Mighty Kate
Par : Magnificent
Genre : Réaliste
Status : Terminée
Note :
Chapitre 2
Publié le 13/06/12 à 23:37:35 par Magnificent
356th Fighter Group, 8th Air Force
RAF Martlesham Heath, Angleterre
18 Décembre 1944
14h07
La boule au ventre. Le stress ? Non, je connaissais mon destin, je sentais la mort venir. Ça ne servait à rien de stresser. Le déchirement ? Oui, c'était sans doute ça. Assis sur l'aile de mon avion, je jouais un air sombre et mélancolique d'harmonica. Noyé comme dans un verre d'eau dans cet air mélodieux et triste. Je n'arrivais même pas à pleurer, mais peut-être que j'y arriverais une fois que je serai au bout du couloir de la mort. Promptement, une silhouette de jeune homme en blouson de cuir, coiffé à la manière de Benny Goodman* se tenait devant moi, les mains dans les poches, souriant de ses dents blanches :
« Beau temps pour descendre des boches n'est-ce pas Charlie ? dit le jeune Gary, d'un ton rappelant l'insouciante jeunesse.
– Ouais, un magnifique temps pour briser des rêves...
– On nous demande en salle de briefing, alors lâche ton harmonica et vivement qu'on aille danser dans les airs ! » me signifia-t-il enthousiaste.
Gary Matthews était un jeune sous-lieutenant qui me devait la vie lors de sa première sortie au-dessus de la France. C'était l'un de ces foutus blanc-bec qui rêvai de buter du nazi en grosse quantité, mais qui devenait une cible facile car il perdait trop vite son sang-froid. Je descendis de l'aile et rejoignis d'un pas funèbre la salle de briefing. Lorsque j'entrais dans cette dernière, qui était plongée dans le noir, le Major Peyton était indigné de mon retard. Il me remit à l'ordre bien comme il fallut et finalement je pris une chaise et écoutais les ordres de mission :
« Je disais donc, on part en escorte au-dessus de Reims en France. Le 324e escadron de bombardier, va taper cette usine de moteur d’avion, montra-t-il avec un bâton sur l'image affiché par le rétroprojecteur. Le nom de code des bombardiers est Bull. Attention, je veux une escorte parfaite, il y a des civils en dessous, et je ne veux pas que nos bombardiers soient gênés par l'aviation boche ! réitéra-t-il en dessinant un cercle montrant la ville. Lumière je vous prie, lorsque l'homme qui gérait le projo l'éteignit et ralluma la lumière de la salle. Le premier groupe d'escorte sera commandé par le Capitaine Woods, assigné dans le groupe rouge. Vos noms sont affichés sur le tableau. Vous décollez dans dix minutes. Le reste, vous êtes dans le groupe bleu, commandé par moi-même. Des questions ? »
Un silence s'installait dans la pièce, puis le Major repris :
« Messieurs, à vos avions ! »
Les pilotes se levèrent et allaient consulter le groupe auquel ils étaient affectés, dans le brouhaha des chaises qui crissaient et des chaussures qui claquaient sur le sol. Je sortis, me dirigeai vers mon avion, et grimpa sur l'aile avant d'atteindre l'habitacle de l'appareil. Flaherty, mon mécanicien anglais vint me voir avant que j'eusse à démarrer le moteur :
« Charlie, y a un pépin sur l'une des mitrailleuses de droite. Je te conseille de ne pas rester appuyer trop longtemps sur la gâchette, elle monte trop vite en température. m'annonça-t-il.
– Et qu'est-ce que vous avez foutu cette nuit ? Pourquoi ne pas l'avoir remplacée ? m'indignais-je
– On est en pénurie de batteuse*, et démonter celle d'un autre avion au tien aurait pris beaucoup trop de temps, mais te fais pas de bile va !
– Hum...Prend cette lettre, et donne la aux gars qui s'occupe du courrier, j'ai oublié de la donner moi-même, et prend aussi ma chaine, dis-je en l'arrachant de mon cou, dis leur de l'envoyer à la même adresse qu'est marquée sur l'enveloppe. Ne pose pas de question, ciao ! ponctuais-je en refermant la verrière du cockpit.
