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Le Cycle Des Calepins Oubliés


Par : Tacitus42
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : Terminée



Chapitre 4 : Incubo


Publié le 07/02/2012 à 11:09:34 par Tacitus42

2. Incubo.


Ce que nous savons de Lilith, c’est essentiellement elle-même qui nous l’a raconté au travers des enseignements qu’elle dispensait à ses concitoyens : dans l’effort d’endoctrinement des jeunes notamment.
Les témoignages des rescapés du secteur treize après sa destruction ont été précieux (bien qu’ils ne fussent pas la seule source)…
Elle précisait souvent que tout ce qu’elle faisait subir à ses concitoyens, elle l’avait déjà enduré elle-même.

La vie est un enfer pour certains…
Et ne survit à l’enfer qu’un vrai démon (ou tout être prêt à le devenir)…

Je tiens pourtant à préciser ici qu’aux cours des âges, la plupart des personnes qui ont enduré le genre d’abus que je vais décrire ne font pas subir le mal qu’elles ont elles-mêmes souffert.

Mais Lilith, ainsi que l’ensemble de ses sujets (pour ceux qui voulaient perdurer en tout les cas) ont toujours fait exception quelque soit la règle que l’Homme ait déduite du malheur de ses pairs.
Par le biais d’un concept qui ne laissait aucune place à l’humanité (et que ses parents avaient expérimenté sur elle).

En somme, on se rend vite compte qu’elle n’a jamais fait qu’essayer d’échapper à son père toute sa vie durant.
Le tuer ne servait plus à rien au moment où elle l’a fait :
Le monde ne s’en est que mieux porté sans doute mais cela n’a fait que renforcer son emprise par le biais du souvenir qui n’a sans doute jamais cessé de la hanter.
Même mort, il continuait de la persécuter et pour le faire taire, elle allait chaque jour un peu plus dans son sens sans s’en rendre compte…

Dans le sens de l’incube comme je l’appelle (puisqu’elle n’a jamais elle-même fait mention de son nom) : ce terme dérive du latin (incubus) et désigne tant le cauchemar qu’un type de démon satyre mâle…
On dit aussi que ce genre d’entité profite du sommeil de ses victimes pour les violenter…

J’en ai déjà vu…
(J’en ai combattu).

Et faites bien attention vous qui osez vous approprier mes lignes : si l’enfer est pavé de bonnes intentions, je fais peut-être une grave erreur en déposant cette part de ma mémoire…
(Une malédiction ne comptant jamais qu’une séquence de mots mauvais étymologiquement parlant mais qui se développent à la manière d’une blessure qui suppure : si les mots sont des maux).

Mais un vaccin est fait de son virus après tout (bien que neutralisé au préalable et en espérant qu’il en aille de même pour ces chroniques).

Comme je l’ai déjà dit, j’ai le tort d’écrire pour moi (en omettant volontairement le fait qu’un capricieux hasard pourrait très bien vous amener à me lire)…
Je relate ces faits pour de nombreuses raisons parmi lesquelles le devoir de mémoire (quand ce n’est pas pour exorciser des démons intérieurs)…
Pour ne jamais oublier, pas même les travers d’une soi-disant humanité : c’est peut-être la seule manière de faire si on ne veut pas la voir réitérer (voir innover).

Vous allez peut-être lire ici quelque chose qui ressemble à l’enfer sur Terre.
Un endroit où l’on doit toutefois abandonner tout espoir en y entrant (si l’on veut subsister).
Une limite humaine qu’il ne faut pas atteindre en tout les cas : même j’estime qu’il y a pire ou qu’il y a malheureusement toujours moyens de dépasser une limite (ce qu’a d’ailleurs fait Lilith).

Je prie cependant pour que le dépassement s’opère dans le bon sens : vers le bien.

Et j’espère à ce propos pouvoir écrire un jour le meilleur…

Mais plus le temps passe, plus j’en doute.

(Quoique j’oublie que j’ai déjà abondamment parlé de ma femme dans de précédentes chroniques)…



Pour le reste…

La légende veut que tout ait commencé dans un coin paumé dans le trou du cul de la plaque superficielle du treizième secteur…

Et il faut savoir à ce sujet qu’à l’époque qui précéda l’avènement de Lilith, le Treize était l’un des secteurs qui s’en sortait le mieux. Nous pensons aujourd’hui qu’il aurait même pu être le véritable initiateur des réformes institutionnelles qui ont lié toutes les citées dômes par la suite.
Et à la manière de la citée vaticane, il l’aurait fait sans heurts.

