Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Journal de bord bug +145


Par : Boris-Ivanovich
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 1 : Jour 145


Publié le 25/05/2011 à 21:15:35 par Boris-Ivanovich

[c]1- Jour 145 [/c]



Aujourd'hui, c'est mon avant dernière feuille et il me reste presque 25 stylos...
Je dois faire bref, mais j'ai besoin de raconter, de vider ma tête trop pleine de paradoxes. j'arrive difficilement à me faire à cette nouvelle vie... ou plutôt, demi-vie, sous-vie même.

Dans la nuit d'hier, je suis allé à presque 3 km de ma cache. Dans l'ancien "quartier du Lila". J'ai dû encore une fois me cacher avec ma combinaison camouflage de boîtes en carton grises. Les guetteurs sont de plus en plus vigilants et tirent à la moindre suspicion. Ce déguisement fait merveille et s'accommode bien avec la lenteur obligatoire de déplacement. J'ai changé la couleur des faces de mes cartons pour me permettre en les faisant tourner, de m'adapter à l'environnement de ruines et de gravats qui caractérise ma ville... enfin... ville... gros tas de décombres plutôt...
J'ai réussi à trouver un appartement encore intact, en forcer l'accès et j'ai pu trouver de la nourriture et des objets utiles. Conserves, pâtes, produits de toilette, de nettoyage, vin, des armoires pleines de vêtements, couvertures... et surtout médicaments. Une abondance surréaliste. Je vais le refermer, le rendre invisible, car j'y reviendrai prendre le reste.
Je n'ai pas trouvé d'armes ni de quoi en faire d'efficaces, rien d'utile dans ce fatras...
J'ai tout empaqueté pour que rien ne bouge ni ne fasse du bruit, ni se casse dans mes sacs. Je suis reparti tout content avec mon butin.
Je pourrai enfin faire des échanges un peu plus intéressants, ce sera moi le sollicité ce coup-ci !

Le retour fut interminable, tant la nuit est devenue propice aux déplacements. C'est compréhensible, plus d'électricité, un chaos sans nom, une obscurité malsaine, tout le monde tente de l'utiliser pour se mouvoir sans se faire tirer dessus et tout le monde va chercher dans les ruines de quoi survivre. ce soir, le chanceux, c'est moi.

Les clans qui se sont formés sont secrets, personne ne sait qui fait partie de quoi ou qui marche avec qui, gardent leurs territoires de pillages.
La nuit il n'y a que des ennemis... partout.

Les ruines sont devenues une mine à ciel ouvert, et loin d'être épuisée, la ville est une immense réserve ouverte aux audacieux, aux crocheteurs, aux acrobates, aux "monte en l'air"... aux voleurs.
Le seul moment de pause, c'est la période du "marché", enfin du troc. Là, il n'y a plus de clans, de milice. Tout le monde semble observer la trêve du "marché". Seule tolérance, les règlements de compte en cas de vol troublent cet ordre tacite de cesser le feu.

L'eau commence à être rare. Il faut aller la chercher dans les endroits les plus reculés, tuyau, chauffe-eau, canalisation... et même là, la "bonne" devient introuvable. Il n'y a plus de pigeons, ces braves bêtes trop dégénérées par une acclimatation urbaine en ont perdu leurs réflexes de base et ont servi de repas les premières semaines d'après le bug. Pareil pour les animaux de compagnie... bien souvent mangés par leur propre maître. Les chats sont plus chanceux car on en croise parfois, tels des ombres fuyant en silence toute approche. Mais eux aussi ont faim et se prennent parfois aux pièges mis par milliers dans les décombres. Les rats ont presque tous disparus, terminés à la broche sur des milliers de petits feux nocturnes...

Heureusement qu'il reste quelques appartements encore pleins, laissés dans l'état grâce à l'ordre d'évacuation lancé la veille du bug... pour une fois, les mensonges des autorités ont servi à quelque chose, rien n'a été détruit avant le bug puisque l'alerte lancée n'avait rien à voir avec sa nature.
C'est quelques jours après, quand ils ont compris que ceux qui sont revenus ont commencé à piller, saccager, brûler, détruire. Les affrontements ont étés d'une rare violence.
La lutte pour les "territoires", ces quartiers qui avant le bug étaient considérés comme aisés... a fait de très nombreuses victimes et les cadavres ont répandu de multiples fléaux sur une population affaiblie et déboussolée. Les feux "préventifs" qui étaient censés brûler ces charognes pourrissantes ont finalement causé le second mal les incendies contagieux interminables...
La lutte pour la survie s'est durcie. Les plus faibles physiquement, les dépendants aux médicaments, les vieux... ça a été une hécatombe.

Tout est désorganisé et seuls les clans arrivent à bloquer les accès à certaines zones. Mais sans préparation, sans énergie, la nuit est à tous et rien ni personne ne protège efficacement. Et certains cherchent encore de l'argent dans les décombres...

Alors, on se cache, on cache ses affaires, on s'enterre... il faut se rendre invisible. Le pire, c'est que personne ne sait comment les choses se passent ailleurs. La sortie de la ville est trop dangereuse, on est trop vite à découvert... peu arrivent à passer les barrages érigés avant le bug par les autorités. Les rumeurs les plus folles circulent...

Personne n'était prêt pour ce qui est arrivé. J'ai dû mon salut à ma préparation. J'avais préparé du matériel, des cartes, des itinéraires, de la nourriture, pas mal de choses en fait... et surtout des scenarii. Je ne peux pas dire que j'ai été surpris et mis en état de faiblesse comme les 99% de la population. Je n'ai pas eu besoin de me faire frôler par une balle pour comprendre que j'étais devenu, comme tous les autres, une proie. Et je sais ce qui risque de se passer si la situation perdure. C'est presque amusant de voir que ma survie n'a tenu qu'à ce que les autres, ma famille, mes proches qualifiaient de "douce-dinguerie-paranoïaque". Avec ce que j'avais appris, j'ai pu faire face, bien mieux qu'eux...

J'ai essayé de sauver, d'aider chaque fois que cela a été possible. Mais quand les gens ne peuvent pas changer, quand leur esprit n'arrive pas à penser différemment... c'est peine perdue.

J'ai décidé de me mettre des limites. Une fois atteintes, je partirai hors de la ville. Il va encore une fois falloir mesurer, calculer, "sentir" le bon moment et évacuer. Je dois encore me préparer à un autre inconnu dans l'urgence et l'inconfort. Ma réalité, c'est ce que je peux emporter avec moi et ma capacité à utiliser toutes les ressources disponibles avec humanité. C'est aussi ce à quoi je m'étais préparé. Lutter aussi contre le chaos de l'esprit. Je vais tenter de rejoindre l'endroit lointain que j'avais préparé "au cas où" et y tenter si possible un nouveau départ.

Tout le reste n'est que souvenir qui s'accroche et alourdit ma marche.


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