Entre poussière et ruines
Par : Spyko
Genre : Action , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 21
Publié le 02/02/13 à 15:56:06 par Spyko
Bon, désolé pour la pause de presque deux mois, j'avoue avoir été aussi bien en panne de temps que d'inspiration, mais j'en ai trouvé suffisamment pour continuer, en essayant d'être aussi régulier qu'avant. Voila, désolé encore
Un cordon de trois gardes s'était placé devant la porte toujours ornée de son mouchoir noir, et qui le garderait jusqu'à ce qu'un autre survivant investisse les lieux. Ce qui risquait de prendre du temps. Un attroupement s'était déjà formé devant cette petite masure, mais les rescapés avaient encore assez de respect pour ne pas tenter d'entrer, même les amis des deux fils de cette pauvre femme.
David restait dans le sillage de Jim, afin de pouvoir entrer à son tour. Il était, avec Mélinda, la dernière personne à avoir vue la malheureuse en vie, et il était également indirectement la cause de cette tragédie. C'est pourquoi, quand le dirigeant demanda aux trois gardes, encore sous le choc, de s'écarter, le jeune homme se faufila à sa suite, sans la moindre résistance de la part des trois hommes. Il referma doucement la porte derrière lui.
Ils entrèrent dans la salle directement à gauche, mais sans se précipiter.
Un autre homme, Ghislain, qui servait de médecin, était assis sur une banquette récupérée dans un bus et qui servait de sofa. Il releva la tête en les voyant arriver, et les salua d'un signe de tête suivi d'un pâle sourire.
Trois mètres plus loin, une marée de cheveux presque blancs s'étaient répandue autour du crâne de la vieille femme, tombé sur la table à la fin de sa vie. Une flaque de sang s'était formée aux pieds de la chaise, et le liquide avait également inondé le pantalon rapiécé avant de couler sur le carrelage.
« Qu'est-ce que... comment elle a fait ? Tenta Jim. »
Le médecin décrocha ses yeux vagues du cadavre affalé contre la table, pour les poser sur les deux hommes. Il fit un large geste du bras, dirigé vers le reste de la pièce.
« Un seul coup de couteau. Je sais pas où elle a trouvé le courage pour le faire, mais elle n'en a mis qu'un seul. Net, précis. Il a traversé le cœur de part en part. Ça a été rapide, mais.... comment... comment elle a pu le faire... »
David déglutit, essayant de ne pas imaginer, non seulement la difficulté qu'elle avait du avoir à planter le couteau, mais surtout la douleur qui avait du suivre. Le désespoir avait été plus fort que l'instinct de survie. Le suicide avait toujours été, pour lui, la pire des solutions, son envie de vivre étant toujours plus forte que le reste, mais il essayait toujours de comprendre ce qui pouvait mener d'autres personnes à le faire.
Et ici, il comprenait.
Il lui arrivait souvent de se demander comment il réussirait à s'en remettre si Laura devait mourir. Si la perte serait si terrible qu'il déciderait de passer le même cap que cette pauvre veuve. Et, comme à chaque fois qu'il se posait cette question, il tenta de la balayer pour ne pas noircir ses pensées déjà bien sombres.
« Il faudrait peut-être... faire quelque chose pour elle, non ? Demanda t-il finalement à l'attention de Ghislain. »
« Oui... je... j'avais juste perdu l'habitude de ce genre de cas. Ça fait des années que je m'occupe de cadavres, j'avais juste oublié que ce genre de choses arrivait... Je pensais qu'avec toutes ces difficultés à survivre, personne ne déciderait de mettre fin à ses jours.... »
David hocha la tête, puis recula d'un pas, laissant Jim s'occuper du reste. Ghislain déplia l'un des draps grisâtres qui gisait sur l'une des couchettes, et l'étala sur le sol, avant de s'approcher du corps. Il fit doucement basculer le cadavre, avant de l'allonger sur le linceul improvisé. Seul le manche du couteau dépassait de sa poitrine, lui aussi imprégné de sang.