Mais il y restait des zones d’ombres (même s’il y en avait moins qu’ailleurs et qu’elles étaient encore insignifiantes).



Le père de Lilith l’a appelée ainsi pour insulter sa mère (qui était fortement croyante : c’est comme ça qu’ils se sont connus) mais aussi parce qu’il se disait damné…
Et plutôt que de trouver un moyen efficace de lutter contre l’apparente immuabilité d’un destin funeste, il a préféré (par paresse, par orgueil et par luxure bien sûr) invoquer la génitrice de toutes les succubes (et la première femme d’Adam) dans l’espoir (entre autre) de s’offrir un soutien de poids au-delà du trépas.

Il paraît que les grands-parents de Lilith étaient des gens biens (c’est son père qui le lui a dit : donc, rien n’est moins sûr)… Stricts mais honnêtes.
Et je crains que le problème ne vint effectivement que de leur progéniture mâle (qui a rapidement pourri toute la communauté).

A la mort des aïeuls (dans des circonstances troubles), le père de Lilith a « hérité » d’une ferme d’élevage (couplée à une culture en partie hydroponique qui fournissait le fourrage).
Elle se situait dans la périphérie et il la défendait violemment, avec son clan, contre les étrangers qui osaient s’en approcher. Il n’a donc jamais eu, lui, de problèmes pour trouver de la nourriture.

Mais il lui arrivait de s’engouffrer seul ou en groupe restreint, dans la ville : il fallait aussi penser à la défense de leur territoire derrière.
Il parlait avec emphase de son paternel qui était pasteur d’une antique secte chrétienne.

Aussi se disait-il investi de la mission de perpétuer la tradition en prêchant la bonne parole.
En fait, il était prêt à tous les mensonges pour pouvoir s’approcher assez prêt de ses victimes.
Il lui arrivait de temps à autres de se faire passer pour un missionnaire jésuite : il aurait trouvé la soutane sur un cadavre (le sang séché ne se voit probablement pas sur le noir malheureusement).
Il avait un éventail énorme de ruses pour obtenir gîte et couvert le temps d’une nuit : il ne lui en fallait pas plus.
Et le soir venu, profitant du sommeil des conjoints trop généreux, il égorgeait le mari et prenait sa femme.

Cela s’est passé à peu près de la sorte pour la mère de Lilith à la différence qu’il ne l’a pas tuée ensuite.
Chose assez rare, il a décidé de la ramener dans son camp : je suppose qu’il ne l’aimait vraiment pas en fin de compte.

Ils n’ont eu qu’une fille ensemble.
Et s’ils n’ont eu qu’un seul enfant c’est sans doute parce que Lilith a rapidement été forcée de remplacer sa mère.

Il paraît que celle-ci ne levait pas le petit doigt quand elle pleurait devant elle sous le poids de son père. De manière cynique, je me dis que c’était peut-être même les rares moments de quiétude que cette femme pouvait espérer (enfin, quand un membre de cette camarilla ne la sollicitait pas déjà).

Ce n’était pas son enfant, pas celui de son défunt époux : c’était celui de ce monstre.
Alors s’il voulait torturer la chair de sa chair, selon elle, c’était bien son affaire après tout.
Mais de toute façon, il ne leur aurait jamais permis de se lier d’une manière ou d’une autre.
(Lilith n’a d’ailleurs jamais pu ou su faire mention de la personne qui avait nécessairement du lui donner le sein durant ses premières années d’existence).

La petite était considérée comme un animal : un objet.
Elle n’apprit à faire du feu qu’à treize ans. Elle mangeait ses aliments crus jusque-là. A dire vrai, on lui interdisait d’aller en cuisine de peur qu’elle ne mette sa tête dans le four : le suicide est péché pour tout chrétien mais ce n’était pas la vraie raison (quand, après tout, elle aurait pu aussi se laisser mourir de faim).
Ils avaient surtout peur qu’elle ne mette la main sur une lame (et de tous les usages qu’elle pouvait en faire avant de penser à se faire du mal à elle-même).

(Elle n’a pas eu besoin d’un couteau pour tuer son père, ni de force d’ailleurs).

