Layla Wa Jeïel
Par : Warser
Genre : Action , Fantastique
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 4
Un plan sans failles
Publié le 25/07/12 à 07:52:40 par Warser
Alors qu'il s'approchait de la crique, Tsvao vit ce qu'Eagal entendait par "ennuis". Des troupes du roi, reconnaissables à la chimère gravée sur leur armure, s'approchaient de la côte dans des bacs à fond plat. Devant eux, des hommes à moitié nus, vêtus de peaux de daims, nageaient rapidement, les lourdes armes qu'ils portaient ne semblant pas entraver leurs mouvements. S'avançant, Eagal désigna du doigt le point vers lequel convergeaient les hommes du roi et les barbares.
- Et... voilà ce qu'ils cherchent.
Tsvao plissa les yeux. C'était un corps. De femme, à en juger par son vêtement et sa taille. Alors qu'ils atteignaient la berge, les nageurs les plus doués s'approchèrent d'elle. L'un deux, un véritable colosse, la jeta sur son dos. Tsvao ne croisa le regard de la femme qu'un instant. Deux yeux noisettes, qui semblaient le supplier. Dans sa tête, un lointain écho. "A l'aide". Sans réfléchir plus, Tsvao dégaina son sabre, et marcha d'un pas assuré vers la côte.
- On doit l'aider.
Eagal, visiblement pris d'une incompréhension totale, resta interdit, debout derrière les rochers.
- Je ne suis pas sûr que... Enfin je veux dire, on ne sait même pas... Oh, et puis, Sangnoir, jura-t-il en emboitant le pas de son ami. Et après, tu dis que tu es un assassin sans pitié hein? Chevalier blanc, va. Chassez le naturel, il revient au galop.
Tsvao ne faisait plus attention aux faibles protestations du mage. Son esprit tout entier était obnubilé par ces yeux. Ces yeux qui criaient à l'aide. Ce fut l'un des soldats royaux qui le remarqua en premier. S'empressant d'avertir ses camarades, il montra du doigt la silhouette sombre au sabre brillant qui s'avançait vers eux.
- Pas de témoins ! lança celui qui semblait être le chef de l'expédition. Ramenez-moi la tête de ces deux-là !
Un petit groupe de quatre gardes, dont un des barbares de l'est s'avançait, avec une certaine prudence, vers Tsvao, alors que celui-ci souriait, son sabre reflétant la lueur de la lune. Avant qu'ils n'aient eu le temps de réagir, il était sur eux. Le premier succomba rapidement, sa tête tranchée nette. Ils ne s'attendaient pas à être attaqués de front, qui plus est par un homme seul. Alors que le sabre de Tsvao virevoltait à nouveau, visant le cœur d'un autre de ses ennemis, il fut dévié par l'estoc d'une épée lourde. Accusant le coup, Tsvao recula d'un pas. Devant lui, un des barbares de l'est, au corps tatoué, une expression de rage imprimée sur son visage. Il dépassait Tsvao d'au moins deux têtes. Les autres gardes, qui avaient repris leurs esprits, s'avançaient vers lui, bouclier en avant.
Prenant à deux mains sa claymore, l'homme de l'est, véritable géant, s'apprêtait à porter un autre coup. Tsvao réfléchit rapidement. Inutile de parer. Son sabre, quoique de bonne facture, ne tiendrait pas. Se jetant sur le coté, il laissa l'arme de son adversaire s'abattre avec force sur le sol, et dévia du sabre le coup qu'un des gardes, qui avait couru vers lui, voulait porter.
Soudain, alors que le barbare fonçait à nouveau sur Tsvao, beuglant de colère, un croassement lugubre retentit. Un grand corbeau noir, aux serres brillantes et menaçantes, fondit sur le visage du colosse, lui arrachant les yeux. Une gerbe de sang rouge sombre gicla, alors que l'homme hurlait à nouveau, de douleur, cette fois. Profitant de l'occasion, Tsvao s'empara d'une dague courte, qu'il lança avec dextérité vers son adversaire, transperçant sa gorge et coupant sa jugulaire.
