« Matt, restes pas là! »

Mike me tira en arrière juste à temps pour que le morceau de métal me frôle seulement. J'étais encore sous le choc de ce qu'il venait de se passer.

« Allez viens, on a pas le temps »

Sur le coup, j'admirais la manière dont il parvenait à garder son sang-froid malgré la situation. Le ver géant se dressait toujours au-dessus du sol, cherchant quelque chose à nous lancer. En jetant un dernier regard au trou béant que recouvrait la passerelle auparavant, je m'élançai derrière lui. Dave tenait la porte ouverte en tentant de rester debout, malgré les coups que la chose donnait sur le sol et le bâtiment. Dans un sifflement, l'un des tentacules s'abattit à côté de moi et me projeta à terre. Il se tortilla un peu, cherchant à me balayer, puis se redressa. Lorsque j'atteins enfin la porte, le ver géant jaillit littéralement du sol, resta un instant suspendu dans les airs puis s'enfonça dans les profondeurs en créant une autre ouverture gigantesque. Je refermai la porte.
Dave était affalé contre le mur, le regard fixé sur ses pieds, tandis que Mike faisait les cent pas, une larme solitaire coulant lentement vers son menton. Le sol avait cessé de trembler, mais le bâtiment portait les marques des coups répétés. Les murs métalliques étaient sillonnés de fissures, et des spots défoncés pendaient mollement au bout de quelques câbles encore assez solides pour retenir leur maigre charge. Nous étions dans l'entrepôt n°10, mais il était tout simplement impossible de retourner sur le toit.

Soudain, sans qu'aucun de nous ne puisse réagir, la porte derrière nous vola en éclat. Un immense tentacule envahit le couloir, cherchant quelque chose à attraper.
Et il le trouva.
Je sentis l'appendice s'enrouler autour de moi, puis glisser vers la sortie, tandis que Dave et Mike tentais de lui faire lâcher prise en tirant dessus. Au dernier moment, l'un d'eux envoya un petit objet en l'air. Pendant que je m'accrochai désespérément au côté de la porte, je le vis atterrir devant moi. Malgré la sensation horrible qu'on m'arrachais les jambes, je tendis le bras aussi loin que possible et parvins à m'en saisir. L'effort me fit lâcher prise, et je me retrouvai à l'extérieur, trainé comme un vulgaire sac de linge sale. Arrivé au bout du toit, vint un instant où je me cru définitivement perdu, lorsque le tentacule commença à descendre dans son trou. Je passai à un cheveux de la paroi rocheuse et raclai contre la pierre durant la descente.
L'appendice rejoignit finalement le ver, qui s'était blotti dans une sorte de caverne. Dès que nous l'eûmes atteins, il entama sa montée. J'étais totalement écrasé entre l'immonde chair visqueuse et le bras qui me retenait.
Enfin, nous rejoignîmes l'air libre. Le ver surgit dans une immense salle remplie de divers conteneurs, et surplombée d'une gigantesque baie vitrée... derrière laquelle se tenait un homme. La chose m'envoya valdinguer, et je m'écrasai sur une pile de conteneur. Je profitai de cette pause pour jeter un rapide coup d'oeil à l'objet que j'avais attrapé. Un micro-récepteur.

« Merci ma belle »

Je fis volte-face en entendant ces mots. Durant un moment, je ne compris même pas qui parlais à qui. Puis je m'aperçus que l'homme parlais à... la chose!

« Oh, ça vous étonne n'est-ce pas? »

Cette fois, il s'adressait bel et bien à moi.

« On peut dire ça comme ça... »
« Voyez vous, cela fait un moment que nous essayons de nous débarasser de vous. »
« Vous voulez dire que ces sales bestioles tentent de nous zigouiller plutôt? »
« Non, vous avez bien entendu. C'est nous qui les contrôlons. »
« Quoi!? »
« Oui, avant, les anciens spécimens étaient totalement indépendants, mais grâce aux études de nos scientifiques, nous avons réussis à modifier la bactérie, de façon à pouvoir exercer un contrôle sommaire sur ces infectés. Le monolithe, lui, sert en quelque sorte de ''transmetteur''. C'est pourquoi nous allons le transférer, pour éviter qu'il ne lui arrive malheur. »
« Vous êtes en train de me dire que c'est vous qui envoyez ces bestioles sur chaque survivant? »
« Non. Elles disposent de leur propre instinct qui les pousse à éliminer tout ce qui se trouve devant eux. Mais grâce à ce léger contrôle, nous pouvons... épargner des personnes, ou au contraire imprimer l'image d'une cible précise. Et en l'occurence, il s'agit de vous. »
« Mais... pourquoi? »
« Parce que vous en savez trop! Vous avez assistés aux expériences, à l'accélération, vous avez vu les spécimens et vous les avez même libérés. Vous en avez beaucoup trop vu et entendu. »
« C'est ça... Faut pas vous plaindre, vous me racontez toujours vos plans dès que vous me croisez aussi... »
« La première fois, nous avons tenté de vous faire taire, mais vous vous êtes échappé. Cette fois, vous n'y parviendrez pas. Tues-le! »