- Charlie ça... » dit-il avant de se faire couper par le fracassant bruit du moteur Packard*.
De la fumée noire sortit des pots d’échappements de l’avion, suivi du tonitruant bruit du moteur. L’avion à ma droite, fut celui de mon meilleur ami le capitaine Frank Moore. Il me fit signe que les huit autres pilotes étaient prêt à décoller. Ce fut alors que je poussai fébrilement la manette des gaz qui fit rouler l’appareil, rythmé par quelques sauts de la roulette de queue à cause des trous creusé par les taupes. La mécanique ronronnait comme un chat que l’on caresse légèrement. Une fois aligné dans l’axe de la piste, une fusée verte me donna l’autorisation de décoller. Je poussai les gaz au maximum, le bruit ressemblait à celui d’un cheval énervé et l’avion prit de la vitesse. Je fis monter la roulette de queue et décolla d’une manière douce et élégante. Je maintenais une vitesse d’environ 220 kilomètres par heures, et tourna autour du terrain d’aviation afin que mes coéquipiers purent me rejoindre pour mettre le cap sur Reims. Mes huit pilotes se placèrent à mes côtés, formant un V comme les cigognes lorsqu’elles migrent vers le sud. La sensation de mélancolie se transforma en trouille. Je me demandais comment j’allais mourir. Transformé en torche humaine, taillé en petit morceau, explosé avec la sensation de sentir les tripes s’arracher lentement avec douleur, ou tout simplement, se prendre une volée de balles et devenir un gruyère mort ? Tellement de possibilité d’horreur que j’ai déjà du commettre sans l’ombre d’un remord… Après une heure de vol, à 15000 pieds au-dessus de la couche nuageuse, nous vîmes les cent-cinquante trainées de condensation formées par les bombardiers.
« Salut les gars ! Content que vous vous joignez à nous pour cette mission. A vous. dit le chef de la formation de bombardier.
– Un plaisir partagé, répondis-je, j’espère que vous ne taperez pas à côté ! ajoutai-je d’un ton sarcastique.
– On vous emmerde aussi les chasseurs ! » rétorqua le bombardier, ce qui fit rire tout mon groupe.
La joie fut de courte durée, puisque Moore hurla à la radio :
« Attention ! Avions ennemis à deux heures en plein dans le soleil !
– Oh merde ! Allez les gars, à l’attaque ! » ordonnais-je énergiquement.
Malgré notre position de désavantage, nous nous dirigeâmes droit sur eux, tandis que les Allemands foncèrent droit sur les bombardiers. Rapidement, le ciel devint un déluge de fumées noires, et blanches. Nous nous jetâmes dans le grand cirque de la mort. Je pris en chasse l’un des avions allemands qui voltigeait autour des bombardiers et des tirs de barrages des mitrailleurs américains. J’arrivai enfin à me stabiliser derrière lui et lâcha une rafale de mitrailleuse, qui frappa de plein fouet son aile qui s’arracha dans un bruit fracassant. L’allemand, touché à mort, partit en spirale en direction du sol. Première victoire de la journée, ça commençait bien, mais je fus vite tiré de mes pensée lorsque je vis des obus traçants, me raser par-dessus. Ni une ni deux, je tournai violemment sur la gauche et esquiva la deuxième rafale qui passa en dessous. Je regardais mon compteur de vitesse, indiquant 530 kilomètres heures. Je commençais à y voir tout noir, car le sang affluait en direction de mes jambes et priva ma tête de ce sang qui m’était utile pour voir.* Finalement j’entendis Frank à la radio :
« Yahoo ! Ne me remercie surtout pas Charlie, ça m’a fait un bien fou de te sauver les miches ! fit-il allusion à l’avion qu’il vient d’abattre.
– Content que ça te plaise Frank ! concluai-je heureux.
– Red One, ici Bull One, l’usine a été bombardée avec succès, vingt de nos gars ont été descendu. On rentre à la base. A vous. dit le pilote du bombardier d’une voix monocorde.
