Prologue

Formvottis se prélassait sur une falaise au-dessus de la lave en fusion. Il regarda en dessous et se délecta des flammes qui s'éparpillaient autour de la falaise. Le feu était la plus belle chose que le seigneur des démons ait pu voir. Les flammes représentaient tout, la vie, la haine, la colère, la souffrance mais aussi l'amour, la passion et encore beaucoup d'autres émotions.
Il adorait voir la flamme de la vie quitter les yeux de ces ennemis et il jaugeait souvent ces derniers sur la flamme qu'il y avait dans leurs yeux. Un caprice étonnant et qui ne manquait pas de rendre plus craintifs les êtres cotoyants le grand démon.

Formvottis entendit un bruit et se retourna calmement.
Il savait déjà que son lieutenant, Shryllzar, venait pour lui annoncer l'arrivée de ses enfants mais la vie était si monotone sans combat ou massacre que Formvottis daignait rarement faire plus de geste que le nécessaire. C'était déjà un honneur pour Shryllzar que Formvottis se retourne pour lui accorder un tant soit peu d'attention.

Shryllzar déclara.
-Sire! Dit-il en s'inclinant. Vos enfants viennent d'arriver dans le corridor des mutilés.
-Très bien, répondit Formvottis sur un ton neutre, dis-leur que j'arriverais sous peu. En attendant, je souhaiterais que tu prépares les dispositifs que je t'avais demandés de construire.
-Ce ne sera pas facile. Sovrak a laissé très peu de notes sur son travail.
-J'espère pour toi qu'une illumination te viendra et que tu trouveras la solution à mon problème car sinon, ta vie au sein de mon empire se terminera de manière terriblement regrettable.
Shryllzar trembla.
-Il en sera fait comme vous me l'avez demandé.
-J'espère pour toi.
Shryllzar resta quelques instants encore, en proie à de nombreuses réflexions, puis il partit.

Formvottis sourit. Après la mort de Sovrak, Formvottis avait remis en question la loyauté et les compétences de Shryllzar, l'accusant d'être incapable de faire mieux que son frère.
Shryllzar s'était alors mit à se surpasser dans son travail pour prouver sa valeur et ainsi tenter de garder son rang. Il avait même renié son frère Sovrak et l'avait abandonné à sa solitude sous sa forme d'énergie. Être le bras-droit du seigneur des démons avait ses avantages et Shryllzar n'aurait laissé sa place pour rien au monde.

Formvottis se lassa alors de la vue que lui procurait son point d'observation et décida que des affaires plus important requéraient son attention, la première étant celle de ses enfants.
Il y avait quelques dizaines d'années de cela, avant que le prince de lumière Aunareth ne détruise ses plans à Drakkengard, de nombreux démons habitaient déjà les lieux de la cité. Ils prenaient en chasse tout être qui avait l'audace de s'approcher de leur terre, même les dragons. C'est ainsi qu'une dragonne fut capturée et emmenée dans le monde des démons. On l'interrogea longtemps, la tortura. Formvottis n'apprit son existence que quelques semaines après sa capture. En la découvrant affalé sur le sol de sa terrible cellule, celle-ci lui avait beaucoup plu.

Intérieurement, le seigneur des démons riait encore de la sottise de la dragonne. Lorsqu'il l'avait fait libérer, elle était à moitié folle. Elle croyait que Formvottis était un véritable roi-dragon venu la sauver. Il avait joué le jeu et l'avait pris pour compagne. Quelques jours plus tard, il s'était accouplé avec elle et la dragonne lui avait donné une couvée de deux fils et deux filles. Elle leur donna des noms puis mourut. Le climat des enfers n'était pas bon pour les êtres qui n'étaient pas adaptés pour les mondes aussi... hostiles, et Formvottis ne s'était plus préoccupé d'elle lorsque ses enfants étaient venus au monde.