Se retournant vers les deux soldats qui restaient, Tsvao se fendit, alors qu'un autre corbeau le suivait dans sa course. Ayant plongé son sabre dans le coeur de l'un des gardes, il se retourna vers son camarade, déjà attaqué par le bec acéré de l'oiseau noir qu'Eagal avait invoqué. D'un coup sec dans la nuque, il abrégea les souffrances de l'homme.
Les soldats restés sur la plage, voyant leurs camarades mourir un par un, commençaient à se déplacer rapidement vers le lieu du combat. Ils étaient toujours une dizaine, dont un contingent de sept barbares de l'est, armés de lourdes armes à deux mains, masses, piques, et haches.
- Ces gaillards sont d'une autre trempe que ceux que nous affrontons habituellement, lança Tsvao, en sueur.
- Oui. Et puis, je ne suis pas vraiment en état de combattre. Le contrôle de ces démons corbeaux m'a épuisé. Il va falloir trouver une solution.
Mettant un genou à terre, Eagal posa les deux mains au sol, pour les relever lentement, paume ouverte vers le ciel. Des cris désespérés, des sons rauques, inhumains, s'échappèrent des eaux. Un cercle verdâtre s'était dessiné autour du mage, alors qu'il canalisait le sortilège, les yeux fermés. S'extirpant de l'océan Isgaari, des cadavres à moitié dévorés et des squelettes armés de vieilles épées rouillés, avançaient, en flot continu, vers la berge ,sous la lumière laiteuse et lugubre de la lune.
Se posant sur l'épaule de Tsvao, l'un des corbeaux ouvrit son bec, et le jeune homme entendit l'écho, un peu nasillard, de la voix de son ami.
"Je les retiens. Va chercher le colis. Bouge-toi."
Si les gardes royaux avaient reculés, effrayés à la vue des morts qui marchaient vers eux, les barbares souriaient et se jetaient tête la première dans la mêlée, broyant de leurs lourdes armes plusieurs cadavres à la fois. Galvanisés, les soldats de l'ouest se jetèrent à la suite de leurs champions, faisant refluer lentement les morts vers les flots, qui s'agitaient à présent avec une furie inhabituelle.
Tsvao savait ce qu'il avait à faire. Courant au milieu des vagues de guerriers relevés qui déferlaient toujours sur la rive, il se fraya un chemin au milieu du combat qui faisait rage. Jetant un regard derrière lui, il vit qu'Eagal n'était toujours pas directement menacé, protégé par les cadavres des marins dont l'âme avait été dérobée par les sirènes de la crique.
Tsvao aperçut la jeune fille. Elle était ballotée, inerte, sur le dos de l'un des colosses, accompagné d'un soldat qui semblait plus gradé que les autres à en juger par son blason. Ils fuyaient vers la mer. Le corbeau, déployant ses ailes, fondit sur eux, mais fut arrêté net par un énorme carreau qui lui transperça le ventre. Tombant au sol dans un cri déchirant, il avait laissé le temps à Tsvao de s'approcher de ses ennemis. Le soldat, qui réarmait son arbalète, était vulnérable pendant quelques longues secondes, et le barbare s'était lancé dans une course effrénée, fuyant avec son précieux fardeau. Profitant de ce court répit, Tsvao sortit de sa manche une autre baïonnette.
Visant avec acuité dans la nuit pourtant sombre, il projeta son arme, qui fendit l'air avec un sifflement sourd. La dague perça le poumon de l'arbalétrier, qui tomba à terre en suffoquant faiblement. Sabre brandi, Tsvao se lança à la poursuite du barbare. La rage au ventre, il ne pensait qu'à ces yeux. Ces yeux, qui criaient au secours. Le barbare était fort et endurant, mais le jeune homme plus léger. Peu à peu, il le rattrapait. Voyant qu'il ne pouvait pas échapper à un inéluctable combat, l'homme de l'est se retourna, et s'emparant d'une immense hache à double tranchant, jeta la jeune fille à terre. Son corps inerte roula au sol jusqu'à ce que sa tête heurte un rocher. Un filet de sang rouge et poisseux se mit à couler, rapidement absorbé par le sable.
