Le vétéran:

Quartier des Lames, Cité Impériale, 7 vifazur 4E225


Andrean émergea à toute vitesse de son dortoir, tout en rajustant ses épaulières. Il bouscula une recrue, qui voulut protester avant qu’un regard noir ne la fasse taire. Il ne manquerait plus qu’il se fasse rabrouer par un bleu, un bambin. Surtout alors qu’il était déjà d’une humeur massacrante.


On lui avait annoncé le matin même qu’il partait avec la délégation en partance pour Morrowind. Il n’avait aucune permission en vue, et sa journée aurait été éreintante au possible, mais l’idée de partir pour une mission diplomatique le faisait vomir. Qu’on y envoie les bleus, ou les soldats en manque de situation sur le terrain, d’accord, mais lui, un vétéran d’Anequina…..


Car malgré ses trente-trois ans, Andrean était bel et bien un vétéran. A quinze ans, il avait traversé le désert d’Anequina, avec les deuxième, troisième et quatrième légions, en tant qu’initié des Lames. Il avait participé au siège de Corinth, la bataille qui avait fait gagner l’Empire … et on l’envoyait en mission diplomatique. Certes, il n’avait pas d’autre fait d’armes à son actif, mais la paix à ce désavantage de ne pas permettre au soldat de briller. Au moins vivent-ils.


La paix était maintenue partout, et le fait qu’une maison d’extrémistes indépendantistes commence à rêver de sécession nécessitait qu’on envoie, en plus des émissaires, une escorte de trente hommes des Lames et du Pénitus Oculatus. Cinq aurait suffi, mais pour le ramassis d’inepties qu’on appelait protocole, il devait partir faire des ronds de jambe en Morrowind. Et quand il avait marqué son agacement devant son supérieur, celui-ci lui avait rétorqué qu’au moins, il serait « dépaysé ».


Dé-pa-y-sé. Andrean avait failli lui dépayser le visage, avant de se souvenir qu’il était un soldat, officier certes, mais un soldat, et qui plus est une Lame. Pas la première tête brûlée venue. Il avait enfilé en vitesse son armure Akaviri, récupéré son Katana, et après avoir emballé quelques affaires essentielles, il était parti rejoindre la délégation.


L’Impérial traversa le réfectoire, où s’affairaient des femmes de ménage, et, après quelques couloirs, sortit enfin au dehors. Le ciel était d’un bleu éclatant, et le soleil semblait planté sur les sommets lointains des montagnes de Jerall. Dans la cour du fort hébergeant la garnison de la Cité Impériale, ainsi que les quartiers des Lames et du Pénitus Oculatus, s’affairaient un groupe de soldat en armes, rouge et noir pour certains, gris et cuivre pour les autres. L’un d’eux, vêtu de l’armure du Pénitus, s’approcha de lui.
-Andrean ! On a failli attendre.


L’Impérial sourit en voyant son ami d’enfance Enquillus Bradford s’approcher de lui. Ils avaient fait leurs classes militaires ensemble, mais s’étaient séparés au moment de choisir leur corps d’armée : Légionnaire, agent du Pénitus Oculatus, Lame, ou Mage de guerre. Enquillus avait toujours préféré l’espionnage.


Andrean sourit et serra dans ses bras son ami de toujours.
-Je vois que tu viens aussi, dit-il en desserrant son étreinte.
-Oh, quelle perspicacité mon cher. En effet, j’ai moi aussi eu le malheur de participer à cette …. mission, d’après eux.
-Bradford ! Nelwyn ! Pas le temps pour les retrouvailles !, mugit une voix par-dessus les hommes en arme. Ramenez vos fesses ici.


Enquillus hocha la tête en direction du cavalier Nordique qui les avait ainsi interpellés, puis se pencha vers Andrean.
-Par contre, on se tape la Teigne, murmura-t-il.


Andrean lui sourit, puis se rapprocha de son supérieur. La Teigne était le surnom d’un Nordique d’une soixantaine d’années, membre du Pénitus Oculatus, qui était célèbre pour ses capacités à harceler ses soldats. Néanmoins, de par sa naissance, il ne pouvait espérer mieux que le grade juste au-dessus de celui d’Andrean, ce qui signifiait que ce dernier le dépasserait sous peu. Et la Teigne se focalisait sur lui encore plus à cause de ça.
-Alors, on arrive en retard ?, rugit-il à son approche. Dépêchez-vous de monter en selle, avant que je ne vous fasse comprendre ce que me permet le grade de Préfet.


La Teigne se plaisait à rappeler à Andrean comment il avait raté son évaluation pour le grade de Préfet trois ans plus tôt, ce qui l’avait obligé à attendre les trois ans réglementaires avant de pouvoir solliciter à nouveau une promotion. Depuis, Andrean s’était juré de, une fois Préfet supérieur, faire nettoyer par la Teigne le réfectoire demi-dalle par demi-dalle.


Tout en pensant à ce serment et en imaginant sa réalisation un sourire aux lèvres, l’Impérial se jucha sur son cheval, et attendit le signal du départ.