En effet, le seigneur des démons avait toujours cherché à atteindre la perfection et il l'avait trouvé quand il avait vu ses enfants. L'alliance des dragons et des démons était la véritable perfection. Très tôt, les dragonnets, plus dragon que démon, avaient manifesté des dons pour la magie exceptionnelle. Leur force et leur rapidité avaient aussi grandi jusqu'à égaler celle des dragons à part entière.

Contrôlé et bien encadré, ces dragonnets devinrent des dragons au fil du temps et apprirent l'art de se battre au côté de leur père. Comprenant leur véritable nature, aucun n'avait paru choqué ou perturbé par leur différence avec les autres démons de la région. Au contraire, leur puissance, de loin supérieure à nombre des créatures ténébreuses de ces lieux, leur offraient tant de possibilités que ce fut bientôt eux qui dominèrent les serviteurs de Formvottis. Ce dernier n'en fut que plus joyeux !

Le seigneur des démons entra enfin dans le corridor et observa ses fils et filles qui l'attendaient. Quand il passa les portes noires de la salle principale de son immense palais, chacun de ses enfants s'inclina. Ils étaient tous présent. Chacun d'eux avait le même âge que le prince de lumière ce qui était parfait pour son petit défi. Formvottis les regarda un par un.

Nylrillar, le fils aînée de la couvée, était un puissant dragon aux griffes rapides comme l'éclair et de musculature moyenne. Il arborait fièrement ses écailles cuivrées qui luisaient devant les flammes. Nylrillar était toujours calme et serein et ne se battait jamais avec colère. Au contraire, il se battait avec des mouvements parfaitement calculés et une précision diabolique. Il était de taille normale pour un dragon. Il utilisait toujours la magie avec parcimonie, compensant son manque de puissance par une utilisation logique et intelligente.
Il était sûrement le meilleur combattant de ce monde.

Thamarat, le deuxième fils, était, en revanche, d'un tout autre calibre. Il était de très grande taille. C'était un poids lourd avec une force gigantesque tout comme l'est son caractère.
Colérique depuis sa naissance, il avait tué son premier serviteur très jeune en lui brisant les os près de la nuque et en lui arrachant le c½ur de son ventre ensanglanté. Il détestait le calme de son frère au moins autant qu'il le détestait et il a, depuis ce temps, toujours cherché à l'entraîné dans un combat acharné pour le mutiler pour sa seule joie.

Les deux s½urs étaient toutes deux de magnifiques dragonnes dont la beauté égalait même leur puissance. En effet, Formvottis avait d'abord pensé que les femelles ne lui seraient d'aucune utilité mais plus le temps passait, plus elles avaient développé des facultés magiques et physiques impressionnantes.

Emérilla était une dragonne d'un noir intense. D'une taille à peu près égale à celle de Thamarat, elle n'utilisait que rarement sa force. Elle préférait détruire ses ennemis avec la magie et c'était elle qui avait les plus puissants pouvoirs des quatre. Au début, elle se montrait chaleureuse et douce mais en réalité, ce n'est qu'une façade. Elle était aussi douce qu'une tempête et quand elle se déchaînait, on pouvait être sur que l'objet de sa furie ne serait plus de ce monde.

Enfin, Namira, était une dragonne d'un bleu très clair qui contrastait beaucoup par rapport au monde où ils vivaient. Mais elle portait sa couleur plutôt bien parce qu'elle s'était découverte une affinité particulière avec les orages et les éclairs. Elle utilisait donc ses pouvoirs pour foudroyer ses ennemis sur place et elle avait le don de toucher des cibles à une très grande distance, pouvant ainsi foudroyer sa cible à des kilomètres de là où elle se trouve. Elle savait aussi se battre et même si la dragonne n'était pas très forte, elle possédait une rapidité et des réflexes qui surprenait Nylrillar lui-même.

Shryllzar vint vers son seigneur, coupant court aux pensées de Formvottis. Il s'approcha et chuchota à son oreille que les dispositifs étaient maintenant en préparation et qu'il serait prêt dans quelques jours.
Alors Formvottis sourit et il déclara dans la bonne humeur.

