Le Péché selon Jack
Par : SyndroMantic
Genre : Horreur , Nawak
Status : Abandonnée
Note :
Chapitre 1
Avant-propos
Publié le 08/09/10 à 15:09:28 par SyndroMantic
[Bon, je précise que ce n'est pas dans cette intro qu'il y a le moindre élément nawak. On devrait comprendre que c'est à partir du chapitre suivant que le ton change.]
Avant-Propos
De toute mon existence, j'ai vu passer beaucoup de monde. Bien plus que ce qu'on est en mesure de compter, ici-bas. C'est comme ça. Ce n'est pas pour nous vanter. Personne n'y peut rien. On leur a toujours laissé le choix, c'était à eux de décider quand ils en avaient l'occasion. Et puis voilà. Ils apparaissent, dans la brume, indistincts, et marchent à pas trainants vers nos domaines, comme des enfants à qui la mère vient de baisser le pantalon. Je ne sais pas l'impression que ça fait, d'arriver, personnellement. Je suis là depuis toujours.
C'est moi, qui suis le premier à devoir accueillir ces gens. Je les aide à passer de leur errance à leur nouvelle vie parmi nous. C'est mon métier. Il a ses hauts et ses bas... mais dans l'ensemble, j'ai fini par m'y faire. Eux aussi.
Les premiers temps, ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui leur arrivait. D'après les dires, il paraît que leur voyage jusqu'ici se fait rarement avec douceur. C'est peut-être que nous n'en avons pas la même notion... Autant dire que la décoration qu'ils découvraient par la suite ne leur plaisait absolument pas. Je ne suis jamais allé m'en plaindre, mais il est vrai que le Maître a en plus assez mauvais goût. Paraît-il que c'est aussi son métier... Enfin, soit, cela ne me regarde pas. Et j'ai bien dû passer des siècles à l'expliquer à ces gens, à me plier en quatre et à me taper le front par terre, avant de parvenir à me faire comprendre d'eux. Peu m'importaient leurs craintes et leurs malheurs, ou autres difficultés particulières à se rendre en enfer. Je n'en étais nullement responsable. Et c'est toujours le cas aujourd'hui. Tout ce qui m'intéressait, en revanche, était de savoir si de tels traumatismes pouvaient leur avoir ôté cette notion qui m'est chère, et qu'on appelle l'argent. Fort heureusement non, comme j'ai fini par m'en rendre compte, et je n'eus presque aucun mal à obtenir d'eux mon salaire. Ces âmes sont de nature si charitable... Et puis je crois aussi que mon apparence avait de quoi, parallèlement, les dissuader de toute fraude.
Mais au bout de quelques temps, je ne sais trop de quelle manière, notre organisation s'est faite connaître jusque chez eux. Les nouveaux arrivants étaient de moins en moins surpris par notre vue, et apportaient même parfois des bagages pour leur séjour prochain. Le bruit d'un Post-Mortem a couru à une vitesse prodigieuse, non sans un succès indéniable au sein de leur civilisation. J'ai presque moi-même fini par devenir un symbole, une figure emblématique, pour eux. Une grande partie s'était déjà faite à l'idée de me croiser un jour. Certains allaient encore jusqu'à se pervertir exprès pour ça. Par curiosité. La "fascination du diable", qu'ils l'appelaient. De notre point de vue, ça ressemblait fort à une maladie. Car en effet, cette fascination faisaient naître chez eux des expérimentateurs en tous genres, des hommes qui se voulaient pionniers de la mort, des médecins, des nécromants, des tueurs en série,... toute une joyeuse bande de psychopathes en puissance, que j'ai bien sûr fini par tous connaître rapidement. Il en venait des centaines à chaque heure. C'était la pleine saison. J'en ai même trouvé certains qui, ma foi, étaient très sympathiques, et avec lesquels je me souviens avoir passé d'excellents moments en dehors du service, quoi que ce plaisir n'eût pas toujours été réciproque, je l'avoue...
Oui, j'ai rencontré beaucoup de gens, durant mon existence. Et de toutes les sortes. Il est assez surprenant de voir combien leurs cimetières sont diversement peuplés. Des variétés incroyables de personnages m'en sont venues : hommes, femmes, fausses couches, soldats, aventuriers, mafieux, cancéreux, condamnés, centenaires, drogués, euthanasiés, testateurs, malchanceux, mégalomanes, gothiques, somnambules, oubliés, martyrs, accidentés, suicidaires et sacrifiés... mais par dessus tout pécheurs, tous autant qu'ils étaient. Chacun à son degrés, plus ou moins assumé. Pourtant jamais aucun n'a remplacé, dans mon affection, la catégorie dite des ivrognes. J'éprouve un attachement particuliers pour ces ratés complets, tâches visqueuses et malodorantes sur la fresque de l'espèce humaine. Principalement depuis ma rencontre avec l'un d'eux. Le plus vil. Sa perversité n'avait de limite que dans sa faible intelligence. Noirceur était le village où devait avoir grandi son esprit abject. Et le crime n'était plus quelque chose de détestable, à coté de son égoïsme.
