Nouvelles, chansons et poêmes.
Par : PaulAllender
Genre : Réaliste
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 6
Chacun son tour
Publié le 08/12/10 à 22:28:26 par PaulAllender
-Oui, je le veux.
-En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme.
Voilà, c'était fait ! Alain et Sophie venaient de se marier, de se mêler pour l'éternité en une union solennelle ; jonction absolue jusqu'à ce que la mort les sépare, chose qui ne risquait de toutes manières pas d'arriver. Ils étaient jeunes, 20 ans pour lui et 21 pour elle, pensant s'aimer comme au premier jour jusque sur leurs lits de mort. Pas de parents pour les dissuader de se marier aussi jeunes ou pour les obliger à obtenir des diplômes qui n'auraient de toutes manières servi à rien, si ce n'est à combler l'appétit de connaissances que l'on retrouvait habituellement chez les parents qui n'avaient pas fait d'études et essayaient de les faire par procuration au travers de leurs enfants.
Alain n'avait jamais connu ses parents, pourtant natifs de Paris, il avait donc grandit chez un oncle maternel (qu'il considérait comme son père) décédé lorsqu'Alain eu 18 ans. Il aurait aimé qu'il assiste à son mariage, mais il était sûr qu'où il soit, il était fier de lui. Ceux de Sophie étaient mort lors d'une alerte à la bombe dans le RER quinze ans auparavant, alors qu'ils se rendaient à la gare de Paris Nord, ayant confié Sophie à son grand-père le temps d'une semaine de vacances, qui l'avait finalement gardé plus longtemps que prévu. Alain travaillait le peu qu'il pouvait, distribuant un jour des prospectus, lavant des carreaux, promenant les chiens ; des travaux effectués habituellement par des gosses en quête d'argent de poche. Elle travaillait comme serveuse, dans un restaurant du XII ème arrondissement de Paris, sur le Faubourg Saint-Antoine, non loin de la place de la Nation.
Leurs besognes respectives leur suffisaient pour se nourrir et payer les factures, puis fort heureusement, ils n'avaient pas de loyer à payer, Sophie étant propriétaire d'un appartement qu'elle avait hérité de ses parents dans le XIIIème arrondissement, où elle avait passé une partie de son enfance. Ils n'avaient rien laissé de plus, si ce n'était du chagrin à leur fille.
Ils avaient tous deux souffert de l'absence de leurs parents étant jeunes, essayant de la compenser aujourd'hui par l'amour qu'ils se portaient mutuellement. Mutuellement... Jusqu'au jour où Alain, n'ayant pas trouvé de travail pour la journée, décida de rendre visite à Sophie, voire de l'aider au restaurant. Partant de la Place d'Italie, il prit le métro 6 en direction de celle de la Nation. Arrivé, il se rendit au "Savoir Aimer", restaurant du Faubourg Saint-Antoine où travaillait Sophie. En rentrant, il la chercha du regard pendant plusieurs dizaines de secondes quand il fût interpelé par Ysaline, collègue de Sophie et amie d'enfance d'Alain.
-Alain ? Qu'est ce que tu viens faire ici ?
-Je suis venu voir Sophie, j'ai rien trouvé à faire de la journée...
-Oh...
Une pointe de déception dans la voix, Ysaline lui affirma que Sophie n'était pas venue travailler de la journée, mais qu'il pouvait toujours l'aider au service aujourd'hui et être payé à l'heure. Celui ci déclina l'offre de son amie, lui demandant de ne pas parler à Sophie de sa visite, lui fit la bise et sortit du restaurant. Il ne comprenait pas pourquoi Sophie n'était pas venue travailler. Sans doute avait elle envie de se distraire une journée ; rien de plus. Il retourna jusqu'à la place de la Nation, se postant juste devant "Le Triomphe de la République", ornant le centre de ladite place, en fixant le lion, père de la souveraineté animale, comme si ce dernier cachait la réponse dans ses yeux.
Il rentra chez lui, légèrement troublé, et patienta. Sophie arriva à 18H30 tapante, comme à son habitude.