– Il était temps, on est à court de carburant. Blue est en chemin est devrait arriver dans dix minutes. Out ! »
Finalement, je croyais que j’allais survivre. Mais au bout de dix minutes, le groupe bleu n’était pas en vue, et on n’arrivait pas à les contacter. Soudain, on aurait dit un essaim d’abeilles qui nous piquaient dessus. Une centaine d’avions allemands tirèrent sur le groupe de bombardiers et nous, le groupe d’escorte.
« Bordel ! Ils viennent d’où ceux-là ? cria Gary Matthews, le petit jeune me devant la vie.
– A l’attaque ! Vite ! »
Et c’était reparti pour un nouveau florilège de flammes. La jauge d’essence était limite, j’avais à peine de quoi rentrer à la maison. Mais les ordres sont les ordres, et je pris en chasse deux avions allemands qui tentaient d’abattre l’un des bombardiers, et j’arrivai après plusieurs tirs, à le toucher au niveau du moteur. Ce qui fit exploser l’avion dans un déluge d’huile, et je crus distinguer un bras voler dans les airs, mêlant la couleur sombre de l’huile, à la couleur diabolique du sang.
« Red One, ici Blue One, désolé pour le retard, vous pouvez rentrer, on s’occupe de ramener ces gros lards à la maison. A vous ! s’excusa la voix dure du Major Peyton.
– Juste à temps, merci. Allez les mecs, on met le cap sur la base. » Ordonnais-je à mon groupe.
Très vite, je vis les avions de mon vol se placer à mes côtés. J’en comptais sept, il en manquait un, lorsque l’intéressé prit la parole à la radio :
« Ici Red Two, Mayday, Mayday, j’ai deux sales boches au trousses ! dit Frank horrifié.
– Red Two, ici One, j’arrive ne t’inquiète pas ! A tous les autres, mettez le cap sur la base ! Ne vous en faites pas pour nous ! On reviendra. dis-je à mes équipiers.
– Capitaine, c’est plus de notre ressort, on n’a plus un poil de carburant ! Laissez faire le Major, il va l’ai… coupais-je le jeune Matthews en éteignant la radio.
– La ferme petit ! »
Je pris le cap de la formation de bombardiers, et je vis le spectacle effrayant dans lequel mon ami s’était embarqué. Encore un peu loin, je vis qu’il était parvenu à se débarrasser de l’un d’eux, et je reconnaissais son professionnalisme. Mais je savais qu’il n’allait pas pouvoir tenir trop longtemps. J’alignai enfin son assaillant, pressai la gâchette de tir… Mais plus de munitions ! Il fallait que je fasse peur à l’allemand suffisamment longtemps pour qu’il ait l’option de s’échapper. Malheureusement, je fus prit dans le feu d’un autre allemand qui s’était placé derrière moi. Tout en gardant le visuel sur le poursuivant de Frank, je me cachai dans les nuages, et l’autre boche me perdit de vue. L’allemand avait réussi à se placer derrière Frank. Il avait aligné sa trajectoire sur la sienne, et ses canons ont commencés à crépiter. Je n’avais plus le choix. Il fallait que je m’élève. Très vite. Très haut… et puis j’entrai en collision avec l’allemand qui partit valdinguer en direction du sol. Mon avion, bien qu’en mille morceau planait encore. J’étais encore en vie, tel un miracle. Il fallait que je saute en parachute et peut-être que j’allais vivre ! J’agrippais violemment la poignée de la verrière qui me permettrait de me dégager de « Mighty Kate »… Mais la verrière était gelée à cause de l’altitude, et après trois essais pour enfin l’arracher, je n’y suis pas parvenu. Je regardai ma montre, elle indiquait 16h43. L’année dernière, à la même date à la même heure, ce fut l’armée qui m’avait arraché des bras de Kate, mais cette fois l’armée m’arracha des bras de la vie. Je ne savais pas ce qui dans la perspective de ma mort m’était le plus douloureux. Ne pas avoir embrassé Kate une dernière fois… Ou alors que mon sacrifice pour une personne que je ne reverrais plus n’ait servi à rien. En relativisant l’instant, je me disais que si la guerre était gagnée, j’aurais au moins sauvé l’amour de ma vie...
