Depuis ce jour, Alex squatte chez nous quasiment tous les soirs. D’une certaine manière, il piétine sur mon territoire. Heureusement, il bulle la plupart du temps avec Hell et Luce sur une chaise longue dans le jardin, alors que je roupille tranquillement sur mon lit. Je n’ai donc pas à supporter la vision de sa tignasse de lion et son sourire idiot. C’est très bien comme ça. Tant qu’il ne vient pas me parler, il ne m’emmerde pas donc je m’en fiche. Ce qui m’agace tout particulièrement, c’est qu’il accapare mes frères, mes deux frères. Il ne connaissait qu’Hell à la base, et est finalement devenu très copain avec Luce. Du coup, je me retrouve seule le soir. Pas que ça me dérange, j’ai l’habitude de la solitude, mais j’aimerais pouvoir passer un minimum de temps avec mes frères. Je suis donc obligée de m’occuper en solitaire. Ce n’est pas pour me déplaire puisque je m’adonne à la magie. Je m’évertue à découvrir où commence mon pouvoir, son étendue et là où il s’arrête. Les expériences se succèdent.

Durant mon enfance, ma tante a pris en charge mon apprentissage. Etant une sorcière elle aussi, elle m’a appris les bases. A savoir que la magie est divisée en plusieurs catégories : la magie élémentaire, la magie occulte et la magie démoniaque. A l’époque, elle m’a donné un livre, un simple carnet en fait, dans lequel elle a annoté tout ce qu’elle a compris en pratiquant la magie. Malheureusement, elle n’a jamais eu l’occasion d’user de magie démoniaque et n’a jamais compris la magie occulte qui se base sur des rituels et des artefacts. En revanche, elle m’a fourni un guide très détaillé au sujet de la magie élémentaire en me conseillant de poursuivre par moi-même ses expériences. Elle aurait pu m’apprendre bien plus encore si elle n’avait pas disparu. A force de déménagements consécutifs à l’étranger, nous avons perdu contact et cela dure depuis maintenant dix ans. Cependant, attentive aux conseils de mon mentor, j’ai continué mon apprentissage de mon côté, m’aidant du livre qu’elle m’a légué.

Avant toute chose, il faut comprendre que la magie n’est qu’influence. La magie de fabrique pas, elle assemble, modifie. Conformément aux écrits de ma tante, j’ai de suite remarqué que n’importe quel objet usager ne peut être altéré par la magie, du moins pas dans son essence propre. J’ai besoin de vivant pour influer sur la chose. Par exemple, j’ai voulu accélérer la croissance d’une plante verte. Cependant elle n’a grandi que de quelques centimètres (cinq pour être précise) avant de se faner. J’ai renouvelé l’expérience en lui donnant de l’eau. Cette fois-ci, elle a grandi de douze centimètres avant de mourir. En augmentant la proportion d’eau, elle a grandi de quelques centimètres supplémentaires. Cependant il est arrivé que, malgré une grande quantité d’eau, la plante se meure et qu’elle n’utilise pas toute l’eau. Il y a donc un seuil : le seuil de la vie.

J’ai réitéré l’expérience dans l’autre sens. La plante m’a rendu de l’eau et a rétrécis. Mais ça n’a pas marché quand la plante était déjà morte. Je ne peux donc pas ramener un être à la vie. A partir de cette expérience simple, j’ai déduis que je n’avais rien sans rien. Du moins avec cette magie temporelle. Cependant, ce type de magie ne fonctionne que sur de petits éléments et des personnalités ou intelligences peu complexes. Par exemple, je ne peux influer sur le temps d’un humain ou d’un chien (oui j’ai essayé sur Rose, l’horrible caniche de nos voisins), mais je peux accélérer l’accroissement de mes ongles ou de mes cheveux par exemple. La conscience bloque la magie du temps.

Mais cette forme de magie ne m’intéresse pas. Elle me paraît inutile dans l’immédiat d’autant plus qu’elle est bien trop abstraite. C’est pourquoi je concentre mes investigations sur la magie élémentaire. Il s’agit de contrôler, modifier ou influencer les éléments naturels. C’est une pratique plus complexe que l’on imagine. Elle exige une connaissance avancée de ce qui nous entoure.

Dans l’immédiat, ce que je demande n’est pas bien compliqué. Fabriquer un élément dans son intégralité est la plus grande des difficultés. Cependant, j’ai remarqué que certains éléments sont plus faciles à créer : le vent par exemple, un simple souffle peut se transformer en une bise. De même pour l’eau : la moindre humidité dans l’air me permet de faire apparaître du liquide. D’autres me posent plus de problème. Le feu, par exemple, est difficile à construire et une simple flammèche me coûte énormément en énergie. Car, oui, une autre règle importante en magie est qu’elle coûte en énergie vitale. La fatigue, l’essoufflement sont le prix à payer. Cependant, à mon niveau, l’effort que je fournis ne m’épuise pas : tout ce que je crée n’est que faible quantité.

Ma plus grande découverte reste le maniement de la lumière et, par conséquent, de l’ombre. C’est une des magies élémentaires les plus pointues parce que la lumière est terriblement difficile à dompter. Trop rapide, difficile à créer. Mais terriblement utile.

Malheureusement, toutes ces expériences ne m’apportent pas la réponse à la question que je me pose : Comment je fais ?