David battit en retraite, s'apprêtant à ouvrir la porte, éventuellement à dire à l'un des trois gardes qu'il allait falloir aider transporter la vieille femme. Puis il changea d'avis, et appela Jim, qui le rejoignit.
« Qu'est-ce qu'il se passe David ? »
« Il faudra prévenir Carmen et Jacques, tu sais où ils sont ? »
« Prêt de la barrière que les bandits ont détruit, ils essaient de voir combien de temps ça va mettre pour la reconstruire, d'autant plus qu'on est à court de grillage. Personne n'est prêt à sortir pour l'instant »
« D'accord, mais... écoutes... » Le jeune homme baissa la voix, forçant Jim à s'approcher un peu plus. « J'ai cru comprendre que le camp était en ébullition après ce qu'il s'est passé il y a trois jours, y a qu'à voir l'attroupement devant la maison. Et après ce qu'il vient de se produire, ça ne va faire qu'empirer. » Il fit une petite pause, laissant au dirigeant le temps d'appréhender ce que cela signifiait. « Tu sais ce qu'il s'est passé la dernière fois qu'un bandit a fait ce genre de choses. »
Jim encaissa le sous-entendu en clignant des yeux. Il hocha alors la tête avec lenteur.
« Je vois très bien. C'est son âge qui te gêne ? »
« Oui. On a déjà exécuté plusieurs bandits mais.... là, c'est différent. C'est qu'un gamin, on devrait pas faire une chose pareille, mais le camp aura une toute autre décision. Et s'ils veulent vraiment voir couler le sang.... » Le jeune homme prit une longue inspiration, avant de planter son regard dans celui de Jim. « Je préfère m'en occuper. »
« Tu es sûr ? »
« Je l'ai déjà fait. Si quelqu'un d'autre s'en charge, y a des chances que ce soit un acte de rage pure. Voire même qu'il.... rate.... son premier tir. Autant que ce soit fait aussi proprement que possible. Si ça doit être fait, bien sûr. »
« Comme tu voudras. Tu ferais mieux d'aller te reposer, vous avez eu une dure journée en rentrant. »
« D'accord. Passes le bonjour à Jacques et Carmen. »
*
Le Soleil n'était pas encore levé quand David ouvrit les yeux, cette nuit là. La perspective d'une nouvelle exécution avait fait remonter les souvenirs des trois auxquelles il avait déjà procédé. Le jugement avait été sans appel.
Après avoir pris congé de Jim, il avait rejoint ses amis, en train de discuter avec Daniel au sujet des récents événements et du fusil d'Emeric. Avant la fin de la journée, la nouvelle du suicide de la mère de Cédric, ainsi que la mort de ce dernier, avaient fait le tour du camp. Et ils avaient bien failli avoir droit à une émeute devant le bureau où le garçon était retenu. Après quoi, il n'y avait plus rien eu à faire pour lui.
Le jeune homme l'abattrait avant midi.
Il s'extirpa doucement des bras de Laura, avant de se glisser dans ses chaussures. La récente baisse de température et le peu d'isolation des habitations les forçait à dormir avec autant de vêtements que lorsqu'ils sortaient, si bien qu'il n'eut qu'à faire ses lacets pour quitter l'habitation sans être frigorifié. Il ne faisait pas encore jour, mais la lumière matinale commençait à percer lentement la brume.
Des nuages lourds de menace semblaient s’amonceler au loin. Heureusement qu'on est rentré hier, l'aurait plus manqué qu'on se prenne un orage aux cultures. Il fit quelques pas à l'extérieur, frissonnant malgré son manteau en raison du vent frais qui soufflait entre les petites habitations. Il bâilla longuement, avant de commencer à marcher. Les cultures étaient épuisantes, et la veille l'avait été également.
