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Le jour où je suis devenu prof !


Par : Salmanzare
Genre : Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 11


Publié le 06/07/2009 à 17:54:59 par Salmanzare

J'écoutais Pierre Bache tout en massant mon menton. Ça commençait à faire trop de coups en l'espace de quelques heures. Celui-ci, toujours la batte à la main me regardait haineusement.

- Écoute moi bien car je ne vais pas le répéter. Ne t'approche plus d'elle. Ne reviens pas en cours. Et si jamais Camille reviens me voir pour me dire que t'as tenté d'abuser d'elle en la forçant à venir chez toi : je te fais la peau ! Et je serais pas tout seul.

Je regarde fermement Pierre. La garce, elle avait tout manigancé. Voilà pourquoi elle voulait venir chez moi la dernière fois, j'avais bien fait de refuser. Pourtant ça me tombait dessus quand même. Édouard assisté à la scène, gardant l'oeil sur moi pour me protéger d'un nouveau coup éventuel. Il fallait que je mette les choses au point avec le gamin.

- Je n'ai rien fait à Camille. Elle a beau être jolie, je préfère les femmes plus âgées.
- Tu mens. T'es qu'un sale prof, tu crois que je vais te croire. Essaye pas de m'embobiner.
- Tu sais, ça fait trois ans qu'il ne sait plus ce qu'est une fille, précise Édouard.
- Te mêle pas de ça enfoiré !
- Tu m'as appelé comment là ?!

Éd ferma le point. Prêt à cogner s'il le fallait !

- Ferme là !
- Je suis pas ton prof moi. Y a rien qui m'empêche de te donner une bonne correction !

Je me relève et attrape le bras de Éd. Frapper Pierre ne conduirait qu'à une somme d'ennui. Pourtant, ça me défoulerait. Celui-ci crache à terre et disparaît dans la foule. Éd me tends alors un mouchoir pour essuyer le sang qui perle sur le menton. Puis je touche l'arrière de mon crane, là où j'ai reçu le premier coup. Douleur fulgurante, je retiens à peine un cri.

- Je crois que c'est ouvert Jack. Tu saignes pas mal.
- Bon, y a plus qu'à aller voir le docteur alors.


Je n'ai jamais vraiment aimé les hôpitaux. Derrière une odeur de propreté aseptique se cache la maladie, la souffrance et la mort. Chaque fois que je passe devant l'une des chambres, je ne peux m'empêcher d'imaginer que je vais tomber sur un cancéreux ou un malade du sida en phase terminale. L'idée qu'un corps puisse se décomposer, que l'esprit puisse disparaître peu à peu devant son propriétaire m'a toujours effrayé. C'est l'une de mes plus grandes angoisses après le fait de devenir chauve.

Cet hôpital ne dérogeait pas à la règle. Il sentait le propre de façon insidieuse et me rappelait mes peurs. Mais bon, se balader avec la tête ouverte est plutôt indécent de nos jours. Alors que je marchais à la recherche d'un docteur, l'hôtesse d'accueil n'étant pas à son poste, je me cognais contre un homme imposant.

- Fais gaffe où tu vas gamin.
- C'est vous qui m'avez bousculé !

L'homme leva sa canne et poussa un juron faiblement. Je m'empressais alors de m'excuser.

- Je suis désolé Monsieur, je n'avais pas vu que vous étiez handicapé.
- Quoi ? Moi ! Handicapé ? Je pourrais t'étaler d'une main en prenant un café avec l'autre ! Je pourrais te tuer de plusieurs centaines de façons différentes !
- Vous allez bien ? Ça doit être le choc, vous semblez délirer.

L'homme sembla s'étouffer de rage puis souffla pour se calmer. Il remit soigneusement son costume en place, me jeta un regard noir qui en disait long puis me tourna le dos. Je le regardais s'éloigner, un vague malaise pour ce type qui ne semblait plus avoir toute sa raison. J'attendis de ne plus entendre sa canne claquer contre le sol pour reprendre mon chemin.

J'avançais quelques instants, m'efforçant de ne pas regarder les chambres devant lesquelles je passais puis croisa enfin un docteur.

- S'il vous plaît ?
- Oui ? Oh, vous êtes le malade d'hier !
- Je ne vous avais pas reconnu Docteur.
- Vous éprouvez enfin le besoin de me parler ?
- Non, toujours pas. Je me sens très bien.
- Dans ce cas, je me demande pourquoi vous vous trouvez dans un hôpital.
- Touché Doc, pas si bien que ça en fait.

Je me tournais alors pour lui montrer l'arrière de ma tête.

- Si ce n'est que ça. Je peux m'en charger, venez avec moi.
- Merci Docteur.

Le Docteur m'emmena dans un petit bureau. Une pièce éclairée par une lumière douce. Des tableaux aux formes abstraites. Je ne pourrais pas les juger à leur véritable valeur, je n'ai jamais compris l'abstrait ni compris la soi disante beauté qui s'en dégageait. Je me retins de faire cette remarque au docteur. Une petite étagère contenait quelques livres derrière le bureau. Je me penchais pour regarder. Je m'attendais à voir du Freud et autres psychanalystes, mais au lieu de ça j'y découvrais de la science-fiction. J'interrogeais le docteur du regard.

- Étrange pour un psy vous trouvez ?
- Je m'attendais pas à ce genre de lecture, je pensais voir du Freud, du Bettelheim...
- Et vous voyez Asimov, Card, Van Vogt et j'en passe. J'aime la science-fiction et je ne m'en lasse pas d'en lire. Mais passons à votre tête. Tournez-vous et mettez vous là.

Je m'assois sur le divan. Le docteur se met derrière.

