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La Prophétie d'Acier


Par : Gregor, Remedy, Sarezzo
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 16


Publié le 23/04/2011 à 23:54:04 par Sarezzo

Les mains de Calum glissaient littéralement sur l’interface tactile. Le front s’était élargi comme il l’espérait jusqu’à Annecy et à présent les hommes bombardaient massivement les hautes montagnes de Savoie.

-Commandus ?
-Oui Romano ?
-Nos drones ont captés des mouvements convergeant en notre direction.
-Neutralisez-les en ce cas, répondit-il nerveusement.
-Ils ont apportés des brouilleurs avec eux Commandus, on doit attaquer à pied.

Calum soupira. La Nation Italienne avait ouvert les hostilités à Nice peu de temps avant son arrivée, ainsi que le plan le prévoyait, forçant la Régence à envoyer ses troupes. Malheureusement d’Harnois paraissait plus coriace que prévu, faisant preuve d’intelligence dans le déploiement de brouilleurs. Ceux que Calum réclamait n’étaient toujours pas arrivés et il y avait des chances que le conflit se termine bien avant qu’ils ne soient enfin là.

-Parfait, menez l’assaut sur leurs flancs et coupez toute retraite. Une troisième équipe viendra de front pour terminer le boulot. Les brouilleurs sont vos cibles prioritaires.

Romano acquiesça et repartit. Calum fit craquer les phalanges des doigts qui lui restaient et jeta un regard autour de lui. La pièce avait été équipée à la hâte comme en témoignaient les supers ordinateurs et les câbles en désordre qui obligeaient Calum à faire attention à ne pas se prendre les pieds dedans. La poussière commençait d’ailleurs à faire acte de présence comme il le constatait en voyant quelques tourbillons danser sous la lumière de fin d’après-midi que les fenêtres filtraient.
« Assez de contemplation », se dit-il en se relevant. Il devait lui-même coordonner l’attaque et comme l’interface serait inutilisable à cause des brouilleurs il lui fallait recourir aux radios. Un système si ancien que personne n’aurait pensé qu’il fut encore utilisé, ni même ceux ayant conçus les brouilleurs qu’utilisait la Régence. Par ailleurs il voulait donner lui-même les ordres aux hommes afin d’éviter tout quiproquo.

Il traversa rapidement les couloirs et arriva dans la vaste cours. Le château, bâti à l’époque du règne du Magister Oddarick avait depuis longtemps perdu de sa superbe. En y débarquant, Calum avait dû opéré avec les techniciens un véritable travail de rénovation dans les parties principales de l’édifice afin d’en faire un quartier général acceptable. La majeure partie des infrastructures ressemblait encore à ces antiques ruines des châteaux de la Loire envahies par les ronces et la plupart du matériel informatique qui était présent jadis avait été emporté depuis longtemps. Aujourd’hui les murs fatigués paraissaient sur le point de s’affaisser sous leur propre poids et les fresques qui les illustraient n’avaient même pas de poussière pour vestige.
Les soldats patientaient dans l’immense cour et même au-delà. Il y avait là six cents hommes présents rien que sous ses yeux, et encore une infinité d’autres qui se battaient sur les bordures franco-italiennes.

Deux paires de micros étaient disposées sur le rebord du balcon où il se tenait, reliés à plusieurs dizaines d’amplificateurs. Calum s’exprima à tous ces hommes d’une voix claire et forte, vibrante d’inflexions chaudes et toniques dont il avait le secret. Son talent d’orateur parut avoir un impact encore plus puissant que la vision du Dieu Machine sur les militaires tant les mots choisis et sa manière de les prononcer était comme un hymne oublié qui éveillait encore les sens d’un inconscient collectif. Le flux verbal emporta les craintes et les doutes pour ne former qu’une seule et unique volonté de fer qui ne demandait qu’à se battre et à vaincre.

Des ovations d’une puissance formidable explosèrent l’atmosphère lorsque le Commandus termina son discours, au point que leurs échos avaient sans doute atteint les troupes de la Régence. Calum donna l’ordre de se mettre en marche contre les ennemis de la Confederate Pacem.

*

Aedan et Gregor étaient penchés sur un plan interactif directement retranscrit par leurs satellites. Néanmoins ils avaient eux aussi rapidement constatés la présence d’un brouillard pixélisé intermittent sur le site où Calum se situait. Ils purent eux aussi constater juste à temps que de nouvelles troupes tentaient une attaque de front contre le Commandus.

-Il parviendra à les arrêter, fit le Magister en faisant coulisser l’interface.

Ce n’était ni une question, ni une volonté de s’auto-persuader. Le nouveau Magister savait, comme une véritable encyclopédie contenant tout le savoir stratégique nécessaire à l’art de la guerre.

-C’est une guerre juste, dit doucement Gregor, mais veillons à la mener justement.

Aedan sourit à l’écoute de la nuance subtile du vieux soldat. Mais lui-même savait qu’il aurait été fatal de se montrer sous l’aspect d’un chef belliqueux. Tout devait se faire subtilement, avec la finesse d’une mécanique de montre à gousset.

-Nous débarquerons ce soir. Il faut en finir le plus vite possible, poursuivit le Magister. Le gros des troupes s’est jeté dans les bras du Commandus comme nous le voulions, il ne servirait à rien d’attendre plus longtemps ; le Régent ne se doute pas le moins du monde qu’Aix-la-Chapelle sera prise par l’arrière.
-C’est aussi ce que je pensais. Nous avons déjà deux milliers d’hommes sur place qui attendent le jour J depuis le début des hostilités. Deux mille autres nous accompagnerons et nous pourrons lancer l’assaut.
-Je veux surtout éviter les risques collatéraux ; nous ne sommes pas des envahisseurs.