Elle n’avait même pas le luxe de pouvoir dépecer la viande avant de la manger (Gretchencko était un vrai enfant de coeur à côté si son histoire de régime à base de cafard est vraie).
Elle n’avait pas toujours droit à de l’eau non plus (il lui est arrivé de devoir recueillir sa propre urine pour étancher sa soif).

Mais au bout de sept ans de ce traitement, elle s’est arrêtée de pleurer.
D’abords parce qu’elle a compris que ça ne servait franchement à rien (personne ne s’apitoierait sur son sort ici-bas)…
Ensuite parce que dans la solitude d’une misère profonde qui était devenue « normale », elle préférait se focaliser sur les moindres miettes de vie qu’elle pourrait trouver par terre.
Je suppose que ce comportement ne devait pas être de nature à rassurer son pater. Mais à ce stade, il avait encore le choix de la tuer si elle devenait dangereuse (ce qui était loin d’être le cas).

C’est, selon ses propres dires à cette époque qu’elle a compris la part prétendument positive de ce qu’il y avait à comprendre d’une relation sexuelle (oui, je suis parfois - pas toujours - pudibond en la matière : on ne parlait pas de la chose à mon époque, on se contentait de la faire).
C’est pourtant cette part-là qui fait faire un tas de conneries à un tas de gens…
Et la concernant, je ne saurais toujours pas dire si c’est regrettable ou non.

J’ai tendance à dire que si bien sûr (à cet âge-là en tout les cas pour aller dans le sens d’un certain Freud)… Mais connaissant son histoire et ce qu’elle allait endurer, n’avait-elle pas droit à un peu de réconfort, bien qu’illusoire ?
Difficile à dire.



Ce n’était pas avec son père : elle disait qu’elle n’aurait jamais pu avoir cette révélation avec lui (mais rien n’est moins sûr puisqu’elle s’est livrée à lui dans ce dessein par la suite).
C’était avec un de ses cousins en l’occurrence qui était suffisamment ivre pour ne s’apercevoir de rien…
Elle s’est bien gardée de le dire du reste (sachant pertinemment ce qui l’attendait si elle se vantait jamais de trouver quelque forme de réconfort dans son traitement).

Cela était inévitable du reste : il ne pouvait en être autrement pour plusieurs raisons…
A la longue, au-delà des sentiments de gênes et d’humiliations qu’elle ne connaissait pratiquement pas (pour avoir été durement habituée dès son plus jeune âge), son petit corps, en grandissant s’accoutumait petit à petit (à mesure qu’elle approchait de la puberté), à la taille jusque-là trop grande des membres de ses partenaires.
Et pour peu que l’un d’eux fût plus long à venir que les autres (et suffisamment bourré pour que le fait de ne pas parvenir à la tabasser correctement ait pu passer pour de la tendresse), la récurrence de la chose aurait imposé mécaniquement une réaction « tôt ou tard ».
Si ce n’avait pas été avec lui, cela aurait été avec un autre de ses proches.
C’est obscène, mais naturel toutefois (si on peut qualifier ce genre de relation de naturelle).

En fait, je crois que le déni de Lilith et la peur de son propre plaisir était précisément l’attitude que son père voulait qu’elle adopte (même s’il lui a quand même fait payer par la suite).

La plupart des pervers narcissiques (du moins, ceux qui vont jusqu’au viol) recherchent le contraire. Ils violentent jusqu’à ce que la machine biologique réagisse d’elle-même, espérant dispenser-là une forme d’éducation pour laquelle, bien sûr, la victime est sensée être reconnaissante (ou au moins dans leur désirs : malheur à celles qui ne le sont pas).

Ils espèrent se faire aimer de force à force de temps en s’arrogeant petit à petit la conscience d’un individu. Ce n’est pas plus facile, pas plus rapide : ils pensent que c’est plus sûr. C’est le seul moyen qu’ils connaissent pour s’adjuger quelque chose qui ressemblerait à de la fidélité (bien qu’elle soit bâtie aussi sur la peur) ou tout ce qui s’en rapproche (comme une forme de loyauté).

J’ai lu quelque part que le truc se trouve facilité entre autre par le syndrome dit de la femme battue (si j’ai bien compris).
Oui : je lis beaucoup aussi (quand je n’écris pas des trucs aussi dégueulasses).

