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Le Cycle Des Calepins Oubliés


Par : Tacitus42
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée



Chapitre 1 : IIBOMBO


Publié le 02/02/2012 à 21:36:28 par Tacitus42

Prologue :


0. Is it blood of men, bad omen?


Il y a quelque chose qui ne va pas…

(Ca n’a jamais vraiment été en fait).

Nous sommes en l’an de grâce 2313 de l’ère chrétienne et je puis dire sans me tromper que rien n’a vraiment changé depuis que je suis né (ne me demandez pas la date exacte : je sais juste que c’était il y a perpète).

Cet hier encore, j’étais à mon compte, en faction (ou presque), sous une pluie battante, devant cette plaque d’égout, à me demander si descendre armé d’un simple semi-automatique et d’un pauvre couteau ne serait pas finalement une grave erreur.
Les panneaux du dôme avaient été abaissés, seule raison pour laquelle la drache pouvait s’abattre sur moi et ruisseler sur mon imperméable alors que je perdais encore de précieuses secondes à prendre une décision.
Mais outre les considérations idéologiques qui me taraudaient alors je préférais objecter que l’appât du gain était le plus fort (question d’éthique professionnelle je présume).

Comme je l’ai dit précédemment, nous sommes au début du vingt-quatrième siècle, à l’intérieur du premier secteur autonome de l’état global (instauré à la hâte peu après les guerres institutionnelles qui ont débuté ici même il y a vingt-trois ans déjà).
Il paraît qu’on vit dans une partie de la banlieue de ce qui s’appelait autrefois Montréal…
Paraît aussi qu’y avait des cours d’eau et des lacs alentours… Ces derniers demeureraient malgré tout sous la forme de gros étangs au sein d’énormes tourbières qui tiennent pourtant lieu d’oasis, plus loin au sud au beau milieu du désert (et bien qu’il vaille mieux ne pas s’y attarder)…
(Enfin, pour ce que j’en sais…)
Paraît même que j’ai un accent bizarre (et un dialecte bien à moi)…
Mais passons…

On m’avait grassement payé pour ce job : aussi me devais-je de faire bonne figure (bien que j’eus douté d’y parvenir étant donné le long délai qui avait précédé le signalement).
Je déambulais donc à présent dans le tube digestif de cette foutue ville à la recherche de ce qui n’était probablement plus qu’un tas de viande refroidie.
Je n’avais que la représentation tridimensionnelle d’un type entrant seul - par effraction bien sûr - dans l’appartement de mes clients et celle qui le montrait sortant peu après avec l’objet du contrat.
Il avait attendu le bon moment, preuve qu’il connaissait les habitudes de mes mécènes du moment (ou qu’il avait eu beaucoup de chance) : ils avaient juste eu le tort de boire un café dans l’appartement d’à côté.
Mais le malfrat n’avait pas pensé (ou pas eu le temps) de couper l’alimentation des capteurs de surveillance du couloir.

Pour autant, aucun de mes deux clients ne l’ont reconnu et je n’avais pas le temps d’interroger les proches. Mon unité portable n’a pas non plus permis de l’identifier.
Ce qui ne me surprend guère du reste : la plupart des gens qui ont un casier judiciaire (même mineur) meurent en prison.
Je n’avais donc pas beaucoup d’options.

On m’avait gentiment confié la photo de la petite pour faciliter l’investigation (la résolution des capteurs du building n’étant pas géniale).

Un indic, (un junkie), qui se piquait non loin du lieu du délit, (bien qu’il n’ait pu reconnaître sur la 3D ni l’otage, ni son ravisseur) m’avait plus ou moins rencardé sur le lieu probable de réunion d’une fratrie de Lilith fraîchement constituée…
Et tout le monde sait de quoi ces tarés sont capables.

C’était par ailleurs la piste la plus facile à vérifier (étant donné que s’il s’agissait d’un maniaque sexuel isolé, je pouvais tout aussi bien commencer par fouiller les maisons de cette ville une par une).
Il n’y avait plus qu’à espérer que mes soupçons fussent fondés et que cet héroïnomane fut dans le vrai.

Mais allez savoir pourquoi, lorsque je pénétrais dans le lieu-dit, il est apparu évident qu’il avait largement mérité son pourboire.
Le local était situé sur le rebord d’une voie d’évacuation peu avant son embouchure avec le canal par delà un grillage.

