Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique , Horreur
Status : Terminée
Note :
Chapitre 43
Les Sources (dernière suite)
Publié le 23/11/10 à 20:31:42 par SyndroMantic
Alors les rayons du soleil se masquèrent doucement dans un voile de nuages et de brumes, aux traces finales du jour...
L'odeur des algues émanait du sable humide de la lagune. Le sol était lissé par les marées fréquentes qui s'y étaient déroulées. L'Eau ne produisait aucun murmure depuis les petites vaguelettes blanchâtres qui s'étalaient sur le rivage. Quelques méduses s'étaient échouées, agglutinées les unes aux autres le long de lignes sinueuses, sur le sable fin. Vers le large, des mouettes s'en disputaient d'autres cousines, à moins que ce n'eût été le cadavre d'un gros poisson remonté à la surface. A deux pas du littoral, un large périmètre forestier avait été fauché par les intempéries, beaucoup plus forts que ce qu'il m'en était resté en mémoire. Les rondins de bois se comptaient par dizaines, allongés dans un ossuaire aléatoire, froid charnier des murailles détruites. La prolifération d'herbages, tout autour de ces ruines miteuses, rendait le sol plus dur. On ne grattait que trois fois de l'ongle, avant de se le casser. Les gémissements des palmipèdes ailés me fatiguaient. Comme je les détestais...
On l'avait volée, ma plage. On lui avait volé son âme. Les Sables étaient noirs, comme de la cendre nordique.
« Qu'y avait-il, dans les sables... Il est depuis longtemps trop tard, pour aller le vérifier... »
Mes chuchotements se perdirent dans le ciel gris. Depuis toujours, il m'avait assassiné. Non satisfait de m'avoir faite courir la jungle sous le crédit d'un autre, ce ciel impérieusement couvert en avait profité pour faire s'envoler toutes les connaissances que je désirais, avec assez d'hypocrisie pour ne jamais me le rappeler. La plage était lisse ! Lisse comme la mer sans replis. Plus la moindre trace de dénivelés. Pas même la possible identification de cette souche sur laquelle je dus m'appuyer autrefois. Rien d'après quoi me repérer. Le désert complet. Tout ce chemin pour Rien. Les caprices de la houle avaient étalé une mousse humide sur la grève sablonneuse, dont l'apparence délavée prouvait la quantité de substances qu'elle avait emporté dans l'océan. Il n'y avait plus rien. La poussière infectait mes blessures. Le sel environnant m'en faisait souffrir. Tel était le résultat définitif de cette odyssée de pénitence, dont je me serais mille fois passée.
Pourtant, Zohak m'avait promis ! Il m'avait dit que je trouverais mes réponses. C'était le seul argument qui eût pu me convaincre. Le seul pour lequel j'avais enduré tout cela. Pourquoi m'avoir menti ! L'âge avait du lui faire oublier les conséquences des inondations. Pire que de ne pas avoir la présence d'esprit de me révéler lui-même ce dont il était en mesure, il m'avait gratuitement jetée dans les supplices de la nature. Alors que je n'étais qu'une jeune adolescente ! Une fille, de plus. Mais je m'en voulais aussi : jamais je n'aurais du me fier à quelqu'un proche de la mort. J'ai bien retenu la leçon de ne jamais faire confiance à personne. Malgré cela, j'avais été bel et bien trompée. Dans tous les aspects possibles : où allais-je dormir, à présent ? où trouverais-je ma nourriture ? où serais-je en sécurité ? qui prendrait soin de moi ? comment rejoindrais-je mon Père ? comment apprendrais-je à contrôler les Sables du Temps, avant que ce ne soit le contraire ? que ferais-je de ma sexualité ? qui seraient mes serviteurs ? où serait construite ma forteresse ? de combien de crânes serait constituée mon armée ? comment serai-je Impératrice ?...
Toutes ces questions, même un séjour prolongé dans mon campement aurait fini par me les poser. Simplement, m'en voir si rapidement, si stupidement éloignée me bouleversait dans mes repères. Diable, j'avais passé huit ans à cet endroit ! De quel droit avait-on pu me convaincre de l'abandonner. Encore aurait-ce été utile... Mais cette décision se révélait en fait la plus ingrate que j'eusse jamais pu prendre. Somme toute, je n'avais fait que me rendre à l'autre bout de ma vie, devant un paysage encore plus mélancolique que moi. J'avais consommé des liens fondamentaux pour des souvenirs qui ne pourraient jamais faire que me hanter, pour le reste de mon éternité. Quelle déveine ! J'étais ivre de fureur. Je n'arrivais pas à accepter cela. Cette tragédie était en dehors de ce que je pouvais tolérer. Imaginez donc ce qu'elle aurait été, sans ce que je suis aujourd'hui ! De quoi me retourner tout entière !