Il y a bien un peu du syndrome de Stockholm qui va avec mais il paraît que c’est plus dans le cadre de prises d’otages (même si ça marche aussi pour le rapt en l’occurrence : rien à voir avec Lilith en somme mais plutôt avec sa mère).
En fait, Lilith les cumulaient vraisemblablement tous (d’autant que ses tortionnaires étaient encore ses proches parents : un lien déjà suffisamment fort pour assurer le contrôle quasi total).

Et ils contournent les défenses de l’âme par le biais de la mécanique du corps d’une personne (même s’ils n’en ont pas conscience ou qu’ils ne l’admettront jamais : pour eux, l’amour forcé est une variante de l’amour, donc toujours de l’amour en soi même si parfois c’est simplement du profit).

Eprouver une forme (forcée) de plaisir pour quelqu’un qu’on n’aime pas est logiquement déroutant : honte et culpabilité peuvent redoubler.

Raisons pour lesquelles les victimes finissent généralement par revenir ou à carrément s’offrir (si syndrome de Stockholm il y a, et à ce que j’ai lu)… A moins d’acquérir suffisamment de recul pour réaliser (si elles réalisent : ce qui n’est peut-être pas toujours souhaitable)…
Ne laissant finalement plus à un être humain (homme ou femme confondu) plus aucun droit au libre arbitre, plus aucun droit sur son existence.

L’utilité d’être humain : d’aimer, d’interagir, de construire (et j’en passe), soudainement s’efface sous l’action de ce levier immonde.
Par la suite, Lilith en a déduis que les sentiments de honte et de culpabilité étaient les témoins d’un endoctrinement inachevé.

Un homme qui prend ses congénères pour des proies ne peut plus arrêter la chasse (ne serait-ce que par attrait au goût du sang ou simplement sous peine d’être chassé en retour) : aucun amour à pourvoir quand, par nécessité, on conditionne les autres sous soi au statut d’animaux…
(Si ce n’est de manière atrocement cynique, la zoophilie sans doute).

Mais jamais pour soi l’harmonie durable, à peine la compréhension d’un « pair » parfois, mais éphémère qui plus est, puisque le prédateur se méfie du prédateur (par défaut)…
Et il finit tôt ou tard par se faire prendre souvent à son propre jeu.



Ouais, je sais : je vous soule avec ma psychologie de bazar…
Depuis la mort de ma dame, j’ai un besoin irrépressible de tout savoir : même ce qui mène aux pires atrocités (et j’ai du apprendre depuis les bases). Mais ça m’est vaguement utile pour ma présente attribution (parce que ça ne me ramènera pas ma belle sinon)…
Si vous voulez tout savoir, j’ai lu ce genre de conneries en grande partie dans un magazine qui s’appelle « Psychopathologies Actuelles » (qui datait d’y a plus de deux cent ans au moins).

Enfin, la culpabilité (qui n’est souvent l’apanage que des seules victimes malheureusement), plus que la honte est pourtant (à mon sens), le premier signe de résistance (synonyme d’humanité). Un sentiment qui oblige à terme n’importe quel être humain sensé à devenir meilleur : ne plus renouveler ses erreurs (ou dans le cas présent s’éviter la peine d’avoir à endurer celles des autres).
Ce protocole de secours devient alors un moteur d’appoint nécessaire au lancement des procédures qui peuvent endiguer la fatalité.
J’en ai pris conscience après la mort de ma femme (même si ça n’a rien à voir)…
A condition bien entendu qu’on parvienne à le surmonter pour évoluer (et là je suis plutôt mal placé pour en parler).

Le problème étant que ces sentiments s’inscrivent aussi dans le syndrome de la femme battue, qui n’est en rien cette étape nécessaire puisqu’il est en droite ligne dans le plan du tortionnaire (toujours selon Psychopathologies Actuelles).

Nota Bene : Stockholm n’est autre que la citée 34 si je ne m’abuse.

Mais si le père de Lilith, à la manière de la plupart des manipulateurs violents (bien que ceux qui ne le sont pas ne font que rajouter des étapes pour éviter d’avoir à employer la force), essayait, lui aussi de lui inculquer quelque chose de profondément malsain, il croyait voir beaucoup plus loin dans l’avenir.