Sera-ce la forte odeur émanant des mares de sang répandu sur le sol ou les corps jonchant les dalles de béton ça et là qui me mirent la puce à l’oreille (à moins que ce ne fût le mobilier d’un goût plus que douteux) mais la scène résolument gothique me confortait dans ma première hypothèse…
Ce qui était loin de me rassurer étant donné que l’objet du contrat n’était nullement visible.

Il ne fallait pas être une lumière pour comprendre que quelque chose avait merdé durant un rituel (ce qui à posteriori était plutôt un signe encourageant pour mon enquête) mais à mon grand dam, l’agneau immolé demeurait introuvable…
Chose qui m’ennuyait passablement étant donné que j’avais déjà perçu une prime que j’aurais du rendre dans le cas où je n’aurais pu ramener son corps vivant (ou mort)…
Ce n’aurait pas été si grave si je n’avais pas dû en partie payer mon indic avec cette somme.

Je dois dire que je suis resté un peu bête pendant plusieurs instants, retournant chaque cadavre dans le vain espoir de lui mettre la main dessus.
A défaut de trouver sa trace je pus rapidement me rendre compte que les frères vêtus d’aubes écarlates (qui dissimulaient mal pourtant les zones plus foncées maculées d’hémoglobine) avaient tous tentés de se défendre comme en témoignait l’étonnante variété d’arme - allant du pistolet mitrailleur au simple couteau - que je pouvais voir dans leurs mains à présent inertes.

J’ai fini par reconnaître celui qui devait être leur pasteur (le ravisseur selon toute vraisemblance). Enfin, j’ai surtout reconnu sa tête il faut dire (puisqu’elle gisait à trois bons mètres à côté de lui).

Chose étonnante, à l’exception de quelques coups visiblement portés d’estocs, l’essentiel des blessures qu’arborait chaque macchabée avait été causé par lacération.
Et à en juger par la taille des plaies et les bords en partie cautérisés, elles ne pouvaient avoir été causées que par une épée de type énergétique.

En m’apercevant de ce singulier détail, j’ai tout de suite compris je pense.

Il m’est apparu alors difficilement envisageable de pouvoir ramener le corps…

Mais à défaut, je pouvais toujours ramener des nouvelles encourageantes, ce qui aurait permis de sauver au moins une partie du pognon gagé… (En guise d’acompte pour le travail d’investigation effectué sur le terrain en quelque sorte).
Mais je dois avouer que je m’en serais voulu de toucher quoique ce soit pour du travail bâclé.
Il me fallait un peu plus que des faux espoirs.

Je voyais bien le poignard sacrificiel du gourou et une sorte de drap qui aurait pu lui servir de vêtement (ou de linceul, vas savoir) mais rien de concret.

C’est à ce moment que j’ai entendu ses cris.

Je ne suis pas du genre à m’exciter pour que dalle (surtout parce qu’on risque fort de faire des conneries se faisant).

Il n’y avait qu’un seul accès à cette salle (duquel on pouvait voir une sorte d’autel).
Qui plus est les vagissements venaient de la voie d’évacuation (bien que je n’eux rien vu à l’allée).

Comme je l’ai dit et à l’instar de certains vieux films, je ne suis pas du genre à me précipiter, ni d’avantage à dégainer subitement une arme (et ce même quand la situation l’exige)…
Certains pourraient penser que je ne suis pas assez con pour tenter de chercher des poux à un Executor (et ils n’ont pas entièrement tort).

Mais bon…
On m’avait payé d’avance en l’occurrence.
Je suis donc plus ou moins sorti de la pièce. Je le vis sans surprise qui s’éloignait tranquillement le long du passage jouxtant la voie d’eau…
Je lui lançais aussitôt un « hey toi ! » sans conviction.

Le type, bien qu’Exécuteur, s’est fatalement retourné.

Il baignait dans la frêle lueur qu’émettaient les halogènes courant le long du plafond là où il rencontrait le mur sur sa gauche.

Comme je l’avais escompté, il tenait le bébé dans ses mains.
Elle ne s’était pas arrêtée de crier depuis qu’il lui avait ôté le respirateur du museau…
Une chance qu’il n’ait pas choisit de le lui enlever au sortir des égouts : je suppose qu’il estimait ne rien avoir à craindre d’un homme seul.
Je ne peux que présumer que ce fut l’odeur qui se dégageait de son propre corps après immersion dans les eaux plus que troubles du canal d’évacuation qui indisposa la gamine de la sorte.