-Ta journée s'est bien passée ?
-Oh, m'en parle pas, yavait un monde fou au restaurant aujourd'hui, ça n'a pas arrêté de la journée...
Alain savait que sa femme lui mentait, et il ne comprenait pas pourquoi. Il se rassurait cependant en réduisant ceci à une simple envie de se distraire de sa part. Ils dinèrent, discutèrent un peu, firent l'amour. Et tout rentra dans l'ordre. Le lendemain, ils se préparèrent tous deux puis partirent travailler chacun de leur côté. Alain avait trouvé des prospectus à distribuer pour le compte d'un parti politique. Il se fichait éperdument de qui dictait aux Français ses quatre volonté, pour lui, les politiciens étaient tous les mêmes. Il tourna ainsi une bonne heure dans le XIIIème arrondissement, à les distribuer dans le froid ; à la sortie du métro, aux gobelins, à la place d'Italie, devant la Bibliothèque François Miterrand, temple de la connaissance.
Les brises givrées semblaient lui crystaliser les os, gerçant ses lèvres en de larges et grossières écailles, comme un reptile au sang-froid, à la peau bleuie par la bise. Devant le centre commercial, le vieil homme qui y dansait tous les jours, par tous les temps, était présent, fidèle à son poste. Alain ne pouvait s'empêcher d'admirer cet homme qui avait au moins une passion dans sa vie.
Son travail terminé, il décida de repasser au restaurant, histoire de "vérifier". Effectuant le même trajet que la veille, Ysaline lui servit le même discours, essayant de le retenir un petit peu. Sans succès. Les jours passèrent, la boucle se répétait au quotidien. Inlassablement, Sophie désertait son travail, pour faire on ne savait trop quoi, et Ysaline tentait de retenir Alain un peu plus chaque jour, discutant avec lui de sa vie, de ses interrogations, du doute qui c'était immiscé dans son couple, le rongeant de l'intérieur comme un ver dans une belle pomme. Alain ne dormait quasiment plus, fumant cigarette sur cigarette se demandant ce que sa femme pouvait bien faire au lieu de travailler.
Le quatrième soir de ses désertions de travail, elle sortit, prétextant un dîner avec des amies. Alain, presque devenu paranoïaque, décida de la suivre, pour en avoir le coeur net. Elle s'engoufra dans le métro 7 à la Place d'Italie. Il la prit en filature, la suivant discrètement, vérifiant à chaque arrêt si elle n'était pas descendue. C'est finalement à Opéra qu'elle décida de quitter le métro, traversant la place du même nom et marchant jusqu'à l'autre bout de la Rue de la Paix, entrant dans le piano bar de l'hôtel Westminster. Alain la regarda sans rentrer, la suivant du regard, elle se dirigea à une table où se trouvait un homme en milieu de quarantaine, dans un costume qui valait plus cher que ce que le couple gagnait en un mois. L'homme prit la main de Sophie, la baisa en la fixant d'un regard plein de tendresse, et l'invita à s'asseoir tandis qu'un serveur lui tendait un menu.
C'en fut trop pour Alain, qui se mit à courir vers l'extrémité de la rue ; la Place Vendôme. Il s'assit sur le bord du trottoir, sortit son tabac Lucky Strike, des feuilles et un filtre, puis roula, comme pour enrober sa haine. La gorge nouée, il l'a glissa entre ses lèvres, l'alluma, et tira dessus, en consumant un bon quart. Ele emplit ses poumons en brulant sa gorge en une douleur salvatrice. La fumée s'élevait au firmament en des ressentiments grisâtres, à l'instar de son âme, matérialisant sa déception, tandis que les larmes noyaient le trottoir et inondaient à peu de chose près les bouches d'égouts, suffocant presque sous ses torrents lacrymaux. Il pleurait. Regardant vers le ciel, la statut de Napoléon surplombant la colonne qui s'élevait du sol semblait le narguer. Trônant au sommet des canons qui constituaient son piédestal de bronze, il paressait tous les pointer sur lui, prêt à l'anéantir plus qu'il ne l'était déjà en une fraction de seconde.