Avec horreur, je vis que le ver dressait sa queue et que ses tentacules commencèrent à se détacher du corps. L'un d'eux fouetta l'air et me projeta sur le sol. Je roulai sur le ventre pour esquiver de peu un autre coup, après quoi je me relevai en glissant pour courir derrière d'autres caisses.

« Matt? Ca va?, fit une voix légèrement parasitée. »

La voix venait du récepteur.

« Mike? Bon écoute, j'ai pas vraiment le temps pour le mom... Merde! »

Une pile de conteneur s'effondra au-dessus de moi en emportant d'autres tas. Je slalomai comme je le pouvais à travers cette pluie mortelle. L'entrepôt tout entier tremblait sous les chutes du matériel. Je me faufilai dans un petit espace entre deux blocs et surgit de l'autre côté. Pile poil sous le nez de la gigantesque créature.
Elle ouvrit une gueule béante garnie de dents et plongea sur moi. Je me jetai à plat ventre pour éviter l'attaque et sentis les crocs me frôler quand elle referma la machoire en espérant m'attraper. Je me relevai péniblement et me mis à escalader des conteneurs pour espérer atteindre la seule issue: la baie vitrée. Je franchis d'un bond l'espace entre deux caisses et poursuivis mon escalade, tandis que les tentacules continuaient de projeter tout ce qui passait à leur portée. Une sorte de sphère métallique vint heurter l'endroit où je me trouvait, le faisant vaciller. Alors que je titubais selon l'angle que prenait mon piédestal, un autre bloc le fit complètement pencher vers le vide. Une demi-seconde plus tard, je me retrouvais suspendu au conteneur d'en face sans trop savoir comment, contemplant celui que je venait de quitter qui faisait une chute vertigineuse. Je me hissai progressivement pour revenir à une position plus confortable. Puis je me retournai pour regarder où j'étais par rapport à la chose.
C'est à ce moment que je me pris un coup de queue magistral. Je fus emporté par l'appendice, puis dans un vol plané assez douloureux, et je finis par traverser la baie vitrée pour aller m'écraser contre le mur. Je vis l'homme pousser un cri de surprise puis foncer par la porte avant de la refermer derrière-lui.

« Bon sang Matt, qu'est-ce qu'il se passe?, cria Mike. Tout l'entrepôt s'est mis à trembler comme une feuille! »
« Ouah... Je... Je crois que j'ai pas tout compris... »
« Bon, c'est pas grave, grouilles-toi, l'hélico est là! Ils se sont posés et ils viennent de récupérer un truc! »
« Quoi? Attendez, j'arrive! »
« Eh! On est là! Putain, mais qu'est-ce qu'ils fout... »

Le récepteur se mit à grésiller, tandis qu'il transmettait le bruit caractéristique des lasers qui ricochaient sur l'acier.

« Les gars, il se passe quoi? »
« C'était pas pour nous tuer... juste un avertissement, fit mon compagnon, apparemment pour lui-même. »
« Attendez-moi, j'arrive aussi vite que possible »

Je me relevai, ignorant les hurlements de la bête qui me cherchait parmi les conteneurs, et franchis en titubant la porte.

« C'est plus la peine Matt..., répondit Mike en déglutissant. Ils sont partis... »

Je ne pus que m'immobiliser au milieu du couloir, répétant à mi-voix ce qu'il venait de se passer.

« ...sans nous... »



*Note de l'auteur: Honnêtement, je suis désolé si certains d'entre vous trouvent la partie concernant le contrôle exercé sur la bacétrie incohérent ou illogique. Je ne disposais pas des connaissances nécessaires à l'époque pour savoir si c'était bon, et j'ai beau avoir réécrit ce passage avant de le poster, je ne parierais pas que cette fois ça passe mieux. Donc désolé pour cette éventuelle incohérence.*