<h1>Noelfic</h1>

L'Echiquier de Papier


Par : Roi_des_aulnes

Genre : Réaliste

Status : Terminée

Note :


Chapitre 4

Journal Blanc, p 257

Publié le 02/03/12 à 23:10:13 par Roi_des_aulnes

« 9 septembre 2007,

[...]

Avant de finir, il me faut rebondir sur ce que j'ai marqué sur le Journal Blanc, ce soir. Il est important de comprendre une partie de mes erreurs, qui ne se sont pas seulement du à ma lacheté ordinaire. En effet, il y a autre chose qu'il me faut comprendre.

Hier, j'avais le choix entre deux idéaux. Un dilemme nécessaire, entre mes désirs à court terme et ceux à long terme. Les imbéciles choisissent souvent les occasions les plus frémissantes, les plus certaines, et les moins ambitieuses. Les volontaires, eux, sont capables de sacrifier tout ce qu'ils ont, en attente d'une occasion, d'un geste, d'un élément qui pourra amener le moment sacré où ils accompliront leurs rêves. C'est là le geste des derniers stratèges d'une humanité pourrie par la tactique.

J'ai pris la seconde option. Mais je n'ignore rien des motivations qui m'ont poussé à faire ce choix. J'ai peur des dilemmes, et peut-être que j'ai peur tout court. Peur de cet univers. Peur de l'homme avec tous ses yeux brillants qui scrutent et jugent.

Un dilemme qui m'oblige à choisir ce que je veux. Quelques instants, perdus dans l'immensité de mes journées, qui m'imposent et m'obligent à m'incarner, à sortir des ténèbres et à m'imposer comme un être à dimension unique. Mais l'humain que je suis, hélas, n'a pas une seule dimension. Une pluralité d'êtres qui se battent et s'affrontent, voilà ce que c'est, l'individu. Je sais de quoi je parle. Oh oui. Je commence à comprendre ce que ça coute de se diviser pour mieux se comprendre.

La sensation a été horrible. Pour la première fois, j'ai du, de façon ouverte, suivre mes pensées. Non pas parce qu'elles étaient plus faciles à accomplir que mes actions : non, je sais que je suis lâche. Profondément lâche. L'encre est un point de gravité gigantesque, mais il reste la matière noire de la lâcheté et de la peur. Les pensées rebondissent sur les choses, réagissent aux éléments du monde comme les rats de laboratoires.

Mais ce n'était pas pour cette raison, cette fois-ci, mais uniquement, seulement, parce que je n'avais plus aucun support sur lequel m'appuyer. Je me suis senti faible comme aux effrayantes époques où mon intuition et ma peur étaient mes seuls guides. J'ai ressenti la terreur de l'indétermination, et encore aujourd'hui, je ne sais si j'ai pris le bon choix.

Plus jamais. Et aujourd'hui, il est temps je crois de diagnostiquer efficacement pourquoi je suis si faible. Quand je regarde le journal noir, c'est avec un dégoût profond. Je ne relis jamais ce que j'ai écrit, et je sais très bien pourquoi : les piètres joueurs choisissent d'oublier leur partie, ils se concentrent sur les pièces, sans sentir les longs processus qui décident de l'échiquier. Je glorifie mes amis un jour, et l'autre je les conspue. Rien n'a d'équilibre, rien n'a de logique. Eclipser les ténèbres ? J'ai ouvert au ciel une large décharge de pensées vivantes, qui luttent pour survivre et se battent autour de quelques restes de satisfaction. N'étais-je que cela ?

Il est temps d'aller encore plus loin. Quand je mentais, autrefois, dans le journal rouge, je pensais faire le mal. Mais c'est tout l'inverse. Peu importe la réalité : la réalité d'autrefois m'empêche d'avancer, elle me paralyse. Si je note toutes mes faiblesses, tout mes traumatismes, certes ma parole n'aura aucune valeur, mais de plus je me définirais comme quelqu'un de faible. Quand je voulais éclaircir les ténèbres, autour de mon passé, je ne sais ce que j’espérais. Peut-être qu'à ma manière, je croyais en mon destin : un destin de faits et d'événements qui m'aurait défini, et que j'avais ignoré. Mais tout cela est faux. Ma vie est aussi absurde que celle des autres. Et dans ce monde rougeoyant dans lequel j'ai vécu, il n'y a pas d'autre sens que la mort.

Alors à partir d'aujourd'hui, mon journal noir ne reflétera plus la réalité, mais MA réalité. Mes écrits ont plus d'importance que ce que je vis tout les jours, ça je l'ai réalisé : il y a un effet de mémorisation certain dans la répétition. On dit qu'il y a environ 20% des souvenirs humains qui sont bâtis de toute pièce : ainsi soit-il. Mais dans le calme suprême de ma conscience, je choisirais, méthodiquement, rationnellement, ce qui doit être retenu et ce qui doit être oublié. Et il n'y aura qu'un objectif : chercher à me définir, non pas comme quelqu'un d'absurde et d'illogique, mais comme quelqu'un de fort, de conscient et de déterminé. Alors je trouverais les lois qui me permettront de gouverner mon univers, et par ces variables, je remporterais la partie d'échec que je mène contre ma faiblesse.

Bien entendu, il me faudra user de prudence . Je devrais calquer mes souvenirs et mes raisonnements sur la réalité présente, pour que me objectifs et les moyens que je leur alloue dans ce journal ne soit pas seulement le reflet de mes pensées, mais aussi de la réalité. Mais je ferais comme tout les religieux, comme tous ces ignobles savants ou ces philosophes de l'histoire qui ont aiguillé l'humain pendant des siècles : je trouverais d'autres causes, et surtout, je donnerais un sens à la situation présente.

Et je m'obéirais. Car ce journal est celui qui fonde mes objectifs, mes buts, mon futur. Quand j'ai commencé le journal rouge, il y a de cela quelques mois, c'était cette partie, et cette partie seule qui gouvernait l'échiquier. Le journal noir n'est là que pour obéir à mes buts, il n'est là que pour se calquer à moi. Alors, ensemble, nous pourrons faire avancer nos pions jusqu'à la domination totale de moi-même, et de mes démons.

Je vais me coucher. Bonne nuit, cher ami.

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