RAF Martlesham Heath, Angleterre
18 Décembre 1944
14h07
La boule au ventre. Le stress ? Non, je connaissais mon destin, je sentais la mort venir. Ça ne servait à rien de stresser. Le déchirement ? Oui, c'était sans doute ça. Assis sur l'aile de mon avion, je jouais un air sombre et mélancolique d'harmonica. Noyé comme dans un verre d'eau dans cet air mélodieux et triste. Je n'arrivais même pas à pleurer, mais peut-être que j'y arriverais une fois que je serai au bout du couloir de la mort. Promptement, une silhouette de jeune homme en blouson de cuir, coiffé à la manière de Benny Goodman* se tenait devant moi, les mains dans les poches, souriant de ses dents blanches :
« Beau temps pour descendre des boches n'est-ce pas Charlie ? dit le jeune Gary, d'un ton rappelant l'insouciante jeunesse.
– Ouais, un magnifique temps pour briser des rêves...
– On nous demande en salle de briefing, alors lâche ton harmonica et vivement qu'on aille danser dans les airs ! » me signifia-t-il enthousiaste.
Gary Matthews était un jeune sous-lieutenant qui me devait la vie lors de sa première sortie au-dessus de la France. C'était l'un de ces foutus blanc-bec qui rêvai de buter du nazi en grosse quantité, mais qui devenait une cible facile car il perdait trop vite son sang-froid. Je descendis de l'aile et rejoignis d'un pas funèbre la salle de briefing. Lorsque j'entrais dans cette dernière, qui était plongée dans le noir, le Major Peyton était indigné de mon retard. Il me remit à l'ordre bien comme il fallut et finalement je pris une chaise et écoutais les ordres de mission :
« Je disais donc, on part en escorte au-dessus de Reims en France. Le 324e escadron de bombardier, va taper cette usine de moteur d’avion, montra-t-il avec un bâton sur l'image affiché par le rétroprojecteur. Le nom de code des bombardiers est Bull. Attention, je veux une escorte parfaite, il y a des civils en dessous, et je ne veux pas que nos bombardiers soient gênés par l'aviation boche ! réitéra-t-il en dessinant un cercle montrant la ville. Lumière je vous prie, lorsque l'homme qui gérait le projo l'éteignit et ralluma la lumière de la salle. Le premier groupe d'escorte sera commandé par le Capitaine Woods, assigné dans le groupe rouge. Vos noms sont affichés sur le tableau. Vous décollez dans dix minutes. Le reste, vous êtes dans le groupe bleu, commandé par moi-même. Des questions ? »
Un silence s'installait dans la pièce, puis le Major repris :
« Messieurs, à vos avions ! »
Les pilotes se levèrent et allaient consulter le groupe auquel ils étaient affectés, dans le brouhaha des chaises qui crissaient et des chaussures qui claquaient sur le sol. Je sortis, me dirigeai vers mon avion, et grimpa sur l'aile avant d'atteindre l'habitacle de l'appareil. Flaherty, mon mécanicien anglais vint me voir avant que j'eusse à démarrer le moteur :
« Charlie, y a un pépin sur l'une des mitrailleuses de droite. Je te conseille de ne pas rester appuyer trop longtemps sur la gâchette, elle monte trop vite en température. m'annonça-t-il.
– Et qu'est-ce que vous avez foutu cette nuit ? Pourquoi ne pas l'avoir remplacée ? m'indignais-je
– On est en pénurie de batteuse*, et démonter celle d'un autre avion au tien aurait pris beaucoup trop de temps, mais te fais pas de bile va !
– Hum...Prend cette lettre, et donne la aux gars qui s'occupe du courrier, j'ai oublié de la donner moi-même, et prend aussi ma chaine, dis-je en l'arrachant de mon cou, dis leur de l'envoyer à la même adresse qu'est marquée sur l'enveloppe. Ne pose pas de question, ciao ! ponctuais-je en refermant la verrière du cockpit.