Et maintenant qu'ils étaient de retour, il semblait que les tours de gardes allaient devoir être doublés pendant quelques jours le temps que les barrières soient reconstruites. Ils avaient une chance d'être épargné par cette charge de travail supplémentaire, mais l'idée de vivre avec une brèche de ce style n'était pas spécialement rassurante, surtout alors que les infectés devenaient de plus en plus entreprenants.
Cela faisait un bout de temps qu'ils guettaient une opportunité de décimer le camp, et maintenant qu'ils l'avaient, il n'y avait aucune trace d'eux. Ce n'était pas normal.
« Tu crois qu'il aura les couilles de le faire ? »
David s'immobilisa, légèrement surpris d'entendre quelqu'un dehors à cette heure. Il s'apprêtait à manifester sa présence quand une autre personne répondit.
« Vaudrait mieux. Toute façon, s'il le fait pas, le gamin sera écorché vif avant qu'ils aient le temps de réagir, fit le premier. »
« Ouais. Et je m'arrangerais pour arracher le premier morceau de peau à ce petit salopard, cracha le second. »
Le jeune homme cligna stupidement des yeux, tentant d'assimiler ce qu'il entendait. Si ce que les deux hommes se disaient étaient vrai, il avait plutôt intérêt à demander une protection pour le garçon en allant devant le mur de l'entrée.
« Je le sens mal David en ce moment, fit le deuxième homme, dont il ne parvenait pas à reconnaître la voix. Il est bien capable d'essayer de le faire sortir, t'as vu la tronche qu'il a fait pendant le ''procès''. »
« Et le laisser avertir des éventuels bandits qu'on a une magnifique entrée de service ? Arrête un peu. Il a autant à perdre que nous à faire ça. »
« Plus. J'y veillerais. »
David déglutit, avant de faire demi-tour, essayant de ne pas faire trop crisser les graviers en repartant. C'était donc la pensée qui circulait à son sujet à travers le camp ? Qu'il était incapable d'accomplir cette exécution, simplement parce que c'était un adolescent qui la subirait ?
Il retourna en silence dans sa propre habitation. Cette petite discussion surprise au coin des maisons venait de lui couper toute envie de promenade nocturne. Lorsqu'il se réinstalla aux côté de Laura, celle-ci ne bougea pas plus que quand il s'était levé. Il se contenta de fixer pendant de longues minutes le plafond en bois qu'ils avaient fait de leurs mains.
Malgré le sommeil grandissant, il resta ainsi plus d'une heure, à ressasser d'innombrables souvenirs. Jusqu'à ce qu'il replonge dans des rêves tourmentés.
*
Comment peut-on en arriver là ?
Un attroupement s'était formé, une horde de rescapés avides de sang, qui montraient un comportement digne des exécutions par guillotine des siècles passés. Tous n'attendaient qu'une seule chose ; le jet de sang et de cervelle qui recouvrirait une portion du mur d'entrée.
Et David se tenait là, face à face avec l'adolescent, les yeux brillant d'une rage glaciale du gamin rivés sur les siens. Le jeune homme tentait de maîtriser les tremblements de sa main droite, qu'il gardait pour l'instant le long de son corps. Il n'y aurait pas un mot prononcé par l'un des dirigeants, pas une seule faveur accordée, pas une malheureuse intention de pitié.
Juste une simple pression de la gâchette. C'était tout ce qu'ils lui avaient accordé. Rien d'autre. Il n'avait même pas donné son nom. Et les rescapés restaient immobiles, de véritables statues, qui retenaient leur souffle dans l'attente de la sanction.
Du coin de l’œil, il voyait Laura, Christophe et Emeric, au premier rang, les traits tirés.
On devrait s'entraider, pas s'entretuer.
Mais il n'y avait rien à faire. Même s'il refusait d'abattre le garçon, il mourrait quoi qu'il arrive, et probablement de façon moins rapide qu'une balle en pleine tête. Et lui-même risquait d'avoir des ennuis.
Alors il leva le bras, positionnant la mire du Beretta sur le visage du gamin. Et cette fois, sa main cessa tout tremblement. Pas une seule fois le regard du garçon ne dévia du sien. Pas même quand le jeune homme leva le bras. Ni quand le canon se braqua sur lui.