La mort dans l'âme, il marcha un peu jusque sur le quai des tuileries, et s'assit. Contemplant la Seine. Détruit, il termina sa cigarette, la jeta dans l'eau, se mit debout et couru en direction du XIème arrondissement, rentrant dans un bâtiment, montant à l'appartement N°27 et sonna. Ysaline, en robe de chambre lui ouvrit la porte, sans comprendre ce qu'il venait faire ici. Sans lui laisser le temps de réfléchir, il la pris dans ses bras, l'embrassa fougueusement en fermant la porte de l'appartement. Il l'allongea sur le canapé, la déshabilla, et ils firent l'amour une bonne heure durant, comme pour évacuer sa haine et son chagrin.
Ysaline s'étant endormit un quart d'heure après la fin de leur ébat, Alain en profita pour se rhabiller, sortir et retourner devant l'hôtel Westminster où dinaient sa femme et son amant. Elle était plus belle que jamais ce soir là, il ne l'avait pas vu aussi belle depuis... Depuis jamais en réalité, elle n'avait jamais semblé aussi belle. Il patienta un peu, caché, quand l'homme et Sophie sortirent du piano bar. Ils se firent la bise chaleureusement, se donnant les mains en souriant comme jamais. Avant de remonter dans sa voiture, il tendit une carte de visite à Sophie qui la glissa dans son sac à main. Il repartit chez lui, pendant que Sophie retournait au métro. Alain se dépécha un peu pour arriver à Opéra sans être vu de Sophie et sauta dans le premier métro pour la place d'Italie.
Une petite demi heure plus tard, Alain été chez lui, juste avant Sophie, qui arriva 5 minutes plus tard, alors qu'il avait eu le temps de se recoucher, feignant un sommeil vieux de plusieurs heures. Sa femme l'embrassa et se glissa à son tour dans le lit, s'endormant rapidement. Son mari ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il avait vu et eut beaucoup de mal à dormir. Au petit matin il s'était relevé, rhabillé, avait fouillé dans le sac à main de sa femme où il avait pris la carte de visite de l'homme qui lui avait volé sa femme. Il sortit de chez lui, armé d'un pied de biche dissimulé sous sa veste, et regarda l'adresse sur la carte de visite. "42 Avenue de Breteuil.".
Retournant pour la dernière fois à la place d'Italie, il prit le métro 6, en direction de Sevres Lecourbe, guidé par la folie. Arrivé, il se rendit à l'adresse indiquée et attendit près du bâtiment. 7H15, le vieil homme descendit de l'immeuble et sortit, marchant lentement dans son beau costume, se dirigeant vers sa voiture où un chauffeur l'attendait. Alain déboula de nulle part et frappa violemment le vieil homme sur le crâne, et deux fois dans le dos, avant de s'enfuir en courant, vers le quai Voltaire. Il savait qu'il n'avait rien d'autre à faire, il venait de gâcher sa vie, aveuglé par la rage et la haine. Au moins, il avait lavé son honneur, persuadé que son père serait fier de lui. Il s'assit, et roula ce qui serait sa dernière cigarette. Il la savoura longuement avant que la police n'arrive. Il se repassa tous les grands moments de sa vie, de sa jeunesse à son mariage, jusqu'à maintenant. Cinq minutes plus tard, ils étaient là. le braquant au 9mm. Il les regarda, se leva, se frappa le front avec son pied de biche, et tomba dans la Seine, en un plongeon vers l'au delà.
Mourir 2 jours avant ses 21 ans, quelle ironie. C'était fini.
Il se réveilla dans une chambre d'hôpital, Sophie à son chevet.
-Alain, tu es réveillé ! J'ai eu si peur...
Alain était dégoûté de voir le visage de sa femme, il aurait préféré mourir que de la revoir, ce qu'il avait tenté de faire. Il ne put s'empêcher de rire en la voyant dans cet état.