- Charlie ça... » dit-il avant de se faire couper par le fracassant bruit du moteur Packard*.
De la fumée noire sortit des pots d’échappements de l’avion, suivi du tonitruant bruit du moteur. L’avion à ma droite, fut celui de mon meilleur ami le capitaine Frank Moore. Il me fit signe que les huit autres pilotes étaient prêt à décoller. Ce fut alors que je poussai fébrilement la manette des gaz qui fit rouler l’appareil, rythmé par quelques sauts de la roulette de queue à cause des trous creusé par les taupes. La mécanique ronronnait comme un chat que l’on caresse légèrement. Une fois aligné dans l’axe de la piste, une fusée verte me donna l’autorisation de décoller. Je poussai les gaz au maximum, le bruit ressemblait à celui d’un cheval énervé et l’avion prit de la vitesse. Je fis monter la roulette de queue et décolla d’une manière douce et élégante. Je maintenais une vitesse d’environ 220 kilomètres par heures, et tourna autour du terrain d’aviation afin que mes coéquipiers purent me rejoindre pour mettre le cap sur Reims. Mes huit pilotes se placèrent à mes côtés, formant un V comme les cigognes lorsqu’elles migrent vers le sud. La sensation de mélancolie se transforma en trouille. Je me demandais comment j’allais mourir. Transformé en torche humaine, taillé en petit morceau, explosé avec la sensation de sentir les tripes s’arracher lentement avec douleur, ou tout simplement, se prendre une volée de balles et devenir un gruyère mort ? Tellement de possibilité d’horreur que j’ai déjà du commettre sans l’ombre d’un remord… Après une heure de vol, à 15000 pieds au-dessus de la couche nuageuse, nous vîmes les cent-cinquante trainées de condensation formées par les bombardiers.
« Salut les gars ! Content que vous vous joignez à nous pour cette mission. A vous. dit le chef de la formation de bombardier.
– Un plaisir partagé, répondis-je, j’espère que vous ne taperez pas à côté ! ajoutai-je d’un ton sarcastique.
– On vous emmerde aussi les chasseurs ! » rétorqua le bombardier, ce qui fit rire tout mon groupe.
La joie fut de courte durée, puisque Moore hurla à la radio :
« Attention ! Avions ennemis à deux heures en plein dans le soleil !
– Oh merde ! Allez les gars, à l’attaque ! » ordonnais-je énergiquement.
Malgré notre position de désavantage, nous nous dirigeâmes droit sur eux, tandis que les Allemands foncèrent droit sur les bombardiers. Rapidement, le ciel devint un déluge de fumées noires, et blanches. Nous nous jetâmes dans le grand cirque de la mort. Je pris en chasse l’un des avions allemands qui voltigeait autour des bombardiers et des tirs de barrages des mitrailleurs américains. J’arrivai enfin à me stabiliser derrière lui et lâcha une rafale de mitrailleuse, qui frappa de plein fouet son aile qui s’arracha dans un bruit fracassant. L’allemand, touché à mort, partit en spirale en direction du sol. Première victoire de la journée, ça commençait bien, mais je fus vite tiré de mes pensée lorsque je vis des obus traçants, me raser par-dessus. Ni une ni deux, je tournai violemment sur la gauche et esquiva la deuxième rafale qui passa en dessous. Je regardais mon compteur de vitesse, indiquant 530 kilomètres heures. Je commençais à y voir tout noir, car le sang affluait en direction de mes jambes et priva ma tête de ce sang qui m’était utile pour voir.* Finalement j’entendis Frank à la radio :
« Yahoo ! Ne me remercie surtout pas Charlie, ça m’a fait un bien fou de te sauver les miches ! fit-il allusion à l’avion qu’il vient d’abattre.
– Content que ça te plaise Frank ! concluai-je heureux.
– Red One, ici Bull One, l’usine a été bombardée avec succès, vingt de nos gars ont été descendu. On rentre à la base. A vous. dit le pilote du bombardier d’une voix monocorde.
