Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique , Horreur
Status : Terminée
Note :
Chapitre 37
Le Prix à Payer (troisième suite)
Publié le 31/10/10 à 17:47:02 par SyndroMantic
Jehak se réjouissait, d'avoir enfin atteint le stade de passer à l'acte. Il avait fini par poser son cadre. Tous les zervanistes étaient réunis. Maintenant qu'il avait terminé sa petite instruction des pensées qui le motivaient, il pouvait sans plus attendre mener à bien son projet. Contrairement à ce que beaucoup croyaient alors, il l'avait longtemps réfléchi. Le sacrificateur s'était juste montré impatient, lorsqu'il me vit toucher à sa vie privée. Cette faute lui donnait l'impression d'avoir accès à la mienne. Ce que j'avais déjà de plus personnel. Il recula vers moi et, le poignard dans une main, écarta les lambeaux de tissus qui pendaient sur mes cuisses, puis baissa ma culotte jusqu'aux chevilles, dévoilant mon vagin encore sali de ma panique. L'odieux fut amusé de le découvrir. Cela ne pourrait que davantage incommoder sa cible, pensait-il. Il se retourna vers l'assemblée, une expression à cheval entre la satisfaction et la haine.
- Zohak ?... appela-t-il.
Cela ne faisait plus de doutes. On avait déjà accusé Zohak de telles tentations. Des organes sexuels, il en avait vus défiler des tas. Il devait probablement en rêver, la nuit. Cela faisait partie de sa vie. Le mystère de Reihak avait appuyé la possibilité que ses attentions à l'égard des enfants fussent plus ignominieuses que ce qu'on aurait pu voir. Certains s'en méfiaient, d'autres n'y prêtaient gare. Mais personne ne souhaitait vérifier comme Jehak si ces rumeurs étaient vraies. Surtout pas moi.
- Jehak ! Arrête toi ! Ne fais pas ça ! protesta Arhak, affolé.
Zohak avait les yeux grands ouverts. Il s'était tendu soudain, rigide comme un cobra levé. Lui et Jehak s'échangèrent des regards. On aurait dit que mon compagnon le fixait pour m'éviter des yeux. Le scélérat, lui, surveillait le moindre de ses changements faciaux.
- Approche... l'invita-t-il, sans le quitter de vue.
- Mais merde ! Elle n'y est pour rien, Jehak !
Celui-ci n'adressa aucune réaction à son ancien camarade, toujours tourné vers Zohak. Ce dernier paraissait avoir les pieds encrés sur sa position. Ses seuls mouvements étaient des tremblements de ses mains. Son coeur s'accélérait. Jehak savait qu'il était impuissant, qu'il ne pourrait résister au désir qui l'animait. Le même désir secret et macabre qui l'avait poussé à cacher une fille sur le mont Damãvand. Quoiqu'il pût lui dire, Zohak n'avait qu'une chose en tête.
- Viens... ! Viens donc la délivrer... souffla Jehak.
Les prêtres restèrent sans voix. Toute cette attente pour en arriver là ? Cela faisait quatorze minutes que j'étais ligotée de la sorte. J'avais depuis senti que ce serait à Zohak qu'il reviendrait de me secourir, comme il l'avait toujours fait. Mais que cette intention vînt d'abord de Jehak, je ne m'y attendais pas du tout. Mon coeur bondit, à l'idée que mon protecteur vînt me sauver. Mais ce ne pouvait pas être aussi facile. Je le savais bien. Il se serait sûrement précipité vers moi, s'il avait seulement eu confiance en la bonne foi de Jehak. La bonne foi d'un orgueilleux ? Il y avait forcément un piège. Et s'il ne l'attirait vers moi dans le seul but de l'assassiner ? me demandai-je intérieurement. Zohak hésita à faire un pas.
- Ce n'est pas compliqué : j'ai fait un noeud simple, assura Jehak.
- Zohak... murmurai-je pour lui redonner de la vigueur.
Le tortionnaire était dos à moi et je ne pouvais voir son expression. L'intonation de sa voix,
cependant, ne semblait pas mentir. La fureur qui s'était emparé de lui un peu avant ne
pouvait lui permettre d'aussi habiles mensonges. Et s'il disait la vérité ? A cet instant je compris que la question de ma délivrance était plus complexe qu'à première vue. Je ne voyais pas en quoi, mais c'était manifestement ce qui retenait Zohak de suivre mon avis. Il resta finalement sans bouger.