J'étais, pour ne rien cacher, à des lieux et des lieux d'en avoir le soupçon, quand je vis pour la première fois, sous ma capuche, cet individu présenter sa morne carcasse devant mon guichet. C'était un jour calme, pourtant, rien ne semblait devoir m'arriver de spécial. Un jour comme des milliards d'autres. Sauf que ce fut ce jour, qu'il vint à notre monde, préparant toutes les histoires que nous allions vivre bientôt...
Son corps maigrelet se dessina au loin dans le brouillard, avant de se préciser à ma vue. Il était d'une taille assez petite et se déplaçait avec une lenteur affolante. Jamais plus d'un pieds devant l'autre, parfois rien que les deux tiers : telle semblait être la règle de ses déplacements. Comme s'il n'était plus sûr de savoir comment marcher. Son regard était planté à quinze centimètres de ses énormes pieds, sur le sol gris, totalement coupé de l'extérieur. Il portait une grande tignasse blanche qui rebiquait de tous les cotés, sur sa tête penchée en avant. Cette lourde position semblait presque due au poids de ses oreilles, aussi démesurées que ses pieds. Deux verrues sur son nez et son menton rendaient son portrait encore plus grotesque. Des cernes caverneuses étaient marquées sous ses épais sourcils. Je lui donnais au moins la cinquantaine, environ, d'après la quantité de rides que son triste visage amassait. Par ailleurs, l'expression grincheuse qu'il lui infligeait n'était pas pour le rajeunir, pauvre de lui.
Vraiment, j'aurais ri de tout mon souffle, pour peu que j'en eusse eu un. Eh, c'est que lorsqu'on est assigné à un office tel que le mien, il vaut mieux conserver un certain sens de la dérision, si l'on ne veut pas finir stupidement chevillé à une pierre abyssale dans un moment de crise mélancolique. Ainsi trouvai-je pour ma part la vue de ce nouveau venu fichtrement comique. Mais la suite le fut déjà moins, quand je m'aperçus que lui ne m'avait en revanche pas remarqué du tout, malgré mon manteau noir, et qu'il continuait d'avancer en direction de nulle part, à travers les brumes, comme si je n'existais pas. Tout seul dans les ténèbres, il grommelait pour lui-même des interjections portant sur un certain "connard de portier" et son incidence radicale sur le système digestif.
J'imaginais bien de qui l'individu pouvait parler, ainsi que les raisons d'une telle vulgarité. C'est pourquoi je lui fis signe de me rejoindre, afin qu'il passât à la suite de son parcours funèbre... sans rien savoir de ce qu'il allait être en réalité. Le damné leva vers moi ses yeux blafards, puis reprit sa marche dans ma direction, ajoutant à son monologue personnel :
« Et toi, t'es qui, trou du cul ? Saint-pitre ? »
Il n'était certes pas courant que je fusse apprécié des morts, même si me traiter de "saint"... Enfin bon. Une fois qu'il eut atteint mon bureau, à la force d'une éprouvante marche qui me parut durer des heures, je lui tendis la feuille de recensement accompagnée de sa plume pour y écrire. C'est ainsi que cela fonctionne. Même si l'on ne va jamais les chercher, où qu'ils se soient perdus dans les limbes, tous les absents dont le passage a été refusé là-haut et qui ne sont pas encore arrivés en bas doivent être répertoriés. C'est pour ça que l'on répertorie les présents. Bien sûr, je ne demandais pas à cet individu de saisir d'emblée cette petite subtilité, mais au moins de comprendre au vu de la liste de noms inscrite sur ce papier que je voulais le sien. Son visage, tout comme le reste de son corps, resta de marbre devant mon geste, imperméable à mes attentes. Après un léger temps d'arrêt, je laissai tomber mes membres sur la table et, mâchoire sur le métacarpe de ma main, lui secouais la plume au-dessus du parchemin, pour voir si cela devenait plus clair dans sa tête.
