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Le jour où je suis devenu prof !


Par : Salmanzare
Genre : Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 10


Publié le 06/07/2009 à 10:45:52 par Salmanzare

J'ai failli me tuer hier... Et sans m'en rendre compte en plus. J'ai eu de la chance, pour un peu j'irais à l'église. Mais faut pas pousser quand même. J'y ai pas mis les pieds depuis ma communion, et je pense pas les remettre avant un moment. J'imagine mal Éd se marier.

Mon premier acte de ma nouvelle vie sera de déménager ! Je vais faire du ménage dans ma vie. Il me faut un grand salon, une cheminée assez grande. Une baie vitrée donnant sur un jardin bien entretenu. Plusieurs chambres afin que je puisse avoir le choix. Un bureau calme et paisible où je pourrais travailler mes cours. Et même tenter d'écrire un livre ! Depuis le temps que j'en rêve... Pour la décoration, des tableaux grecques me rappelant ma passion pour la mythologie. Et dans le jardin, j'aurais un grand saule pleureur. J'y construirais une cabane et laisserait les gamins du quartier venir jouer dedans. Et il me faudrait un fauteuil confortable, pour pouvoir regarder mon jardin au calme dans mon salon...

Il me faudrait surtout de l'argent pour ça. Comment je pourrais déménager alors que je ne suis que prof. J'ai que cinq heure de cours par semaine. C'est pas être prof principal qui va m'aider. Il me faudrait un job en plus. Mais quoi ?

Il va falloir que je laisse mes états d'âme de côté. J'ai un cours à assurer. Heureusement que je me suis réveillé à temps.

En marchant dans le couloir, je croise Pascal. Celui-ci est en train de balayer, sifflotant un air joyeux aux sonorités hispaniques. Il semble se livrer bataille contre la poussière, et mettre toute sa passion dans les mouvements du balai. C'est presque une danse entre l'homme et la poussière. Chacun s'agitant, se contournant puis se retrouvant face à face. Il se retourne et me voit.

- Oh, bonjour Jack. Vous allez bien ?
- J'ai eu une nuit agitée. Et vous ?
- Tout va très bien. Ah, pendant que j'y pense !
- Oui ?
- Ne rentrez pas dans la salle des professeurs. La machine à café est en panne.
- C'est si dangereux que ça ?
- En soi même non. Mais vos collègues sont de mauvaise humeur. Alors vous imaginez qu'un prof qui ne travaille que cinq heures par semaine, qui n'a qu'une vingtaine de copie à corriger, qui est encore jeune... Enfin bref, un homme comme vous aille dans la salle des professeur, risque de les énerver encore plus. Et vous risquer des critiques mesquines et injustes !
- Mais, c'est seulement la rentrée ! On a même pas encore fait une semaine et ils sont déjà sur les dents ?
- L'habitude Jack, l'habitude... Méfiez vous de ça. Elle s'empare et ne nous quitte plus. Prenez garde à ne pas devenir un professeur aigri par la vie !
- Merci de votre prévenance Pascal. Je vais éviter alors d'y aller. Bonne journée.
- À vous aussi !

Machine à café en panne. C'est bien dommage. Je n'ai pas mangé depuis hier soir et il est déjà presque 14h. J'aurais aimé me remplir le ventre avant d'aller travailler. Je l'entends gargouiller. J'hésite pendant un instant à sécher. Non, ça ferait mauvais genre. Je ne suis pas devenu prof pour échapper aux cours.

J'entre, sourire aux lèvres, prêt à me donner à fond pour mon cours.

- Bonjours à tous !

Pagaille indescriptible dans cette salle de classe. Les tables sont renversées, les élèves debout en train de fumer ou discuter. Il y en a même un qui fait une sieste à terre. Le papier semble avoir été lacéré avec une hargne redoutable, un soin méticuleux dans la destruction sans but. Mon bureau a disparu et j'ignore comment ils ont réussi cela mais le tableau se trouve maintenant à terre. J'avance vers l'estrade et monte dessus. La craie crisse sous mes pieds.

Peu importe, je ne vais pas me laisser démonter comme ça. C'est pas une bande de gamin qui va me faire peur. Il suffit de ne pas montrer que ça me touche.

- Par respect envers Pascal, j'aimerais que vous nettoyez cette salle après mon cours.

Évidemment il n'y a pas de réponses. Mais je ne m'attendais pas à en avoir. Je regarde une fois de plus ma classe. Les élèves continuent de discuter, de fumer et dormir. Je commence à comprendre que ça va être mon tour de subir leur attaque. Idiot que j'ai été de croire qu'ils n'iraient pas s'en prendre au professeur principal. Je pourrais pousser un gueulante, chercher le directeur mais je suis certain que ça ne ferait qu'empirer les choses. Il faut au contraire rester calme, sinon il vont gagner. C'est donc ça qu'ils manigançaient hier. Ils veulent me pousser à bout !