Dans un mouvement de rage, Tsvao abattit son sabre sur le barbare, qui dévia le coup avec une négligence calculée, d'un simple mouvement de son bras démesuré. Reculant, Tsvao prépara sa nouvelle attaque, alors que son adversaire s'approchait de lui avec prudence. Les yeux, la gorge. Des points faibles que même la vie dans les steppes de l'est ne pouvait endurcir. Deux poignards fusèrent rapidement vers le guerrier, qui les évita avec une rapidité impressionnante. Un rire narquois et rauque retentit, amplifié par l'écho de la crique, se perdant peu à peu au milieu des sons de la bataille toute proche qui faisait encore rage entre les serviteurs mort-vivants damnés par Eagal et les troupes du roi.
Brandissant sa hache, le barbare avançait toujours, un sourire aux lèvres, ses yeux noirs injectés de sang surmontés de sourcils sombres. Tsvao réfléchissait rapidement. Si le combat durait trop longtemps, il le perdrait. Les barbares de l'est étaient réputés à la fois pour leur force brute et leur endurance. Brandissant leurs légendaires armes lourdes, menant combat sur combat, un sourire déterminé aux lèvres, tuant, massacrant, pillant, ils dormaient à terre, leur hache pour oreiller. Non, en combat loyal, Tsvao n'avait aucune chance.
Avec un rugissement, le barbare souleva son arme, se préparant à porter un puissant coup. Roulant sur le coté, Tsvao sentit le sol froid de la crique du diable sur son visage, alors que la hache s'enfonçait dans le sable à quelques centimètres de lui. Du sable fin. Réalisant qu'il était temps de mettre son honneur de coté, il en prit une pleine poignée et la jeta au visage du colosse qui levait à nouveau son arme. L'homme, aveuglé, portant la main à ses yeux, recula d'un pas. Profitant de cet instant de faiblesse, Tsvao bondit sur son adversaire vulnérable, se fendant à fond. Son arme fine mais solide, transperça le ventre du géant, qui lâcha sa hache de guerre avec un cri guttural. Le jeune homme en sueur et soulagé, ses mains toujours collées à la garde du sabre fiché dans le corps du barbare, ne vit pas les deux énormes paumres de l'homme se refermer rapidement et puissamment sur son cou, alors qu'il avait perdu un instant sa vigilance habituelle. Impuissant, soulevé du sol, il lâcha son arme. Les énormes doigts du barbare, resserrant toujours plus leur prise, menaçaient de faire céder les cervicales de Tsvao, qui suffoquait déjà. Les yeux tournés vers le ciel, il ne voyait qu'une nuit voilée de rouge, maculée de petites lueurs blanchâtres et de larges tâches d'un gris neutre.
Tsvao ferma les yeux, alors que sa conscience s'égarait. Des images défilaient dans sa tête. Sa mère. Un miroir brisé. De l'or, sur le sol, des bijoux précieux, du sang. Du sang noir, noir, et épais. Un rire de jeune fille, tintant comme un grelot dans son esprit qui s'éteignait lentement. Un choc. Une douleur à la jambe, les graviers de la crique dans ses plaies ouvertes. Du sable s'immisçant dans ses narines et dans sa gorge, alors qu'il respirait à nouveau péniblement. Relevant la tête du sol, il ouvrit les yeux. Devant lui, le corps de l'homme de l'est, qui gisait sur le sable de la crique gorgé de son sang. Se relevant avec difficulté, Tsvao s'approcha de son adversaire, qui agonisait toujours, ses yeux noirs tournés vers la lune laiteuse. Ses traits tirés dans une expression de douleur, ses yeux rougis par le sable et par la rage, et cette lueur, au fond de ses pupilles. Cette lueur, mélange de haine, de douleur, et de supplique. Cette lueur, qui faisait écho au reflet de la lune. D'un coup du plat de la main, Tsvao écrasa la trachée du barbare, faisant cesser son agonie.