-... Tu vas mieux apparemment.
Oh oui, il allait beaucoup mieux, après avoir accompli sa vengeance, il ne lui restait qu'une dernière chose à faire poour qu'elle soit complète, il n'avait plus rien à perdre après tout, ça n'était qu'une question de temps avant que la police ne l'expédie en prison.
-Je sais tout pour ton amant.
-... Mon amant ? Quel amant ?
-Ne joue pas l'innocente, celui que tu allais voir au lieu d'aller au travail, celui avec qui tu as diné sur la rue de la paix..
-...Mais...
-Non, tais toi, je ne veux pas t'entendre ! J'espère que le dîner était bon, pour moi, c'était parfait, Ysaline était chaude comme la braise.
-Attends, tu t'fous d'moi là ?
-Non... Chacun son tour écoute.
-... Adieu.
Sophie, en larmes, rougeoyant de haine et de tristesse, quitta la pièce. Alain était seul, savourant sa victoire sur sa femme. Il n'aurait pu espérer meilleur réaction de sa part. Elle qui avait juré de l'aimer toute sa vie, l'avait trompé, partie dîner dans un restaurant luxueux au lieu de penser à son mari, trois jours avant son anniversaire. Elle l'avait mérité. Alors qu'il se reposait sur ses lauriers, la porte s'ouvrit. Un policier entra dans la pièce et parla immédiatement à Alain.
-Bonjour monsieur... Fronteau. Je vous apporte deux bonnes nouvelles. La victime est vivante, et même si elle va passer le reste de sa vie dans un fauteuil roulant, elle refuse de porter plainte contre vous. Quant à votre femme, elle n'a pas été mise au courant de cette agression, la victime ayant insisté, trouvant ça "nécessaire à la survie de votre couple."
Sans qu'Alain ait le temps de réfléchir ou de répondre, le prophète du bonheur s'était levé. Se dirigeant vers la porte, il se retourna et regarda Alain avec un regard triste;
-N'empêche... Je me demande ce qui peut bien pousser un homme à agresser son propre père à coups de pied de biche...
-En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare mari et femme.
Voilà, c'était fait ! Alain et Sophie venaient de se marier, de se mêler pour l'éternité en une union solennelle ; jonction absolue jusqu'à ce que la mort les sépare, chose qui ne risquait de toutes manières pas d'arriver. Ils étaient jeunes, 20 ans pour lui et 21 pour elle, pensant s'aimer comme au premier jour jusque sur leurs lits de mort. Pas de parents pour les dissuader de se marier aussi jeunes ou pour les obliger à obtenir des diplômes qui n'auraient de toutes manières servi à rien, si ce n'est à combler l'appétit de connaissances que l'on retrouvait habituellement chez les parents qui n'avaient pas fait d'études et essayaient de les faire par procuration au travers de leurs enfants.
Alain n'avait jamais connu ses parents, pourtant natifs de Paris, il avait donc grandit chez un oncle maternel (qu'il considérait comme son père) décédé lorsqu'Alain eu 18 ans. Il aurait aimé qu'il assiste à son mariage, mais il était sûr qu'où il soit, il était fier de lui. Ceux de Sophie étaient mort lors d'une alerte à la bombe dans le RER quinze ans auparavant, alors qu'ils se rendaient à la gare de Paris Nord, ayant confié Sophie à son grand-père le temps d'une semaine de vacances, qui l'avait finalement gardé plus longtemps que prévu. Alain travaillait le peu qu'il pouvait, distribuant un jour des prospectus, lavant des carreaux, promenant les chiens ; des travaux effectués habituellement par des gosses en quête d'argent de poche. Elle travaillait comme serveuse, dans un restaurant du XII ème arrondissement de Paris, sur le Faubourg Saint-Antoine, non loin de la place de la Nation.
