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Red Brenn


Par : Conan
Genre : Polar, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 24 : Karl


Publié le 06/02/2013 à 21:43:52 par Conan

Deux heures de l'après-midi. Fin de service. Même si je préfère la nuit, j'aime bien être du matin. Voir Paris se réveiller, et sortir de sa torpeur.

Greg et moi, on va chercher nos bagnoles garées dans le parking souterrain.

-J'vais demander à Karl s'il a pas de tuyaux sur ce Hollandais.
-Tu crois qu'il pourrait nous aider ?
-J'ai plus confiance en personne. La moitié de mes indics doivent être au courant que ce mec s'rait prêt à payer cher pour accrocher la peau de mes couilles sur sa cheminée. Et j'ai du mal à imaginer Karl me balancer. On a quand même fait la guerre ensemble.
-Oublie pas, Red : les rapports humains, c'est que du chimique. Juste des réactions chimiques.

Je monte dans ma voiture de location. Une Citroën. L'autre est toujours en réparation.

Karl. Ça fait une paire de mois que je l'ai pas vu. Aux dernières nouvelles, il en avait pris six avec sursis pour violences. Il aime la chicore ce con.

J'me gare devant un pub. Le sien. Je pousse la lourde porte battante en bois massif et verre blindé. Il fait sombre à l'intérieur. Tous les stores sont fermés. Y'a des néons aux logos de diverses équipes de foot qui clignotent sur les murs, et des photos de ces mêmes équipes. Entre-elles, une, encadrée, représente une troupe d'hommes vêtus de noir. Un bon gros rock bien gras qui tourne dans la pièce. Trois crânes rasés accoudés au comptoir, et deux qui bouffent des nuggets à une table. Ils se tournent vers moi.

Je m'approche du bar. Un gros chauve avec une veste Adidas me reluque de la tête au pied, puis il se retourne :
-Karl ! Karl ! T'as un client !

Karl sort de la cuisine. Taille moyenne, bien trapu. Cheveux châtains coupés à ras, prolongés par de longues pattes descendant jusqu'à la base de la mâchoire. Sa gueule est tellement balafrée qu'on la croirait cramée à l'acide. Son pif est tordu dans tous les sens. Quand il me voit, il écarte largement ses gros bras tatoués et court vers moi.
-Reeeeed ! Putain !

On se fait l'accolade. Le gros chauve lève un sourcil en voyant cette débauche d'amitié virile, comme seuls les Grecs savaient la pratiquer.
-Alors, qu'est-ce tu branles ici mon con ?
-J'suis v'nu te rendre une petite visite. Comment ça se passe pour toi ?
-Bah tu vois, ça tourne.

Il se pousse en tendant le bras vers la salle pour m'inviter à m'installer à une table et s'assied en face de moi puis se tourne vers le comptoir. Un type a fait son apparition derrière le bar. Le poil ras, lui aussi.
-Aurélien ! Deux pintes de Guiness ! C'est pour moi !
-Ça marche.
Il revient à moi :
-Alors, raconte-moi, quoi d'neuf ?
-Tu sais, ça fait à peine deux mois.
-T'es fou, plus de quatre !
-Merde, ça passe vite.

Le barman arrive avec les deux bocs de bière.
-Allez, santé !
-A la tienne.
On boit une gorgée, puis on pose nos verre.
-T'es au courant pour Vinny ?
-Non ?
-Il est à l'hosto. Il a pris une balle. Il s'en sortira, mais il risque de plus jamais remarcher.

Il reste figé, avec de grands yeux ronds.
-T'es pas sérieux là ?
-Comme j'te l'dis.
-Oh, putain...

Il passe ses mains sur son visage.
-J'ai besoin de toi pour retrouver l'enculé qui l'a fait flinguer.
-Tout c'que tu veux Red.
-Le Hollandais, ça te dit rien ?

Il fixe ses yeux pendant quelques secondes sur le parquet, puis grimace en secouant la tête :
-Nan... Nan... C'est qui ?
-Justement, c'est c'que j'essaye de savoir.

Il fronce les sourcils :
-Mais il fait quoi lui ?
-Tout c'que j'sais, c'est qu'c'est un mec de soixante piges, arrivé des Pays-Bas y'a pas longtemps, et qui magouille niveau supérieur.
-Tu sais, moi j'peux te dire c'que je vois dans la rue, les p'tites conneries, les embrouilles. Mais les gros comme ça, c'est pas mon domaine. Tu restes bouffer, j't'invite.
-Désolé mec, j'peux pas. La prochaine fois.
-Ok. J't'appelle si j'ai du nouveau.
-Ça marche. Prends soin de toi.

Je me lève et sort du pub en hochant la tête en direction du barman et des trois marmules au comptoir.

Dehors, c'est grisaille. Je monte dans ma caisse et m'allume une clope. Tout ça ne mène à rien. J'ai l'impression de poursuivre un fantôme.

Karl. Aussi connu sous le doux surnom de Blitzkrieg. Plus de dix ans qu'on s'connait. Recruté chez les Escadrons dans les débuts de la révolution. Hooligan à la base, un pote à Ritchie Resnil. C'est Greg, Vinny, et moi qui avons entraîné la section dans laquelle il était. Et c'est nous qui les avons mené au combat par la suite. Je crois qu'à ce jour, on en est les derniers survivants.

Après la guerre civile, il est revenu à ses premiers amours. Le foot, la bière, et la baston. Son statut d'ancien guerrier des Escadrons de la Mort lui a rapporté sa petite gloire dans le milieu. Il a gravi les échelons de son « club de supporter » la Paris Fan Firm, jusqu'à en devenir le leader. Le meneur. Il a mis tout le pognon qu'il avait de coté pour acheter un local qu'il a transformé en pub. Le PFF. Devenu bastion et bunker de ses troupes qui donnent tant de fil à retordre à mes collègues de l'unité anti-émeutes. Au final, révolution ou pas, rien n'a changé.

En plus d'être un vieil ami, c'est un excellent indic. Les rapports qu'il entretient d'ailleurs avec nous ont valu leur lot d'emmerdes, pour lui comme pour nous. Mais qui oserait lui reprocher ses fréquentations, ses hommes le craignent et le respectent bien trop.


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