Et même quand il pressa la détente, les yeux de l'adolescent continuèrent de le regarder pendant des jours.
Un cordon de trois gardes s'était placé devant la porte toujours ornée de son mouchoir noir, et qui le garderait jusqu'à ce qu'un autre survivant investisse les lieux. Ce qui risquait de prendre du temps. Un attroupement s'était déjà formé devant cette petite masure, mais les rescapés avaient encore assez de respect pour ne pas tenter d'entrer, même les amis des deux fils de cette pauvre femme.
David restait dans le sillage de Jim, afin de pouvoir entrer à son tour. Il était, avec Mélinda, la dernière personne à avoir vue la malheureuse en vie, et il était également indirectement la cause de cette tragédie. C'est pourquoi, quand le dirigeant demanda aux trois gardes, encore sous le choc, de s'écarter, le jeune homme se faufila à sa suite, sans la moindre résistance de la part des trois hommes. Il referma doucement la porte derrière lui.
Ils entrèrent dans la salle directement à gauche, mais sans se précipiter.
Un autre homme, Ghislain, qui servait de médecin, était assis sur une banquette récupérée dans un bus et qui servait de sofa. Il releva la tête en les voyant arriver, et les salua d'un signe de tête suivi d'un pâle sourire.
Trois mètres plus loin, une marée de cheveux presque blancs s'étaient répandue autour du crâne de la vieille femme, tombé sur la table à la fin de sa vie. Une flaque de sang s'était formée aux pieds de la chaise, et le liquide avait également inondé le pantalon rapiécé avant de couler sur le carrelage.
« Qu'est-ce que... comment elle a fait ? Tenta Jim. »
Le médecin décrocha ses yeux vagues du cadavre affalé contre la table, pour les poser sur les deux hommes. Il fit un large geste du bras, dirigé vers le reste de la pièce.
« Un seul coup de couteau. Je sais pas où elle a trouvé le courage pour le faire, mais elle n'en a mis qu'un seul. Net, précis. Il a traversé le cœur de part en part. Ça a été rapide, mais.... comment... comment elle a pu le faire... »
David déglutit, essayant de ne pas imaginer, non seulement la difficulté qu'elle avait du avoir à planter le couteau, mais surtout la douleur qui avait du suivre. Le désespoir avait été plus fort que l'instinct de survie. Le suicide avait toujours été, pour lui, la pire des solutions, son envie de vivre étant toujours plus forte que le reste, mais il essayait toujours de comprendre ce qui pouvait mener d'autres personnes à le faire.
Et ici, il comprenait.
Il lui arrivait souvent de se demander comment il réussirait à s'en remettre si Laura devait mourir. Si la perte serait si terrible qu'il déciderait de passer le même cap que cette pauvre veuve. Et, comme à chaque fois qu'il se posait cette question, il tenta de la balayer pour ne pas noircir ses pensées déjà bien sombres.
« Il faudrait peut-être... faire quelque chose pour elle, non ? Demanda t-il finalement à l'attention de Ghislain. »
« Oui... je... j'avais juste perdu l'habitude de ce genre de cas. Ça fait des années que je m'occupe de cadavres, j'avais juste oublié que ce genre de choses arrivait... Je pensais qu'avec toutes ces difficultés à survivre, personne ne déciderait de mettre fin à ses jours.... »
David hocha la tête, puis recula d'un pas, laissant Jim s'occuper du reste. Ghislain déplia l'un des draps grisâtres qui gisait sur l'une des couchettes, et l'étala sur le sol, avant de s'approcher du corps. Il fit doucement basculer le cadavre, avant de l'allonger sur le linceul improvisé. Seul le manche du couteau dépassait de sa poitrine, lui aussi imprégné de sang.
David battit en retraite, s'apprêtant à ouvrir la porte, éventuellement à dire à l'un des trois gardes qu'il allait falloir aider transporter la vieille femme. Puis il changea d'avis, et appela Jim, qui le rejoignit.