Leurs besognes respectives leur suffisaient pour se nourrir et payer les factures, puis fort heureusement, ils n'avaient pas de loyer à payer, Sophie étant propriétaire d'un appartement qu'elle avait hérité de ses parents dans le XIIIème arrondissement, où elle avait passé une partie de son enfance. Ils n'avaient rien laissé de plus, si ce n'était du chagrin à leur fille.
Ils avaient tous deux souffert de l'absence de leurs parents étant jeunes, essayant de la compenser aujourd'hui par l'amour qu'ils se portaient mutuellement. Mutuellement... Jusqu'au jour où Alain, n'ayant pas trouvé de travail pour la journée, décida de rendre visite à Sophie, voire de l'aider au restaurant. Partant de la Place d'Italie, il prit le métro 6 en direction de celle de la Nation. Arrivé, il se rendit au "Savoir Aimer", restaurant du Faubourg Saint-Antoine où travaillait Sophie. En rentrant, il la chercha du regard pendant plusieurs dizaines de secondes quand il fût interpelé par Ysaline, collègue de Sophie et amie d'enfance d'Alain.
-Alain ? Qu'est ce que tu viens faire ici ?
-Je suis venu voir Sophie, j'ai rien trouvé à faire de la journée...
-Oh...
Une pointe de déception dans la voix, Ysaline lui affirma que Sophie n'était pas venue travailler de la journée, mais qu'il pouvait toujours l'aider au service aujourd'hui et être payé à l'heure. Celui ci déclina l'offre de son amie, lui demandant de ne pas parler à Sophie de sa visite, lui fit la bise et sortit du restaurant. Il ne comprenait pas pourquoi Sophie n'était pas venue travailler. Sans doute avait elle envie de se distraire une journée ; rien de plus. Il retourna jusqu'à la place de la Nation, se postant juste devant "Le Triomphe de la République", ornant le centre de ladite place, en fixant le lion, père de la souveraineté animale, comme si ce dernier cachait la réponse dans ses yeux.
Il rentra chez lui, légèrement troublé, et patienta. Sophie arriva à 18H30 tapante, comme à son habitude.
-Ta journée s'est bien passée ?
-Oh, m'en parle pas, yavait un monde fou au restaurant aujourd'hui, ça n'a pas arrêté de la journée...
Alain savait que sa femme lui mentait, et il ne comprenait pas pourquoi. Il se rassurait cependant en réduisant ceci à une simple envie de se distraire de sa part. Ils dinèrent, discutèrent un peu, firent l'amour. Et tout rentra dans l'ordre. Le lendemain, ils se préparèrent tous deux puis partirent travailler chacun de leur côté. Alain avait trouvé des prospectus à distribuer pour le compte d'un parti politique. Il se fichait éperdument de qui dictait aux Français ses quatre volonté, pour lui, les politiciens étaient tous les mêmes. Il tourna ainsi une bonne heure dans le XIIIème arrondissement, à les distribuer dans le froid ; à la sortie du métro, aux gobelins, à la place d'Italie, devant la Bibliothèque François Miterrand, temple de la connaissance.
Les brises givrées semblaient lui crystaliser les os, gerçant ses lèvres en de larges et grossières écailles, comme un reptile au sang-froid, à la peau bleuie par la bise. Devant le centre commercial, le vieil homme qui y dansait tous les jours, par tous les temps, était présent, fidèle à son poste. Alain ne pouvait s'empêcher d'admirer cet homme qui avait au moins une passion dans sa vie.
Son travail terminé, il décida de repasser au restaurant, histoire de "vérifier". Effectuant le même trajet que la veille, Ysaline lui servit le même discours, essayant de le retenir un petit peu. Sans succès. Les jours passèrent, la boucle se répétait au quotidien. Inlassablement, Sophie désertait son travail, pour faire on ne savait trop quoi, et Ysaline tentait de retenir Alain un peu plus chaque jour, discutant avec lui de sa vie, de ses interrogations, du doute qui c'était immiscé dans son couple, le rongeant de l'intérieur comme un ver dans une belle pomme. Alain ne dormait quasiment plus, fumant cigarette sur cigarette se demandant ce que sa femme pouvait bien faire au lieu de travailler.
