Amy m’attendait à quelques pas et je courus la rejoindre. Ce sprint me fit prendre conscience de ma liberté, j’aurais pu courir jusqu’à m’en épuiser, rien ni personne n’aurait pu m’arrêter. Le monde nous appartenait, nous n’avions à le partager qu’avec la nature. Je la pris dans mes bras et on partit vers le Nord, marchant en suivant notre instinct. Au bout de quelques heures nous arrivions dans une petite vallée creusée par une rivière où couraient de nombreux animaux sauvages tels des cerfs ou des chevreuils. Je regardai Amy dans les yeux et sans un mot on se comprit : c’est ici qu’on s’installera.

Le soleil commençait à disparaitre derrière une montagne et je m’apprêtai alors à faire du feu pour la nuit. Je ramassai quelques branchages et Amy me dit :

« Je ne pense pas que j’arriverai à dormir cette nuit
-Ah oui ? Pourquoi cela ?
-Tous ces changements, le retour à la vie dans la nature, c’est beaucoup d’excitation.
-Mais tu es heureuse, quand même ?
-Oui, oui ne t’inquiètes pas. C’est aussi la joie qui me procure cette énergie. »

Amy semblait changée depuis la fin de la révolution. Elle semblait apaisée mais aussi ailleurs et pensive. Elle avait toujours mis du temps à réaliser une situation, je me souvins lors de l’accident d’une de ses meilleures amies, elle avait mis facilement quinze jours à se rendre compte de l’évènement. Je comprenais que l’ampleur de la révolution et la vitesse des évènements avait pu la chambouler bien plus qu’un accident de voiture. Le sort de l’humanité entière avait changé.

La nuit était maintenant tombée et le froid commençait à se faire sentir, environ 5 degrés tout au plus. Je pris quelques couvertures de tissus que l’on avait gardé parmi nos affaires « civilisées » et en mis une autour d’Amy qui avait fini par s’endormir.
Je regardais le feu qui commençait à s’épuiser et je me disais que lorsqu’il s’éteindrait je me sentirai seul au monde. La dernière branche noircit et une fumée grise s’en échappa, symbolisant la mort de la dernière flamme. Tout était noir, plus un signe de vie à des kilomètres à la ronde, j’étais seul, ma petite amie endormie à côté de moi. Le vent glacial des montagnes descendit me faire reprendre mes esprits et je décidai de m’allonger et de m’endormir moi aussi.

Je me réveillai en sursaut, plein de sueur, Amy me prit dans ses bras, il faisait jour, le soleil était déjà haut dans le ciel. Je lui bégayai :

« Je…j’ai dû faire un cauchemar !
-Oui, on dirait bien.
-C’était une ville, une ville qui avait resisté à tout ça, et les gens de cette ville se préparait à nous affronter avec des armes. Ils voulaient un retour à la civilisation.
-Chéri, il faut que tu passes à autre chose, tout ça c’est terminé. Qui donc pourrait vouloir revenir à l’ancien temps ? Il n’y a plus de riches ni de pauvres, les gens vivent comme bon leur semble.
-Je sais. Ou du moins c’est ce que je crois savoir, mais l’Homme a souvent un besoin de pouvoir à satisfaire et ce jour-là nos efforts seront anéantis.
-Ne te tracasses pas, ce n’était qu’un cauchemar après tout. Profites de la vie que tu as toujours souhaitée.
-Oui…tu as raison. »

Durant la journée, des images du cauchemar m’étaient revenues, des ambulances, des voitures de police, des gyrophares qui m’arrachaient les yeux par leur lumière vive. Des corps au sol, des morts, du sang, un chaos immense. Tout ce que j’avais voulu éviter dans la révolution se retrouvait dans mon cauchemar.