- Allez ! Qu'est-ce que tu as ? interrogea Jehak, quoi qu'il sût pertinent de quoi il
s'agissait.
Quand il le comprit, Zohak se mit à rougir en quelques secondes. Ce n'était pas de colère, cette fois. J'aurais pu croire à sa gêne que c'était de la honte, comme il m'était arrivé de l'éprouver. Mais son visage boursouflée n'y correspondait pas. Il semblait dans le même état que celui d'où je l'avais tiré, dans la faille de l'île, accroché à la racine. Sa respiration était si forte que je la percevais même d'où j'étais, malgré l'éloignement qu'avait imposé Jehak.
- Tu n'en as pas envie ? continua-t-il.
- S... Si...
Pourtant, Zohak ne daignait s'approcher. Son expression était torturée par la peur. Il luttait apparemment entre deux volontés distinctes. L'une ne songeait qu'à m'aider, le poussant dans des élans qu'il ne se sentait pas d'achever, à cause de la seconde de rester lui-même en sécurité, plutôt que de risquer sa vie en écoutant son pire ennemi. Ses gestes étaient laborieux. Il avait du mal à respirer. Il donnait l'impression de ne pas se contrôler, comme si Zervan lui avait accroché des fils aux épaules. Je le sentais décontenancé.
- Mais vas-y, Zohak ! Qu'est-ce que tu attends ?! s'impatienta Arhak.
Jehak sentit qu'il était à point. Sa thèse trouvait déjà un argument dans le refus de Zohak à vouloir venir m'aider. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à enfoncer le clou par un exemple concret. Son regard s'assombrit d'une lueur machiavélique.
- Souviens toi, Zohak... C'est sûrement la seule et unique fois que je la ligoterai ainsi. On ne sait pas quand ses pouvoirs apparaîtront. Tu n'auras sûrement pas d'autres occasions de... Toi ! Ne bouge pas ! somma-t-il en menaçant Arhak de sa dague, alors que ce dernier tentait de s'approcher de lui pour l'arrêter.
Le téméraire recula immédiatement. Jehak balaya une fois de plus l'assemblée qui l'entourait, avant d'en revenir à Zohak.
- C?est avec lui, que je veux avoir affaire... lança-t-il. Et toi, Zohak, n'as-tu pas envie d'avoir affaire à quelqu'un en particulier ?
Il ne répondit pas.
- J'aimerais beaucoup savoir à quelle "affaire" tu penses...
Sa bouche se crispa dans une grimace plaintive. Il lui était trop difficile de lutter. Tous ses confrères désiraient eux-mêmes qu'il exécutât l'ordre de Jehak. Mais à travers cet ordre de me libérer, c'était la volonté du prêtre accoucheur, que le tortionnaire avait calculée. Zohak ne savait plus quoi penser. Une faiblesse le fit marcher d'un pas, puis il se retint juste après du second.
- Imagine que ça te permette de vivre éternellement ! essaya de le convaincre Jehak.
- Ne l'écoute pas ! ordonna Gulhak. Va la libérer !
Le zervaniste tremblait de tout son long. Ses yeux étaient brillants. Nîbhak relâcha ses grands bras, démotivé. A croire que ce calvaire ne pouvait finir...
- Zohak... S'il te plaît, vas la libérer... appuya-t-il d'une voix lasse. Qu'on aille dormir en paix, ce soir... Il y en a assez...
- Ha ! Ha ! Tu vois ? railla Jehak dans un amusement psychotique. Tout ce qu'ils veulent, c'est aller se coucher ! Tout le monde s'en fout, de cette gamine !
- Tu te trompes ! contredit Gulhak.
- Regarde les... Tout le monde sait, que c'est une fille ! Tout le monde sait, qu'elle est perdue ! Tu as juste ton pied à prendre !
- Mon... Mon quoi... ? bégaya Zohak, en frémissant.
- Il raconte n'importe quoi... !
Une larme coula sur la joue de mon sauveur. Je ne comprenais vraiment rien. Je ne savais plus de quelle tristesse il souffrait. Pour la première fois, je supposai qu'il puisse s'agir d'une toute autre que celle de me voir maltraitée. Quelque chose... de plus personnel.
- Zohak ! gronda Arhak.
Il eut un sursaut. Jehak contempla avec délectation la scène. Pour une fois, il n'était pas le seul houspiller le médecin, au moins. Nîbhak comprit alors comme tous qu'ils ne devaient pas attendre la solution de sa part. Ainsi, il prit quelques secondes pour se décider, avala une grande bouffée d'air, et se dirigea droit sur le zervaniste armé. Jehak fut ahuri de le voir défier son danger. Il l'agressa distraitement de sa dague. Le prêtre para l'attaque de son avant bras. Il pivota ensuite en attrapant son poignet, et passa son autre membre par derrière pour venir prendre la lame.