-Bien! Vous êtes tous présents. Je suis bien content de cela car il aurait été dommage de manquer une réunion qui va décider de votre avenir. Celui de sous-fifres ou de chef.
Tous le regardèrent alors avec un intérêt renouvelé, surtout Thamarat.
-Nous pouvons commencer. Tout d'abord, je tiens à dire que vous m'avez tous beaucoup impressionné. Vous avez de loin dépassé mes attentes et maintenant, vous allez être confronté à un ultime test.
-Pardonnez-moi père. l'interrompit Nylrillar.
Mais avez-vous bien dit test?
-Effectivement, il va s'agir de trouver et de tuer un dragon.
-Un dragon? L'interrompit encore Nylrillar. Il n'y pas d'autres dragons que nous quatre ici.
-Alors c'est sûrement dans l'autre monde que nous allons partir. Dit Thamarat qui sentait son excitation grandir.
-Tu as bien compris Thamarat. Répondit Formvottis. Vous partez dans le monde des dragons et vous allez me rechercher un puissant dragon. Nous avons déjà été confrontés à lui. Il s'agit du même dragon qui a détruit Drakkengard et qui a tué un démon supérieur.
-Le prince de lumière? Demanda alors Namira.
-Oui, exactement. Dans son monde, il s'appelle Aunareth. Vous ne devrez surtout pas le sous-estimer. Il a tué Sovrak sans utilisé ses pouvoirs de la lumière.
-C'est impossible. Aucun dragon normal ne peut tuer un démon. Dit Thamarat.
-Comme je vous l'ai dit, vous ne combattrez pas un dragon normal.

Ils entendirent alors un rire, et Emérilla s'approcha.
-Nous allons avoir affaire au célèbre prince de lumière auquel vous faites allusion à chaque fois que nous parlons de l'autre monde ? Demanda-t-elle, toujours avec le même sourire.
Et bien, nous nous en occuperons. Et que décidera ce test?
Formvottis sourit de plus belle.
-C'est très simple, celui qui tuera le prince de lumière deviendra mon successeur et prendra ma place à ma mort.
Le silence s'installa pendant que chacun des dragons prenait conscience de la portée de ses paroles. Leur père parlait bien de la place de seigneur des démons de ce monde tout entier.
Il offrait son pouvoir à qui tuerais ce Aunareth, le prince de lumière.
Chacun des quatre dragons commencèrent à se regarder puis Formvottis déclara.
-Mes chers enfants, j'espère que vous prenez conscience, que je ne tolérerais pas l'échec. Tuez-le et vous serez récompensé. Echouez,... et vous ne serez plus des nôtres.
Puis Formvottis les laissa seul et s'en alla rejoindre ses appartements, sentant avec satisfaction le goût du sang se répandre dans les veines de ses enfants.


Namira se tenait maintenant devant le portail que Shryllzar leur avait ouvert. Il était petit et ne tiendrait pas plus de quelques minutes mais cela serait suffisant pour les faire passer tous les quatre.
Tandis qu'elle se reposait, Nylrillar vint à elle.
-Alors, prêt pour le voyage? Lui dit-il en plaisantant. C'est un grand moment. Tu risques de faire ta plus grande distance en un très court laps de temps.
-Oui, je suppose que c'est un moment que chacun de nous va apprécier comme il le souhaitera.