Le quatrième soir de ses désertions de travail, elle sortit, prétextant un dîner avec des amies. Alain, presque devenu paranoïaque, décida de la suivre, pour en avoir le coeur net. Elle s'engoufra dans le métro 7 à la Place d'Italie. Il la prit en filature, la suivant discrètement, vérifiant à chaque arrêt si elle n'était pas descendue. C'est finalement à Opéra qu'elle décida de quitter le métro, traversant la place du même nom et marchant jusqu'à l'autre bout de la Rue de la Paix, entrant dans le piano bar de l'hôtel Westminster. Alain la regarda sans rentrer, la suivant du regard, elle se dirigea à une table où se trouvait un homme en milieu de quarantaine, dans un costume qui valait plus cher que ce que le couple gagnait en un mois. L'homme prit la main de Sophie, la baisa en la fixant d'un regard plein de tendresse, et l'invita à s'asseoir tandis qu'un serveur lui tendait un menu.
C'en fut trop pour Alain, qui se mit à courir vers l'extrémité de la rue ; la Place Vendôme. Il s'assit sur le bord du trottoir, sortit son tabac Lucky Strike, des feuilles et un filtre, puis roula, comme pour enrober sa haine. La gorge nouée, il l'a glissa entre ses lèvres, l'alluma, et tira dessus, en consumant un bon quart. Ele emplit ses poumons en brulant sa gorge en une douleur salvatrice. La fumée s'élevait au firmament en des ressentiments grisâtres, à l'instar de son âme, matérialisant sa déception, tandis que les larmes noyaient le trottoir et inondaient à peu de chose près les bouches d'égouts, suffocant presque sous ses torrents lacrymaux. Il pleurait. Regardant vers le ciel, la statut de Napoléon surplombant la colonne qui s'élevait du sol semblait le narguer. Trônant au sommet des canons qui constituaient son piédestal de bronze, il paressait tous les pointer sur lui, prêt à l'anéantir plus qu'il ne l'était déjà en une fraction de seconde.
La mort dans l'âme, il marcha un peu jusque sur le quai des tuileries, et s'assit. Contemplant la Seine. Détruit, il termina sa cigarette, la jeta dans l'eau, se mit debout et couru en direction du XIème arrondissement, rentrant dans un bâtiment, montant à l'appartement N°27 et sonna. Ysaline, en robe de chambre lui ouvrit la porte, sans comprendre ce qu'il venait faire ici. Sans lui laisser le temps de réfléchir, il la pris dans ses bras, l'embrassa fougueusement en fermant la porte de l'appartement. Il l'allongea sur le canapé, la déshabilla, et ils firent l'amour une bonne heure durant, comme pour évacuer sa haine et son chagrin.
Ysaline s'étant endormit un quart d'heure après la fin de leur ébat, Alain en profita pour se rhabiller, sortir et retourner devant l'hôtel Westminster où dinaient sa femme et son amant. Elle était plus belle que jamais ce soir là, il ne l'avait pas vu aussi belle depuis... Depuis jamais en réalité, elle n'avait jamais semblé aussi belle. Il patienta un peu, caché, quand l'homme et Sophie sortirent du piano bar. Ils se firent la bise chaleureusement, se donnant les mains en souriant comme jamais. Avant de remonter dans sa voiture, il tendit une carte de visite à Sophie qui la glissa dans son sac à main. Il repartit chez lui, pendant que Sophie retournait au métro. Alain se dépécha un peu pour arriver à Opéra sans être vu de Sophie et sauta dans le premier métro pour la place d'Italie.
Une petite demi heure plus tard, Alain été chez lui, juste avant Sophie, qui arriva 5 minutes plus tard, alors qu'il avait eu le temps de se recoucher, feignant un sommeil vieux de plusieurs heures. Sa femme l'embrassa et se glissa à son tour dans le lit, s'endormant rapidement. Son mari ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il avait vu et eut beaucoup de mal à dormir. Au petit matin il s'était relevé, rhabillé, avait fouillé dans le sac à main de sa femme où il avait pris la carte de visite de l'homme qui lui avait volé sa femme. Il sortit de chez lui, armé d'un pied de biche dissimulé sous sa veste, et regarda l'adresse sur la carte de visite. "42 Avenue de Breteuil.".