Pour Lilith toutefois, ce genre d’information nouvelle et troublante qu’était la simple jouissance représentait (malheureusement sans doute) une source de réconfort…
Comme une lueur trompeuse au bout d’un tunnel profond et sombre (un simple spot clignotant de temps à autres qui n’est en aucun cas l’issue), une vague caresse pour elle qui n’en a jamais connue, la seule chose à laquelle elle pouvait à présent s’accrocher de toutes ses forces de manière désespérée.
Elle était prête à tout endurer pour autant qu’elle eût la certitude de pouvoir connaître cette sensation à nouveau.
Je me dis d’ailleurs qu’elle a eu de la chance d’être une femme à ce niveau là…

Faut dire ce qui est, si les femmes galèrent à mort dans ce monde merdique, on a nettement plus de mal à leur ôter leurs organes de reproduction (sans risquer de les tuer) et la plupart des mecs préféreraient sans doute mourir plutôt que de subir ce genre de truc…

Mais je suis vache parce qu’à contrario, (et c’est triste : mais je crois que c’est vrai) la quasi-totalité des femmes du camp auraient sans doute tout donné pour une hystérectomie totale (avec occlusion partielle des lèvres) et tant qu’on y est (si on va par là), une colostomie ne leur aurait pas déplu non plus…

Du moment que l’opération fut sous anesthésie bien sûr.

Nota bene : Je le précise parce qu’on sait que ces salopards pratiquaient aussi une forme d’excision (bien que la mesure fût exceptionnelle).
Et si Lilith y échappa, c’est précisément parce qu’elle savait trop bien dissimuler son émoi (ou selon moi et de manière plus certaine, parce que la chose arrangeait bien les affaires de son père).

Ne serait alors resté à ces dames que leur orifice buccal à donner en pâture aux hommes (ce qui me fait doucement rire en fait).

Enfin, Lilith, elle, venait de prendre conscience de son corps et s’attachait désormais résolument à tous les attributs de sa féminité : même à sa poitrine encore embryonnaire (à ce qu’elle révélait dans un des documents retrouvés dans les ruines de sa citée).

Elle savait que ce que lui faisait endurer ses proches était destiné à l’unique procréation mais ne savait en rien (puisqu’elle n’aurait jamais pu le déceler sur le visage de ses cousines) qu’il était possible d’en tirer un quelconque profit (au moins psychologique).
Elle aurait pu se contenter de faire ça dans son coin, toute seule (d’autant qu’elle explique que ses partenaires n’étaient pas franchement doués et que leur manque d’endurance qui tendait jusque à ses sept ans à lui faciliter la vie ne suffisait plus dès lors à satisfaire son manque)…

Mais elle en voulait toujours plus : tout ce qu’elle pouvait glaner en fait…
D’elle-même, des hommes et plus tard, logiquement, des femmes (même si elle n’usait jamais des pratiques de Sapho qu’en désespoir de cause : faute d’hommes en somme, qu’elle considérait comme le summum du jouet sexuel).
D’autant qu’elle, qui trimait jusque-là toute seule comme une chienne, avait une occasion de se servir des autres d’une certaine manière et à leur insu : pourquoi se donner du mal quand quelqu’un peut faire tout le travail à votre place ?
De toute façon, ce n’était plus quelques coups qui auraient été de nature à la déranger (surtout qu’elle ne voyait plus de raisons de ne pas carrément manifester de la docilité).

Elle savait en outre qu’elle n’était pas encore fertile : aussi s’était-elle mise bêtement en tête d’en profiter.
Elle chercha donc par tous les moyens à connaître ce trouble, source de son unique plaisir et seul intérêt à pourvoir dans son univers morbide, aussi souvent que possible.
Mais il lui fallait une bonne excuse pour éviter d’éveiller les soupçons si elle s’offrait trop facilement.
(C’est précisément là, où voulait en venir son père à mon sens).

Pour ne pas attirer l’attention, elle s’est mise à l’alcool (ce qui ne pouvait paraître suspect étant donné que la plupart de ses proches se tournaient vers lui pour échapper même illusoirement à leur enfer quotidien).
Attention : elle ne voulait pas de l’alcool, elle demandait de l’alcool : elle insistait particulièrement sur ce point dans ses vidéos éducatives et il est vrai qu’il y a une nuance crucial quand on sait qu’elle n’avait déjà pas le droit de mentir.