Sans même prendre le temps de récupérer son arme, il courut vers la jeune fille, le souffle toujours court. Les yeux fermés, le visage livide, ses cheveux d'un roux sombre éparpillés, elle reposait dans une position d'un ridicule macabre, son corps plié et sa tête comme négligemment posée sur un rocher qui affleurait le sable. Était-ce un nouveau cauchemar? Allait-il se réveiller, encore une fois, dans le lit confortable du donjon d'Eagal?
Mais les yeux de la jeune fille restaient fermés, cette fois. Désespérément fermés. Tsvao s'empara de son poignet. Elle vivait. Se retournant, il chercha Eagal des yeux. Les bruits de bataille avaient cessé. Soudain, le mage apparut, en sueur, devant lui. Sa robe de chambre trempée collait à ses muscles, et ses cheveux, étrangement aplatis, tombaient sur son front et sa nuque.
- J'ai fait ce que j'ai pu... lança-t-il d'une voix épuisée et haletante. Ils arrivent, maintenant.
Arrachant son sabre au cadavre du barbare, Tsvao posa un genou au sol. Le combat l'avait exténué, et il n'avait toujours pas repris entièrement sa respiration. Les quelques hommes du roi qui restaient s'avançaient au pas de marche vers eux, armes brandies. Le combat contre les morts avait éclairci leurs rangs, mais les cinq survivants étaient animés d'une implacable volonté de vengeance, qui renforçait encore le devoir qu'ils avaient envers leur roi.
- Je pourrais peut être nous téléporter tous les trois à l'intérieur, ajouta le mage en désignant la jeune fille du menton. Mais il va me falloir un peu de temps pour tracer le Pentacle. Dans mon état, une téléportation sans attaches risque de mal se terminer.
Tsvao acquiesça gravement. Les dangers de la téléportation existaient réellement. Mais retenir cinq hommes déterminés, seul, sa gorge brulée par le sable et le sel et des plaies encore sanglantes aux bras et aux genoux, risquait de ne pas être aisé.
- Et sinon... Tu as un plan B ?
- Et... voilà ce qu'ils cherchent.
Tsvao plissa les yeux. C'était un corps. De femme, à en juger par son vêtement et sa taille. Alors qu'ils atteignaient la berge, les nageurs les plus doués s'approchèrent d'elle. L'un deux, un véritable colosse, la jeta sur son dos. Tsvao ne croisa le regard de la femme qu'un instant. Deux yeux noisettes, qui semblaient le supplier. Dans sa tête, un lointain écho. "A l'aide". Sans réfléchir plus, Tsvao dégaina son sabre, et marcha d'un pas assuré vers la côte.
- On doit l'aider.
Eagal, visiblement pris d'une incompréhension totale, resta interdit, debout derrière les rochers.
- Je ne suis pas sûr que... Enfin je veux dire, on ne sait même pas... Oh, et puis, Sangnoir, jura-t-il en emboitant le pas de son ami. Et après, tu dis que tu es un assassin sans pitié hein? Chevalier blanc, va. Chassez le naturel, il revient au galop.
Tsvao ne faisait plus attention aux faibles protestations du mage. Son esprit tout entier était obnubilé par ces yeux. Ces yeux qui criaient à l'aide. Ce fut l'un des soldats royaux qui le remarqua en premier. S'empressant d'avertir ses camarades, il montra du doigt la silhouette sombre au sabre brillant qui s'avançait vers eux.
- Pas de témoins ! lança celui qui semblait être le chef de l'expédition. Ramenez-moi la tête de ces deux-là !