- Bon, d'abord je voudrais que vous voir regagner vos places. Et on ne fume pas dans ma classe. Dehors, vous faîtes ce que vous voulez mais ici je veux pas de victimes du tabagisme passif.

Deux personnes regagnent leur place sous les hués de leur camarade. C'est déjà ça de gagné !

- Je vais commencer mon cours. Aujourd'hui, je vais vous parler de Maupassant. Un auteur qui plaît en général aux jeunes de votre âge pour le côté étrange et fantastique de ses oeuvres. Vous en avez peut-être déjà lu, comme Le Horla. C'est celui-ci qui est le plus connu à votre âge. Si quelqu'un souhaite le lire, j'en laisse un exemplaire à disposition dans la classe.

Je commence alors mon cours dans un chaos ambiant, forçant parfois la voix pour me faire entendre. Ce qui ne semble pas les affecter puisqu'ils entreprennent alors de hausser la voix à leur tour. La cloche sonne, enfin le week-end. On peut dire que cette première semaine commence bien.

Avant de partir, je laisse Le Horla dans un coin de la classe. On ne sait jamais.


***


Appuyé sur le dossier d'un siège agréable, j'observe Éd. Toujours aussi jovial qu'à son habitude, il me raconte comment il a rencontré sa dernière conquête. D'un geste de la main, je fais signe au garçon de renouveler nos consommations.

- Et toi ? Satisfait d'être devenu professeur ?
- Pour l'instant oui. Je ne vais pas regretter après une semaine de cours.
- Mais ?
- Tu me connais trop bien. Il y en effet un mais, j'ai une classe plutôt difficile à gérer.
- Elles le sont toutes.
- Tu n'as pas vu celle-ci.
- Je vais pas vraiment pouvoir t'aider sur ce point là. C'est pas vraiment mon domaine. Faut que t'essaye de devenir ami avec tes élèves, tout en gardant une certaine distance. Enfin, je pense.
- C'est ce que vais essayer de faire.

Je regarde mon verre. Un diabolo menthe frais, j'ai décidé de faire une pause avec l'alcool. Je bois doucement, le regard songeur perdu dans mes pensées. Pendant ce temps, Éd tapote sur la table en sirotant son coca. Il repose la cannette, lève la tête vers le ciel un instant et s'étire. Puis il se penche vers moi.

- Toi, tu m'as pas tout dit ! T'es ailleurs depuis tout à l'heure. Alors, on ne dit plus tout à son meilleur ami ?
- J'ai rencontré une fille.

Éd se lève brusquement, monte sur la table et commence une danse grotesque devant tous les clients. L'air médusée, une des clientes poussent un « oh ! » d'indignation. Le serveur accourt vers nous pour faire comprendre que monter sur la table n'est pas autorisé par son établissement.

- Et alors ? demande Éd au serveur. Sois pas étriqué ! Libère toi, brise les chaînes. Ne soit plus l'esclave de l'exploitation capitaliste ! Dit merde à ton patron. Serveurs de tous les cafés, unissez-vous pour renverser la hiérarchie.
- S'il vous plaît monsieur. Pas de politique ici.

Voyant qu'il est impossible de raisonner Éd. Le serveur disparaît derrière le bar, sans doute à la recherche de son patron. Il réapparaît presque aussitôt avec un gros bonhomme au crâne dégarni et la mine affable.

- C'est lui Monsieur Werfel, s'indigne le serveur en désignant du doigt Éd.
- Oh le rapporteur, crie alors Éd.
- J'avais deviné, bougonne Werfel en s'approchant de notre table.

J'hésite à éclater de rire franchement, ou à me faire tout petit et laisser submerger par un début de honte. Éd, égal à lui même continue de danser. Ne se souciant guère des gens l'entourant.

- Je vous prie Monsieur de descendre de ma table.
- J'ai payé mon coca ! Vous avez pas le droit !
- Hum, Éd : on a pas encore payé...
- J'allais le faire !
- S'il vous plaît, descendez de ma table !
- Le client à tous les droits. Et j'ai envie de danser pour montrer mon contentement à mon ami ici présent.

D'un geste théâtrale au possible, Éd me désigne. Tout en hochant la tête de façon burlesque, il continue de parler.

- Pour la première fois en trois ans ! Oui mesdames et messieurs, en trois ans ! Et bien mon ami a rencontré une fille !
- Bravo, s'écrie alors un type qui jusqu'alors était resté assoupi sur le bar.
- N'est ce pas. Sortez le champagne ! C'est incroyable, s'enflamme Éd qui commence à m'applaudir. Puis il se tourne vers une des clientes à notre droite. Toi ! Oui toi ! Je ne t'ai pas vu applaudir mon ami.

C'est la goutte d'eau qui semble faire déborder le vase. Werfel s'enflamme et commence à tirer le bras de Éd. Je constate avec amusement que c'est en vain. Éd ne semble pas s'en faire. Werfel bouge tant bien que mal, laissant sa graisse dodeliner. Rouge de colère, il menace d'appeler les forces de l'ordre ! Éd éclate de rire et sort sa plaque.