Et comme elle l’avait escompté (chose sur laquelle son père avait du tablé et raison pour laquelle il s’est sans doute bien gardé de la piéger), l’accès à l’eau de vie de plus en plus fréquent (trop ou en tout cas, par rapport à ses compères qui devaient rationner) a rapidement été mis sous condition.
Il ne pouvait bien évidemment y avoir qu’un seul type de monnaie dans le camp…
Elle avait choisi de s’offrir de toutes les manières possibles pour en avoir la moindre goutte (ce qui n’était jamais que l’objectif secondaire : mais elle buvait goulûment le contenu de chaque bouteille jusqu’au bout pour faire croire le contraire).
Mais quel choix a-t-on à cet âge-là ?

Elle prétendait qu’elle se serait sentie obligée de répondre par la négative si quelqu’un lui avait proposé de l’alcool : mais comme dans cet univers, chacun ne pensait jamais qu’à soi, cela n’est jamais arrivé (d’autant qu’ils n’avaient pas besoin d’excuses pour la prendre, eux : ça les amusaient juste de jouer avec elle).
De la même manière, elle se serait forcément grillée en répondant simplement par « oui » si on lui avait demandé la permission pour ses faveurs.
Mais forcément, on ne lui demandait pas son avis en la matière non plus.

Un enfant ment souvent (surtout quand c’est dans son intérêt) : c’est normal…
Mais mentir en l’occurrence ne servait pas à grand-chose : la manipulation assurait une forme de contrôle total. Le père de Lilith posait toujours les bonnes questions. Si elle avait menti, il l’aurait su tout de suite.

Il savait mieux qu’elle ce qui se passait dans sa tête d’enfant : ce genre de cons était d’ailleurs capable d’en faire le sujet favori de ses vantardises dès qu’il le pouvait (comme s’il y avait une quelconque gloire pour un adulte à être plus intelligent qu’une gamine : cela ne faisait que mettre en valeur sa stupidité).
Une forme patente de machisme paraît-il (ces tordus ont un besoin irrépressible de prouver qu’ils sont supérieur à quelque chose), mais même s’il essayait de faire pareil avec les autres femmes du camp, cela marchait nettement moins bien : elles étaient mieux rodées et avaient grandi avec lui pour la plupart.
Le rapport était plus ou moins équitable dans un combat à un contre un.
Alors il se servait de la petite en croyant mettre en évidence l’infériorité féminine.

Il est peu probable qu’il ne se soit douté de rien contrairement à ce que pensait sa fille. Mais pour lors, ça ne l’intéressait pas encore d’intervenir…
A moins qu’il ne préféra fermer les yeux par gentillesse (mais ça ne lui ressemblait pas à mon humble avis).

C’est effroyable de voir sur les enregistrements d’endoctrinement à quel point Lilith pouvait se vanter du bénéfice qu’elle prétendait tirer de sa sincérité : elle croyait vraiment avoir obtenu quelque chose de valeur en échange de son esclavage (même si en l’occurrence elle cherchait surtout à s’adjuger celui de ses pairs)…

Et comble de la tristesse, elle s’est sans doute réjouie quand, abusant de sa naïveté, les hommes avaient fini par soumettre son régime alimentaire aussi à payement.

Jusque-là, les dames arrivaient encore vaguement à faire front commun face aux hommes (d’autant qu’elles étaient alors en surnombre). Bien qu’ils disposaient des armes, les femmes adultes parvenaient même à se liguer face à eux : à la manière de ce qui se faisait dans la plupart des groupes de primates notamment chez les babouins (j’aime bien les comparaisons animalières : ça nous correspond si bien).
Et même si elles ne pouvaient pas partir (à cause de la nourriture notamment qui était rare au demeurant), elles avaient encore de quoi suivre.

Mais le père de Lilith a voulu pousser le jeu plus loin…
Il a donc réduit le nombre de lionnes petit à petit et en secret, les amenant à l’écart une par une sous des prétextes bidons et les massacrant vraisemblablement aussi par surprise s’il lui arrivait de sentir que sa force ne suffirait pas.

Lilith, elle, se fichait pas mal du fait qu’en « instaurant » cette règle stupide d’échange, elle contraignait ses parentes au même sort (bien qu’il fût question de survie en ce qui les concernait). Elle se foutait pas mal d’avoir empiré la situation.
De toute façon, personne n’avait jamais vraiment rien fait pour elle après tout (étant elle-même la fille d’une étrangère et d’un malade), pas même sa mère qui plus est.
Et elle n’avait que sept ans : elle ne pouvait pas comprendre.
Tout ce qu’elle voulait, elle, c’était se délecter de ses instants de vague réconfort.