Un petit groupe de quatre gardes, dont un des barbares de l'est s'avançait, avec une certaine prudence, vers Tsvao, alors que celui-ci souriait, son sabre reflétant la lueur de la lune. Avant qu'ils n'aient eu le temps de réagir, il était sur eux. Le premier succomba rapidement, sa tête tranchée nette. Ils ne s'attendaient pas à être attaqués de front, qui plus est par un homme seul. Alors que le sabre de Tsvao virevoltait à nouveau, visant le cœur d'un autre de ses ennemis, il fut dévié par l'estoc d'une épée lourde. Accusant le coup, Tsvao recula d'un pas. Devant lui, un des barbares de l'est, au corps tatoué, une expression de rage imprimée sur son visage. Il dépassait Tsvao d'au moins deux têtes. Les autres gardes, qui avaient repris leurs esprits, s'avançaient vers lui, bouclier en avant.
Prenant à deux mains sa claymore, l'homme de l'est, véritable géant, s'apprêtait à porter un autre coup. Tsvao réfléchit rapidement. Inutile de parer. Son sabre, quoique de bonne facture, ne tiendrait pas. Se jetant sur le coté, il laissa l'arme de son adversaire s'abattre avec force sur le sol, et dévia du sabre le coup qu'un des gardes, qui avait couru vers lui, voulait porter.
Soudain, alors que le barbare fonçait à nouveau sur Tsvao, beuglant de colère, un croassement lugubre retentit. Un grand corbeau noir, aux serres brillantes et menaçantes, fondit sur le visage du colosse, lui arrachant les yeux. Une gerbe de sang rouge sombre gicla, alors que l'homme hurlait à nouveau, de douleur, cette fois. Profitant de l'occasion, Tsvao s'empara d'une dague courte, qu'il lança avec dextérité vers son adversaire, transperçant sa gorge et coupant sa jugulaire.
Se retournant vers les deux soldats qui restaient, Tsvao se fendit, alors qu'un autre corbeau le suivait dans sa course. Ayant plongé son sabre dans le coeur de l'un des gardes, il se retourna vers son camarade, déjà attaqué par le bec acéré de l'oiseau noir qu'Eagal avait invoqué. D'un coup sec dans la nuque, il abrégea les souffrances de l'homme.
Les soldats restés sur la plage, voyant leurs camarades mourir un par un, commençaient à se déplacer rapidement vers le lieu du combat. Ils étaient toujours une dizaine, dont un contingent de sept barbares de l'est, armés de lourdes armes à deux mains, masses, piques, et haches.
- Ces gaillards sont d'une autre trempe que ceux que nous affrontons habituellement, lança Tsvao, en sueur.
- Oui. Et puis, je ne suis pas vraiment en état de combattre. Le contrôle de ces démons corbeaux m'a épuisé. Il va falloir trouver une solution.
Mettant un genou à terre, Eagal posa les deux mains au sol, pour les relever lentement, paume ouverte vers le ciel. Des cris désespérés, des sons rauques, inhumains, s'échappèrent des eaux. Un cercle verdâtre s'était dessiné autour du mage, alors qu'il canalisait le sortilège, les yeux fermés. S'extirpant de l'océan Isgaari, des cadavres à moitié dévorés et des squelettes armés de vieilles épées rouillés, avançaient, en flot continu, vers la berge ,sous la lumière laiteuse et lugubre de la lune.
Se posant sur l'épaule de Tsvao, l'un des corbeaux ouvrit son bec, et le jeune homme entendit l'écho, un peu nasillard, de la voix de son ami.
"Je les retiens. Va chercher le colis. Bouge-toi."
Si les gardes royaux avaient reculés, effrayés à la vue des morts qui marchaient vers eux, les barbares souriaient et se jetaient tête la première dans la mêlée, broyant de leurs lourdes armes plusieurs cadavres à la fois. Galvanisés, les soldats de l'ouest se jetèrent à la suite de leurs champions, faisant refluer lentement les morts vers les flots, qui s'agitaient à présent avec une furie inhabituelle.
