Prologue:

La pièce est sombre. L'atmosphère, douteuse. Les quelques bougies qui éclairent ce vaste manoir nous permettent de distinguer un certain nombre de personnages et d'objets, tous aussi absurdes les uns des autres. Parmi eux, une télévision, ou plutôt un écran, que j'ai scruté bon nombre de fois, bien malgré moi. Parfois l'écran affiche un "2", parfois un "65". Dans le cas d'un nombre important, je peux entendre rire mon sinistre ami des heures durant. En ce moment précis, le nombre "80" est affiché. Ce qui me promet une nuit blanche. Mis-à-part ma pâle personne, deux individus se tiennent dans cette obscure salle. L'un d'eux n'a rien de très intéressant: un peu dodu, le crâne enfoncé et le sourire pathétique d'un serviteur soumis à son maître. La deuxième personne présente ne peut être qualifiée que d'un seul mot: le mal. Avant d'être piégé dans cet endroit que je pourrais appeler l'enfer, cet homme était mon meilleur ami. C'était un adolescent comme les autres, ou presque. Il a mal tourné et voilà ce qu'il est devenu! Les yeux écarquillé sur son divertissement favori, le visage ovale et pourpre, l'expression sournoise, voire mesquine. La chevelure noire et sale, des lèvres sèches et violacées, ainsi qu'une corpulence étrangement effrayante. Courbé sur son jeu, les sourcils froncés, le personnage semble réfléchir. Son serviteur l’arrache à ses pensées en l’informant d’une voix doucereuse :
- Quatre-vingt d’un coup, maître… C’est un accident de métro, et…
Son maître le coupe, la mine réjouie.
- Génial ! Je vais pouvoir mettre à l’œuvre ma nouvelle idée. Seul, je vais avoir du mal, tu es prêt à m’aider ?
- A quoi pensez-vous ? l’interroge son serviteur, intrigué.
- Ne t’occupe pas ! Va plutôt me chercher quatre vingt démons. Voici quelques croquis, impose cela à Maeva ! Et ne sois pas trop long.
- B-Bien maître, pardonnez ma curiosité…
L’homme lance un regard noir à son esclave qui ne tarde pas à se hâter d’exécuter les ordres.
Quelle idée a-t-il en tête ? Ca m’inquiète un peu… Si ma mémoire est encore intacte, il me semble que Maeva est une démone, ancienne styliste. Mon vieil ami claque des doigts et aussitôt un nouvel esclave apparaît. Il lui ordonne :
- Tu vois l’accident de métro ? J’aimerai que tu fasses des recherches approfondies sur les victimes. Je lancerai le jeu bientôt, après que les morts aient franchis l’abîme.
- C’est tout ? demande l’esclave, optimiste.
- Non, j’aimerai également que tu t’occupe de mon précieux objet durant mon absence. Je veux que le travail soit fait rapidement, afin d’éviter qu’il ne me devance.
Le démon acquiesce d’un vague signe de la tête, et quitte la pièce. Quand au chef des lieux, il s’assoupit, assit sur son canapé couleur rouge sang. Cet élément me rappelle ce triste évènement. En effet, mon nom est Alexandre et je suis mort il y a dix ans.