- Donne moi ça !
Il fit fléchir son coude et le tordit vers l'intérieur. Le sacrificateur lâcha son arme. Nîbhak y donna un coup de pied pour l'écarter, puis fit valdinguer son adversaire d'un geste de l'épaule. Arhak s'empara vite du poignard tandis que Jehak chutait contre le sol avec une expression hargneuse. La douleur inondait son visage.
- Bâta... Argh ! pesta-t-il, à terre.
Nîbhak venait de lui tordre l'articulation avec plus d'insistance. Sa victime n'en dit pas plus. Après un temps de maintien, il relâcha son étreinte et le releva en le poussant énergiquement à l'écart.
- Casse toi...
Jehak était humilié. Il avait raté son coup. Sans son autorité, Zohak n'oserait jamais agir à découvert. Il n'avait plus d'autre choix maintenant que de fuir en silence. Lui et ses camarades seraient sûrement en froid pour une bonne partie du voyage. Mais ça ne compromettait pas sa vengeance finale. Son radicalisme ne leur avait pas plu, mais ils partageaient son point de vue, sur la faute de Zohak. Tout le monde était de cet avis. Il n'était pas plus dérangé qu'eux, après tout...
Arhak utilisa le couteau pour rompre mes liens. Des traits rouges marquaient l'emprunte de cordages. Je massai mes poignets pour refaire circuler le sang, et, les joues humides, m'étirai fort pour me souvenir que cette épreuve était bien terminée.
- Arhak, pourquoi suis-je ici ? demandai-je enfin. Comment ai-je pu arrivée ici ? Ce n'est pas normal... C'est...
- Détends toi, mon enfant... Tout ça est fini... Tu n'as plus rien à craindre... On prendra soin de toi... Tout doux...
Il n'avait rien compris à ma question.
Plus loin, Gulhak surveillait le fautif et sa distance par rapport à Zohak. Il m'avait suffisamment martyrisée pour s'en prendre encore à quelqu'un d'autre. La seule chose qu'il avait à proximité était les bords de la coque. Derrière lui, la mer oscillait avec puissance. Son expression, face au centre du pont, était éclairée par les quelques lanternes allumées qui s'y trouvaient. Sa neutralisation n'avait pas ôté les idées noires de son esprit. Tout cela n'était que partie remise, pouvait-on penser. Il ne semblait pas parti pour lâcher Zohak si facilement. Et moi y compris, étant tous deux liés par l'affection. Il se tourna vers mon ami. Chacun l'observait avec prudence. Arhak mit en garde la dague zervaniste, lorsqu'il le vit mettre la main dans une poche de sa toge froissée. Il en ressortit la lettre à Reihak, qui intrigua évidemment tous ceux qui ne l'avait lus. Autrement dit, tous sauf moi.
Je m'attendais à ce qu'il la leur lise, pour se justifier, probablement, ou par simple manque d'attention. Mais à l'inverse, il la déchira en nombreux morceaux dans une sorte de rite gestuel, le tout avec bien sûr un sourire perturbé. Les autres ne comprenaient rien à ses agissements. Bien évidemment, tous se demandaient de quoi traitait cette lettre. Il en envoya les restes au large, par dessus la rambarde, dans l'onde tourmentée, comme réjouis de condamner leur ignorance. Puisqu'ils le contredisaient, il se passerait bien de leur compassion, parut-il songer. Il n'en avait sûrement pas besoin pour mener à bien son projet final. Son honneur lui serait personnelle. Ce n'était pas un problème. Sa victoire n'en serait que plus digne. Il défia Zohak du regard et prédit :
- C'est entre toi et moi, que ça va se passer, maintenant...
Un nouveau silence étreignit le cercle des zervanistes. Je foudroyai le sacrificateur des yeux, mais cela n'eut pour tout résultat que de l'amuser un peu plus. Il m'adressa un sourire sournois et s'en alla vers sa chambre, fier de l'angoisse qu'il avait insufflée dans nos coeurs. Gulhak le vit s'apprêter à le croiser, sans prendre gare à lui. Trop confiant, décidément. A sa hauteur, il ne lui laissa pas le temps d'appréhender le virulent coup de poing qu'il enfonça dans sa joue contractée. Jehak s'étala apathiquement, à la suite du craquement qui ébranla sa mâchoire. Il ne se releva pas, inerte.