Tsvao savait ce qu'il avait à faire. Courant au milieu des vagues de guerriers relevés qui déferlaient toujours sur la rive, il se fraya un chemin au milieu du combat qui faisait rage. Jetant un regard derrière lui, il vit qu'Eagal n'était toujours pas directement menacé, protégé par les cadavres des marins dont l'âme avait été dérobée par les sirènes de la crique.
Tsvao aperçut la jeune fille. Elle était ballotée, inerte, sur le dos de l'un des colosses, accompagné d'un soldat qui semblait plus gradé que les autres à en juger par son blason. Ils fuyaient vers la mer. Le corbeau, déployant ses ailes, fondit sur eux, mais fut arrêté net par un énorme carreau qui lui transperça le ventre. Tombant au sol dans un cri déchirant, il avait laissé le temps à Tsvao de s'approcher de ses ennemis. Le soldat, qui réarmait son arbalète, était vulnérable pendant quelques longues secondes, et le barbare s'était lancé dans une course effrénée, fuyant avec son précieux fardeau. Profitant de ce court répit, Tsvao sortit de sa manche une autre baïonnette.
Visant avec acuité dans la nuit pourtant sombre, il projeta son arme, qui fendit l'air avec un sifflement sourd. La dague perça le poumon de l'arbalétrier, qui tomba à terre en suffoquant faiblement. Sabre brandi, Tsvao se lança à la poursuite du barbare. La rage au ventre, il ne pensait qu'à ces yeux. Ces yeux, qui criaient au secours. Le barbare était fort et endurant, mais le jeune homme plus léger. Peu à peu, il le rattrapait. Voyant qu'il ne pouvait pas échapper à un inéluctable combat, l'homme de l'est se retourna, et s'emparant d'une immense hache à double tranchant, jeta la jeune fille à terre. Son corps inerte roula au sol jusqu'à ce que sa tête heurte un rocher. Un filet de sang rouge et poisseux se mit à couler, rapidement absorbé par le sable.
Dans un mouvement de rage, Tsvao abattit son sabre sur le barbare, qui dévia le coup avec une négligence calculée, d'un simple mouvement de son bras démesuré. Reculant, Tsvao prépara sa nouvelle attaque, alors que son adversaire s'approchait de lui avec prudence. Les yeux, la gorge. Des points faibles que même la vie dans les steppes de l'est ne pouvait endurcir. Deux poignards fusèrent rapidement vers le guerrier, qui les évita avec une rapidité impressionnante. Un rire narquois et rauque retentit, amplifié par l'écho de la crique, se perdant peu à peu au milieu des sons de la bataille toute proche qui faisait encore rage entre les serviteurs mort-vivants damnés par Eagal et les troupes du roi.
Brandissant sa hache, le barbare avançait toujours, un sourire aux lèvres, ses yeux noirs injectés de sang surmontés de sourcils sombres. Tsvao réfléchissait rapidement. Si le combat durait trop longtemps, il le perdrait. Les barbares de l'est étaient réputés à la fois pour leur force brute et leur endurance. Brandissant leurs légendaires armes lourdes, menant combat sur combat, un sourire déterminé aux lèvres, tuant, massacrant, pillant, ils dormaient à terre, leur hache pour oreiller. Non, en combat loyal, Tsvao n'avait aucune chance.
Avec un rugissement, le barbare souleva son arme, se préparant à porter un puissant coup. Roulant sur le coté, Tsvao sentit le sol froid de la crique du diable sur son visage, alors que la hache s'enfonçait dans le sable à quelques centimètres de lui. Du sable fin. Réalisant qu'il était temps de mettre son honneur de coté, il en prit une pleine poignée et la jeta au visage du colosse qui levait à nouveau son arme. L'homme, aveuglé, portant la main à ses yeux, recula d'un pas. Profitant de cet instant de faiblesse, Tsvao bondit sur son adversaire vulnérable, se fendant à fond. Son arme fine mais solide, transperça le ventre du géant, qui lâcha sa hache de guerre avec un cri guttural. Le jeune homme en sueur et soulagé, ses mains toujours collées à la garde du sabre fiché dans le corps du barbare, ne vit pas les deux énormes paumres de l'homme se refermer rapidement et puissamment sur son cou, alors qu'il avait perdu un instant sa vigilance habituelle. Impuissant, soulevé du sol, il lâcha son arme. Les énormes doigts du barbare, resserrant toujours plus leur prise, menaçaient de faire céder les cervicales de Tsvao, qui suffoquait déjà. Les yeux tournés vers le ciel, il ne voyait qu'une nuit voilée de rouge, maculée de petites lueurs blanchâtres et de larges tâches d'un gris neutre.