Le bonhomme examina la liste avec indifférence, puis d'un geste las prit l'objet pointu et griffonna soigneusement un prénom raturé. La mort ne laisse hélas pas toujours la notion de dénomination, bien qu'elle semblait déjà avoir perturbé grand nombre de ses acquis à lui. Mais je tacherai, moi, longtemps de me souvenir de ce phénomène, dont je déchiffrai plus tard la signature :
Il s'appelait Jack.
http://www.deezer.com/listen-4726911
[Si quelqu'un passe sur cette fic, je préviens, la suite est pour une date que tout le monde comprendra. ]
De toute mon existence, j'ai vu passer beaucoup de monde. Bien plus que ce qu'on est en mesure de compter, ici-bas. C'est comme ça. Ce n'est pas pour nous vanter. Personne n'y peut rien. On leur a toujours laissé le choix, c'était à eux de décider quand ils en avaient l'occasion. Et puis voilà. Ils apparaissent, dans la brume, indistincts, et marchent à pas trainants vers nos domaines, comme des enfants à qui la mère vient de baisser le pantalon. Je ne sais pas l'impression que ça fait, d'arriver, personnellement. Je suis là depuis toujours.
C'est moi, qui suis le premier à devoir accueillir ces gens. Je les aide à passer de leur errance à leur nouvelle vie parmi nous. C'est mon métier. Il a ses hauts et ses bas... mais dans l'ensemble, j'ai fini par m'y faire. Eux aussi.
Les premiers temps, ils n'avaient pas la moindre idée de ce qui leur arrivait. D'après les dires, il paraît que leur voyage jusqu'ici se fait rarement avec douceur. C'est peut-être que nous n'en avons pas la même notion... Autant dire que la décoration qu'ils découvraient par la suite ne leur plaisait absolument pas. Je ne suis jamais allé m'en plaindre, mais il est vrai que le Maître a en plus assez mauvais goût. Paraît-il que c'est aussi son métier... Enfin, soit, cela ne me regarde pas. Et j'ai bien dû passer des siècles à l'expliquer à ces gens, à me plier en quatre et à me taper le front par terre, avant de parvenir à me faire comprendre d'eux. Peu m'importaient leurs craintes et leurs malheurs, ou autres difficultés particulières à se rendre en enfer. Je n'en étais nullement responsable. Et c'est toujours le cas aujourd'hui. Tout ce qui m'intéressait, en revanche, était de savoir si de tels traumatismes pouvaient leur avoir ôté cette notion qui m'est chère, et qu'on appelle l'argent. Fort heureusement non, comme j'ai fini par m'en rendre compte, et je n'eus presque aucun mal à obtenir d'eux mon salaire. Ces âmes sont de nature si charitable... Et puis je crois aussi que mon apparence avait de quoi, parallèlement, les dissuader de toute fraude.
Mais au bout de quelques temps, je ne sais trop de quelle manière, notre organisation s'est faite connaître jusque chez eux. Les nouveaux arrivants étaient de moins en moins surpris par notre vue, et apportaient même parfois des bagages pour leur séjour prochain. Le bruit d'un Post-Mortem a couru à une vitesse prodigieuse, non sans un succès indéniable au sein de leur civilisation. J'ai presque moi-même fini par devenir un symbole, une figure emblématique, pour eux. Une grande partie s'était déjà faite à l'idée de me croiser un jour. Certains allaient encore jusqu'à se pervertir exprès pour ça. Par curiosité. La "fascination du diable", qu'ils l'appelaient. De notre point de vue, ça ressemblait fort à une maladie. Car en effet, cette fascination faisaient naître chez eux des expérimentateurs en tous genres, des hommes qui se voulaient pionniers de la mort, des médecins, des nécromants, des tueurs en série,... toute une joyeuse bande de psychopathes en puissance, que j'ai bien sûr fini par tous connaître rapidement. Il en venait des centaines à chaque heure. C'était la pleine saison. J'en ai même trouvé certains qui, ma foi, étaient très sympathiques, et avec lesquels je me souviens avoir passé d'excellents moments en dehors du service, quoi que ce plaisir n'eût pas toujours été réciproque, je l'avoue...
Oui, j'ai rencontré beaucoup de gens, durant mon existence. Et de toutes les sortes. Il est assez surprenant de voir combien leurs cimetières sont diversement peuplés. Des variétés incroyables de personnages m'en sont venues : hommes, femmes, fausses couches, soldats, aventuriers, mafieux, cancéreux, condamnés, centenaires, drogués, euthanasiés, testateurs, malchanceux, mégalomanes, gothiques, somnambules, oubliés, martyrs, accidentés, suicidaires et sacrifiés... mais par dessus tout pécheurs, tous autant qu'ils étaient. Chacun à son degrés, plus ou moins assumé. Pourtant jamais aucun n'a remplacé, dans mon affection, la catégorie dite des ivrognes. J'éprouve un attachement particuliers pour ces ratés complets, tâches visqueuses et malodorantes sur la fresque de l'espèce humaine. Principalement depuis ma rencontre avec l'un d'eux. Le plus vil. Sa perversité n'avait de limite que dans sa faible intelligence. Noirceur était le village où devait avoir grandi son esprit abject. Et le crime n'était plus quelque chose de détestable, à coté de son égoïsme.