Gregor s’inclina et se retira, laissant Aedan à ses réflexions, pour aller donner les directives aux techno-moines et aux troupes postées devant le temple.

*

L’odeur de sang, de plastique et le métal brûlés empestaient dans l’atmosphère. Les canons à protons menaçaient de surchauffer à chaque instant et le Commandus savait qu’il ne pouvait continuer à les utiliser sous peine de les voir exploser.

-Tant pis, fit-il. Donnez l’ordre de tuer tous ceux qui résistent. Ceux souhaitant se rendre pourront rester sauf.
-Et les officiers ? demanda le major à côté de lui.
-Même régime. Je ne vois pas pourquoi ils auraient droit à un traitement de faveur.

Le major hocha la tête et s’empressa de faire passer le mot d’ordre.
La plaine était devenue un véritable brasier aux colonnes cyclopéennes de fumée noire. Les forêts n’étaient plus que braises et cendres qui craquaient au gré des rythmes martiaux des soldats et des ordres crachés dans l’urgence tandis que les rayons rougeâtres des fusils d’assaut perforaient drones et membres artificiels. Calum savait que le combat commençait à tourner à la boucherie ; le Régent avait apparemment déployé le maximum de troupes possible à son encontre pour tenter de le déloger. Le Magister l’avait sans doute remarqué lui aussi et le Commandus espérait qu’il en profitât pour débarquer au Nord de l’Europe pour rallier Aix le plus vite possible.

McGregor saisit le P-90 qu’il avait déposé plus tôt et enclencha la vision thermique. Ses yeux prirent une teinte violacée tandis qu’il percevait l’ennemi coloré de rouge alors que ses hommes étaient bleus, lui permettant de ne pas les confondre.

La précision accrue et la longue portée que lui conférait le fusil lui octroya une série de tirs auxquels aucune de ses cibles ne put échapper. Positionné sur un talus, proche de la ligne de contact, il restait hors de portée pour ses ennemis, trop occupés à se battre conte les hommes du Magister. Cela n’empêchait pas toutefois que certains le prennent à son tour pour objectif de tir mais le calme profond et tactique du Commandus ne lui firent jamais défaut. Si sa cape et son armure souffraient des impacts causés par les balles, il savait que montrer le moindre signe de faiblesse donnerait un mauvais coup au moral de ses propres troupes. Il représentait pour eux le soutien infaillible, le pilier sur lequel ils pouvaient s’appuyer pour conserver l’envie de vaincre. Mais plus qu’une envie, c’était une nécessité absolue, un devoir qu’il lui fallait absolument remplir.

-Nous sommes parvenus à faire une percée Commandus !

Calum désactiva la vision thermique et se tourna vers son interlocuteur. C’était Romano, le bras droit, organique encore, en sang et un mélange de sueur et de terre sur le visage.

-Tentez de prendre chacune de leur portion en tenaille, ordonna le Commandus. Qu’on leur coupe toute retraite ; qu’ils soient faits prisonniers ou non, l’important est qu’ils ne repartent pas d’ici.
-À propos de prisonniers, ceux qui se sont déjà rendus, qu’en fait-on ?
-Qu’une dizaine d’hommes les ramènent à la forteresse ; les techno-moines sauront déjà quoi en faire.

Romano acquiesça et repartit vers l’amas de poussière sombre où grouillaient les armées. Calum descendit du talus et s’apprêtait à s’enfoncer dans le front mais une puissante détonation arracha le sol à quelques pas devant lui. Un éclat d’obus lui déchira la poitrine et se ficha sans ses poumons en fibro-caoutchouc. Son cœur et ses autres organes, de la même matière, parurent supporter le choc mais son sang dégoulinait déjà en une cascade vermeil du cratère métallique qui était son poitrail encore quelques instants auparavant. Il percevait une chose étrange, comme si son cerveau l’identifiait comme de la douleur mais sans pour autant la lui faire pleinement ressentir. Un vertige l’accabla toutefois très vite et il tenta de gargouiller un appel à l’aide mais à part émette un borborygme inarticulé avec un jet d’hémoglobine, il ne parvint pas à grand-chose.
Une peur sourde commençait à l’irradier. Le Commandus tenta de bouger mais le sang avait provoqué quelques dysfonctionnements au sein des articulations en s’y infiltrant.

-Commandus !

Romano, encore. Mais Calum avait à peine reconnu sa voix ; il sentait qu’il sombrait peu à peu dans cette torpeur que le cerveau provoquait lorsque la douleur était trop insoutenable. Même si celle-ci était altérée, le réflexe était toujours présent.

-Contentez-vous de me ramener, éructa-t-il. Que l’offensive continue jusqu’à leur défaite.

En le relevant il eut la désagréable impression de recevoir un coup de marteau sur le crâne. Un trou noir se forma alors sous ses yeux et grossit à vue d’œil, jusqu’à l’engloutir. En y plongeant, Calum crut se retrouver dans une substance éthérée ou molle, ni chaude ni froide, mais terriblement et paradoxalement vide de tout. Tout ce qui lui indiquait qu’il était conscient le quittait rapidement, jusqu’à sa propre faculté de penser.


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