« Qu'est-ce qu'il se passe David ? »
« Il faudra prévenir Carmen et Jacques, tu sais où ils sont ? »
« Prêt de la barrière que les bandits ont détruit, ils essaient de voir combien de temps ça va mettre pour la reconstruire, d'autant plus qu'on est à court de grillage. Personne n'est prêt à sortir pour l'instant »
« D'accord, mais... écoutes... » Le jeune homme baissa la voix, forçant Jim à s'approcher un peu plus. « J'ai cru comprendre que le camp était en ébullition après ce qu'il s'est passé il y a trois jours, y a qu'à voir l'attroupement devant la maison. Et après ce qu'il vient de se produire, ça ne va faire qu'empirer. » Il fit une petite pause, laissant au dirigeant le temps d'appréhender ce que cela signifiait. « Tu sais ce qu'il s'est passé la dernière fois qu'un bandit a fait ce genre de choses. »
Jim encaissa le sous-entendu en clignant des yeux. Il hocha alors la tête avec lenteur.
« Je vois très bien. C'est son âge qui te gêne ? »
« Oui. On a déjà exécuté plusieurs bandits mais.... là, c'est différent. C'est qu'un gamin, on devrait pas faire une chose pareille, mais le camp aura une toute autre décision. Et s'ils veulent vraiment voir couler le sang.... » Le jeune homme prit une longue inspiration, avant de planter son regard dans celui de Jim. « Je préfère m'en occuper. »
« Tu es sûr ? »
« Je l'ai déjà fait. Si quelqu'un d'autre s'en charge, y a des chances que ce soit un acte de rage pure. Voire même qu'il.... rate.... son premier tir. Autant que ce soit fait aussi proprement que possible. Si ça doit être fait, bien sûr. »
« Comme tu voudras. Tu ferais mieux d'aller te reposer, vous avez eu une dure journée en rentrant. »
« D'accord. Passes le bonjour à Jacques et Carmen. »
*
Le Soleil n'était pas encore levé quand David ouvrit les yeux, cette nuit là. La perspective d'une nouvelle exécution avait fait remonter les souvenirs des trois auxquelles il avait déjà procédé. Le jugement avait été sans appel.
Après avoir pris congé de Jim, il avait rejoint ses amis, en train de discuter avec Daniel au sujet des récents événements et du fusil d'Emeric. Avant la fin de la journée, la nouvelle du suicide de la mère de Cédric, ainsi que la mort de ce dernier, avaient fait le tour du camp. Et ils avaient bien failli avoir droit à une émeute devant le bureau où le garçon était retenu. Après quoi, il n'y avait plus rien eu à faire pour lui.
Le jeune homme l'abattrait avant midi.
Il s'extirpa doucement des bras de Laura, avant de se glisser dans ses chaussures. La récente baisse de température et le peu d'isolation des habitations les forçait à dormir avec autant de vêtements que lorsqu'ils sortaient, si bien qu'il n'eut qu'à faire ses lacets pour quitter l'habitation sans être frigorifié. Il ne faisait pas encore jour, mais la lumière matinale commençait à percer lentement la brume.
Des nuages lourds de menace semblaient s’amonceler au loin. Heureusement qu'on est rentré hier, l'aurait plus manqué qu'on se prenne un orage aux cultures. Il fit quelques pas à l'extérieur, frissonnant malgré son manteau en raison du vent frais qui soufflait entre les petites habitations. Il bâilla longuement, avant de commencer à marcher. Les cultures étaient épuisantes, et la veille l'avait été également.
Et maintenant qu'ils étaient de retour, il semblait que les tours de gardes allaient devoir être doublés pendant quelques jours le temps que les barrières soient reconstruites. Ils avaient une chance d'être épargné par cette charge de travail supplémentaire, mais l'idée de vivre avec une brèche de ce style n'était pas spécialement rassurante, surtout alors que les infectés devenaient de plus en plus entreprenants.