- Détendez vous. Ça risque de faire un peu mal. Vous avez une petite ouverture, rien de méchant. Les blessures à la tête sont souvent impressionnantes par le sang qui coule, mais jamais rien de vraiment grave.

Je sens l'aiguille rentrer dans la tête et serre les dents.

- Finalement, vous avez réussi Docteur.
- Quoi donc ?
- À me fouiller la tête.
- Et alors ?
- C'est plutôt douloureux je dois dire.
- Comment vous vous êtes fait ça ?
- En jouant au base-ball avec un élève.
- Dites lui de faire plus attention la prochaine fois.
- J'y penserais.
- Vous savez, beaucoup de gens ont un psy.
- Vous essayer de me faire passer un message ?
- Ce n'est pas mon genre.

Le docteur enfonce une seconde fois l'aiguille. Si je ne me retenais pas, je me lèverais pour crier un bon coup. Mais je grand maintenant, je suis pas sûr que le docteur ne me prenne pas pour un dingue après ça.

- Vous êtes psy depuis longtemps ?
- Environ trente ans.
- C'est intéressant.
- J'ai rencontré beaucoup de gens. C'est enrichissant comme métier. Mais dangereux, plus d'une fois j'ai cru que j'allais devenir fou. Vous savez, dès fois je me mets à croire ce que mes patients me disent. Où se trouve la réalité ? Où se trouve la limite ? Parfois je me demande si je détiens la vérité, si mes patients ne sont pas plus humain que moi. Moi je me contente de faire une ordonnance, poser des questions, faire semblant de prendre des notes, serrer la main et fixer un nouveau rendez-vous.
- Vous le vivez mal ?
- On ne peut pas dire ça. Mais au bout d'un moment, ce métier vous bouffe ! Vous ne vivez plus que pour ça. Vous vous détournez du reste. J'ai laissé mon amour de jeunesse de côté pour faire ça. Je n'ai compris que bien après qu'il était trop tard. A ce moment là, je l'avais déjà perdu. C'est toujours la première qui compte. Et pour moi, ce fut la seule.
- Votre vie est loin d'être terminé. Courage Doc, il est toujours temps de réaliser ses rêves !
- Vous croyez ?
- J'en suis certain !

Le docteur pique une troisième fois à mon grand détriment. Ça tire un instant sur la tête puis enfin la pression se relâche un peu.

- Vous essayer de me psychanalyser là ?
- Je n'oserais pas Docteur.
- Je devrais aller voir un collègue parfois je pense... Vous avez juste trois points de suture. Enfin, votre tête est de nouveau opérationnelle. Évitez quand même de frapper dessus à l'avenir.
- Pas de problème. Ça a été un plaisir de discuter avec vous.
- Pour moi aussi.

Je me lève, serre la main du Docteur et sort du cabinet. Marche sur quelques mètres, fait demi tour et entre de nouveau dans le bureau.

- Déjà de retour ? Qu'est ce qui vous arrive cette fois ci ?
- Rien. Je voudrais juste savoir si je peux vous emprunter ce livre. J'aimerais bien le lire.
- Oh, vous êtes aussi un admirateur de Orson Scott Card !
- Plutôt oui.

Le docteur se lève, ouvre l'armoire et prend le livre. Il s'attarde un instant sur la couverture puis me le tends. Un sourire aux lèvres.

- C'est toujours un plaisir de prêter un bon livre.
- Merci Docteur.
- A la prochaine.
- Je n'y manquerais pas.

Je sors la tête recousu et un livre sous les bras. Je cherche un instant l'endroit où peut se trouver Éd. Celui-ci était censé m'attendre sur le banc dehors. J'aurais du m'en douter, il ne sait pas tenir en place et n'y est plus.

Il me faut cinq bonnes minutes avant de me rendre compte qu'il est dans l'hôpital en train de draguer l'hôtesse d'accueil.

- Éd, c'est bon.
- Déjà ?!
- Ça fait plus d'une heure que je suis parti...
- Le temps passe vite. Au revoir charmante mademoiselle. Je reviendrais.

Puis il ajoute à voix basse vers l'hôtesse.

- Mon ami vient souvent ici pour se faire soigner la tête. Il a de légers problèmes. J'ai promis à sa vieille mère sur son lit de mort de veiller sur lui.
- Éd !
- Je suis désolé, je dois y aller. Je vous rappelle.

On sort de l'hôpital. Je regarde Éd d'un air exaspéré qui en dit en dit long. Devant son air de gamin jovial, je me calme et me mets à rire avec lui.

- Je t'ai déjà dit de laisser ma mère en dehors de tes plans foireux. En plus elle va très bien, je lui ai encore parlé il y a deux semaines.
- C'est que le coup de la mère, ça marche à tous les coups.
- De là à me faire passer pour un attardé mental !
- Tu sais que je le pense pas.
- Je me le demande parfois. Et puis tu m'avais assuré de pas bouger de ton banc ! Je t'ai encore cherché partout.
- Hey ! Je t'assure que j'avais l'intention de rester au même endroit. Seulement y a un type qui est venu m'agresser avec sa canne. Tout ça parce que je lui ai demandé de se pousser du soleil. Tu te rends compte ?!

J'éclate de rire en pensant à l'homme que j'ai croisé tout à l'heure aussi. C'est le genre de grincheux qui en veulent au monde entier et qui sont persuadés que si l'univers tourne c'est grâce à eux.

Nous avancions calmement lorsque soudain je l'aperçus ! Comme une lueur dans une pièce sombre. Puis elle disparut aussi vite qu'elle était apparu.

- Édouard ! Je viens de la voir !


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