Retournant pour la dernière fois à la place d'Italie, il prit le métro 6, en direction de Sevres Lecourbe, guidé par la folie. Arrivé, il se rendit à l'adresse indiquée et attendit près du bâtiment. 7H15, le vieil homme descendit de l'immeuble et sortit, marchant lentement dans son beau costume, se dirigeant vers sa voiture où un chauffeur l'attendait. Alain déboula de nulle part et frappa violemment le vieil homme sur le crâne, et deux fois dans le dos, avant de s'enfuir en courant, vers le quai Voltaire. Il savait qu'il n'avait rien d'autre à faire, il venait de gâcher sa vie, aveuglé par la rage et la haine. Au moins, il avait lavé son honneur, persuadé que son père serait fier de lui. Il s'assit, et roula ce qui serait sa dernière cigarette. Il la savoura longuement avant que la police n'arrive. Il se repassa tous les grands moments de sa vie, de sa jeunesse à son mariage, jusqu'à maintenant. Cinq minutes plus tard, ils étaient là. le braquant au 9mm. Il les regarda, se leva, se frappa le front avec son pied de biche, et tomba dans la Seine, en un plongeon vers l'au delà.
Mourir 2 jours avant ses 21 ans, quelle ironie. C'était fini.
Il se réveilla dans une chambre d'hôpital, Sophie à son chevet.
-Alain, tu es réveillé ! J'ai eu si peur...
Alain était dégoûté de voir le visage de sa femme, il aurait préféré mourir que de la revoir, ce qu'il avait tenté de faire. Il ne put s'empêcher de rire en la voyant dans cet état.
-... Tu vas mieux apparemment.
Oh oui, il allait beaucoup mieux, après avoir accompli sa vengeance, il ne lui restait qu'une dernière chose à faire poour qu'elle soit complète, il n'avait plus rien à perdre après tout, ça n'était qu'une question de temps avant que la police ne l'expédie en prison.
-Je sais tout pour ton amant.
-... Mon amant ? Quel amant ?
-Ne joue pas l'innocente, celui que tu allais voir au lieu d'aller au travail, celui avec qui tu as diné sur la rue de la paix..
-...Mais...
-Non, tais toi, je ne veux pas t'entendre ! J'espère que le dîner était bon, pour moi, c'était parfait, Ysaline était chaude comme la braise.
-Attends, tu t'fous d'moi là ?
-Non... Chacun son tour écoute.
-... Adieu.
Sophie, en larmes, rougeoyant de haine et de tristesse, quitta la pièce. Alain était seul, savourant sa victoire sur sa femme. Il n'aurait pu espérer meilleur réaction de sa part. Elle qui avait juré de l'aimer toute sa vie, l'avait trompé, partie dîner dans un restaurant luxueux au lieu de penser à son mari, trois jours avant son anniversaire. Elle l'avait mérité. Alors qu'il se reposait sur ses lauriers, la porte s'ouvrit. Un policier entra dans la pièce et parla immédiatement à Alain.
-Bonjour monsieur... Fronteau. Je vous apporte deux bonnes nouvelles. La victime est vivante, et même si elle va passer le reste de sa vie dans un fauteuil roulant, elle refuse de porter plainte contre vous. Quant à votre femme, elle n'a pas été mise au courant de cette agression, la victime ayant insisté, trouvant ça "nécessaire à la survie de votre couple."
Sans qu'Alain ait le temps de réfléchir ou de répondre, le prophète du bonheur s'était levé. Se dirigeant vers la porte, il se retourna et regarda Alain avec un regard triste;
-N'empêche... Je me demande ce qui peut bien pousser un homme à agresser son propre père à coups de pied de biche...
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