- Cela faisait un moment, qu'il avait besoin d'être recadré... » marmonna Gulhak.
J'hésitais à croire en le châtiment prochain de Jehak, ou à le mépriser comme le fanfaron qu'il s'était révélé être. J'étais trop faible pour m'en protéger, mais j'avais visiblement encore d'autres piliers sous lesquels m'abriter. Et il ne faisait pas le poids. Trop de nervosité, c'était l'effondrement au moindre choc. Des marins tirèrent sa carcasse dans les cales du navire.
- Zohak ?... appela-t-il.
Cela ne faisait plus de doutes. On avait déjà accusé Zohak de telles tentations. Des organes sexuels, il en avait vus défiler des tas. Il devait probablement en rêver, la nuit. Cela faisait partie de sa vie. Le mystère de Reihak avait appuyé la possibilité que ses attentions à l'égard des enfants fussent plus ignominieuses que ce qu'on aurait pu voir. Certains s'en méfiaient, d'autres n'y prêtaient gare. Mais personne ne souhaitait vérifier comme Jehak si ces rumeurs étaient vraies. Surtout pas moi.
- Jehak ! Arrête toi ! Ne fais pas ça ! protesta Arhak, affolé.
Zohak avait les yeux grands ouverts. Il s'était tendu soudain, rigide comme un cobra levé. Lui et Jehak s'échangèrent des regards. On aurait dit que mon compagnon le fixait pour m'éviter des yeux. Le scélérat, lui, surveillait le moindre de ses changements faciaux.
- Approche... l'invita-t-il, sans le quitter de vue.
- Mais merde ! Elle n'y est pour rien, Jehak !
Celui-ci n'adressa aucune réaction à son ancien camarade, toujours tourné vers Zohak. Ce dernier paraissait avoir les pieds encrés sur sa position. Ses seuls mouvements étaient des tremblements de ses mains. Son coeur s'accélérait. Jehak savait qu'il était impuissant, qu'il ne pourrait résister au désir qui l'animait. Le même désir secret et macabre qui l'avait poussé à cacher une fille sur le mont Damãvand. Quoiqu'il pût lui dire, Zohak n'avait qu'une chose en tête.
- Viens... ! Viens donc la délivrer... souffla Jehak.
Les prêtres restèrent sans voix. Toute cette attente pour en arriver là ? Cela faisait quatorze minutes que j'étais ligotée de la sorte. J'avais depuis senti que ce serait à Zohak qu'il reviendrait de me secourir, comme il l'avait toujours fait. Mais que cette intention vînt d'abord de Jehak, je ne m'y attendais pas du tout. Mon coeur bondit, à l'idée que mon protecteur vînt me sauver. Mais ce ne pouvait pas être aussi facile. Je le savais bien. Il se serait sûrement précipité vers moi, s'il avait seulement eu confiance en la bonne foi de Jehak. La bonne foi d'un orgueilleux ? Il y avait forcément un piège. Et s'il ne l'attirait vers moi dans le seul but de l'assassiner ? me demandai-je intérieurement. Zohak hésita à faire un pas.
- Ce n'est pas compliqué : j'ai fait un noeud simple, assura Jehak.
- Zohak... murmurai-je pour lui redonner de la vigueur.
Le tortionnaire était dos à moi et je ne pouvais voir son expression. L'intonation de sa voix,
cependant, ne semblait pas mentir. La fureur qui s'était emparé de lui un peu avant ne
pouvait lui permettre d'aussi habiles mensonges. Et s'il disait la vérité ? A cet instant je compris que la question de ma délivrance était plus complexe qu'à première vue. Je ne voyais pas en quoi, mais c'était manifestement ce qui retenait Zohak de suivre mon avis. Il resta finalement sans bouger.
- Allez ! Qu'est-ce que tu as ? interrogea Jehak, quoi qu'il sût pertinent de quoi il
s'agissait.
Quand il le comprit, Zohak se mit à rougir en quelques secondes. Ce n'était pas de colère, cette fois. J'aurais pu croire à sa gêne que c'était de la honte, comme il m'était arrivé de l'éprouver. Mais son visage boursouflée n'y correspondait pas. Il semblait dans le même état que celui d'où je l'avais tiré, dans la faille de l'île, accroché à la racine. Sa respiration était si forte que je la percevais même d'où j'étais, malgré l'éloignement qu'avait imposé Jehak.
- Tu n'en as pas envie ? continua-t-il.