Tsvao ferma les yeux, alors que sa conscience s'égarait. Des images défilaient dans sa tête. Sa mère. Un miroir brisé. De l'or, sur le sol, des bijoux précieux, du sang. Du sang noir, noir, et épais. Un rire de jeune fille, tintant comme un grelot dans son esprit qui s'éteignait lentement. Un choc. Une douleur à la jambe, les graviers de la crique dans ses plaies ouvertes. Du sable s'immisçant dans ses narines et dans sa gorge, alors qu'il respirait à nouveau péniblement. Relevant la tête du sol, il ouvrit les yeux. Devant lui, le corps de l'homme de l'est, qui gisait sur le sable de la crique gorgé de son sang. Se relevant avec difficulté, Tsvao s'approcha de son adversaire, qui agonisait toujours, ses yeux noirs tournés vers la lune laiteuse. Ses traits tirés dans une expression de douleur, ses yeux rougis par le sable et par la rage, et cette lueur, au fond de ses pupilles. Cette lueur, mélange de haine, de douleur, et de supplique. Cette lueur, qui faisait écho au reflet de la lune. D'un coup du plat de la main, Tsvao écrasa la trachée du barbare, faisant cesser son agonie.
Sans même prendre le temps de récupérer son arme, il courut vers la jeune fille, le souffle toujours court. Les yeux fermés, le visage livide, ses cheveux d'un roux sombre éparpillés, elle reposait dans une position d'un ridicule macabre, son corps plié et sa tête comme négligemment posée sur un rocher qui affleurait le sable. Était-ce un nouveau cauchemar? Allait-il se réveiller, encore une fois, dans le lit confortable du donjon d'Eagal?
Mais les yeux de la jeune fille restaient fermés, cette fois. Désespérément fermés. Tsvao s'empara de son poignet. Elle vivait. Se retournant, il chercha Eagal des yeux. Les bruits de bataille avaient cessé. Soudain, le mage apparut, en sueur, devant lui. Sa robe de chambre trempée collait à ses muscles, et ses cheveux, étrangement aplatis, tombaient sur son front et sa nuque.
- J'ai fait ce que j'ai pu... lança-t-il d'une voix épuisée et haletante. Ils arrivent, maintenant.
Arrachant son sabre au cadavre du barbare, Tsvao posa un genou au sol. Le combat l'avait exténué, et il n'avait toujours pas repris entièrement sa respiration. Les quelques hommes du roi qui restaient s'avançaient au pas de marche vers eux, armes brandies. Le combat contre les morts avait éclairci leurs rangs, mais les cinq survivants étaient animés d'une implacable volonté de vengeance, qui renforçait encore le devoir qu'ils avaient envers leur roi.
- Je pourrais peut être nous téléporter tous les trois à l'intérieur, ajouta le mage en désignant la jeune fille du menton. Mais il va me falloir un peu de temps pour tracer le Pentacle. Dans mon état, une téléportation sans attaches risque de mal se terminer.
Tsvao acquiesça gravement. Les dangers de la téléportation existaient réellement. Mais retenir cinq hommes déterminés, seul, sa gorge brulée par le sable et le sel et des plaies encore sanglantes aux bras et aux genoux, risquait de ne pas être aisé.
- Et sinon... Tu as un plan B ?
26/07/12 à 02:46:49
De l'héroic fantasy J'en trouve enfin !
Je t'implore de faire une suite
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