CHAPITRE 1

16 ans, 17 bientôt, un vendredi soir, je rentrais péniblement d'une autre pénible journée ou je finissais plus tard qu'un de mes "amis" - il paraît qu'on les appelle comme ça dans ce bas monde - qui avait l'habitude d'ironiser sur le fait que je finissais une heure après lui, à 18h donc, à cause de cette foutue langue russe ; journée de 9 heures, bien mort, je rentre en bus, la musique de R.E.M. dans mes écouteurs, je sors du bus, je continue le trajet jusque vers mon domicile.

Arrivé, goûter, puis je monte dans ma chambre et j'arrive sur mon ordi, fin prêt à perdre ma soirée à regarder des conneries aussi inutiles que chronophages sur internet.

Premier acte de la scène, Facebook.

J'avais Facebook depuis bientôt deux ans. La première personne avec qui j'étais devenu ami était une fille. Bizarre pour un mec comme moi. Elle m'avait paru plutôt sympa quand je l'avais rencontrée. Plus intéressante que les autres, peut-être. Bref. Mais maintenant... J'étais peut-être plus mature aujourd'hui, peut-être pas elle, mais qu'est-ce qu'elle valait maintenant ?

Seconde l'année dernière, dans la même classe. Première cette année ; S pour le gros geek que j'étais, L pour la littéraire spirituelle et épanouie qu'elle prétendait être. Enfin, maintenant, celle qui ne vivait que d'Apollinaire et de Baudelaire criait haro sur ces "anthologies poétiques de merde" que nous faisaient faire nos professeurs de français. Probablement future bobo, qui oserait me faire croire le contraire d'une fille qui arbore fièrement, entre quelques milliers de photos d'elle avec ses amis - ceux qui étaient encore B&st4h il y a un an et qui riaient gentiment de la nouvelle génération, génération plus jeune d'un an seulement et héritière de leurs propres coutumes - bref, montrait son vinyle des Ramones et portait avec elle la parole des Inrocks, magazine qui parlait aussi bien de rock que de jardinage à mon humble avis ?

Après une heure de ma vie perdue sur Facebook, je retournais à des activités plus intéressantes pour ma personne. Je lançai un bon Sister de Sonic Youth dans le lecteur de mon ordi, en me documentant sur des forums de véritables fans de ce genre de groupe, loin des Philippe Manoeuvre près à vous dire tout le mal qu'ils pensent d'un groupe ou d'un album à sa sortie pour l'encenser trente ans plus tard juste pour son statut de mythe.

Après, repas, puis retour dans la chambre, deux heures passées à lire Madame Bovary que je suis censé avoir fini depuis deux mois... et dodo.