut l’Allemagne et les pays Scandinaves, en avaient plus qu’assez de servir de paillasson aux pays plus riches. Ne vous méprenez donc pas : le NER n’est pas un régime totalitaire. C’est une démocratie. Les représentants du Mouvement du Renouveau Européen furent élus en Allemagne, Suède, Norvège, Slovaquie et Slovénie puis il fût décidé par tous les dirigeants, et les peuples, d’Europe de l’Est de fonder le NER. En résumé, et pour donner plus d’impact à cette « leçon d’Histoire », toute l’Europe de l’Est était nazie par choix. Ce n’était pas un IVème Reich dont la suprématie était menacée à tout instant par le danger que peuvent représenter des mouvements de résistance, c’était une nation forte, unie derrière une idéologie nauséabonde mais puissante.
De l’autre côté, l’AEA s’est imposée en seulement deux ans comme la plus puissante nation jamais fondée, tant sur le plan économique que militaire (les deux données qui compte le plus lorsqu’on parle de puissance). A aucun moment elle ne se déclara ouvertement comme une dictature, mais lorsque le premier Princeps se fit connaitre l’on comprit vite ce qui allait suivre. Le Big Brother décrit par Orwell passait pour un gentil patriarche face aux trois entités quasi-divines qui régnaient sur l’Alliance. Les Dirigeants. Princeps, Imperator et Pontifex. Un chef politique, un chef militaire et un chef religieux, comme chez les Romains. Encore une preuve de la mégalomanie frénétique de ces gens…
Chose étonnante, contrairement au MRE, les trois premiers Dirigeants ne furent pas élus par le peuple. Ils apparurent presque comme par magie, se présentant au peuple de l’AEA lors d’un bulletin d’information spécial. Par la même magie, les anciens présidents des pays de l’AEA disparurent sans laisser de traces. Bien sûr les gens s’interrogèrent, s’insurgèrent même… mais la première vague de manifestations fût réprimée de manière si sauvage, si sanglante que plus personne n’osa se dresser contre le nouveau pouvoir qui se mettait en place.
Ces trois Dirigeants restèrent au pouvoir jusqu’en 2150, date à laquelle le Princeps mourût d’une crise cardiaque due à son âge avancé. L’Imperator et le Pontifex démissionnèrent le jour même et des élections (truquées, sans le moindre doute) furent organisées. Les heureux vainqueurs furent la plus grosse fortune du monde, Joseph Rockefeller ; le président de la National Rifle Association, Caïn Rooney ; et un cardinal réputé pour son fanatisme religieux, Benedictus Minnesota qui se renomma en Pape Auguste Ier. Des rôles sur-mesure. Là encore on s’interrogea, mais personne n’osa élever la voix. Les massacres de 2100 étaient encore bien ancrés dans les esprits.
En 2184, Caïn Rooney se suicida chez lui. Ou fut suicidé, peut-être. Et l’Imperator actuel, Antonin de Blois, prit sa place sans que rien ne change.
Cela fait maintenant plus d’un siècle que ces trois ordure dirigent le monde, maintenus en vie et même en bonne santé par leurs médecins, qui tiennent plus de Frankenstein que d’Hippocrate. Leur credo est simple : « Profit et domination ». Et même s’ils ne dirigent officiellement que l’AEA, les seuls nations en mesure de leur tenir tête sont les nazis du NER et les cartels sud-américains (dont je vous parlerais plus tard, cher lecteur potentiel).
Ce sont ces Dirigeants que notre Apostolat cherche à éliminer. Et au-delà des Dirigeants, c’est tout le système pourri de ce monde que nous visons. Nous ne voulons pas l’anarchie. Concrètement nous ne sommes même pas certains de savoir quoi faire une fois les Dirigeants tombés. Mais nous savons que si rien n’est tenté, alors rien ne bougera.
Nous avons un ennemi principal dans toute cette affaire. Une sorte de Nemesis. Maximilian Kleyn, Inquisiteur favori du Pontifex. Cet homme a été chargé de nous traquer et nous détruire. Et il s’y emploie avec une délectation et une détermination peu communes. Et je hais cet homme au-delà de ce qu’il est possible d’imaginer, car il est responsable de l’anéantissement de ma famille, de mon honneur, de bon nombre de mes amis et de mes capacités motrices. Je fais de lui ma cible prioritaire, devant les Dirigeants eux-mêmes. Nous sommes ennemis jurés au sens le plus littéral du terme. Le jour où cet enfoiré m’a découpé les jambes il m’a posé une simple question.
- Si je te libère, que feras-tu ?
Je ne sais pas quelle réponse il attendait. Mais la mienne fût celle-ci :
- Je jure que je te ferai tout pour te buter. Tout. Je le jure devant ton Dieu et devant tous les autres dieux. Je le jure devant les hommes, devant chaque parcelle, chaque atome de ce monde. J’aurai ta peau.
Il me libéra. C’est à ce moment que j’ai rejoint l’Apostolat et qu’ils m’offrirent un masque, une place et de nouvelles jambes. C’est à ce moment-là que j’enterrais le nom de Von Landkastle pour prendre celui de Pelecanus et que je commençais à œuvrer pour ce que je considère comme le « Bien ».
Nos ennemis sont nombreux, mais je vous ai présenté les principaux. Et vous pouvez constater que nos chances de les vaincre relèvent de l’infinitésimal.
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