Cela faisait un bout de temps qu'ils guettaient une opportunité de décimer le camp, et maintenant qu'ils l'avaient, il n'y avait aucune trace d'eux. Ce n'était pas normal.
« Tu crois qu'il aura les couilles de le faire ? »
David s'immobilisa, légèrement surpris d'entendre quelqu'un dehors à cette heure. Il s'apprêtait à manifester sa présence quand une autre personne répondit.
« Vaudrait mieux. Toute façon, s'il le fait pas, le gamin sera écorché vif avant qu'ils aient le temps de réagir, fit le premier. »
« Ouais. Et je m'arrangerais pour arracher le premier morceau de peau à ce petit salopard, cracha le second. »
Le jeune homme cligna stupidement des yeux, tentant d'assimiler ce qu'il entendait. Si ce que les deux hommes se disaient étaient vrai, il avait plutôt intérêt à demander une protection pour le garçon en allant devant le mur de l'entrée.
« Je le sens mal David en ce moment, fit le deuxième homme, dont il ne parvenait pas à reconnaître la voix. Il est bien capable d'essayer de le faire sortir, t'as vu la tronche qu'il a fait pendant le ''procès''. »
« Et le laisser avertir des éventuels bandits qu'on a une magnifique entrée de service ? Arrête un peu. Il a autant à perdre que nous à faire ça. »
« Plus. J'y veillerais. »
David déglutit, avant de faire demi-tour, essayant de ne pas faire trop crisser les graviers en repartant. C'était donc la pensée qui circulait à son sujet à travers le camp ? Qu'il était incapable d'accomplir cette exécution, simplement parce que c'était un adolescent qui la subirait ?
Il retourna en silence dans sa propre habitation. Cette petite discussion surprise au coin des maisons venait de lui couper toute envie de promenade nocturne. Lorsqu'il se réinstalla aux côté de Laura, celle-ci ne bougea pas plus que quand il s'était levé. Il se contenta de fixer pendant de longues minutes le plafond en bois qu'ils avaient fait de leurs mains.
Malgré le sommeil grandissant, il resta ainsi plus d'une heure, à ressasser d'innombrables souvenirs. Jusqu'à ce qu'il replonge dans des rêves tourmentés.
*
Comment peut-on en arriver là ?
Un attroupement s'était formé, une horde de rescapés avides de sang, qui montraient un comportement digne des exécutions par guillotine des siècles passés. Tous n'attendaient qu'une seule chose ; le jet de sang et de cervelle qui recouvrirait une portion du mur d'entrée.
Et David se tenait là, face à face avec l'adolescent, les yeux brillant d'une rage glaciale du gamin rivés sur les siens. Le jeune homme tentait de maîtriser les tremblements de sa main droite, qu'il gardait pour l'instant le long de son corps. Il n'y aurait pas un mot prononcé par l'un des dirigeants, pas une seule faveur accordée, pas une malheureuse intention de pitié.
Juste une simple pression de la gâchette. C'était tout ce qu'ils lui avaient accordé. Rien d'autre. Il n'avait même pas donné son nom. Et les rescapés restaient immobiles, de véritables statues, qui retenaient leur souffle dans l'attente de la sanction.
Du coin de l’œil, il voyait Laura, Christophe et Emeric, au premier rang, les traits tirés.
On devrait s'entraider, pas s'entretuer.
Mais il n'y avait rien à faire. Même s'il refusait d'abattre le garçon, il mourrait quoi qu'il arrive, et probablement de façon moins rapide qu'une balle en pleine tête. Et lui-même risquait d'avoir des ennuis.
Alors il leva le bras, positionnant la mire du Beretta sur le visage du gamin. Et cette fois, sa main cessa tout tremblement. Pas une seule fois le regard du garçon ne dévia du sien. Pas même quand le jeune homme leva le bras. Ni quand le canon se braqua sur lui.
Et même quand il pressa la détente, les yeux de l'adolescent continuèrent de le regarder pendant des jours.
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