Puis ils virent Thamarat et Emérilla arrivés ensemble. Quand ils furent près du portail, ils se tournèrent l'un vers l'autre et s'embrassèrent avec fougue. Nylrillar et Namira détournèrent le regard. C'était contre nature qu'un frère et une s½ur partagent ces sentiments mais eux n'en avait cure. Puis l'instant d'après, ils approchèrent de leur frère et s½ur.
Emérilla dit alors.
-Cela me fait plaisir de voir que vous êtes déjà là. On ne vous aurait pas attendu sinon.
-On s'en doutait bien. Répliqua Namira.
-Nous allons partir tout de suite. Mais peut être que vous souhaiteriez passer en premier? Demanda Thamarat avec un sourire plein de défi à Nylrillar.
-Nous? S'exclama Namira.
-Bien sûr, tu ne pensais pas que j'allais partir toute seule dans un monde inconnu alors que Thamarat et moi nous pourrions y aller ensemble. Dit Emérilla en dessinant un sourire moqueur sur son visage.
-Vous n'avez pas le droit. S'écria Nylrillar avec colère. Vous ne devez pas coopérer entre vous. Père nous a demandés de le faire seul et avec nos propres moyens.
-Et alors, tu vas aller lui raconter tout en détail. Le défia Thamarat. Je devrais peut être te faire taire.
-CA SUFFIT! Rugit Namira, imposant sa voix. Et de plus, si l'un de vous tuait le prince de lumière, qui de vous deux irait sur le trône ?
-Oh mais c'est tout simple vraiment. Thamarat déclarera l'avoir tué et je deviendrais sa compagne quand il accèdera au pouvoir à la mort de notre regretté père. Mort qui viendra sûrement très tôt, notre père commence à se faire vieux.
-Je déteste tous ces complots, siffla Nylrillar qui perdait patience. Pas capable de se battre à la loyale mais capable de tuer notre propre père par-dessus le marché. Si vous tentez le moindre geste, je vous tuerai tous les deux.

-Bien, tu auras besoin de cette fougue lorsque tu seras face à ce Aunareth. Rétorqua Emerilla. Mais si tu penses que nous n'y allons pas loyalement, tu n'as qu'à partir avec Namira. Sur ce! Elle se tourna vers Thamarat et lui demanda.
-Mon amour, on y va?
-Quand tu veux. Lui répondit-il.
Et ils passèrent le portail qui s'affaiblit d'un coup. Nul doute qu'il se refermerait sous peu.
-Oh! Si vous croyez que je vais me laisser insulter comme ça jusqu'à la fin de mes jours par vous deux. Commença à s'emporter Nylrillar.
-Arrêtes Nylrillar! Lui dit Namira. Si tu penses cela quand tu passeras le portail, ils auront déjà gagné.
-Tu as raison. Il se calma. Bien, j'y vais. Dit-il avec beaucoup de détermination.
-Tu veux venir avec moi?
Nylrillar se tourna vers sa s½ur.
-Père nous a dis d'y aller seul.
-Oui je sais et il nous a aussi dis qu'on lui succèderait à sa mort mais tu te doutes bien que cela ne se passes pas comme ça. Oui celui qui aura tué le prince de lumière deviendra son successeur, mais à sa mort, crois-tu que des démons en auront encore quelque chose à faire de ses paroles. Ce sera surtout une totale anarchie. Une nouvelle guerre viendra et personne ne pourra l'empêcher.
-Alors tu veux venir avec moi?
-Pourquoi pas? Nous avancerons bien mieux à deux et au moins, nous serons à un pied d'égalité avec Emérilla et Thamarat.
Ces dernières paroles firent mouche dans l'esprit de Nylrillar.
-Je ne contesterai pas cet argument. Bien, si tu le souhaites, viens avec moi.
-Merci Nylrillar.
Nylrillar se mit à rire.
-On ne fait pas très démon n'est-ce pas? Lança-t-il avec une pointe d'amusement dans la voix.
-Nous ne le sommes pas vraiment. Répliqua Namira. Et puis, nous allons entrer dans le monde des politesses et de la civilisation. Il faut bien que je m'échauffe. Au moins, à deux, Aunareth n'a plus aucune chance.
-Tu as sûrement raison. Des idées pour notre trajet?
-Je pense qu'on doit commencer par chercher Aunareth au dernier endroit où on la vu. C'est-à-dire à Drakkengard.
-Alors, allons-y... ensemble.
Et ils passèrent le portail qui, manquant de puissance, se referma tout de suite après.