A la place de cet homme, je pense que j’aurais pourtant fait pareil en de telles circonstances (à condition de disposer d’un respirateur bien sûr).
Il a du entendre des pas sur le chemin du retour. Afin d’éviter toute confrontation inutile (laquelle aurait risqué de compromettre la vie de cette créature innocente : un joli paquet de pognon en ce qui me concerne), il a adopté la position la plus sage…
A savoir : la prudence.

Constatant par le biais des divers spectres de vision de son casque - même au travers de l’eau boueuse - que j’étais bien seul et visiblement pas un ami de ses victimes (bien que ma présence en ces lieux en un moment aussi fâcheux et le port ostensible de mes armes même confinées dans leur étui auraient pu paraître équivoque) il a finalement du se raviser.
Je pense que c’est la seule raison qui l’aura fait sortir de l’eau sans autre précaution (quand bien même il n’a pas cru bon de m’en avertir).

Il s’agissait d’un novice (je pus en attester avant même qu’il ne se retourne par la longueur de ses cheveux qui n’atteindraient peut-être jamais le sol à l’âge adulte : seul condition pourtant à son adoubement définitif).
Outre ce détail, on ne voyait de son corps que sa bouche (qui n’était plus protégée par la mentonnière amovible de son casque).

Mais il portait bien le heaume et l’épée caractéristiques des Exécuteurs. J’avais juste eu le temps de voir dans son dos le sac qui devait contenir tout son attirail de chevalier en quête.
Il y avait donc toutes les chances du monde pour que cette rixe fût une partie de son initiation.

« Qui es-tu ? »

Les mots raisonnèrent dans le large corridor : ils étaient de moi (forcément, puisqu’il ne m’aurait jamais demandé mon nom)…

« Magnus De Trente. »

Sa voix était calme et posée, sans réelle intonation : une simple identification (et un Exécuteur ne ment rigoureusement jamais : il n’en a pas l’utilité).

« Donne-moi l’enfant » lui dis-je placidement.

Des répliques succinctes dignes de deux débiles, mais il était inutile de finasser avec ce genre d’individu (et je ne suis pas du genre à m’étendre moi-même en fioritures verbales : pas à haute voix en tout cas).

« Pourquoi le ferais-je ? » demanda-t-il tout de même.

Sa voix était toujours dénuée de toute émotion. Pas d’emphase, pas l’ombre d’une variation de ton qui eut pu dénoter l’interrogation.
A dire vrai, ce n’était pas même une question.

- « Parce que sa mère m’a payé pour le ramener » dis-je en brandissant la photo de la demoiselle.

Le dénommé Magnus s’est alors approché de moi en silence.

Et sans autre objection ou formalité il s’est contenté de tendre les deux bras en un geste presque grotesque pour me remettre son colis (puant au demeurant).

On pourrait croire que le silence d’un exécuteur trahit l’autisme dont chacun des membres de son ordre est atteint mais je savais lorsqu’il me donna le bébé qu’il avait soupesé chacun de mes mots et soumit chacun des sons émis lors de ce bref échange au troisième cerveau de son casque.
Et comme il n’avait pu déceler aucune duplicité dans mes paroles et qu’il était plus direct et plus sûr de laisser un enfant connu à quelqu’un qui va le ramener chez-lui que de confier un enfant inconnu à des autorités suffisamment douteuses pour risquer de le perdre en route, il n’avait aucune utilité à cogiter longtemps.

J’avais la petite dans mes bras, la main gauche soutenant nuque et tête tandis que l’autre maintenait le corps (comme il convient du reste)…

Et je dois avouer que la première chose qui me vint immédiatement à l’esprit était que je venais d’employer mes deux mains pour soutenir un enfant, me mettant de facto en position de vulnérabilité devant un homme que je ne connaissais pourtant ni d’Eve ni d’Adam (fut-il Exécuteur).

Je crois d’ailleurs que cette espèce d’abruti congénital en face de moi le comprit aussitôt à voir le sourire qu’il affichait devant mon expression soudainement hébétée…
D’autant qu’il rajouta un truc du genre : « faites bien attention à elle » histoire d’enfoncer le clou.

Je ne pu cependant pas m’empêcher de penser en la regardant à quel point ma femme aurait voulu un enfant.