- Oui, que puis-je faire pour vous ?
- Espèce de ripoux ! Je vais vous dénoncer. Vous...
- Attendez, il faut que je note. Menace envers un agent, agression physique.
- Vaurien !
- Oh, et même insulte ! Ça va vous coûter chère !
- Dehors ! Dehors.

Jugeant inutile de s'attarder, je fais un signe à Éd et le tire par la manche pour le sortir du bar. On fait quelques mètres puis on explose de rire.

- Depuis quand t'es flic ?
- Je le suis pas. C'est juste que l'uniforme fait craquer les nanas, donc j'ai gardé le costume de quand j'ai fais une apparition dans Navarro.
- Ils l'ont pas réclamé ?
- Si, mais j'ai oublié quand même.

Soudain le visage de Éd s'illumine. Il me regarde avec un petit sourire. Je hausse les épaules, je sais très bien ce qu'il veut faire et je ne voit pas comment réussir à l'en empêcher. Il court vers le bar.

Éd déboule dans le bar.

- Patron ?

Werfel apparaît. Puis semble fulminer de rage en voyant Éd de nouveau dans son commerce. Sa tête devient littéralement rouge.

- J'ai oublié de payer les consommations. On est parti trop vite. Enfin, je suis revenu.

Werfel tente de parler, bégaye puis commence à s'étouffer de colère devant le rire hilare de Éd.

- Allez vous-en. Je vous les offre ces verres !
- Oh, merci c'est très gentil. Je pense que je reviendrais souvent ici !

Werfel vire alors au vert. Éd éclate de rire une fois encore puis sort gaiement du bar.

- T'es content maintenant ?
- Comme un gosse le jour de Noël !
- Et un bar en plus on pourra pas mettre les pieds.
- J'avais oublié mon porte feuille de tout façon...
- Tu pouvais me le dire. J'aurais réglé, plutôt que faire cette comédie burlesque.
- Allez, c'est pas avec ton salaire de pauvre. Enfin de prof que tu vas pouvoir m'offrir un verre... Je rigole.

Et il se remet à rire une fois de plus. Il grandira jamais.... Mais bon, c'est mon meilleur ami. Je l'aime comme il est.

- Alors ?
- Quoi donc Éd ?
- Elle est comment ?
- Qui ça ?
- Ça commence à faire beaucoup de questions tout ça ! La fille triple andouille !
- Je la connais pas vraiment en fait. C'est elle qui m'a sauvé la vie. La première fois que je l'ai vu, j'étais défoncé. La seconde fois au réveil, j'étais encore comateux. Mais on aurait dit un ange.
- Oh oh. Monsieur commencerait à oublier Justine.

Devant ce commentaire je me renfrogne. C'est encore un sujet douloureux, même après trois ans. Je n'ai pas envie de parler de ça. Éd remarque sa bourde.

- Désolé. Bon, tu sais quoi sur ton ange alors ?

Comment décrire avec des mots ce qui semble irréel. Elle était si rayonnante, pleine de vie. Elle irradiait le bonheur. Il me manque des mots pour décrire ce que j'ai ressenti. Comment faire comprendre ça à Éd.

- Elle s'appelle Espoir. Elle est blonde, un nez ciselé parfaitement, une bouche qu'on a envie d'embrasser. Le visage plutôt rond. Des courbes harmonieuses, une taille parfaite, un sourire divin. Une grâce incroyable. Une...
- Allô Docteur ? Je crois qu'on a un problème. J'ai mon ami qui est en train de subir le contre-coup de sa mésaventure. Il est en train de délirer et croit à la princesse charmante. Je le soigne comment ? Une claque dans la gueule vous dîtes ? D'accord, merci docteur !
- Idiot ! Je t'assure que c'est la vérité. Tu la verrais, tu serais à genoux.
- Bon, et tu là revois quand ?
- C'est ça le problème. Je ne sais rien d'elle. Juste son nom.
- Rien du tout ?
- C'est une fille de joie...
- Quoi ? Ta princesse est une pute ?
- Elle préfère fille de joie.
- T'es sur qu'il te reste pas de l'alcool dans le sang ?
- C'est pour payer ses études.
- Chacun son truc...

Éd me regarde avec compassion.

- Je vais t'aider à le retrouver. Quand tu souris comme ça, je suis heureux. Je t'avais pas vu comme ça depuis...
- Depuis Justine.
- Depuis trois ans.
- Merci de ton aide.
- Les amis sont là pour ça. Et puis si elle si mignonne que ça et que j'arrive à te la piquer !
- Éd !
- C'est juste une plaisanterie...

Je m'apprête à répondre lorsque je reçois un coup violent à l'arrière de la tête. Je grimace, et me retourne. Je me reçois alors un coup dans le menton. Je tombe sur les fesses et lève les yeux vers mon agresseur. C'est Pierre Bache, un des élèves de ma classe. Il se tient face à moi, une batte à la main. Je fais signe à Éd de ne pas s'en mêler.


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