- S... Si...
Pourtant, Zohak ne daignait s'approcher. Son expression était torturée par la peur. Il luttait apparemment entre deux volontés distinctes. L'une ne songeait qu'à m'aider, le poussant dans des élans qu'il ne se sentait pas d'achever, à cause de la seconde de rester lui-même en sécurité, plutôt que de risquer sa vie en écoutant son pire ennemi. Ses gestes étaient laborieux. Il avait du mal à respirer. Il donnait l'impression de ne pas se contrôler, comme si Zervan lui avait accroché des fils aux épaules. Je le sentais décontenancé.
- Mais vas-y, Zohak ! Qu'est-ce que tu attends ?! s'impatienta Arhak.
Jehak sentit qu'il était à point. Sa thèse trouvait déjà un argument dans le refus de Zohak à vouloir venir m'aider. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à enfoncer le clou par un exemple concret. Son regard s'assombrit d'une lueur machiavélique.
- Souviens toi, Zohak... C'est sûrement la seule et unique fois que je la ligoterai ainsi. On ne sait pas quand ses pouvoirs apparaîtront. Tu n'auras sûrement pas d'autres occasions de... Toi ! Ne bouge pas ! somma-t-il en menaçant Arhak de sa dague, alors que ce dernier tentait de s'approcher de lui pour l'arrêter.
Le téméraire recula immédiatement. Jehak balaya une fois de plus l'assemblée qui l'entourait, avant d'en revenir à Zohak.
- C?est avec lui, que je veux avoir affaire... lança-t-il. Et toi, Zohak, n'as-tu pas envie d'avoir affaire à quelqu'un en particulier ?
Il ne répondit pas.
- J'aimerais beaucoup savoir à quelle "affaire" tu penses...
Sa bouche se crispa dans une grimace plaintive. Il lui était trop difficile de lutter. Tous ses confrères désiraient eux-mêmes qu'il exécutât l'ordre de Jehak. Mais à travers cet ordre de me libérer, c'était la volonté du prêtre accoucheur, que le tortionnaire avait calculée. Zohak ne savait plus quoi penser. Une faiblesse le fit marcher d'un pas, puis il se retint juste après du second.
- Imagine que ça te permette de vivre éternellement ! essaya de le convaincre Jehak.
- Ne l'écoute pas ! ordonna Gulhak. Va la libérer !
Le zervaniste tremblait de tout son long. Ses yeux étaient brillants. Nîbhak relâcha ses grands bras, démotivé. A croire que ce calvaire ne pouvait finir...
- Zohak... S'il te plaît, vas la libérer... appuya-t-il d'une voix lasse. Qu'on aille dormir en paix, ce soir... Il y en a assez...
- Ha ! Ha ! Tu vois ? railla Jehak dans un amusement psychotique. Tout ce qu'ils veulent, c'est aller se coucher ! Tout le monde s'en fout, de cette gamine !
- Tu te trompes ! contredit Gulhak.
- Regarde les... Tout le monde sait, que c'est une fille ! Tout le monde sait, qu'elle est perdue ! Tu as juste ton pied à prendre !
- Mon... Mon quoi... ? bégaya Zohak, en frémissant.
- Il raconte n'importe quoi... !
Une larme coula sur la joue de mon sauveur. Je ne comprenais vraiment rien. Je ne savais plus de quelle tristesse il souffrait. Pour la première fois, je supposai qu'il puisse s'agir d'une toute autre que celle de me voir maltraitée. Quelque chose... de plus personnel.
- Zohak ! gronda Arhak.
Il eut un sursaut. Jehak contempla avec délectation la scène. Pour une fois, il n'était pas le seul houspiller le médecin, au moins. Nîbhak comprit alors comme tous qu'ils ne devaient pas attendre la solution de sa part. Ainsi, il prit quelques secondes pour se décider, avala une grande bouffée d'air, et se dirigea droit sur le zervaniste armé. Jehak fut ahuri de le voir défier son danger. Il l'agressa distraitement de sa dague. Le prêtre para l'attaque de son avant bras. Il pivota ensuite en attrapant son poignet, et passa son autre membre par derrière pour venir prendre la lame.
- Donne moi ça !
Il fit fléchir son coude et le tordit vers l'intérieur. Le sacrificateur lâcha son arme. Nîbhak y donna un coup de pied pour l'écarter, puis fit valdinguer son adversaire d'un geste de l'épaule. Arhak s'empara vite du poignard tandis que Jehak chutait contre le sol avec une expression hargneuse. La douleur inondait son visage.