Et ce débile d’en rajouter une couche en posant une main compatissante sur mon épaule…
Il m’a fallut une bonne minute pour me rappeler que la télépathie était de série avec le casque.

M’enfin bon…
Il ne s’attarda pas non plus, préférant s’éclipser par l’endroit où il était vraisemblablement venu, me laissant seul avec la gamine et un tas de cadavres au-delà de la porte tandis qu’elle semblait se rasséréner (s’accoutumant sans doute finalement à son odeur).

Je ne pouvais pas en être certain, mais il était peu probable que sauver la fille fut son objectif premier.
Il n’avait pas pu filer le prêtre en tout cas. A posteriori et interrogeant l’entourage de la victime par la suite, il s’est avéré que personne n’avait vu un exécuteur de près ou de loin : c’est une chose qu’on oublie difficilement (ce genre de type ne passe pas inaperçu à cause de son matos)…

Je doute que le groupe ait été assez stupide pour se réunir à la surface et s’enfoncer en groupe dans les égouts ensuite. Il a trouvé un pigeon isolé qu’il a nécessairement du suivre jusqu’au lieu de réunion, avant le début de celle-ci.

Et muni de sa bouteille d’O2, tapis dans les profondeurs boueuses du canal d’évacuation, scrutant l’autel à travers la porte, il devait tenir à l’œil l’activité de ce nouveau groupe pour une raison qui le regardait.

Il devait précisément attendre le pasteur de Lilith à mon sens : et vu qu’il n’est pas dans les coutumes d’un futur membre du dernier ordre chevaleresque de traquer ses victimes à la seule fin de les tuer (surtout quand on sait qu’il est techniquement d’origine chrétienne), je présume qu’il voulait simplement lui soutirer quelques informations.
J’ai dans l’idée que le pasteur ne s’est pas laissé faire.

Mais plus certainement, je suppose que le simplet à la flamberge a dû intervenir en désespoir de cause : étant donné que tous les cadavres (y compris celui du gourou) étaient dans la pièce.
Il n’avait pas prévu qu’il y aurait sacrifice. Sans doute aurait-il attendu que la messe se termine sinon.
Et quand il a senti que la situation allait de toute façon péricliter, il est sorti de l’eau à la surprise générale…
Ca doit faire bizarre de voir débarquer une vacherie d’assassin (certifié conforme) quand on exerce soi-même (mais dans la catégorie amateur).

C’est entre autre ce qui me fait penser qu’ils n’ont pas eu le temps de la toucher.
Chose qu’a confirmé un toubib trois heures plus tard (peu avant mon quart de service) et à ce que sa mère m’a rapporté à l’hosto (suivi de clientèle oblige).
Ils ne touchent pas la victime avant le début de la cérémonie.
Pour eux, c’est une offrande qui doit rester pure jusqu’au rituel qui commence avec le versement de la première goutte de sang : après quoi, tout est permis…
Jusqu’à sa mort bien sûr (mais parfois même au-delà).
D’ailleurs, si la victime est blessée avant la cérémonie, ils se contentent en général de la tuer sans « trop » la faire souffrir (mais ce n’est pas non plus une règle officielle : rien n’a jamais empêché un frère de Lilith d’y déroger).

Il y avait bien un goutte-à-goutte cela dit : preuve qu’ils comptaient la saigner lentement et lui faire subir un maximum d’outrages avant son décès malgré son jeune âge (parce qu’en règle général, ils préfèrent les prendre sensiblement plus âgée : ces sadiques aiment qu’elles comprennent ce qui se passe).

La gamine n’avait rien : pas une trace de perf (nulle part) selon les diverses imageries médicales et elles sont vachement performantes aujourd’hui (je vous expliquerai peut-être plus tard en quoi c’est intéressant).
Ca conforte l’analyse du médecin et ma propre vision du déroulement de l’affaire.

Cette petite a eu beaucoup de chance…
J’ai vu des êtres qui en ont eu nettement moins.

Avec le recul, je me dis que j’aurais du appeler des collègues pour nettoyer ce foutoir ou au moins prendre la déposition de ce Magnus (oui parce que je ne suis mercenaire qu’à mi-temps : suis flic sinon)…
J’ai dans l’idée que ça m’aurait évité un tas d’emmerdes (mêmes potentielles).

Mais c’était en dehors de mes heures de services (et je hais la paperasse).

En fait, j’étais juste content : j’avais gagné un max de pognon sans avoir rien branlé.



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