5. Parallèlement.

Quelques kilomètres plus loin, toujours en Ile-de-France, demeure une jeune fille. Une jeune fille du même âge que Kurt, seize ans. Mais pas du tout la même histoire.

Elena est née à Moscou, en Russie. Ses parents l'ont abandonnée alors qu'elle était à peine âgée de un an, ne sachant si marcher ni parler. Sofiya et Sergueï Maksimov, ses parents, trop affaiblis économiquement n'ont pu faire autrement que de s'en séparer.

Elena, littéralement échouée en pleine autoroute russe, s'est malheureusement retrouvée entre de mauvaises mains. Un certain Vladimir Koniakov l'a recueillie, et s'est occupé d'elle ainsi que d'autres enfants de son âge pendant trois ans avec une éducation brutale, autoritaire et très stricte. La gamine parlait couramment le russe quand elle s'est envolée vers la France et plus précisément dans la banlieue de Paris, à l'âge de douze ans. On l'a logée et nourrie dans un petit bâtiment isolé en pleine cambrousse avec ses amies.

Au départ, elles n'ont pas compris ce qu'elles faisaient là, et mieux valait ne pas demander à la bande à Vladimir qui pouvait mettre leur vie en danger à tout moment.

Les petites russes se sont acclimatées à la température français pendant un mois. Elles dormaient toutes ensembles dans un dortoir sombre et morose et leur nourriture rimait à pain, eau et soupe de choux, pas plus. Puis vint le jour terrible, où en plein janvier, on leur a dit d'aller se les cailler dehors. Le désarroi les prenait à froid, elles ne s'attendaient pas à ce qu'on leur demande de faire les trottoirs.. Mais il en fut ainsi et elles ne pouvaient lutter.
Avant de se frotter à des vieux salopards de soixante-cinq ans, Vladimir les avait initié au sexe à seulement treize ans. Initialement, leur insouciance faisait qu'elles ne prenaient pas cela au sérieux, mais quand vinrent le tour de ces vieux sadiques en manque, elles comprirent la rude loi de la prostitution.

Le temps passait et les tortures s'amplifiaient. Vladimir s'avérait de plus en plus coriace et s'offrait lui aussi des petits plaisirs de temps en temps. Quand l'été fut présent, on leur obligea la mini-jupe et leur demanda à ce que leurs pratiques sexuelles soient plus élaborées.
Certaines filles allaient même jusqu'à prendre du plaisir et trouvaient du bien à ce qu'elles exerçaient. Elena n'était pas de ces filles-là. Bien au contraire, elle avait même essayé d'instaurer une résistance, mais les giffles encaissées par Vladimir l'ont rapidement raisonné.

Cela fait maintenant trois ans que l'on impose cela à Elena. Un calvaire inadmissible et impensable. Elena est une fille intelligente, elle a vite compris que son patron Vlad' s'enrichit sur leur travail. Elle trouve ça tout simplement invraisemblable.
Une haine et une rage incroyable s'est alors développée en elle. Le supplice ne doit plus continuer.
Lors de son temps libre, le soir, Elena programme son évasion, son plan, son projet.
Elle catalogue tout et établit une ébauche lui permettant de sortir des griffes de Koniakov.
Mais cela est tellement compliqué ! Et une fois dehors, que ferait-elle ? Elena parle très mal le français, ne connaît absolument personne. Son avenir est totalement incertain et est aussi flou que fou.
Mais elle préfère mourir dehors et subir la pollution parisienne plutôt que de vendre son corps à des enfoirés en manque. C'est son honneur qui est en jeu, elle ne veut pas gaspiller encore un jour de sa vie à se faire atomiser par des papis dévergondés, vicieux et pervers comme pas possible.
Elle devient carrément obstinée de sa vengeance, elle en est folle. Voir Vladimir baigner dans le sang, quel pied.
Elena est déterminée. Un point commun avec Kurt et Jakobsson qui alimentera cette histoire pleine de rebondissements.

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Midi. Mikael en est à son dixième café de la journée. Pas grand chose à se mettre sous la dent ces derniers temps. Juste une vieille enquête foireuse sur un viol où toute la police sait qui est le coupable mais n'arrive pas à trouver des preuves. De plus en plus comme ça, ce métier.
La lassitude commence petit à petit à le ronger. Rien de mieux qu'une enquête à proportion nationale voir mondiale pourrait lui redonner du jus, le punch qu'il avait lorsqu'il commençait dans la police. Aujourd'hui, il est encore plus performant, mais moins enthousiaste à l'idée de démasquer les malfaiteurs de Paris.
Mikael n'a jamais connu une reconnaissance énorme au sein des médias mais dans le métier, nul doute qu'il est considéré comme l'un des plus expérimentés, malgré son jeune âge.

La vie personnelle de Mikael est sans secret. Il est séparé avec sa femme depuis maintenant deux ans. Malgré sa réputation d'intellectuel, Jakobsson est loin d'être un homme sein. Ses poumons sont noirs comme la nuit dû à l'abus de cigarette et son foie est terrassé par l'alcool. Il sort souvent le soir. Mikael est quelqu'un qui n'a besoin que de deux ou trois heures de sommeil par jour. Il a une caisse dingue et une endurance fabuleuse et il résiste à merveille contre la fatigue. Bref, Jakobsson est un enquêteur charismatique, qui profite de sa vie comme jamais mais reste sérieux dans son boulot.
Quoi qu'il en soit, il risque d'avoir du taf' dans les prochaines semaines et son oeil ne se fermera pas souvent face aux menaces qui écraseront la police parisienne.