Je hurlai face à la mer. Grandir pour Mourir. Il était hors de question que ma vie se résumât à cela. C'était un ordre. Sans me sentir au-dessus de toutes lois physiques - chose qui aurait été ridiculement prétentieuse - j'avais le caprice de m'offusquer de cette désobéissance, avec l'intense besoin de le faire sentir à qui ou quoi le pût. Maudits souhaitais-je les flots. Damnés voulais-je les cieux. Profanes considérais-je les forêts. Galeux espérais-je les oiseaux. Si j'avais pu, j'aurais fait de ce monde un gigantesque massacre, un immense carnage de volcans et de charbons meurtriers. Ma voix se déchira dans le vent naissant telle une furie anathème. Les arbres oscillèrent...
.~° C'est important de pouvoir s'identifier à une situation selon sa mentalité... °~.
... J'aurais écrasé l'univers entre mes deux points, pourfendu la terre de mes cornes enflammées. Mon expression se défigura dans la rage et l'exécration, le ventre plié sur mes jambes fléchies. J'aurais broyé mon propre soleil. Mes bras s'arquèrent en forme d'insectes géométriques. Une tempête de cauchemars insaisissables. Mon haleine expulsa une onde de force qui projeta les décors dans un désordre cataclysmique. Les troncs se levèrent en lévitation, virevoltant comme des toupies. Les maisons, puis les villes, puis les pays... Que tout brûlât par ma géhenne. Le sol trembla, fendillé par endroits. Ma plage était en train de s'effriter.
Car malheureuse étais-je...
Des rafales de vent filèrent en multiples directions incertaines, de part et d'autre du rivage. Leur puissance poussa les sables en volutes ardents vers le haut. Le plateau littoral vibra en bombant sa surface, comme pour la réanimer. Une bête se réveillait. Lentement, un relief se construisit. Les ouragans agitaient le paysage, comme s'il allait se détacher. Les vagues s'étaient reculés au large. La plage avait reconquit son terrain. Les souches de cocotiers se stabilisèrent debout. Le cyclone s'aggrava. Les sables tourbillonnaient comme un plafond chaotique, au dessus de ma tête possédée. L'air agité modela par terre des bandes creuses, des courbes, des arcs, des cercles.
Les Sables dessinèrent alors en eux la figure d'une ample spirale grise, dont la queue extérieure s'éloignait vers l'île pour se diviser en quatre branches, sur deux niveaux, semblables à des tiges fleuries, dont les pétales rondes fumaient comme des cheminées profondes...
L'odeur des algues émanait du sable humide de la lagune. Le sol était lissé par les marées fréquentes qui s'y étaient déroulées. L'Eau ne produisait aucun murmure depuis les petites vaguelettes blanchâtres qui s'étalaient sur le rivage. Quelques méduses s'étaient échouées, agglutinées les unes aux autres le long de lignes sinueuses, sur le sable fin. Vers le large, des mouettes s'en disputaient d'autres cousines, à moins que ce n'eût été le cadavre d'un gros poisson remonté à la surface. A deux pas du littoral, un large périmètre forestier avait été fauché par les intempéries, beaucoup plus forts que ce qu'il m'en était resté en mémoire. Les rondins de bois se comptaient par dizaines, allongés dans un ossuaire aléatoire, froid charnier des murailles détruites. La prolifération d'herbages, tout autour de ces ruines miteuses, rendait le sol plus dur. On ne grattait que trois fois de l'ongle, avant de se le casser. Les gémissements des palmipèdes ailés me fatiguaient. Comme je les détestais...
On l'avait volée, ma plage. On lui avait volé son âme. Les Sables étaient noirs, comme de la cendre nordique.
« Qu'y avait-il, dans les sables... Il est depuis longtemps trop tard, pour aller le vérifier... »
Mes chuchotements se perdirent dans le ciel gris. Depuis toujours, il m'avait assassiné. Non satisfait de m'avoir faite courir la jungle sous le crédit d'un autre, ce ciel impérieusement couvert en avait profité pour faire s'envoler toutes les connaissances que je désirais, avec assez d'hypocrisie pour ne jamais me le rappeler. La plage était lisse ! Lisse comme la mer sans replis. Plus la moindre trace de dénivelés. Pas même la possible identification de cette souche sur laquelle je dus m'appuyer autrefois. Rien d'après quoi me repérer. Le désert complet. Tout ce chemin pour Rien. Les caprices de la houle avaient étalé une mousse humide sur la grève sablonneuse, dont l'apparence délavée prouvait la quantité de substances qu'elle avait emporté dans l'océan. Il n'y avait plus rien. La poussière infectait mes blessures. Le sel environnant m'en faisait souffrir. Tel était le résultat définitif de cette odyssée de pénitence, dont je me serais mille fois passée.