– Il était temps, on est à court de carburant. Blue est en chemin est devrait arriver dans dix minutes. Out ! »
Finalement, je croyais que j’allais survivre. Mais au bout de dix minutes, le groupe bleu n’était pas en vue, et on n’arrivait pas à les contacter. Soudain, on aurait dit un essaim d’abeilles qui nous piquaient dessus. Une centaine d’avions allemands tirèrent sur le groupe de bombardiers et nous, le groupe d’escorte.
« Bordel ! Ils viennent d’où ceux-là ? cria Gary Matthews, le petit jeune me devant la vie.
– A l’attaque ! Vite ! »
Et c’était reparti pour un nouveau florilège de flammes. La jauge d’essence était limite, j’avais à peine de quoi rentrer à la maison. Mais les ordres sont les ordres, et je pris en chasse deux avions allemands qui tentaient d’abattre l’un des bombardiers, et j’arrivai après plusieurs tirs, à le toucher au niveau du moteur. Ce qui fit exploser l’avion dans un déluge d’huile, et je crus distinguer un bras voler dans les airs, mêlant la couleur sombre de l’huile, à la couleur diabolique du sang.
« Red One, ici Blue One, désolé pour le retard, vous pouvez rentrer, on s’occupe de ramener ces gros lards à la maison. A vous ! s’excusa la voix dure du Major Peyton.
– Juste à temps, merci. Allez les mecs, on met le cap sur la base. » Ordonnais-je à mon groupe.
Très vite, je vis les avions de mon vol se placer à mes côtés. J’en comptais sept, il en manquait un, lorsque l’intéressé prit la parole à la radio :
« Ici Red Two, Mayday, Mayday, j’ai deux sales boches au trousses ! dit Frank horrifié.
– Red Two, ici One, j’arrive ne t’inquiète pas ! A tous les autres, mettez le cap sur la base ! Ne vous en faites pas pour nous ! On reviendra. dis-je à mes équipiers.
– Capitaine, c’est plus de notre ressort, on n’a plus un poil de carburant ! Laissez faire le Major, il va l’ai… coupais-je le jeune Matthews en éteignant la radio.
– La ferme petit ! »
Je pris le cap de la formation de bombardiers, et je vis le spectacle effrayant dans lequel mon ami s’était embarqué. Encore un peu loin, je vis qu’il était parvenu à se débarrasser de l’un d’eux, et je reconnaissais son professionnalisme. Mais je savais qu’il n’allait pas pouvoir tenir trop longtemps. J’alignai enfin son assaillant, pressai la gâchette de tir… Mais plus de munitions ! Il fallait que je fasse peur à l’allemand suffisamment longtemps pour qu’il ait l’option de s’échapper. Malheureusement, je fus prit dans le feu d’un autre allemand qui s’était placé derrière moi. Tout en gardant le visuel sur le poursuivant de Frank, je me cachai dans les nuages, et l’autre boche me perdit de vue. L’allemand avait réussi à se placer derrière Frank. Il avait aligné sa trajectoire sur la sienne, et ses canons ont commencés à crépiter. Je n’avais plus le choix. Il fallait que je m’élève. Très vite. Très haut… et puis j’entrai en collision avec l’allemand qui partit valdinguer en direction du sol. Mon avion, bien qu’en mille morceau planait encore. J’étais encore en vie, tel un miracle. Il fallait que je saute en parachute et peut-être que j’allais vivre ! J’agrippais violemment la poignée de la verrière qui me permettrait de me dégager de « Mighty Kate »… Mais la verrière était gelée à cause de l’altitude, et après trois essais pour enfin l’arracher, je n’y suis pas parvenu. Je regardai ma montre, elle indiquait 16h43. L’année dernière, à la même date à la même heure, ce fut l’armée qui m’avait arraché des bras de Kate, mais cette fois l’armée m’arracha des bras de la vie. Je ne savais pas ce qui dans la perspective de ma mort m’était le plus douloureux. Ne pas avoir embrassé Kate une dernière fois… Ou alors que mon sacrifice pour une personne que je ne reverrais plus n’ait servi à rien. En relativisant l’instant, je me disais que si la guerre était gagnée, j’aurais au moins sauvé l’amour de ma vie...
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