- Bâta... Argh ! pesta-t-il, à terre.
Nîbhak venait de lui tordre l'articulation avec plus d'insistance. Sa victime n'en dit pas plus. Après un temps de maintien, il relâcha son étreinte et le releva en le poussant énergiquement à l'écart.
- Casse toi...
Jehak était humilié. Il avait raté son coup. Sans son autorité, Zohak n'oserait jamais agir à découvert. Il n'avait plus d'autre choix maintenant que de fuir en silence. Lui et ses camarades seraient sûrement en froid pour une bonne partie du voyage. Mais ça ne compromettait pas sa vengeance finale. Son radicalisme ne leur avait pas plu, mais ils partageaient son point de vue, sur la faute de Zohak. Tout le monde était de cet avis. Il n'était pas plus dérangé qu'eux, après tout...
Arhak utilisa le couteau pour rompre mes liens. Des traits rouges marquaient l'emprunte de cordages. Je massai mes poignets pour refaire circuler le sang, et, les joues humides, m'étirai fort pour me souvenir que cette épreuve était bien terminée.
- Arhak, pourquoi suis-je ici ? demandai-je enfin. Comment ai-je pu arrivée ici ? Ce n'est pas normal... C'est...
- Détends toi, mon enfant... Tout ça est fini... Tu n'as plus rien à craindre... On prendra soin de toi... Tout doux...
Il n'avait rien compris à ma question.
Plus loin, Gulhak surveillait le fautif et sa distance par rapport à Zohak. Il m'avait suffisamment martyrisée pour s'en prendre encore à quelqu'un d'autre. La seule chose qu'il avait à proximité était les bords de la coque. Derrière lui, la mer oscillait avec puissance. Son expression, face au centre du pont, était éclairée par les quelques lanternes allumées qui s'y trouvaient. Sa neutralisation n'avait pas ôté les idées noires de son esprit. Tout cela n'était que partie remise, pouvait-on penser. Il ne semblait pas parti pour lâcher Zohak si facilement. Et moi y compris, étant tous deux liés par l'affection. Il se tourna vers mon ami. Chacun l'observait avec prudence. Arhak mit en garde la dague zervaniste, lorsqu'il le vit mettre la main dans une poche de sa toge froissée. Il en ressortit la lettre à Reihak, qui intrigua évidemment tous ceux qui ne l'avait lus. Autrement dit, tous sauf moi.
Je m'attendais à ce qu'il la leur lise, pour se justifier, probablement, ou par simple manque d'attention. Mais à l'inverse, il la déchira en nombreux morceaux dans une sorte de rite gestuel, le tout avec bien sûr un sourire perturbé. Les autres ne comprenaient rien à ses agissements. Bien évidemment, tous se demandaient de quoi traitait cette lettre. Il en envoya les restes au large, par dessus la rambarde, dans l'onde tourmentée, comme réjouis de condamner leur ignorance. Puisqu'ils le contredisaient, il se passerait bien de leur compassion, parut-il songer. Il n'en avait sûrement pas besoin pour mener à bien son projet final. Son honneur lui serait personnelle. Ce n'était pas un problème. Sa victoire n'en serait que plus digne. Il défia Zohak du regard et prédit :
- C'est entre toi et moi, que ça va se passer, maintenant...
Un nouveau silence étreignit le cercle des zervanistes. Je foudroyai le sacrificateur des yeux, mais cela n'eut pour tout résultat que de l'amuser un peu plus. Il m'adressa un sourire sournois et s'en alla vers sa chambre, fier de l'angoisse qu'il avait insufflée dans nos coeurs. Gulhak le vit s'apprêter à le croiser, sans prendre gare à lui. Trop confiant, décidément. A sa hauteur, il ne lui laissa pas le temps d'appréhender le virulent coup de poing qu'il enfonça dans sa joue contractée. Jehak s'étala apathiquement, à la suite du craquement qui ébranla sa mâchoire. Il ne se releva pas, inerte.
- Cela faisait un moment, qu'il avait besoin d'être recadré... » marmonna Gulhak.
J'hésitais à croire en le châtiment prochain de Jehak, ou à le mépriser comme le fanfaron qu'il s'était révélé être. J'étais trop faible pour m'en protéger, mais j'avais visiblement encore d'autres piliers sous lesquels m'abriter. Et il ne faisait pas le poids. Trop de nervosité, c'était l'effondrement au moindre choc. Des marins tirèrent sa carcasse dans les cales du navire.
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