Pourtant, Zohak m'avait promis ! Il m'avait dit que je trouverais mes réponses. C'était le seul argument qui eût pu me convaincre. Le seul pour lequel j'avais enduré tout cela. Pourquoi m'avoir menti ! L'âge avait du lui faire oublier les conséquences des inondations. Pire que de ne pas avoir la présence d'esprit de me révéler lui-même ce dont il était en mesure, il m'avait gratuitement jetée dans les supplices de la nature. Alors que je n'étais qu'une jeune adolescente ! Une fille, de plus. Mais je m'en voulais aussi : jamais je n'aurais du me fier à quelqu'un proche de la mort. J'ai bien retenu la leçon de ne jamais faire confiance à personne. Malgré cela, j'avais été bel et bien trompée. Dans tous les aspects possibles : où allais-je dormir, à présent ? où trouverais-je ma nourriture ? où serais-je en sécurité ? qui prendrait soin de moi ? comment rejoindrais-je mon Père ? comment apprendrais-je à contrôler les Sables du Temps, avant que ce ne soit le contraire ? que ferais-je de ma sexualité ? qui seraient mes serviteurs ? où serait construite ma forteresse ? de combien de crânes serait constituée mon armée ? comment serai-je Impératrice ?...
Toutes ces questions, même un séjour prolongé dans mon campement aurait fini par me les poser. Simplement, m'en voir si rapidement, si stupidement éloignée me bouleversait dans mes repères. Diable, j'avais passé huit ans à cet endroit ! De quel droit avait-on pu me convaincre de l'abandonner. Encore aurait-ce été utile... Mais cette décision se révélait en fait la plus ingrate que j'eusse jamais pu prendre. Somme toute, je n'avais fait que me rendre à l'autre bout de ma vie, devant un paysage encore plus mélancolique que moi. J'avais consommé des liens fondamentaux pour des souvenirs qui ne pourraient jamais faire que me hanter, pour le reste de mon éternité. Quelle déveine ! J'étais ivre de fureur. Je n'arrivais pas à accepter cela. Cette tragédie était en dehors de ce que je pouvais tolérer. Imaginez donc ce qu'elle aurait été, sans ce que je suis aujourd'hui ! De quoi me retourner tout entière !
Je hurlai face à la mer. Grandir pour Mourir. Il était hors de question que ma vie se résumât à cela. C'était un ordre. Sans me sentir au-dessus de toutes lois physiques - chose qui aurait été ridiculement prétentieuse - j'avais le caprice de m'offusquer de cette désobéissance, avec l'intense besoin de le faire sentir à qui ou quoi le pût. Maudits souhaitais-je les flots. Damnés voulais-je les cieux. Profanes considérais-je les forêts. Galeux espérais-je les oiseaux. Si j'avais pu, j'aurais fait de ce monde un gigantesque massacre, un immense carnage de volcans et de charbons meurtriers. Ma voix se déchira dans le vent naissant telle une furie anathème. Les arbres oscillèrent...
.~° C'est important de pouvoir s'identifier à une situation selon sa mentalité... °~.
... J'aurais écrasé l'univers entre mes deux points, pourfendu la terre de mes cornes enflammées. Mon expression se défigura dans la rage et l'exécration, le ventre plié sur mes jambes fléchies. J'aurais broyé mon propre soleil. Mes bras s'arquèrent en forme d'insectes géométriques. Une tempête de cauchemars insaisissables. Mon haleine expulsa une onde de force qui projeta les décors dans un désordre cataclysmique. Les troncs se levèrent en lévitation, virevoltant comme des toupies. Les maisons, puis les villes, puis les pays... Que tout brûlât par ma géhenne. Le sol trembla, fendillé par endroits. Ma plage était en train de s'effriter.
Car malheureuse étais-je...
Des rafales de vent filèrent en multiples directions incertaines, de part et d'autre du rivage. Leur puissance poussa les sables en volutes ardents vers le haut. Le plateau littoral vibra en bombant sa surface, comme pour la réanimer. Une bête se réveillait. Lentement, un relief se construisit. Les ouragans agitaient le paysage, comme s'il allait se détacher. Les vagues s'étaient reculés au large. La plage avait reconquit son terrain. Les souches de cocotiers se stabilisèrent debout. Le cyclone s'aggrava. Les sables tourbillonnaient comme un plafond chaotique, au dessus de ma tête possédée. L'air agité modela par terre des bandes creuses, des courbes, des arcs, des cercles.
Les Sables dessinèrent alors en eux la figure d'une ample spirale grise, dont la queue extérieure s'éloignait vers l'île pour se diviser en quatre branches, sur deux niveaux, semblables à des tiges fleuries, dont les pétales rondes fumaient comme des cheminées profondes...
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