J'étais, pour ne rien cacher, à des lieux et des lieux d'en avoir le soupçon, quand je vis pour la première fois, sous ma capuche, cet individu présenter sa morne carcasse devant mon guichet. C'était un jour calme, pourtant, rien ne semblait devoir m'arriver de spécial. Un jour comme des milliards d'autres. Sauf que ce fut ce jour, qu'il vint à notre monde, préparant toutes les histoires que nous allions vivre bientôt...
Son corps maigrelet se dessina au loin dans le brouillard, avant de se préciser à ma vue. Il était d'une taille assez petite et se déplaçait avec une lenteur affolante. Jamais plus d'un pieds devant l'autre, parfois rien que les deux tiers : telle semblait être la règle de ses déplacements. Comme s'il n'était plus sûr de savoir comment marcher. Son regard était planté à quinze centimètres de ses énormes pieds, sur le sol gris, totalement coupé de l'extérieur. Il portait une grande tignasse blanche qui rebiquait de tous les cotés, sur sa tête penchée en avant. Cette lourde position semblait presque due au poids de ses oreilles, aussi démesurées que ses pieds. Deux verrues sur son nez et son menton rendaient son portrait encore plus grotesque. Des cernes caverneuses étaient marquées sous ses épais sourcils. Je lui donnais au moins la cinquantaine, environ, d'après la quantité de rides que son triste visage amassait. Par ailleurs, l'expression grincheuse qu'il lui infligeait n'était pas pour le rajeunir, pauvre de lui.
Vraiment, j'aurais ri de tout mon souffle, pour peu que j'en eusse eu un. Eh, c'est que lorsqu'on est assigné à un office tel que le mien, il vaut mieux conserver un certain sens de la dérision, si l'on ne veut pas finir stupidement chevillé à une pierre abyssale dans un moment de crise mélancolique. Ainsi trouvai-je pour ma part la vue de ce nouveau venu fichtrement comique. Mais la suite le fut déjà moins, quand je m'aperçus que lui ne m'avait en revanche pas remarqué du tout, malgré mon manteau noir, et qu'il continuait d'avancer en direction de nulle part, à travers les brumes, comme si je n'existais pas. Tout seul dans les ténèbres, il grommelait pour lui-même des interjections portant sur un certain "connard de portier" et son incidence radicale sur le système digestif.
J'imaginais bien de qui l'individu pouvait parler, ainsi que les raisons d'une telle vulgarité. C'est pourquoi je lui fis signe de me rejoindre, afin qu'il passât à la suite de son parcours funèbre... sans rien savoir de ce qu'il allait être en réalité. Le damné leva vers moi ses yeux blafards, puis reprit sa marche dans ma direction, ajoutant à son monologue personnel :
« Et toi, t'es qui, trou du cul ? Saint-pitre ? »
Il n'était certes pas courant que je fusse apprécié des morts, même si me traiter de "saint"... Enfin bon. Une fois qu'il eut atteint mon bureau, à la force d'une éprouvante marche qui me parut durer des heures, je lui tendis la feuille de recensement accompagnée de sa plume pour y écrire. C'est ainsi que cela fonctionne. Même si l'on ne va jamais les chercher, où qu'ils se soient perdus dans les limbes, tous les absents dont le passage a été refusé là-haut et qui ne sont pas encore arrivés en bas doivent être répertoriés. C'est pour ça que l'on répertorie les présents. Bien sûr, je ne demandais pas à cet individu de saisir d'emblée cette petite subtilité, mais au moins de comprendre au vu de la liste de noms inscrite sur ce papier que je voulais le sien. Son visage, tout comme le reste de son corps, resta de marbre devant mon geste, imperméable à mes attentes. Après un léger temps d'arrêt, je laissai tomber mes membres sur la table et, mâchoire sur le métacarpe de ma main, lui secouais la plume au-dessus du parchemin, pour voir si cela devenait plus clair dans sa tête.
Le bonhomme examina la liste avec indifférence, puis d'un geste las prit l'objet pointu et griffonna soigneusement un prénom raturé. La mort ne laisse hélas pas toujours la notion de dénomination, bien qu'elle semblait déjà avoir perturbé grand nombre de ses acquis à lui. Mais je tacherai, moi, longtemps de me souvenir de ce phénomène, dont je déchiffrai plus tard la signature :
Il s'appelait Jack.
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[Si quelqu'un passe sur cette fic, je préviens, la suite est pour une date que tout le monde comprendra. ]
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