Et ironie du sort, à dater de ce jour, elle a plutôt du lutter contre les femmes de sa propre famille au lieu de chercher à s’allier à elles contre les hommes.

L’idée du père prenait forme tout doucement.
Mais en l’état, il lui fallait un autre point d’accroche pour mettre son plan à exécution.

Lilith a prétendu qu’à l’époque où l’improbable s’est produit, son paternel se disputait souvent avec un de ses amants les plus fréquents.
J’ai dans l’idée qu’il avait prévu de l’assassiné quand le hasard l’a pris de cours (plus pour l’exemple qu’il voulait faire que par réel grief à son encontre : mais ça n’aurait vraisemblablement pas eu autant d’impact que ce qui va suivre).

Ils étaient en train de la punir quand il leur est tombé dessus…

L’illustre inconnu, le bon samaritain : bref, la bonne poire (malheureusement).
Parce qu’il aurait eu une chance de mourir vite s’il ne s’était pas enfuit avec elle.

Au lieu de ça, il a tué quatre hommes avant d’emmener la petite Lilith (alors âgée de dix ans) avec lui.

Le père était présent (bien qu’entouré).

C’était un jour de « fête » (même si ce mot sonne faux) pour le clan, seule raison pour laquelle la surveillance des abords de la ferme n’avait pas été suffisante à empêcher l’incursion du jeune renard.
Lui, ne devait probablement chercher que de la nourriture.

Les ouailles du père de Lilith la battaient pour des motifs futiles devant les autres femmes (qui, pour le coup, affichaient leur plus beau sourire).

Mais ce brave type était armé et bien que ses opposants le fussent aussi, outre l’avantage de la surprise, il a fait montre (paraît-il) d’une grande expérience (et d’une chance incroyable) pour un gamin d’environ quinze ans (selon l’estimation de la Grande Conjurée).

Malgré les évènements qu’ils endurèrent par la suite, Lilith n’en démordit jamais au sujet de sa bravoure au combat.

Contrairement à ce qu’on pourrait attendre de la plupart des victimes d’un homme comme son père, Lilith a immédiatement rejoint son sauveur : elle n’était pas du genre à rater une bonne occasion…
Je l’ai dit, c’était une morte de faim qui reconnaissait tout de suite une promesse de grand festin : mais manger trop, en une fois quand on est affamé depuis longtemps, est mortel.

L’histoire raconte en outre qu’il a failli tuer son père : le coup se serait logé sous la clavicule gauche (non loin de l’aorte).
Je pense que s’il avait pris le temps d’ajuster un peu mieux son tir, Lilith aurait pu être heureuse pour le restant de sa vie.
Certains disent de manière cynique (plus que moi d’ailleurs) que s’il n’était pas intervenu ce jour-là (ou s’il avait été tué durant son assaut impétueux), Lilith n’aurait jamais pu faire directement du mal à qui que ce soit.
M’est d’avis que la mort dans l’honneur pour une noble cause aurait été préférable pour lui.

Leur escapade a duré trois jours je crois : trois jours dont on ne sait pas grand chose, et à la suite de quoi, ils se sont fait prendre (à la faveur de l’obscurité qui précédait encore l’aube à venir, des ténèbres qui transperçaient des parties polymériques du dôme) dans la battue qui s’est organisée autours d’eux.
Ils pensaient (à tort) avoir fui suffisamment loin.

On ne sait même pas le nom du jeune homme (nous n’avons pas cherché à savoir non plus).
Nous pouvions seulement nous douter du fait qu’il était le premier à avoir mis enceinte Lilith. On peut en être pratiquement certain pour diverses raisons que j’évoquerai plus tard et parce qu’elle a vraisemblablement abandonné le fruit de leur union : étant donné qu’elle a gardé tous les enfants qu’elle a pu avoir par la suite (dont l’un était de son propre père).

En fin de compte, on ne savait pratiquement rien à ce sujet si ce n’est qu’elle a du accoucher neuf mois après ces faits.
Et pas dans le camp qui plus est (ce que le père a laissé faire : il ne voulait peut-être pas d’un bâtard de l’étranger qui l’avait blessé).

Mais pour lors et bien avant la « mise à bas » (comme disaient ses parents), l’occasion qu’attendait le paternel s’est présentée d’elle-même : il devait tout détruire, ne rien laisser. Lui faire bien comprendre qu’elle était sa propriété.


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